Jonah part du jour au lendemain pour le Yukon, à 4500 kilomètres de chez lui, de la Silicon Valley, des hautes tours, et des start-up qui pullulent un peu partout. Fini les réfrigérateurs, fini le boulot de ses parents, dans cette « boîte de losers », où il fallait vendre et vendre, acheter et acheter, bref, participer à l’american system qui tient désormais du world system.
On comprend assez vite que ce changement de décors ne contrarie absolument pas le jeune adolescent qui a trop rêvé de forêts imaginaires et de légendes pour se contenter de plastique et de lithium. C’est une nouvelle vie qui commence, faite d’aventures et de nouveaux horizons, et la perspective du froid et des nuits glaciales ne lui font pas peur. J’avoue que j’aurais bien aimé en apprendre plus sur Jonah avant que son périple ne commence, découvrir ce qui l’effrayait, ce qui le passionnait. Que faisait-il là bas ? Avait-il des amis ? Mais Thibault Vermot nous entraîne directement au cœur de l’hiver, six mois après leur arrivée à Matchbox Point. Une seule chose semble venir obscurcir la retraite idyllique construite par ses parents : le manque d’intimité. 13 ans, pas de chambre, les entendre chuchoter, se retourner et grogner tous les soirs, séparé d’eux par un simple rideau ? Et ses besoins à lui alors ? « Le bruit commençait à l’obséder. » Alors que ses parents sont partis chercher des plumes pour leurs oreillers (parce que non vraiment le polyester ce n’est plus possible ici), Jonah éprouve le besoin soudain de s’en aller explorer d’un peu plus près le Yukon… voire même de retrouver le bois qui pourrait lui servir à construire sa chambre.
C’est là que l’aventure commence. Une fois bien équipé et qu’il a mis le nez dehors, le froid à peine une morsure sur sa peau nue, Jonah s’engage sur la piste. Et on sent que ça va mal finir dès le début lorsque notre jeune adolescent annonce la couleur : il faut rentrer avant le crépuscule, et il n’a pas de fusil. Mmh… toi, t’es pas prêt de rentrer. Bien sûr qu’on le sent venir, bien sûr que c’est ô combien prévisible, mais est-ce que ça m’empêche de frissonner ? Absolument pas. Je guette, je tourne les pages, à l’affût de l’indice, la moindre petite chose qui pourrait mal tourner. Alors que Jonah avance insouciamment entre les arbres, formant une piste de neige à travers les bois, nous on commence petit à petit à se demander où Thibault Vermot veut bien nous emmener… et s’il n’y fera pas trop froid et trop sombre.
Bien vite notre jeune humain est rejoint par Spot, un chien de traîneau qui sera autant une compagnie bienveillante que le boulot accroché à sa jambe (quelle idée, aussi, de tomber dans l’eau lorsque celle ci est gelée et se glace instantanément sur ses poils, mmh ? on se le demande !). Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la forêt, on observe d’autant plus les ombres qui émergent, et les bruits qui détonnent le silence.
Cette ambiance est retranscrite à merveille par l’auteur, et on ne peut s’empêcher de penser bien évidemment aux romans de Jack London. La neige, les sons, le froid qui s’empare des mains, du corps tout entier, et la peur presque folle qui submerge. L’auteur nous entraîne sur les vieilles légendes indiennes d’un homme qui aurait perdu son ombre et en cherche une à travers les bois ; d’une tombe pleine de mains humaines ; de lieux de culte faits de branches et de plumes. Le tout ressemble à une parenthèse folle où tout devient effrayant, glaçant, dangereux. Le cœur bat la chamade et on tourne les pages un peu plus vite, les pieds déjà gelés, lèvres gercées. L’hiver, le froid, la peur traversent les lignes.
Je suppose que les amateurs de romans d’horreur, d’épouvante et autres choses de ce type seront peut-être moins surpris par la tournure des événements. Mais personnellement, ce roman a eu l’effet d’une petite bombe, à serrer les fesses, crisper les mains, serrer les dents et espérer que tout ce qui défilait dans mon imagination n’allait pas se produire. Même à la fin du récit, la question reste encore trop présente : réalité ? folie ? On en sait rien, et cette fin ouverte n’est pas faite pour me rassurer quant aux balades en forêt en plein hiver. Non non.
Les illustrations d’Alex W. Inker ne sont pas ne reste et apportent une réelle plu value au roman, tantôt de petites bulles de respiration, tantôt angoissantes, elles soulignent les traits de La route froide avec brio.
En résumé
C’est un roman qui coupe le souffle, et on ne sait plus très bien distinguer le faux du vrai, ce qui tient de la légende ou de la réalité, de la folie, de la peur, du froid qui engourdit tout et rend un peu fou. Véritable page turner il s’accompagne des tourments de l’adolescence et de légendes indiennes. Une pépite ❤
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