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Critiques de Alain Badiou (104)
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Éloge des mathématiques

Dès qu’il fît paraître son Petit Panthéon portatif en 2008 aux éditions de la Fabrique, comme pour se mettre en conformité avec l'étymologie (philo = amour) de sa discipline, Alain Badiou nous apparut travaillé par l'impérieuse nécessité de manifester de l'amour. Il s’ensuivit une série de livres d’éloges (qui ne sont pas sans rappeler la mode éditoriale des Dictionnaires amoureux…).



L’éloge des mathématiques est un livre d'entretiens, le troisième de cette série d'éloges. Il marque la volonté du philosophe d’orner de clous d'or la châsse dans laquelle il entend enfermer les gemmes d'un système (le sien) dont il professe la vocation universelle ; après un éloge de l'amour, suivi d'un éloge du théâtre voici un éloge des mathématiques.



Lorsqu’on n’est pas mathématicien, faire l'éloge des mathématiques n'est pas sans risque ; on aura l’air de manquer de modestie, pire on vous qualifiera d’élitiste. L'attitude générale face aux mathématiques voudrait qu'on en médise – même si le nombre considérable de ceux qui soutiennent n’y rien comprendre auront toujours l’air d’attaquer les maths avec la rancœur du renard de la fable des raisins verts ; peu de matheux doués affectent de les mépriser sauf pour dénoncer certains abus de leur utilisation (en économie politique particulièrement). Il faut noter que la critique des mathématiques ne porte généralement pas sur l’activité intrinsèque du mathématicien (qui dépasse le commun des mortels) mais sur le statut que la société confère aux maths: discipline survalorisée à l'école, elle est un outil de sélection scolaire considéré comme arbitraire ; par ailleurs, une certaine logique des chiffres est accusée de meurtrir la vie économique et sociale. Par devers elles, ce qui est dénoncé c'est un latin de technocrate; le Diafoirus du 21ème siècle s’exprime en équations.



Alain Badiou ouvre son éloge avec un appel angoissé : il faut sauver les mathématiques! de quoi ? de l'attitude aristocratique du milieu des mathématiciens qui sentirait trop le renfermé ; seule la philosophie pourrait sauver les maths de l'asphyxie à laquelle ses adeptes l'exposent. Après tout, en leur temps, Descartes et Leibniz n'étaient-ils pas à la fois des philosophes et des matheux de première force ? Badiou, fils de professeur de mathématiques, revendique – non pas le statut de mathématicien mais une compétence particulière car il étudia les mathématiques pendant deux ans à la Sorbonne. Mais ne fait-il pas fi de la complexité d'un champ disciplinaire foisonnant dont la tentation monolithique (totalitaire?) qui prévalait aux temps glorieux du groupe Bourbaki semble désormais dépassée: ce temps n'est plus où l'on voulait fonder LA Mathématique car aujourd'hui on continue de parler DES mathématiques. L'activité mathématique est aujourd'hui un foisonnement disparate, hétéroclite, mélangé à d'autres réalités (les maths appliquées) qui fait dire au mathématicien Didier Nordon que "les mathématiques pures n'existent pas" ? N'est-il pas tenté de réduire les mathématiques à l'activité d'un sous-système de son propre écosystème social ; le monde universitaire et académique – duquel Alain Badiou semble inquiet d'obtenir quelque reconnaissance ?



Toutefois son attachement aux mathématiques s'enracine dans un souci plus profond de vérité. A double titre : tout d’abord, pour Badiou le principe de la reconnaissance par les pairs rend impossible l'imposture en mathématiques; parce que les mathématiques sont d’abord une affaire de mathématiciens, elles sont à l’abri des impostures – contrairement à la philosophie régulièrement compromises par les modes éditoriales (Badiou évoque avec amertume la gabegie des « nouveaux philosophes »). D'autre part, parce que ce principe de vérité est au cœur de l'activité mathématique elle-même. Et c'est bien ce principe de vérité qui uni toutes ces pratiques disparates dispersées dans l'histoire et la géographie de la discipline ; ce mot mathématiques - dont l’origine grecque est contingente - réunit rétrospectivement des hommes de l'antiquité méditerranéenne, de l'ancienne Chine et de l'Inde et aujourd’hui une communauté mondiale de chercheurs. Pour Badiou, l'internationale des mathématiciens est la plus solide internationale qui soit. C'est la raison pour laquelle, il faut la prendre au sérieux et qu'il serait bon de ravaler toute rancœur afin que les mathématiques entrent dans notre vie autrement que sous la forme de ce cheval de Troye au fond duquel est tapi une sorte de dictateur abstrait qui pense à notre place – dont l'algorithme est devenu l'emblème.



Marxiste revendiqué, Alain Badiou est dialecticien dans le sens le plus modeste de ce terme ; puisque ce petit livre est un dialogue. Mais il a surtout l'esprit de système. La vision des mathématiques de Badiou est celle d'un homme ayant besoin de trouver un fondement aux choses. Autant le mathématicien a la manie de tout démontrer ; le philosophe entend tout justifier ; même les mathématiques. Or, il ressort que philosophiquement (dans ce cadre Alain Badiou revendique le terme aujourd'hui en discrédit de métaphysique) les mathématiques nous apparaissent sous deux aspects antagonistes qui retrouvent la vieille opposition médiévale du réalisme et du nominalisme. Dans l’optique réaliste les objets mathématiques existent avec un degré de réalité égal aux autres objets de l'univers ; ils constituent des essences, des sortes de faits premiers à toute appréhension par l'esprit. Pour le nominalisme l'activité mathématique est une manifestation sophistiquée du langage, une élaboration du monde, un constructivisme. Sous ce rapport, il convient de citer Alain Badiou plutôt que le trahir : « Mon but est de sauver la catégorie (philosophique) de vérité qui [ ... ] distingue et nomme [les vérités scientifiques, esthétiques, politiques ou existentielles] , en légitimant qu'une vérité puisse être : - absolue, tout en étant une construction localisée ; - éternelle, tout en résultant d'un processus qui commence dans un monde déterminé (…) et appartient donc au temps de ce monde. »



L'enjeu principal d'un tel débat est politique. Une politique minée dans ses fondements par un mauvais relativisme qui serait, dans le meilleur des cas l'alibi d'une certaine paresse intellectuelle ou, dans le pire des cas un outil de domination. Il songe à faire un éloge de la politique.
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Métaphysique du bonheur réel

Alain Badiou souhaite partager avec nous son bonheur d'intellectuel. Il montre dans cette plaquette l'Homme qu'il est. Le philosophe nous invite à un examen rétrospectif de son parcours novateur et heureux. Il dévoile aussi ici ses projets. Le souffle court, pensant avec ou contre Alain Badiou, à la faveur de cette lecture « métaphysique», nous partageons indéniablement un intense moment de « bonheur réel ». Certes, la pente philosophique est rude mais l'auteur nous a prévenus, suivant les traces de Platon et Spinoza, le bonheur et l'accès aux vérités nécessitent d'emprunter les passages escarpés des mathématiques et de la logique. le sentier est aussi passablement encombré, il faut dégager, par le raisonnement plutôt que par le rêve, le réel du bonheur de son médiocre semblant la satisfaction résultant de la délétère conformité des intérêts de l'individu avec le monde qui lui est imposé. Pour passer par là, comme notre guide, il faut nécessairement mouiller sa chemise, ralentir sa pensée, se révolter et prendre des risques.





Alain Badiou donne envie de sa philosophie et envie de philosopher. Il replace sa pensée dans le grand et passionnant tourbillon de la modernité. La phénoménologie, l'herméneutique, les courants analytiques et post modernes, pour mieux s'y opposer, sont synthétiquement évoqués dans son dernier livre. le platonicien critique du sens commun et du régime de l'opinion, le bâtisseur de systèmes, contre une philosophie contemporaine du sens et du langage qui interprète le monde sans le changer, réaffirme naturellement la nécessité d'une métaphysique de la vérité. Il fait plus étonnamment une place dans son ouvrage à l'antiphilosophie pour laquelle la vérité existe mais doit être rencontrée plus que pensée ou construite. Et c'est avec elle que l'auteur introduit la théorie badiousienne de l'évènement. Pour l'antiphilosophe comme pour Badiou, le bonheur réel est subordonné aux rencontres hasardeuses qui nous somment de choisir. Un sujet nait dans ces rencontres incalculables d'un possible ignoré à quoi se noue un devenir-sujet. Devenir sujet d'une vérité, martèle le philosophe contre le conservatisme ambiant, est une chance que l'existence nous propose dans la modalité d'une rencontre ; et c'est l'affect qui l'accompagne, au-delà de toute satisfaction des besoins, qui mérite le nom de bonheur.





La théorie de l'évènement est assurément d'une très grande complexité. Alain Badiou évidemment n'expose pas, en quelques pages, la matière extrêmement dense, mathématique de ses travaux (« L'être et l'évènement » et « Logique des mondes »). Dans cette « Métaphysique du bonheur réel », il préfère le plus souvent – notamment lorsqu'il est question de changer le monde pour être heureux – « illustrer» avec beaucoup de simplicité et de générosité et rythmer agréablement de quelques sentences sur le bonheur, les catégories badiousiennes de l'être, de l'évènement, du sujet et de la fidélité. L'évènement, nous dit-il, c'est le nom de quelque chose qui se produit localement dans le monde et qui ne peut être déduit de ce même monde. La force d'un évènement, c'est qu'il expose quelque chose qui était cachée, invisible parce que masquée par les lois de ce monde. L'être – énigmatiques multiples inorganisés – affirme-t-il enfin, peut être interrompu par un évènement. Exposé à un évènement, l'individu se transforme en sujet, c'est-à-dire qu'il encourt un processus de subjectivation sous condition de l'évènement qui implique de sa part une décision d'y demeurer fidèle. Jusque-là, il est possible de suivre la pensée de l'auteur sans trop de difficultés. Il est cependant question dans un dernier chapitre de la philosophie « hors sol » de l'auteur et des problèmes en suspens. Alors, la grande complexité de la machine badiousienne fait surface et il arrive de perdre pied sans pouvoir vraiment dire ici si le formalisme du philosophe est utile et s'il est nécessaire. C'est certes un inconvénient de cette fin de parcours ; ce peut être un avantage car cela nous donne envie de travailler, d'aller voir. Certains livres comme celui-ci nous confrontent à une altérité forte, nous convient à une expérience de pensée. L'intérêt alors ne vient plus de ce que nous savons, mais de ce que nous sommes susceptibles d'apprendre.





Alain Badiou, en conclusion de son livre, à contrecourant du scepticisme contemporain, du relativisme culturel et de la rhétorique généralisée, affirme que la philosophie est un exercice possible de transmission du concept de vérité et de celui d'incorporation d'un individu au devenir d'une vérité. Il y a certes, nous dit-il, des procédures de vérité distinctes dans le domaine de la politique, de la science, des Arts et de l'Amour. Mais une vérité des vérités, c'est-à-dire une vérité de la vie complète, une philosophie unificatrice générale des choses est possible pour une autre raison qu'elle serait une rhétorique générale. Pour Alain Badiou, la philosophie doit repérer les vérités de son temps à travers un concept renouvelé de ce qu'est une vérité (discernements) et, à travers la construction d'une catégorie de vérité, elle doit rendre compossible des régimes hétérogènes de vérité (unification). le discernement doit aboutir à une conception critique de ce qui est vrai et de ce qui ne l'est pas ; l'unification permettre les différents usages de la catégorie de totalité et de système.
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Métaphysique du bonheur réel

Reçu dans le cadre du jeu Masse critique de Babelio, Métaphysique du Bonheur réel est un livre philosophique qui doit, aujourd'hui, recevoir sa critique. Comment l'amener, comment la livrer quand on a, comme moi, le sentiment de ne pas avoir tout compris? Soyons honnête, l'incompréhension me prive d'un droit de critique sur le fond. Que pourrais-je, en effet, répondre à Alain Badiou? Oui, je suis d'accord, notre époque souffre cruellement d'une absence philosophique. Bien sûre, je le confirme, la philosophie - si raillée - doit s'inviter et même s'imposer dans notre société. Evidemment, elle suppose du temps et une continuité. Mais pour le reste, que dire? Je crains tellement de dire des âneries, de peur d'avoir mal compris le philosophe, que je me garderais bien de discuter, ici, avec lui. C'est la forme que je préfère critiquée. Et sur ce point, j'ai quelque chose à écrire.



De sa plume pleine d'assurance, Alain Badiou, célèbre personnage public, n'encourage pas la compréhension. L'écriture est agréable mais difficile à entendre. C'est de la philosophie me diriez-vous, c'est complexe, toujours, et pour l'entendre il faut faire un effort. Oui mais justement ... du fait de sa complexité, l'auteur doit tenter la simplicité pour assurer l'intelligibilité. Des explications en des termes abordables n'auraient sans doute pas fait de mal. Des exemples n'auraient sans doute pas été de trop. Mais malheureusement, ils manquent cruellement à l'ouvrage difficile à apprécier pour les non-initiés. Dès lors, que faire de ce livre? Je l'ai lu sans passion ni grande conviction. Ce que je pense avoir compris ne m'a pas convaincu et ce que je n'ai pas compris reste dans l'oubli. A moins qu'une âme charitable, baignée dans la philosophie, vienne gentillement me raconter tout ce que je n'ai pas saisi. En l'état difficile pour moi de juger quoique ce soit. Philosophiquement, en tout cas.
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Éloge de l'amour

Très intéressant. Cet "essai" se déroule sous forme d'une interview d'Alain Badiou menée par Nicolas Truong. Le livre se structure en 6 grandes parties, mais les idées principales passent de l'une à l'autre et créent une certaine cohérence. L'auteur y expose sa philosophie de l'amour et explique pourquoi selon lui, comme le disait Rimbaud, "L'amour est à réinventer, on le sait". Il parle des conceptions actuelles de l'amour qu'il rejette, puis, progressivement, présente la sienne. Il le fait de manière accessible, sans avoir l'air de donner un cours de philosophie vulgarisé.

Un bon livre que je conseille vraiment à ceux qui s'intéressent aux conceptions de l'amour et aux discours sur celui-ci.
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Qu'est-ce que j'entends par marxisme ?

BADIOU, philosophe, n'est certes pas un auteur facile à lire. Son vocabulaire, pointu et bardé de convenances issues du monde des Sciences politiques, sociales et de la philosophie peut freiner quelque peu les ardeurs de qui veut comprendre. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, comprendre ce que signifie des termes tels Marxisme et Communisme, sans les amalgamer, sans trahir leur essence. Ce n'est pas simple, mais instructif.

Ce livre est la retranscription d'une conférence donnée par BADIOU, lors d'un séminaire étudiant 'Lecture de Marx' . En quelques pages, il resitue la naissance du Marxisme, ses liens avec le Communisme et il inscrit le tout dans une gestion du Monde où la pensée dominante est le Capitalisme... le tout commenté par lui avec beaucoup de rigueur et sans complaisance. 75 pages intéressantes à croiser avec d'autres approches, d'autres regards, d'autres vérités!
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Éloge de l'amour

Un beau thème que celui de l’amour. Eloge de l’amour est un beau livre qui est présenté sous forme de compte rendu d’entretiens publics, agréable à lire et à la portée de tous.

Pour ma part, je regrette simplement que la partie sur l’amour er la politique soit tout juste survolée, Alain Badiou nous entraîne, ici, sur des pistes de réflexion intéressantes qui mériteraient d’être approfondies.
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Éloge de l'amour

Cet ouvrage fait le compte-rendu d'un entretien public entre Alain Badiou et Nicolas Truong lors du festival d'Avignon de 2008. Badiou lui expose sa vision très personnelle de l'amour.



Pour Alain Badiou, la rencontre amoureuse est un hasard, et l'histoire d'un couple est l'histoire de la transformation de ce hasard en nécessité. L'amour est une rencontre de la différence. Il le confronte à de grands concepts : la philosophie, la vérité, la politique, l'art... le propos de l'auteur est simple, concis et honnête : on sent que les idées qu'il développe sont le résultat de ses propres expériences de vie, qui l'ont amenée à une profonde réflexion. Il est facile pour le lecteur d'observer sa propre expérience à la lumière de cette réflexion, et de se rendre compte ainsi à quel point elle est pertinente et encourageante. Ce livre est accessible et recommandable au plus grand nombre, car il ouvre les portes, les fenêtres et les cœurs !
Lien : http://le-cornepage.ek.la/el..
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Éloge de l'amour

Ce petit opuscule donne des éclairages ou porposuitions sur plusieurs thémes, dont:

- amour comme preuve de l'amitié,

- amour et durée

- lien amour :enfant/ famille;



En revanche, j'ai été moins convaincu par les 2 derniéres parties dédiées à la recherche de parallélismes peu concluants en tre amour, politique et art.
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Ahmed le Subtil

Une comédie contemporaine pour des ressorts classiques. Le bon Ahmed est le sauveur de toutes les situations. On a là une pièce drôle et éminemment politique, chose peu étonnante si l'on observe de plus près la bibliographie de l'auteur. Ahmed le subtil est le Scapin de nos jours, moqué mais le plus intelligent. L'action se situe dans une cité, Sarge-les-Corneilles où les politiques de tous bord (caricaturés à souhait!) s'affrontent, le racisme est omniprésent, les jeunes opprimés, paumés.



Amour empêché et attentat seront au cœur de la pièce. Si les premières pages m'ont semblé une peu fausses, le vocabulaire bizarrement ampoulé et pourtant se voulant populaire, on finit par s'y faire et on savoure la fresque moqueuse de la société que nous dresse Alain Badiou!
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Éloge de l'amour

Petit essai philosophique sur un sujet que nous croyons tous connaître et comprendre l’Amour.



J’ai trouvé les premiers chapitres très intéressants mais j’avoue que la relation entre l’amour et la politique ou l’art ont repoussée mon attention dès les premières lignes.
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Éloge de l'amour

L'amour est un risque, c'est la construction du monde à deux, examiné, pratiqué et vêcu à partir de la différence et non à partir de l'identité. Construction et non seulement rencontre. Nous construisons une nouvelle temporalité à deux, qui s'affirme dans la durée. La reconnaissance de l'altérité permet au sentiment amoureux d'envelopper le désir et l'abandon du corps est symbole de l'engagement matériel de la promesse de l'amour. La simple pulsion de survie est dépassée, et le monde se découvre d'une autre manière, à deux. On est là dans le surgissement d'une conscience nouvelle, qui laisse de côté le narcissisme.

Le livre d'alain Badiou est profond et réaliste, bien loin de la philosophie banale de luc Ferry dans un ouvrage similaire qui se contente de nous asséner son credo un peu court : "l'amour est un facteur de sens".

Badiou nous dit, lui : il faut réfléchir encore plus profond... la vérité de l'amour est aussi dans la parole, dans les mots prononcés à destination de l'autre...
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Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage !

Je me demande pourquoi après avoir lu Trump, il y a déjà un an d’Alain Badiou, je m’attelle à cet essai très court Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage, une soupape surement à notre climat politique actuel, celui des futurs élections présidentielles en 2022, ou le Macronisme vire vers l’extrême droite pour récolter quelque voix, une atmosphère anxiogène nous habille tous, les lois pleurent l’absurdité humaine du repli sur soi, et de la stigmatisation de l’autre, comme celle du séparatisme, celle de la sécurité globale et de l’immigration, les racines sont dangereuses, comme le dit le livre de Maurizio Bettini, Contre les racines, elles nous emmènent vers un passé que l’on décide idéale, figeant juste l’instant choisi qui somme toute évolue à tout moment comme notre monde. Dans la société occidentale où les personnes sont moins libres que les marchandises et l’argent, l’étranger, l’ouvrier, l’immigrant, le migrant sont tous des synonymes plus ou moins impersonnel à des êtres vivants cherchant la liberté de vivre sur notre terre, ils ont souvent l’impossibilité de se mouvoir dans certains pays face à l’hostilité croissant du nationaliste et de ces parties d’extrêmes droites. Mon préambule semble confus en soi, comme le sera ce pamphlet moderne d’Alain Badiou, qui se résume comme souvent par l’apologie du communisme, je me demande lequel, celui Stalinien, celui Chinois, celui de Pol Pot, celui Cubain de Fidèle Castro, car le pouvoir humain se métamorphose souvent en tyrannie, dictature, asservissement par quelque hommes et la France bascule dans cette terreur, parlons de ce texte assez bref et qui pour ma part m’a donné aucun souvenir vivace, juste une multitude de référence mises bout à bout comme un patchwork.

Je n’ai pas un souvenir impérissable du roman Trump, un ennui, juste un prétexte comme souvent à faire l’apologie du communisme, ce manifeste ne déroge pas à la règle, un écho redondant du communisme, encore un clivage à se borner à une idéologie qui restreint les valeurs et les idées, Alain Badiou de la crise des gilets jaunes brandit de son bras en faiblesse l’étendard communiste, de ces méandres flous se déversent dans le flux migratoire. Alain Badiou place ce manifeste comme livre, et s’inspire d’une chanson traditionnelle Malgache écrite par Évariste de Parny, repris par Ravel en soutien au Bolcheviks en 1926, il débute par cette chanson, les premiers mots sont le titre du livre, Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage.

Cette chanson résume parfaitement la haine des hommes, les uns pour les autres, ce colonialisme entrainant l’anticolonialisme, cette Europe à la plénitude de sa grande puissance part en quête de pouvoir et de donner la bonne parole, être celui qui dit vrai, en apportant le modernisme, la religion et surtout l’esclavage et la servitude, pillant la terre des autres et se voulant au-dessous de tout, mais Alain Badiou dérive surtout vers notre société, et bien sûr comme nous le connaissons tous , parle de communisme, il donne la parole à un jeune Guinéen sur le notion du mot migrant, cette pensée est pertinente, et il est vrai que la fonction des mots perd de sa valeur et nous sommes devenus un monde qui aseptisons tout . Il y a l’étranger qui vient pour visiter, celui qui vient travailler, celui qui vient pour y vivre, selon l’époque ces étrangers ont eu des significations bien particulières dans les termes qui les définissaient, comme ouvriers, immigrés et migrants, chacun représentent une politique différente, d’où une changement de valeur et de mots, c’est ahurissant comment on se leurre d’un mot, en parlant d’un être humain qui quitte son pays pour venir dans un autre sans savoir pourquoi ce voyage vers l’inconnu, la misère humaine est ce flux continue de mouvement de population, ou de migration humaine, car somme toute, l’animal va vers la nourriture et le confort !

Alain Badiou cite un essaie de Patrick Chamoiseau, Frères migrants , puis disserte sur l’analyse politique et poétique de ce texte, une épée qui fend la surface d’une étendue d’eau, c’est mon impression, sans renier l’érudition de notre auteur, chacun ses opinions, ensuite du philosophe Jacques Derrida expose l’un de ces écrits ayant pour maxime « il faut dire oui à celui qui arrive, quel qu’il soit », la charité humaine, presque chrétienne, religieuse surtout, je suis panthéiste, laissons la religion aux croyants. Il y a toujours , de tout temps , une hostilité à l’autre, et l’autre c’est celui qui vient , ce qui entraine le racisme et la xénophobie, l’identité de l’autre est importante en soi, comme le colonialisme, l’esclavagisme, l’intégrisme et tout ce qui pose un soucis de conquête du pays accueillant, et enfin l’intégration…Il y a une sorte de sacralisation de la misère, souligne Alain Badiou avec Laurent Gaudé et son poème Regardez-les, mettant en lumière l’Europe spirituelle à contrario de celle matérielle et de marché , je vous invite à lire Nous, l'Europe : Banquet des peuples, une utopie de notre Europe, qui de nos jours semble perdue dans la loi des finances et de la corruption.

Et bien sûr Alain Badiou évoque ce fameux Manifeste du parti communiste de Karl Marx, pour nous rappeler que celui-ci était, deux siècles plus tôt, une forme de visionnaire sur le monde actuel, sur la conquête de la société par le système capitaliste et bourgeois, avec l’exode de masses humaines entières, et continue par définir le mot prolétariat, le mot ouvrier et la classe ouvrière, il dérive vers la notion de prolétaires nomades, ceux qui chassent l’argent pour l’envoyer à leur famille, ce sont des prolétaires nomades. Ensuite Alain Badiou s’écroule dans un romantisme poétique sur les ouvriers poètes de Chine, ceux qui sont dans les bagnes des usines chinoises, paradoxe d’utiliser ce terme de « bagnes », Alain Badiou faisant référence à ces ouvriers anglais vivant il y a plus d’un siècle et demi dans ces taudis infâmes inhumains qu’a décrit Engels, c’est ironique de ce penseur à l’idéologie communiste cette comparaison. Alain Badiou a cette douceur pour la poésie de ces ouvriers vagabonds, de leurs proses comme celle de Guo Jinniu préfacé par le poète contemporain Yang Lian, de ce monde en mouvement vers un exode ouvrier assez rude, plutôt néfaste pour cette Chine , où la question de la maison est primordiale dans la définition que notre poète contemporain en fait, celle des sentiments, la poésie est notre maison à tous, la prosaïque sur papier est un retour à la vraie vie, ce qui est troublant est beau à la fois, c’est ce passage hors du temps et du livre , comme une bulle d’air dans une eau trouble et asphyxiante, il nous donne le début d’un poème de Gui Jinniu, Un nombre massivement singulier, Alain Badiou à travers ces poèmes, s’intéresse à la question du voyage et celle des papiers que Jacques Rancière nomme « la paperasse des pauvres » , la Chine créant son livret ouvrier, que la France l’avait fait deux siècles auparavant, la bureaucratie est invasive, une vraie araignée qui tisse sa toile et surveille encore et encore mais notre auteur s’extasie de la poésie et n’effleure rien de profond à cette analyse, il est juste un observateur, repartant dans la poésie et Xin You, sur l’existentialiste de l’ouvrier, et finissant sur la déclaration des poètes du livre de Chamoiseau Frères migrants en nous faisant part des cinq derniers articles.

J’ai découvert la beauté brute de ces poèmes, comme un cri lointain de ces hommes asservis par un monde où le travail est devenu une norme à l’être humain, que Paul Lafargue dénonce dans Le Droit à la paresse, Alain Badiou, revendique seulement un communisme communautaire, plus de frontière, plus de drapeau, juste la liberté du prolétaire nomade, pour une éthique du vivre monde. Je n’ai pas de solution miracle à ce monde, je me demande bien comment Alain Badiou garde cet espoir de son communisme, ce mouvement politique égalitaire qui n’aura qu’apporté dans notre monde que des dictatures, des révolutions sanguines et une forme d’esclavage humain, cet auteur a ce respect de ces convictions, sans Sophisme, juste sa liberté de pensée, comme Stéphane Hessel et son Indignez-vous.

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Trump

Toute lecture a sa petite histoire, c’est devant une émission que je découvre Alain Badiou, faisant la promotion de son livre Trump, toute suite sa façon de parler est limpide, son phrasé est clair, posé, ses mots éclairent un peu plus mon érudition encore au stade d’un adolescent. C’est lors d’une de mes flâneries littéraire dans une grande enseigne commerciale littéraire que je découvre le livre écrit par Alain Badiou sur Trump, pour l’acheter et le lire quelques semaines plus tard. Ce philosophe français, romancier, dramaturge d’inspiration socialiste, surtout Marxiste, politiquement d’influence maoïste, œuvre son écriture à ce courant qui enflamme son cœur et dérive sur le jugement de la situation actuelle de notre société vers cet Éden marxiste. Trump est une critique philosophe amère de notre société capitaliste, l’élection de cet homme aux visages multiples.

Cette élection de Trump, Alain Badiou se remémore un vers de Racine fort.

« C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… »

De ce vers notre philosophe, dans ce qu’il nomme un désastre, un contre-évènement, se désespérant, s’insurgeant, comme beaucoup d’américains, la surprise, la peur, une psychose s’installe. Mais j’étais comme la plupart surpris de cette fourberie électorale américaine, un fou, égocentrique milliardaire prend le pouvoir du pays le plus puissant au monde. L’incrédulité me pousse à comprendre cette farce sociétale, Alain Badiou essaie de répondre à ce cheminement entrainant cette prise de pouvoir.

Je viens de finir ce court livre philosophique, et ma première impression reste mitigée, c’est une démonstration plutôt unilatérale pour promouvoir le Marxiste, même si sa démonstration est rigoureuse et ses arguments réels, le capitaliste est ce monstre que nous devons combattre, c’est ce système économique qui est la cause principale de ce phénomène.

De prime abord, ce n’est pas si simple et Alain Badiou discerne un aspect

fondamentale sur la contradiction des forces de l’ensemble des régimes parlementaires démocratiques, un clivage entre la droite et la gauche, démocrate et républicain, les travaillistes et les conservateurs, et autres dominations, cette alternance qui régit ces différents gouvernements qui se succèdent, c’est un principe de binarité. Le paysage se transforme en quatre forces au lieu de deux, avec les extrêmes droites et gauche s’invitant à cette bataille électorale. Étrangement aux États-Unis, Bernie Sanders aurait dû être le candidat opposé à Donald Trump au dépend d’Hillary Clinton, par ce clivage des extrêmes.

Cette violence économique entraine un fascisme politique débordant notre monde, Trump, Viktor Orbán en Hongrie, en Inde, aux Philippines, en Pologne, en Turquie et d’autres encore, ce changement bouleverse les codes de ce monde en perdition, un monde qui selon Alain Badiou se prépare à une guerre, où certains pays s’y préparent….

« Trump a même engagé (…) l’indispensable guerre économique avec le grand rival chinois, préliminaire probable de la guerre tout court (…) tous les états du monde qui ont les moyens se préparent. »

C’est une critique qui survole la pensée profonde de ce philosophe, en proie à un désarroi profond, de cette société violée par ce capitalisme désastreux, dévastant l’âme humaine, où la terre est qu’une maison que l’on peut briser à souhait, comme si nous pouvions la reconstruire, mais Alain Badiou axe son livre sur le basculement politique et de ses conséquences en ce Trump concentrant des vices qu’il expose à souhait sans les cacher, ce qui importe c’est l’économie, c’est la peur qu’il instaure, comme pour l’Iran, où l’Europe se couchera comme soumise à ce dollar roi, à cet homme mégalo et vulgaire.

Je suis comme Alain Badiou de cœur socialiste, sans être extrémiste, il cite deux citations de Karl Marx et Engels de leur texte le Manifeste pour conclure son livre puis énonce trois principes :

-L’internationalisme, la subordination, et enfin la propriété privé et son abolition.

Pour Alain Badiou un nouveau communisme bien réel devrait barrer la route de ces hommes comme Trump et Bolsonaro créer de fausse menace communisme et d’un socialisme diabolisé.

Pour ma part je reste assez controverser par la conclusion de ce philosophe au conviction profonde anticapitaliste et sa vision communautaire des biens mais le virus qui ronge le monde est ce libéralisme dévastateur aux crocs acérés, de son poison l’argent, le nivellement des inégalités est abyssale, la pauvreté est plus pauvre, les riches sont plus riches, la peur s’installe partout car le travail est le seul moyen de gagner de l’argent pour survivre où croire de vivre, nous glissons vers une crise profonde débutait depuis la révolution industrielle, Paul Lafargue dans son manifeste Le Droit à la paresse, dénonce l’appauvrissement de l’âme humaine face à l’esclavagisme du travail. Certes de nos jour le travail est mis aux cieux, c’est la base pyramidale du capitaliste sauvage, mais c’est une part philosophique à part, nous devons avoir peur de ce basculement de genre, même si le Macronisme est une politique différente, tout capitaliser reste son but ultime, la privatisation rode, les retraites sont promises à la capitalisation certaine et inéluctable. L’argent et la manipulation médiatique renversent tout et bouleversent les codes préétablis et comme le souligne Alain Badiou, la droite caresse trop la gauche et la gauche imite la droite, il n’y a plus d’antagoniste politique, les électeurs vont vers les extrêmes par manque de repère et peur surtout.

Je remercie Alain Badiou pour m’avoir ouvert l’esprit d’une façon différente, et pour sa façon de porter ses idées, ce livre est un catalyseur de réflexion personnelle sans forcément adhérer aux pensées d’Alain Badiou.

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Notre mal vient de plus loin: Penser les tu..

Alain Badiou revendique une alternative au capitalisme victorieux. En homme de gauche, militant et engagé, il se lamente de la faillite du communisme tel qu'il se présentait "dans le Bloc de l'Est". Même s'il ne s'agissait pas vraiment d'un vrai commuinisme, ce régime constituait une alternative au capitalisme.



Je suis d'accord avec lui jusque là. Il est dommage, voire pitoyable, que nous n'ayons à offrir aux jeunes (et surtout à ceux issus de l'immigration) que ce modèle capitaliste.



Alain Badiou va beaucoup plus loin. Adoptant une position assez en vogue à gauche, il bat sa coulpe et considère que nous (la société, donc) sommes responsables des dérives de groupes d'individus qui ont choisi les armes pour se faire entendre. Alain Badiou ne dit qu'une seul fois dans ce petit essai (retranscription d'un discours) que tuer n'est pas bien et que c'est condamnable. Par contre il se répand en long et en large sur les causes occidentales des tueries.



Y croit-il ou prêche-t-il le faux pour susciter l'indignation et le débat? Je l'ignore. Il semble fort crédible en développant les rouages de son raisonnement. Il existe une frange de la population issue de l'immigration qui veut accéder au modèle capitaliste tout en le rejetant par défi ou colère. Et c'est là que les choses pètent selon Alain Badiou.



J'ai un peu de mal, même si son argumentation tient assez bien la route. Celui qui tire est immanqablement fautif et coupable. Cela me semble une Lapalissade qu'Alain Badiou ne répète pas.



Par contre je le rejoins tout à fait sur le fait que Daesh est une entreprise, que leurs buts sont à peine religieux. Ce que ces gars veulent, c'est du pouvoir, niquer des femmes à l'oeil, vendre du pétrole aux Turcs et faire commerce de tout ce qui peut se vendre. Le Coran qu'ils brandissent en hurlant n'est qu'un prétexte. Et bien sots sont les Occidentaux qui pensent réellement que ces terroristes professent une foi affirmée. Alain Badiou aurait pu développer et partir dans cette dimension, plutôt que de se concentrer sur le capitalisme "triomphant" et ses dérives non contestées.



Il reste que ce genre de discours et d'ouvrages sont là pour susciter la réflexion et le débat, et que sur ce plan, c'est plutôt réussi.
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Méfiez-vous des blancs, habitants du rivage !

Le mouvement des « gilets jaunes » c'est indéniablement le nom de quelque chose qui s'est produit dans notre bonne vieille France pourrissante et qui ne pouvait être nullement déduit de ce qui ordinairement s'y exhalait. La bourgeoisie n'a rien vu venir et a dévissé en pleine ascension heureuse. L'élection présidentielle de 2017 laissait pourtant augurer tout autre chose aux amateurs d'opulentes stations et de montagnes à vache. La force de ce mouvement des « gilets jaunes », c'est qu'il a crument exposé quelque chose qui était caché, invisible parce que masqué par les lois de notre monde néolibéralisé et cloisonné. En quelques semaines, l'exaspération générée par une taxe imbécile s'est muée en un mouvement centrifuge débouchant sur un diagnostic général, à la fois social et démocratique. L'être - énigmatique multiple inorganisé– a été interrompu par les rassemblements aux ronds-points et les affrontements dans des métropoles interdites. le mouvement des « gilets jaunes » a agrégé des populations disparates, peu organisées, invisibles et il a favorisé leur politisation accélérée. Exposé à un évènement, l'individu s'est prévisiblement transformé en sujet, c'est-à-dire qu'il a encouru un processus de subjectivation sous condition de l'évènement qui a impliqué de sa part une décision d'y demeurer fidèle depuis maintenant près de dix-huit semaines.





Il serait facile de reconnaitre dans les propos ci-dessus quelques lambeaux de la théorie de l'évènement et des catégories badiousiennes de l'être, du sujet et de la fidélité. Une question se pose alors. L'intellectuel qui vit au sein d'un tel système de pensée, l'homme dont les penchants et les aptitudes poussent à des raisonnements abstraits, l'être dont la conscience esthétique est richement fournie, c'est-à-dire qui sait par coeur des strophes de la grande poésie, qui connait des tableaux célèbres de la Renaissance aussi bien que de Fluxus, et pour qui l'histoire de la philosophie et de la musique n'ont plus de secret, cet intellectuel échappe-t-il nécessairement à l'extrême surface des choses telle qu'elle est vomie par l'actualité au pouvoir ? A la lecture du dernier opus d'Alain Badiou, « Méfiez-vous des blancs habitants du rivage », force est de constater que malheureusement non. Pour le penseur, la France des « gilets jaunes » est « une France ancienne menacée (…) [celle] des salariés nationaux de bas de l'échelle, des artisans, des commerçants, petits patrons et paysans révoltés contre la régression patente de leurs statuts, de leurs revenus et anxieux du peu d'intérêt qu'on leur porte ou que l'oligarchie transnationale manifeste à leur encontre (…) Sursaut de la France périphérique de la chasse et des délibérations municipales (…) petite bourgeoisie suburbaine et retraités qui voient roder le spectre de la paupérisation». Et le philosophe, dramaturge et romancier d'ajouter, « Il se vit un abandon bien réel de l'État au service du Capital, abandon d'un vieux monde provincial, vieillissant, suburbain et colonial. L'archaïsme d'une réaction nationale compréhensible d'une partie de la société en effet menacée dans ses petits privilèges ». Il nous coute de revenir sur ces fielleux propos car nous ignorons de notre côté le bénéfice qu'un lecteur normalement informé (qui lirait par exemple régulièrement les excellents reportages de « Médiapart » ou qui parcourrait quelques livres sur le sujet, faute d'une quelconque pratique sociale) peut tirer de cette plaquette, et c'est d'ailleurs le moindre de nos soucis. Passé un certain degré d'irréalisme, les gens cessent de nous intéresser. Dans les instants de cristallisation sociale, de lutte des classes sans fard, nous rappelle Serge Halimi, chacun choisi son camp. le centre disparait, le marais s'assèche. Alors, même les plus cultivés, les plus distingués oublient les simagrées de l'engagement abstrait. Alain Badiou fait fi des bonnes manières. La « populace jauniste» est perçue par lui comme ancienne, nationale, socialement impure, anxieuse, quémandeuse de reconnaissance, réactionnaire, coloniale, provinciale, chasseuse, municipale, privilégiée, vendue, moyenne, ignorante, timorée, complotiste, extrême-droitière. Rien que cela. Mais, Alain Badiou ne se contente pas naturellement d'adjectiver la situation sociale actuelle. Les vieux ersatz du jamais réalisé marxisme mécaniste, en l'absence d'engagement, sont convoqués dans ces quelques détestables pages d'écriture. Une dialectique simpliste de la temporalité immanente aux forces de l'histoire, d'une évolution universelle de l'humanité, d'une ligne ascendante uniformément progressive des modes de production et des formations sociales contre toute attente est mise en avant. « La France petit impérialisme déclinant confronté à des monstres de type États-Unis et Chine n'est plus en état d'acheter le soutien de ses classes moyennes populaires qui sont toujours la ressource centrale de nos fameuses démocraties. Nous avons d'un côté un état soumis aux nécessités du marché mondial et de l'autre une protestation d'allure populaire dont la vision vague, timide, nationaliste, tissée de fausses rumeurs dont la seule part organisée sur la scène parlementaire est l'extrême droite. le conflit ne propose par lui-même rien qui ne persévère pas dans la structure dominante. (…) conflit qui oppose deux protagonistes sans consistance politique et non porteur d'un avenir égalitaire » nous dit Alain Badiou. Ce sont apparemment les joyeusetés du matérialisme historique, de la spirale de l'histoire, des progressions par bons et des transformations de la quantité en qualité qui renaissent de leurs cendres. Entendez, les « gilets jaunes » ne participent pas du mouvement émancipateur de l'humanité et sont destinés aux oubliettes de l'histoire loin de la planète monde et du peuple universel en constitution. Badiou en effet avertit dès l'incipit, « Ce qui importe vraiment est que notre patrie est le monde (…) il n'y a de politique contemporaine qu'avec ceux qui venu chez nous, y représentent l'universel prolétariat nomade (…) le point de départ de la pensée doit être le monde entier».





Alain Badiou apprécie sans doute dans le peuple la part humaine que sa pensée prétend moduler. Il se trouve cependant que les hommes, d'autant qu'ils ont pris conscience de la domination, sont indifférents à la pensée toute faite qui leur tombe dessus. A Paris le 15 décembre 2018, trois « gilets jaunes se relayaient place de l'Opéra pour lire une allocution adressée « au peuple français et au président de la République ». le texte annonçait d'emblée : « Ce mouvement n'appartient à personne et à tout le monde. Il est l'expression d'un peuple qui, depuis quarante ans, se voit dépossédé de tout ce qui lui permettait de croire à son avenir et à sa grandeur.» le mouvement social peut certes être pensé de trente-six façons par un tas de gens qui ont des loisirs pour s'en inquiéter mais ce sont tout de même en fin de compte ceux qui en ont vraiment besoin qui le décident et qui le font. Mais il s'agit, en période d'instabilité de persévérer dans l'abstraction et malgré tout d'encaisser les profits des « grandes consciences». Il s'agit de parler haut pour ne rien dire, échapper au réel en se laissant plonger dans le monde enchanté des songes où l'on est dispensé de poser la question des causes comme des conditions de possibilité de ce qu'on veut. Il faut trouver pour cela un sujet de sa compassion. « A ce stade, le prolétariat [immigré de fraiche date] forme une masse disséminée à travers le pays et émiettée par la concurrence [et la précarité] » qui fait parfaitement l'affaire même s'il ne participe de rien. « Les prolétaires nomades sont des jeunes qui n'ont pas trouvé de travail et qui sont nécessairement en état d'errance. Notre devoir n'est pas de l'accueillir au nom de l'éthique, de l'hospitalité. Notre devoir est de nous organiser avec lui à un niveau international si possible pour préparer avec lui la nouvelle politique communiste » nous dit Alain Badiou. Rien que cela. Il s'ensuit quelques méchants couplets et un magnifique texte poétique de Chamoiseau dont Alain Badiou est bien incapable de dire quoi que ce soit du point de vue de l'éthique sinon, après tout (sic), genou à terre, d'y consentir ; il s'en suit aussi un marginal moulin à vent derridien dont le philosophe, sans péril mais sans gloire, casse inutilement les ailes de sa hallebarde archaïque.





Alain Badiou conclus enfin, « Quelque chose m'a tenu écarté du mouvement des « gilets jaunes » : c'est la présence massive, le retour constant du triste drapeau tricolore, dont la vue, à chaque fois m'accable, et d'une marseillaise que trop de nationalismes fascisants ont entonnée pour qu'on se souvienne encore de son origine révolutionnaire ». Si on détermine son engagement, ni en fonction du nombre des drapeaux qui flottent au-dessus des cortèges, ni au nombre des hymnes nationaux qui résonnent les jours de manifestation, si du moins on souhaite conserver son estime à l'indéniable penseur de la révolte, on évitera il nous semble la lecture de ce méchant pensum.

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Éloge des mathématiques

Je ne cours pas après les essais de philosophie. Je ne suis d’ailleurs pas amateur d’essai. Mais le titre de celui-ci m’a interpellé : que pouvait bien avoir à dire un philosophe pour faire l’éloge des mathématiques ? Je n’ai pas été déçu.



Tout d’abord la formule retenue pour cette collection a son avantage : les questions de Gilles Haéri rompent la monotonie du discours. Au moment opportun, une question est posée qui amène le philosophe Alain Badiou à formuler sa pensée dans un langage plus à la portée lecteur non-philosophe. Dans ces 124 pages, nous avons à maintes reprises l’occasion de découvrir le lien qui existe ou qui devrait être fait en mathématiques et philosophie.



J’ai relevé deux passages qui, à mon sens, donnent le ton de cet opuscule :



Certes, on sait bien qu’un « nouveau philosophe » ne s’intéresse absolument pas aux mathématiques. Il s’intéresse à l’opinion publique, il s’intéresse à la religion musulmane, il s’intéresse au « totalitarisme », aux élections cantonales, à des tas de choses, mais pas aux mathématiques. Et à mes yeux, c’est une erreur. Perso, j’ai le sentiment qu’il vise quelqu’un de précis. Mais ça l’avantage d’être clair sur l’importance qu’il accorde aux mathématiques.

Malheureusement, la rhétorique est la langue politique d’aujourd’hui. C’est une rhétorique de la promesse qui ne sera pas tenue, une rhétorique du programme impraticable, une rhétorique de la nécessité factice. En dessous de cette rhétorique, un certain nombre de décisions sont prises, dans des réunions généralement secrètes ou formatées pour aboutir à la conclusion désirée, au service d’un certain nombre d’intérêts dont la puissance ne peut être contrecarrée. Il arrive même que la rhétorique débouche sur une décision calamiteuse, y compris pour ceux qui la proposent.

J’ai beaucoup apprécié cette approche : voir les mathématiques, non seulement comme une science que beaucoup d’entre nous trouvent rébarbative, mais comme une façon efficace de raisonner sur le monde qui nous entoure. Je ne pense pas déformer sa pensée en avançant que, selon Alain Badiou, cette approche éviterait bien des déboires dans de nombreux domaines tels la politique, mais pas que.



En bref : Je vous invite à découvrir ce petit livre très enrichissant et facile à lire (bien qu’il soit signé par un philosophe :-) ). N’hésitez surtout pas à le lire s’il arrive entre vos mains que ce soit en l’achetant en librairie ou en l’empruntant.
Lien : http://sciences.gloubik.info..
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Circonstances, tome 5 : L'hypothèse communiste

J’ai découvert Alain Badiou un peu par hasard. Mon intérêt pour le théâtre m’a fait connaître les créations d’une compagnie catalane, la Llevantina, "dirigée" par Marie-José Malis. Cette metteur en scène ayant travaillé avec Alain Badiou lors de sa dernière pièce, "Le Prince de Hombourg", ma curiosité m’a logiquement poussé à connaître les textes de ce philosophe. Mon choix ne s’est pas porté sur son dernier grand succès, "De quoi Sarkozy est-il le nom ?" (Editions Lignes 2007), mais sur son dernier livre, "L’hypothèse communiste". Alors que l’une des plus terribles crises économiques et financières a fait vaciller le dogme tout puissant du capitalisme (fait vaciller mais malheureusement pas fait tomber), Alain Badiou remet à l’honneur l’idée communiste. L’humanité n’a probablement jamais connu de telles inégalités dans sa courte histoire, et c’est dans cette période de révoltante barbarie que, paradoxalement, il est de bon ton d’annoncer que le communisme fut et est un échec. Plutôt que d’acquiescer béatement à ces discours présomptueux, Alain Badiou montre que c’est le concept de parti et d’Etat communiste qui est synonyme d’échec, non pas le communisme lui-même. Pour étayer sa thèse, il revient sur trois événements historiques : Mai 1968, la Révolution culturelle en Chine et la Commune de Paris de 1871.

L’ensemble est clair, remarquablement argumenté, et bien que parfois trop catégorique et trop optimiste quant aux comportements humains – je veux dire qu’il satanise constamment les nantis, la bourgeoisie et les classes possédantes (ce que je ne lui reproche pas, au contraire) mais oublie aussi de sataniser ceux qui subissent ces inégalités (ou aussi s’en accommodent, s’en contentent et s’en satisfont) - l'ensemble réussit à nous convaincre.

Enfin, et il s’agira de ma plus vive critique, je reproche une certaine illisibilité dans la dernière partie du livre consacrée à la définition de l’Idée du communisme. Alain Badiou nous égare par une explication trop abstraite et trop complexe, bien qu’il nous prévienne en début de chapitre qu’il souhaite être le plus clair possible. Le problème vient du fait qu’au lieu de s’appuyer sur des notions concrètes et nettement définissables (sans l’aune d’une ambiguïté) pour nous amener à définir un concept abstrait, il ne fait appel qu’à des termes tout aussi vagues et polysémiques. Mais je ne voudrais pas clore ces quelques remarques sur une impression négative, car la pensée de Badiou est si rare et ô combien enthousiasmante à l’ère du tout argent que l’on doit clamer haut et fort l’utilité et la nécessité des lectures de son œuvre.

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Éloge de l'amour

Comment définir l'amour à l'heure où Meetic nous propose de le vivre sans souffrir ? Badiou apporte une réponse intéressante, présentant l'amour comme une expérience concrète et durable de la différence, du Deux. Il insiste aussi sur l'obstination de l'amour, le travail de construction qu'il demande après le hasard de la rencontre.
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L'antisémitisme partout - Aujourd'hui en France

Ce livre très court (trop court) est tout à fait intéressant. L'accusation d'antisémitisme pour les défenseurs de l'Etat d'Israel est une arme dont ils ne cessent d'abuser. Une arme fatale, censée tétaniser leurs ennemis idéologiques.

Il est urgent de se rebeller et de ne pas se laisser faire. Il est urgent de séparer l'épouvantable calvaire des juifs jusqu'à la seconde guerre mondiale, d'effectuer l'indispensable devoir de mémoire sur cette tragédie et de lutter sereinement (sans être accusé d'antisémitisme) contre la politique de l'Etat d'Israël.

Ce n'est pas une affaire de juifs, c'est une affaire de démocrates contre un Etat raciste et oppressif. Pour cette raison, la frontière ne passe pas où ces fanatiques racistes tentent de la faire passer.

Du reste, le racisme des fanatiques n'a pas de limite. Ne les voit-on pas accuser un juif d'antisémitisme quand il défend des thèses opposées aux leurs ? Comme Shlomo Sand ? Comme Arthur Koestler ? Ou comme Philip Roth à la publication de ses premiers romans ? Tout cela est ridicule mais dangereux, et demande de la vigilance. Merci aux auteurs de l'avoir argumenté.
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Trump

Formé de 3 textes différents (deux conférences prononcées aux États-unis dans les jours qui ont suivi l'élection inattendue de Trump et d'un autre texte rédigé près de 3 ans plus tard), Alain Badiou propose une vision philosophique et politique d'une sortie de ce piège.

Il revient sur les principes posés par Marx, et pense la nécessité d'une contradiction qui doit sortir du cadre dans lequel le capitalisme est la seule perspective. le combat politique pour s'en sortir repose donc sur l'élaboration d'une Idée propre à combattre le capitalisme, source d'inégalités et de violences structurelles et à sortir du cadre.

Parmi les 4 termes de la dialectique qu'il pose (la domination stratégique du capitalisme global, la décomposition de l'oligarchie bourgeoise traditionnelle, le trouble et la frustration des peuples, le manque dune autre orientation) il me semble qu'il omet l'aspect écologique lié au réchauffement climatique.

Néanmoins ce petit ouvrage, comme celui de Naomi Klein (Dire non ne suffit plus) est très revigorant.
Lien : https://lefildescommuns.fr/2..
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