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Citations de Alejandro Palomas (215)


Il n'est pas d'aubes violettes sans yeux pour les refléter, ni de longs chemins sans pieds pour les parcourir.
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Silvia est concentrée sur le liège. Elle ôte les cartes postales lentement, régulièrement, comme une petite fille qui range des images dans son album, pendant qu’oncle Eduardo, de son bout de table, continue à parler : « Je te dirai que tu en veux à la vie et que tu as de bonnes raisons pour ça. À ta place, je lui en voudrais sûrement aussi, mais tu te trompes si tu crois que ne rien faire, c’est vivre mieux. Non, ne rien faire, c’est vivre moins, et ça, toi, tu devrais le savoir. »

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Dans le silence qui nous berce maintenant, je regarde Emma et mon regard englobe aussi le couvert vide placé près d’elle, avec ses deux assiettes, ses verres, sa serviette et sa chaise devant. Je sais que vu de l’extérieur, n’importe qui penserait que nous attendions un invité qui n’est pas venu et je sais aussi que je ferais la même lecture si je ne savais pas ce que je sais. Sauf que je ne suis pas à l’extérieur, mais dedans. Je ne suis pas papa, ni Andrés, ni Sara non plus, mais je fais partie de ceux qui restent, de cette famille qui, grâce à maman, a appris à révérer les absences et à leur faire une place dans la réalité. Et c’est une vertu que nous lui reconnaissons tous et dont nous lui sommes reconnaissants. Surtout Emma.
Même si avant ce n’était pas le cas. Les choses étaient différentes. Mais le hasard ou les dés pipés du destin ont voulu qu’elles changent du jour où maman et moi avons découvert le secret d’Emma et que maman a décidé d’agir seule, de sauter dans l’arène et de jouer le tout pour le tout.
Après ça, aucune des deux n’a plus été vraiment la même.

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« Il y a deux sortes de gens.
Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent.
Et il y a ceux qui ne font jamais rien d’autre que se tenir en équilibre sur l’arête de la vie. Il y a les acteurs. Et il y a les funambules. »
(Maxence Fermine)

Puis le temps se charge de nous montrer que, malgré sa brutalité, ce qui importe réellement n’est pas tant l’impact que l’onde de choc, celle-là même qui replace les pions sur l’échiquier de la vie et change un paysage que nous croyions jusqu’alors immuable.
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Après quatre ans avec Andrés, à vivre en duo, à nous projeter en duo, à faire partie de, avec, à avoir cru et fait confiance…, convaincu que j’avais atteint un port que je ne quitterais que pour en visiter d’autres qui nous feraient grandir ensemble, nous rendraient plus adultes, et que le temps, celui qui nous unissait, était une ligne droite devant nous… Après avoir trouvé, façonné, appris, réparé, renommé et réinventé l’amour, et ce qui restait, le pauvre héritage qui m’avait conduit à mon petit studio sur la plage était un classeur dont chaque partie avait son nom à elle, comme rejet, douleur de l’absence, tromperie, colère, assurance de ne pas être à la hauteur parce que pas aimé, parce que abandonné et dénué de toute importance, tout petit, si peu de chose…

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Voilà essentiellement la différence qu’il y a entre papa et lui : oncle Eduardo profite de la vie en vainqueur dans l’âme, inconscient des dangers qu’il frôle, comme le funambule qui franchit un précipice, convaincu qu’un harnais de sécurité le rattache à son fil, même si en fait il n’y en a pas. Il n’est pas courageux, simplement il ne voit pas le danger. Papa est tout le contraire : il vit dans la terreur de perdre ce qu’il n’a pas encore obtenu, et la peur, le manque de confiance en lui sont tels que quand il finit par se décider à se lancer au-dessus du vide, le fil a disparu. Mais en même temps il est si orgueilleux qu’il ne fait pas demi-tour. D’où les échecs répétés. Et l’animosité.
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« Il y a un petit trésor en chaque femme… » est une de ses phrases fétiches, qu’il se fait un plaisir de repartir comme on remet une carte de visite. « Simplement, elles ont besoin d’un bon explorateur, conclut-il, en haussant un sourcil séducteur et en ébauchant un demi-sourire canaille dont il sait tirer tout le jus. Sinon pourquoi croyez-vous qu’Indiana Jones les rend toutes folles ? Ce n’est pas pour ce qu’il est lui, non. C’est pour ce déguisement d’homme viril à qui il reste encore des découvertes à faire. Les femmes, il faut savoir leur faire sentir qu’elles ont ce que vous recherchez, même si ce n’est pas vrai. »
Ce n’est pas la seule argumentation célèbre de notre oncle. Il en a d’autres, bien sûr, mais elles sont moins réussies.
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La Silvia qui a quitté l’hôpital n’était plus la même. Là où avant prédominait l’envie de dévorer le monde, il y avait maintenant un vide qu’elle s’est mise immédiatement à combler. La curiosité a laissé place au besoin de contrôle. La Silvia dirigiste est devenue intolérante ; l’amie fidèle, une sorte de louve défendant et surveillant les siens jusqu’à les étouffer. Silvia est sortie de cet hôpital profondément blessée et a combattu sa souffrance comme elle a pu : elle s’est employée à remplir son manque d’enfants avec d’autres choses et a construit ainsi une nouvelle Silvia. Est née alors la femme hyperactive, se consacrant corps et âme à son travail et à sa réussite professionnelle ; une femme pratique, méthodique dans le moindre détail, obsédée par le ménage et la propreté.
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Tout ceci : cette table, cette sœur aînée, cette mère, cette sœur cadette et sa compagne, le portrait de grand-mère au-dessus du canapé, les assiettes avec leurs serviettes de Noël rouges comme des bouées sur une mer de cristal, les verres et les coupes… tout ceci est le fil d’argent qui me rattache à une réalité qui court, parallèle à celle que j’ai décidé il y a quelques années de mettre de côté pour qu’elle me fiche la paix, pour qu’elle ne me fasse plus souffrir avec ses absences, ses coups de massue et ses hiéroglyphes bourrés de pièges. Tout ceci est ce qui me retient ici, ma prise de terre depuis que les choses ont mal tourné dans ma vie et que la musique s’est mise à sonner faux, hors du ton, hors de tout. Depuis que, pour faire face, j’ai pris un chemin que j’ai cru être un raccourci et qui s’est vite révélé une voie sans issue.
J’ai perdu. Je n’ai pas su perdre. Et je me suis perdu.
Mais ça, c’est une autre histoire. Ou peut-être pas.
Trois ans déjà. Trop de temps est passé en si peu de temps. Encore une phrase de grand-mère Ester. Celle des dernières années. Avec sa mémoire de plus en plus fragile, ses carnets pleins de listes et de souvenirs.
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Elle a dit ça d’une voix de vieille femme qui ne sait pas se défendre des attaques de ceux qu’elle aime parce qu’elle a toujours préféré souffrir que faire du mal. Maman est ainsi, et nous le savons tous. Et ça, cette force pleine de faiblesse, c’est quelque chose que Silvia ne supporte pas parce qu’elle ne sait pas s’en défendre. Maman me cherche du regard, en quête de mon soutien. Elle évite de croiser celui de Silvia.
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2009 a été une année de changements importants pour la famille. Un jour de novembre étrangement doux, quelque chose s’est produit et ensuite il n’y a pas eu de retour en arrière possible : un petit boulon de l’échafaudage qui nous maintenait au-dessus du réel s’est dévissé, est tombé dans le vide et a dévalé la rue. Nous l’avons entendu rouler sur le bitume sans y attacher d’importance.
C’était une erreur.
Nous l’avons compris quand nous nous sommes rendu compte que le boulon en question était une pièce maîtresse qui soutenait la structure tout entière et que cette structure n’avait pas été contrôlée depuis la nuit des temps. En quelques semaines, l’échafaudage de nos vies a dégringolé, en particulier celui de maman et le mien, et nous avons dû recommencer de zéro, chacun avec le fardeau de son propre naufrage, sauvant quelques meubles – car tous n’étaient pas arrivés intacts à terre –, auxquels nous essayons depuis de retrouver une place.
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Maman est la reine pour détourner les conversations qui ne l’intéressent pas. Sa vue basse et la maladresse physique avec laquelle elle évolue dans le monde contrastent avec son agilité quand il s’agit d’esquiver tout ce qui la dérange. Elle sait parler comme ça, perpendiculairement aux interventions des autres, comme si elle jouait au Scrabble.
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Il faut bien avouer – même si depuis que papa n’est plus là il y a beaucoup de nœuds qui se sont dénoués, beaucoup de tensions que nous n’avons plus à affronter et que la soirée du nouvel an est devenue beaucoup plus paisible – que le 31 décembre est pour notre famille une date qui reste un peu sur l’estomac. Voilà pourquoi nous sommes tous particulièrement tendus ce soir-là, décidés, chacun de son côté, à rectifier autant que faire se peut les virulences de l’année précédente, à passer une soirée légère, à discuter tranquillement de frivolités et à partager un sens de l’humour dans lequel la famille se reconnaît, qui nous rapproche et qui dit le mieux ce que nous sommes ensemble. Jusqu’à aujourd’hui, chacune de ces tentatives s’est soldée par un échec.
Il faut ajouter à cela que depuis quelques semaines maman semble en état d’alerte. Elle est inquiète, préoccupée. Sans rien savoir avec certitude, elle pressent des éléments qui lui sont encore étrangers, des vérités qui ne se sont pas encore profilées. Lueurs et zones d’ombre. Elle est maladroite. Plus bruyante. Elle n’imagine pas qu’il y a peut-être des raisons pour qu’elle le soit. Des raisons qu’elle ignore.
Pour l’instant.
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À chaque fois que nous nous réunissons en famille pour un déjeuner ou un dîner de fête, la Chaise des Absences est toujours là, avec ses assiettes, ses verres et sa serviette.(p.253)
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Nous sommes tous ce que nous sommes par ce que nous avons été autrefois.
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