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Citations de Aharon Appelfeld (433)


Pendant la guerre ce n’étaient pas les mots qui parlaient, mais le visage et les mains. Du visage vous appreniez dans quelle mesure l’homme à qui vous aviez affaire voulait vous aider ou vous agresser. Les mots n’aidaient en rien à la compréhension. Les sens apportaient la bonne information. La faim nous ramène à l’instinct, à la parole d’avant la parole.
(...)
La méchanceté comme la générosité se passent de mots. La méchanceté, car elle aime la dissimulation, l’ombre ; et la générosité parce qu’elle n’aime pas mettre ses actes en valeur. La guerre est pleine de souffrances, de chagrin profond, de désespoir, de sensations pénibles qui exigent paradoxalement une traduction langagière claire, mais que faire si plus la souffrance est grande et le désespoir profond, plus les mots deviennent superflus ?
Ce n’est qu’après la guerre que les mots refirent surface.
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Le destin des abstractions est de s'accrocher à vous un instant puis de disparaitre. Seuls les mots qui sont des images demeurent. Le reste est un brin de paille.
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Pendant la guerre j'élevai la méfiance au rang d'un art. Avant de m'approcher d'une maison, d'une étable ou d'un tas de paille, je me baissais et j'écoutais, parfois des heures.(...) j'ai appris entre autres à écouter les oiseaux. Ce sont de merveilleux augures, pour signaler non seulement les pluies qui approchent mais aussi les gens mauvais et les prédateurs.
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J'avais 7 ans lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale. L'ordre temporel s'en trouva bouleversé, il n'y eut plus d'été, ni d'hiver, plus de longs séjours chez les grands-parents à la campagne. Notre vie fut comprimée dans une chambre étroite. Nous restâmes un temps dans le ghetto et à la fin de l'automne nous fûmes déportés. (...) Après la guerre, j'ai passé plusieurs mois sur les côtes italienne et yougoslave. Ces mois furent ceux d'un merveilleux oubli.(...) Sur les plages erraient des êtres que la guerre avait façonnés : musiciens, prestidigitateurs, chanteurs d'opéra, acteurs, sombres prédicateurs, trafiquants et voleurs (...) Lorsque nous arrivâmes en Israël, l'oubli était solidement ancré en nos âmes. (...) Pendant de longues années je fus plongé dans un sommeil amnésique. Ma vie s'écoulait en surface. Je m'étais habitué aux caves enfouies et humides. Cependant, je redoutais toujours l'éruption. Il me semblait, non sans raison, que les forces ténébreuses qui grouillaient en moi s'accroissaient et qu'un jour, lorsque la place leur manquerait, elles jailliraient. (...) Ce livre n'est pas un résumé, mais plutôt une tentative, un effort désespéré pour relier les différentes strates de ma vie à leur racine.Que le lecteur ne cherche pas dans ces pages une autobiographie structurée et précise. Ce sont différents lieux de vie qui se sont enchaînés les uns aux autres dans la mémoire, et convulsent encore.
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J’ai déjà signalé que les gens de ma génération, en particulier ceux qui étaient enfants pendant la guerre, ont développé un rapport méfiant aux humains. Moi aussi, pendant la guerre, j’ai préféré la compagnie des objets et des animaux. Les humains sont imprévisibles. Un homme qui au premier regard a l’air posé et calme peut se révéler être un sauvage, voire un meurtrier.
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Puis le commandant lui lança : "Que tes bien-aimés soient toujours avec toi. Marche tout droit, franchis le pont, et tu arriveras chez toi avec la dernière obscurité de la nuit."
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- Pourquoi une fosse ? demanda le père encore ensanglanté .
- Les Juifs posent toujours des questions. Ils ne se contentent jamais de ce qu'on leur dit", répliqua Ilitch en retournant vers les fourrés.
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La Seconde Guerre mondiale dura six années. Parfois il me semble que ce ne fut qu'une longue nuit dont je me suis réveillé différent. Parfois il me semble que ce n'est pas moi qui ai connu la guerre mais un autre, quelqu'un de très proche, destiné à me raconter précisément ce qui s'est passé, car je ne me souviens pas de ce qui est arrivé, ni comment.
Je dis : "je ne me souviens pas", et c'est la stricte vérité. Ce qui s'est gravé en moi ces années-là, ce sont principalement des sensations physiques très fortes. Le besoin de manger du pain. Aujourd'hui encore je me réveille la nuit, affamé. Des rêves de faim et de soif se répètent chaque semaine. Je mange comme seuls mangent ceux qui ont eu faim un jour, avec un appétit étrange.
Durant la guerre, je suis allé dans des centaines de lieux, de gares, de villages perdus, près de cours d'eau. Chaque lieu avait un nom. Je n'en ai aucun souvenir, ne serait-ce qu'un. Les années de guerre m'apparaissent tantôt comme un large pâturage qui se fond avec le ciel, tantôt comme une forêt sombre qui s'enfonce indéfiniment dans son obscurité, parfois comme une colonne de gens chargés de ballots, dont quelques-uns tombent régulièrement et sont piétinés.
Tout ce qui s'est passé est inscrit dans les cellules du corps et non dans la mémoire, pourtant prédestinée à cela. De longues années après la guerre, je ne marchais ni au milieu du trottoir ni au milieu de la route mais je rasais les murs, toujours dans l'ombre et toujours d'un pas rapide, comme si je fuyais. Je ne suis pas enclin à pleurer en général, mais des séparations insignifiantes me font sangloter violemment.
J'ai dit : "Je ne me souviens pas", et pourtant je me souviens de milliers de détails. Il suffit parfois de l'odeur d'un plat, de l'humidité des chaussures ou d'un bruit soudain pour me ramener au plus profond de la guerre, et il me semble alors qu'elle n'a pas pris fin, qu'elle s'est poursuivie à mon insu, et à présent que l'on m'a réveillé, je sais que depuis qu'elle a commencé elle n'a pas connu d'interruption

p.100
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Une fois il dit à maman : "Cette séparation entre les vivants et les morts est une séparation fictive. Le passage est plus simple que nous ne l'imaginons. C'est juste un changement de lieu, et le gravissement d'un degré.".

p.41
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La seconde guerre mondiale dura six années. Parfois il me semble que ce ne fut qu'une longue nuit dont je me suis réveillé différent. Parfois il me semble que ce n'est pas moi qui ai connu la guerre mais un autre, quelqu'un de très proche, destiné à me raconter précisément ce qui s'était passé, car je ne me souviens pas de ce qui est arrivé, ni comment. (...)
Tout ce qui s'est passé s'est inscrit dans les cellules du corps et non dans la mémoire. (...)
J'ai dit : "Je ne me souviens pas, et pourtant je me souviens de milliers de détails. Il suffit parfois de l'odeur d'un plat, de l'humidité des chaussures ou d'un bruit soudain pour me ramener au plus profond de la guerre, et il me semble alors qu'elle n'a pas pris fin, qu'elle s'est poursuivie à mon insu, et à présent que l'on m'a réveillé, je sais que depuis qu'elle a commencé elle n'a pas connu d'interruption.
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Il ne faut pas l'oublier : les rescapés n'étaient pas les seuls à vouloir refouler les épreuves endurées. Le monde extérieur aussi exigeait d'eux qu'ils se renient et renient les souvenirs qu'ils avaient emportés. Dans les années quarante et cinquante, les valeurs religieuses et les bonnes manières européennes étaient considérées comme contradictoires avec la vie en Israël. Le Juif pieux et le Juif assimilé étaient considérés comme des modèles négatifs.
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Theo resta assis un long moment près Madeleine, silencieux, et Madeleine, dans son lit se taisait aussi, comme si un accord tacite avait été scellé entre eux : moins ils parleraient, mieux ils se sentiraient.
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... les paysans étaient rentrés chez eux en bavardant... Tous avaient accepté la mort prochaine des voisins juifs comme un décret funeste et compréhensible...
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Les images sont très nettement figées en moi. Parfois il me semble que la marche qui a duré deux mois dure depuis cinquante ans, et que le me traîne encore là-bas.
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Les rumeurs sur la guerre bruissaient dans le moindre recoin. On aurait cru que les gens étaient dans une cage dont ils essayaient d'écarter les barreaux. Le fleuve coulait, prêt à accueillir encore de nombreuses personnes sachant nager ou ramer, mais les gens couraient dans tous les sens.
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Je ne prétends pas apporter un message, être un chroniqueur de la guerre ou une personne omnisciente. Je me relie aux lieux où j'ai vécu et j'écris sur eux. Je n'ai pas l'impression d'écrire sur le passé. Le passé en lui-même est un très mauvais matériau pour la littérature. La littérature est un présent brûlant, non au sens journalistique, mais comme une aspiration à transcender le temps en une présence éternelle.
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"Tu as raison, plus on a des biens, plus on a d'ennuis, c'est ainsi qu'on disait à une époque, non? Nous sommes un peu esclaves de ces biens que nous avons emportés."
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Dans les Kibboutzim et les camps de jeunesse, la langue était imposée de force. Celui qui parlait sa langue maternelle était blâmé, mis à l’écart, et parfois puni.
La première année, nous travaillâmes dans les champs et apprîmes l’hébreux, la Bible et des poèmes de Bialik* (poète national d’Israël, essayiste, journaliste ayant vécu à Odessa avant d’émigrer en Palestine en 1921.). Les images de la maison et les sons de la langue qu’on y parlait disparaissaient. La nouvelle langue ne prenait pas racine facilement.
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L'absence de mots est-il toujours un inconvénient ? Durant mes premières années d'écriture, la carence de mots justes m'oppressait jusqu'à me couper le souffle. Avec le temps, j'ai appris que cette détresse, comme le bégaiement, les phrases rugueuses, bref, les tares qui définissent une écriture affligeante, sont quelquefois des qualités. Il arrive que des phrases longues et merveilleusement cristallines dissimulent un vide. Une abondance de mots bien ordonnés peut ne receler qu'un dégoulinement de superflu.
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(Entretien avec le poète Ouri Zvi Grinberg, en 1962 probablement)

Le grand Tolstoï avait compris à la fin de sa vie que l’art européen avait fait faillite mais il n’avait nulle part où aller. Il possédait un évangile desséché. Cette maigre pitance le nourrit pour le restant de ses jours mais nous, nous possédions les trésors de la Torah : deux Talmud, des commentaires, Maïmonide et le Zohar. Quelle autre nation du monde avait en sa possession un tel trésor ?
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