Amélie Antoine

Sa femme avait l'habitude, chaque année - puisque la romancière sort un bouquin par an, avec une régularité qui ne correspond pas à l'idée que Gabriel se fait d'un écrivain -, de lire en une soirée, dans son bain, la dernière œuvre d'Amélie Nothomb. C'était devenu une sorte de tradition.

On croit plonger dans la fiction pure, créer toutes sortes de personnages tirés de son imagination, et puis, pile au moment où on écrit le mot FIN, on réalise brutalement à quel point, sans le vouloir, on a puisé dans sa propre histoire.
(préambule, p. 7)

Le collège, c'est une jungle. Soit tu bouffes les autres, soit tu te fais bouffer, c'est comme ça. Tout le monde le sait. Il faut juste savoir de quel côté de la toile d'araignée on se place.

Il a beau se dire que ce n'est pas uniquement à la fin d'un film qu'il faut juger toute l'histoire, il ne sait plus.
(p. 226)

(...) ce que je sais, c'est qu'en ce moment, je ne me sens bien nulle part en dehors de mes livres. Je ne me sens à ma place nulle part, comme si j'étais une pièce d'un puzzle mélangée par mégarde à celles d'un autre. Et qu'on cherchait à tout prix à me faire rentrer dedans, alors que je n'appartiens pas à cette image-là.
Le pire, c'est peut-être bien que je donnerais n'importe quoi pour me découper, me raboter pour être une pièce conforme, une pièce NORMALE.
Mais je n'ai aucune idée de comment m'y prendre...
(p. 30)

« Je veux écrire un peu, pas longtemps. Ma tête est fatiguée. Je veux écrire un peu pour dire qu'il n'y a pas de chagrin juste. Parfois la terre tremble à l'autre bout du monde, mais souvent c'est à l'autre bout de soi-même que quelque chose a bougé. »

Cécile Coulon, Noir Volcan

Parce qu'un être humain a tellement de facettes que vouloir le résumer à un acte, c'est injuste.

Au moment où les choses se produisent, on ne se rend pas compte à quel point elles sont importantes, à quel point elles se gravent en nous. C'est encore plus vrai des petites habitudes, des rituels, des choses qu'on croit insignifiantes mais qui sont en réalité essentielles.

Parfois, quand on est au plus mal, on fait en sorte que les choses tournent au vinaigre. Consciemment ou inconsciemment. Pour se punir, pour se prouver que rien ne va...

La pitié, c'est la cerise sur le gâteau de la cruauté, rien de plus. La pitié, c'est juste une façon pathétique de gérer la culpabilité qu'on commence à ressentir, la culpabilité d'avoir fermé les yeux, de n'avoir rien fait dès le début.

Et je n'ai plus envie d'être "la femme de", j'ai envie d'être moi, de ne plus être dans ton ombre.

Je me suis murée dans le silence à cause d'elle et, pour la première fois, me taire me semble libérateur.

Je n'ai aucune envie de jouer la comédie ce soir. Pas le cœur à être tout sourires alors que je suis toute craquelée de l'intérieur, comme une vieille porte à la peinture complètement écaillée.
Je me sens aussi usée que si j'avais déjà vécu mille vies, moi qui ai pourtant encore tout à apprendre.

Je suis le chef d'orchestre de toute cette meute bien docile.

Une fois assise sur mon lit, tout est retombé et je me suis sentie vide.
Complètement vide, comme si je n'étais plus qu'un robot sans piles et sans âme.
Comme si tout à l'intérieur de moi était mort.
"Enfin" mort.

Et puis, Laetitia se met à hurler. C'est un cri qui vient du plus profond de ses entrailles, un râle rauque qui donne des frissons, il en a la chair de poule. Un hurlement primal, animal, si violent qu'il est difficile de croire qu'une femme aussi menue puisse en être à l'origine.

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Il paraît que quand on se noie, il faut se laisser couler jusqu'à atteindre le fond et pouvoir donner un bon coup de pied pour remonter à la surface. Mais il faut faire quoi, quand on a le sentiment qu'on n'aura jamais fini de descendre dans les profondeurs et qu'il y aura toujours plus, toujours pire ?

Je voulais juste passer mes nerfs sur quelqu'un et me faire mousser auprès des autres au passage.

Claire voudrait en rire, ou au moins y être indifférente, mais les jours passent, les petits mots s'accumulent dans le tiroir de sa table de chevet, et elle commence à se sentir dépasser par la tournure que prennent les événements.

Gabriel savait que tout prétexte était bon pour déclencher un conflit entre ses parents. Ils adoraient ça, et surtout se réconcilier après, sans se soucier d'imposer en permanence à leurs enfants un climat volcanique.