Alexandre Galien

Bienvenue dans le groupe, Edwige j’espère que les vannes de jean ne t’ont pas trop fatigué.
Si mais j’ai une prime pour ça, c’est juste en dessous de la CSG sur ma fiche de paye

Le malheureux qui, au 36, se fixait pour Éden de travailler en silence se lançait dans le 13e des travaux d’Hercule, tant il était impossible de ne pas entendre un téléphone sonner, un collègue rire ou râler, un mis en cause hurler, ou simplement le bruit métallique de la culasse d’une arme résonner dans le couloir…

Les flics sont des chasseurs, les voyous des gibiers, et chacun a développé des capacités de perception qui vont dans le sens de sa survie. Un voyou est capable de repérer un flingue mal caché sous un tee-shirt, un flic pourra capter la peur d’être traqué dans le regard du moindre passant. Et c’est la sélection naturelle qui conduira le voyou à se faire interpeller en flag, et le flic à se faire détroncher… ou pire. Quand le banditisme rencontre le darwinisme, les flics divorcés se mettent à théoriser.

Si tu continues à écouter Sardou et que tu passes pas un peu à Oxmo Puccino, tu vas finir retraité à courir les banquets de la PJ, pour raconter des histoires de vieux combattant à des gamins qui t'apprendront à envoyer un e-mail en échange. La vieillesse est un naufrage, et t'as de plus en plus une tronche de Costa Concordia... ou de Titanic, si tu préfères...

On ne meurt jamais sans laisser personne dans le douleur. il y a toujours une famille, un ami, un collègue de travail à qui il faut apporter des réponses. C'est pour ça que, quand frappe la mort, une poignée de flics manque de sommeil.

- Et ouais, collègue, la vraie vie ça sent plus mauvais que les écoutes illégales… Et paradoxalement, ça pue moins que vos méthodes.

La gentrification parisienne n'avait pas encore eu raison de ces rues à l'aspect tiers-mondiste qui, dans un paradoxe saisissant, font l'âme de Paris et la honte de sa gouvernance.

Les trois policier étaient à poil. Leurs cartes, leurs flingues et leurs costards à la con n'y faisaient rien. La douleur d'une mère était toujours trop lourde, même pour les épaules de flic...

Les pompes funèbres, en période de canicule, allaient mettre des plombes à se pointer, dépassées par le nombre de personne âgées que leurs enfants oubliaient trop vite.

_C'est probable, oui. Mais nous, ça nous offre une certitude supplémentaire: on est dans un nid de frelons, et il va falloir partager les infos en circuit fermé. Encore plus que d'habitude, rien ne doit sortir u groupe.

Coincé entre un pressing et un immeuble style art dégueu des années 60, le bâtiment de l’ambassade du Nigéria répondait un peu plus au standing de l’avenue Victot Hugo où elle avait élu domicile.

Pourtant, à l’intérieur, elle était encore une jeune femme qui avait souscrit son premier contrat d’électricité il y avait deux ans à peine ; et dont la vie sentimentale était aussi mûre qu’une cerise en décembre.

Cet hôpital abandonné me fout les jetons. Je n'entends que le bruit de mes pas sur le sol. Rien d'autre n'existe autour de moi. J'ai laissé mes collègues derrière et je cours de plus en plus vite, dans la froideur du sanatorium d'Ardrycourt. La nuit est noire. Seule la lumière blafarde des rares néons qui fonctionnent encore me permet de voir où je mets les pieds. Je n'ai qu'une idée en tête. La sauver.

Il tourne la tête et voit une jeune femme dans une Smart noire qui hurle et tape derrière son volant en klaxonnant. Ses cheveux dans les yeux, elle a un regard de possédée. Ses nerfs ont lâché. La circulation parisienne troue autant les cerveaux que la couche d'ozone.

N'en fais pas trop quand même.

On a une jeune femme, entre vingt et vingt-cinq ans a priori, égorgée et laissée à poil sans rien à côté d’elle. Pas de traces de coups, l’IJ est en train de faire des prélèvements pour voir si on trouve quelque chose. Pas de témoins, évidemment, elle a été trouvée là, dans le buisson, par un couple qui se baladait. Celui qui lui a fait ça l’a tailladée au niveau du bas-ventre. Un vrai crime de sadique.

À quelques encablures, derrière le cinéma, des lumières bleues scintillent à l’unisson, des dizaines de radios grésillent et une petite armée d’hommes en combinaison blanche s’active sous des projecteurs surpuissants. Philippe se gare derrière une camionnette de l’Identité judiciaire. Il prend sa mallette sur la plage arrière et enfile immédiatement la combi et les sur-chaussures, qui lui donnent un vague air de cosmonaute. Il prend une grande inspiration et passe en dessous des rubalises blanc et rouge qui entourent la scène.

À quatre heures du matin, Paris est désert. C’est le moment qu’il préfère. Celui où la capitale, immense, semble lui appartenir.

Ce sentiment de gâchis, cette brusque plongée dans la réalité alors que les autres sont à la fête, peu de gens les connaissent vraiment. Policiers, pompiers, médecins… Ils sont, chacun à leur façon, le dernier rempart face à l’horreur. Les piliers de notre société, qui ont le triste privilège de voir leur réveillon de Noël gâché par un suicide, de fêter le Nouvel An autour de la carcasse d’une voiture sur l’autoroute ou, comme Philippe, de célébrer la Coupe du monde dans le décor morbide d’un infanticide.

Il prend son arme dans le tiroir de la table de chevet, chambre une cartouche et se dirige vers sa voiture. La portière claque, TSF Jazz s’allume en fond sonore… Philippe met le contact, mais ne se résout pas encore à démarrer le moteur. Vingt ans qu’il n’a pas vu un cadavre. Les bras crispés sur le volant, il rassemble le peu d’éléments qu’il a : une mort violente, le corps de la victime a été découvert au bord du canal, derrière la porte de la Villette. Il tente de visualiser la scène de crime, mais les images du dernier macchabée auquel il a fait face viennent balayer le tableau.