Alexis Ragougneau

Vous me suivez toujours, n'est-ce-pas ? - moi je n'y peux rien si le Reine Elisabeth est aux musiciens classiques ce que le décathlon est aux dieux du stade : une compétition de force et d'endurance où chaque note, chaque démanché, chaque coup d'archet peut vous faire trébucher.

"Ici, en cette basilique, j’en vois plusieurs, parmi les musiciens de l’Orchestre de la Suisse romande sur qui regnait mon pere, asetre vetus de leur frac des grands soirs. La minute de silence n’est pas encore achevée mais deja ils veulent presser le tempo, passer a la céremonie religieuse proprement dite. Je les vois depuis mon clavier, je les vois s’agiter sur leur chaise, croiser puis de croiser les jambes; je les entends toussoter, faire craquer leurs jointures, se moucher avec plus ou moins de discretion (il faut dire que nous sommes en hiver; froide, froide et humide Geneve). Sans instrument entre les mains, ils ne savent pas quoi faire. Le silence leur est insupportable. "

Vous l'avez entendu déjà, tout commence par un "Nocturne"noir et cataleptique. Décidément l'ambiance sied bien à un mort, en l'occurrence mon père, mais aussi à une absence, celle de mon frère. David Oïstrakh, qui créa le concerto à Leningrad en 1955, disait de ce premier mouvement qu'il exprimait l'absence totale de sentiments. Il y a un terme clinique, "l'alexithymie", pour désigner l'impossibilité d'exprimer ses émotions. Dans la famille Claessens, finalement, il n'y aura que ma mère à ne pas être atteinte d'alexithymie, et l'on sait comment tout cela a fini.

A quoi tient la trajectoire d'une vie? A son père. A sa mère. A son frère ou à sa soeur . A ses échecs, à ses succès. A la musique qu'on entend et aux livres qu'on lit.

C'est usant. C'est épuisant. Parce qu'il n'y a aucune garantie que le miracle se reproduise de concert et concert.

Les Frenchies sont plus que jamais occupés à s'entre étriper, vous savez. Les gaullistes contre les communistes, les communistes contre les vichystes, les vichystes contre les gaullistes... Des combats de coq à n'en plus finir. C'est à celui qui dressera sa crête le plus haut dans la basse cour.

L 'humain était-il jamais à la hauteur de sa rhétorique?

Les vainqueurs ont la mémoire encore vive des horreurs qu'ils ont dû subir......Les hommes passent, les prisons restent.

En effet, une colonne d'hommes portant le calot et capote maronnasses vint se placer devant les ouvriers, les reléguant à l'arrière-plan, établissant ainsi une hiérarchie dans l’héroïsme et la lâcheté, dans le degré de reconnaissance de la Nation.