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Citations de André Breton (593)


La nuit est surpeuplée d'étoiles et le chant de ces gens monte vers le ciel comme la mer s'en va à la recherche de la lune, bonheur si lourd et si peu décevant pour les âmes délicates des vagues.
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Les livres épais souvent feuilletés deviennent des coquillages abandonnés et pleins de terre.
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Le blanchissement nocturne des herbes a de quoi surprendre ceux qui ont l'habitude de dormir à la belle étoile.
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LES ÉTATS GÉNÉRAUX

Dis ce qui est dessous parle

Dis ce qui commence

Et polis mes yeux qui accrochent à peine la lumière

Comme un fourré que scrute un chasseur somnambule

Polis mes yeux fais sauter cette capsule de marjolaine

Qui sert à me tromper sur les espèces du jour

Le jour si c'était lui

Quand passe sur les campagnes l'heure de traire

Descendrait-il si précipitamment ses degrés

Pour s'humilier devant la verticale d'étincelles

Qui saute de doigts en doigts entre les jeunes femmes

des fermes toujours sorcières
Polis mes yeux à ce fil superbe sans cesse renaissant

de sa rupture
Ne laisse que lui écarte ce qui est tavelé
Y compris au loin la grande rosace des batailles
Comme un filet qui s'égoutte sous le spasme des

poissons du couchant
Polis mes yeux polis-les à l'éclatante poussière de

tout ce qu'ils ont vu
Une épaule des boucles près d'un broc d'eau verte
Le matin

Dis ce qui est sous le matin sous le soir

Que j'aie enfin l'aperçu topographique de ces poches

extérieures aux éléments et aux règnes
Dont le système enfreint la distribution naïve des

êtres et des choses
Et prodigue au grand jour le secret de leurs affinités
De leur propension à s'éviter ou à s'étreindre
A l'image de ces courants
Qui se traversent sans se pénétrer sur les cartes

maritimes
Il est temps de mettre de côté les apparences individuelles d'autrefois
Si promptes à s'anéantir dans une seule châtaigne

de culs de mandrilles
D'où les hommes par légions prêts à donner leur vie Échangent un dernier regard avec les belles toutes

ensemble
Qu'emporte le pont d'hermine d'une cosse de fève
Mais polis mes yeux
A la lueur de toutes les enfances qui se mirent à la

fois dans une amande
Au plus profond de laquelle à des lieues et des lieues
S'éveille un feu de forge

Que rien n'inquiète l'oiseau qui chante entre les 8
De l'arbre des coups de fouet
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La clé de sol enjambe la lune.
Le criocère sertit la pointe de l'épée du sacre.
Un voilier porté par les alizés s'ouvre une passe dans les bois.
Et les douze gouttes du philtre s'extravasent en un flot de sève qui emparadise les cœurs et feint de dégager cette merveille (on ne peut que l'entrevoir) qui, du côté
bonheur, ferait contrepoids au sanglot.
Les chères vieilles croches tout embrasées reposent le couvercle de leur marmite.
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LE CRÉPUSCULE ROSE CARESSE LES FEMMES ET LES OISEAUX - CONSTELLATION

Le sorbier entre dans la lyre ou bien la lyre dans le sorbier.
Vous pouvez fuir, les belles, la poursuite ne sera pas longue!
Le souffle des chevaux lacère d'un nuage les vestes des piqueurs et les disperse comme il ne peut advenir qu'à l'approche du
Grand
Veneur en personne.
Vous n'arriverez pas jusqu'à la grille...

C'était bien la peine, votre gorge est un flot de bouvreuils.
Saviez-vous qu'à la cathédrale de
Sens on montra des grelots de vermeil dont le rôle fut de tinter aux franges d'une étole et d'un manipule?
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Celle qu'aima l'Amour, on sait que, pour avoir voulu le voir en l'éclairant d'une lampe alors qu'il dormait, elle le mit en fuite en lui laissant tomber sur la main une goutte d'huile
enflammée.
Il lui est dit qu'elle ne le retrouvera que tout en haut de la
Tour dont l'escalier commence comme celui de l'Hôtel de la
Reine
Blanche à
Paris mais se rompt et se hérisse de toujours plus d'obstacles en s'élevant labyrinthe vertical en coupe de murex tombé en ruines.

On la voit sans souffle atteindre le sommet, sa gaze plus lacérée et plus lucide qu'une nuit d'été.
Hélas, le dieu n'y est pas et les tentations d'en bas, innombrables joueuses de tympanon à tête de courtilière, y vont de leur ronde pour lui pomper le cœur :
chérie, c'en sera fait, tu ne sentiras plus rien.
C'est alors, mais seulement alors, que dans l'inouï s'assure et à toute volée retentit la voix de la
Tour : «
Les yeux fermés redescends par où tu es venue.

Tu ne t'arrêteras pas au niveau du sol.
C'est quand à nouveau tu seras parvenue ici en reflet que te sera révélé l'équilibre des forces et que tu poseras le doigt sur le coffret de parfums. »
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Il était dit que le jeu de mains devait mal finir.
C'en est fait, une bonne fois le canut et le gnaf ont réglé leur compte; on en est quitte pour une tourbe à ne pas démêler la soie du chégros.
Voilà pour le spectacle extérieur : il a pris lin sur les hauts cris du petit monde que les mères entraînent et rassurent.
Mais l'enfant décidément oublié à son banc bien après l'heure est seul à pouvoir montrer, dans le gland du rideau qu'attisent les spasmes de la veilleuse, la patte
héraldique haut levée du tout jeune lion qui s'avance et qui joue.
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Le monde se distend comme la pelure en impeccable hélice d'un citron vert.
En scintille la boucle de celle qui supplia : «
Encore une minute, monsieur le bourreau! »

Et la bouleversante cornemuse, conçue en des temps toujours reculables pour épouser les mouvements du cœur auquel elle s'applique étroitement quoi qu'il arrive, donne de
tous ses bourdons à l'étoile du berger.

Où se délace — d'un flot de rubans de
Riemann — la beauté, qui l'appréhende a déjà le pied sur la pédale : «
La partie matérielle de la plante est tout à fait consentante à être mangée. »
C'est très volontiers que la chenille qui la dévore, se fit-elle arrogante comme celle de la dicranure vinule, s'expose, dans le subtil du devenir, à être la proie de
l'oiseau.
Plus rien n'en transparaît dans l'aromal : «
Un oiseau, un papillon ne sont jamais tristes.
Les papillons sont très élevés en esprit; ils jouent avec les enfants; le papillon le sait et s'en amuse : il s'échappe toujours, même quand on l'attrape et qu'on le
tue. »

Paris, octobre-décembre 195S.
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Du dehors l'air est à se refroidir

Le feu éteint sous la bouillotte bleue des bois

La nature crache dans sa petite boite de nuit

Sa brosse sans épaisseur commence à

faire luire les arêtes des buissons et des navires

La ville aux longues aiguillées de fulgores

Monte jusqu'à se perdre

Le long d'une rampe de chansons qui tourne en vrille dans les rues désertes

Quand les marelles abandonnées se retournent l'une

après l'autre dans le ciel
Tout au fond de l'entonnoir

Dans les fougères foulées du regard
J'ai rendez-vous avec la dame du lac

Je sais qu'elle viendra

Comme si je m'étais endormi sous des fuchsias

C'est là

A la place de la suspension du dessous dans la maison des nuages

Une cage d'ascenseur aux parois de laquelle éclate par

touffes du linge de femme
De plus en plus vert

A moi

A moi la fleur du grisou

Le ludion humain la roussette blanche

La grande devinette sacrée

Mieux qu'au fil de l'eau
Ophélie au ballet des mouches

de mai
Voici au reflet du fil à plomb celle qui est dans le

secret des taupes

Je vois la semelle de poussière de diamant je vois le paon blanc qui fait la roue derrière l'écran de la cheminée

Les femmes qu'on dessine à l'envers sont les seules qu'on n'ait jamais vues

Son sourire est fait pour l'expiation des plongeurs de

perles
Aux poumons changés en coraux

C'est
Médu3e casquée dont le buste pivote lentement

dans la vitrine
De profil je caresse ses seins aux pointes ailées

Ma voix ne lui parviendrait pas ce sont deux mondes
Et même

Rien ne servirait de jeter dans sa tour une lettre toute ouverte aux angles de glu

On m'a passé les menottes étincelantes de
Peter
Ibbetson

Je suis un couvreur devenu fou

Qui arrache par plaques et finirai bien par jeter bas

tout le toit de la maison
Pour mieux voir comme la trombe s'élève de la mer
Pour me mêler à la bataille de fleurs
Quand une cuisse déborde l'écrin et qu'entre en jeu la

pédale du danger

La belle invention

Pour remplacer le coucou l'horloge à escarpolette

Qui marque le temps suspendu

Pendeloque du lustre central de la terre

Mon sablier de roses

Toi qui ne remonteras pas à la surface

Toi qui me regardes sans me voir dans les jardins de

la provocation pure
Toi qui m'envoies un baiser de la portière d'un train

qui fuit
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Elle dit au berger : «
Approche.
C'est moi qui t'attirais enfant vers ces caves profondes où la mer en se retirant. gare les œufs des tempêtes que lustre le varech, aux myriades de paupières
baissées.
Seulement à la lumière frisante, comme on met la main sur les superbes fossiles au long de la route qui se cherche dans la montagne dynamitée, tu brûlais de voir jaillir
l'arête d'un coffre de très ancien ouvrage qui contînt (ce n'est même pas la peine de le forcer) tout ce qui peut ruisseler d'aveuglant au monde.
Je te le donne parce que c'est loi comme chaque jour pour que tes sillons grisollent et que, plus flattée qu'aucune, ta compagne sourie en te retrouvant. »
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Le long des rues bruissantes, les belles enseignes polychromes déteintes épuisent toutes les variétés de caractères romantiques.
L'une d'elles un moment me tient sous le charme pervers des tableaux de l'époque négativiste de
René iMagritte.
Mais ce que je contemple de loin est d'un
Magritte extrêmement nuancé — avec la réalité en voie de rupture ou de conciliation?
Qu'on se représente, de la taille d'un aigle, un papillon bleu ciel sur lequel se lit en lettres blanches le mot pigeon.
Au demeurant, un naturaliste de ce nom, simplement...
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Sur les murs des petits bourgs, des hameaux perdus, ces beaux signes à la craie, au charbon, c'est l'alphabet des vagabonds qui se déroule : un quignon de pain, peut-être un
verre à trois maisons après la forge; château : gare au molosse qui peut sauter la haie.
Ailleurs le petit homme nu, qui tient la clé des rébus, est toujours assis sur sa pierre.
A qui veut l'entendre, mais c'est si rare, il enseigne la langue des oiseaux:

«
Qui rencontre cette vérité de lettres, de mots et de suite ne peut jamais, en s'exprimant, tomber au-dessous de sa conception. »

Sous les ponts de
Paris, le fleuve monnaye, entre autres méreaux, le souvenir des priapées au temps où le chef des jongleurs levait tribut sur chaque folle femme.
Et chacun de nous passe et repasse, traquant inlassablement sa chimère, la tête en calebasse au bout de son bourdon.
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Ma femme à la chevelure de feu de bois

Aux pensées d'éclairs de chaleur

A la taille de sablier

Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre

Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de

dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d'ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d'hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant
Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle
Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de
Champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d'allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d'as de cœur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la
Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d'écume de mer et d'écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau

Ma femme aux pieds d'initiales

Aux pieds de trousseaux de clefs aux pieds de calfats qui

boivent
Ma femme au cou d'orge imperlé
Ma femme à la gorge de
Val d'or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit

Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière

A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d'amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul

Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque
Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre
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Il passe des tribus de nomades qui ne lèvent pas la

tête
Parmi lesquels je suis par rapport à tout ce que j'ai

connu
Ils sont masqués comme des praticiens qui opèrent
Les anciens changeurs avec leurs femmes si particulières
Quant à l'expression du regard j'ai vu plusieurs

d'entre elles
Avec trois siècles de retard errer aux abords de la

Cité
Ou bien ce sont les lumières de la
Seine
Les changeurs au moment d'écailler la dorade
S'arrêtent parce que j'ai a changer beaucoup plus

qu'eux
Et les morts sont les œufs qui reviennent prendre

l'empreinte du nid
Je ne suis pas comme tant de vivants qui prennent

les devants pour revenir

Je suis celui qui va

On m'épargnera la croix sur ma tombe

Et l'on me tournera vers l'étoile polaire

Mais tout testament suppose une impardonnable

concession
Comme si dans le chaton de la bague qui me lie à la

terre
Ne résidait suprême la goutte de poison oriental
Qui m'assure de la dissolution complète avec moi
De cette terre telle que je l'ai pensée une échappée

plus radicale
Sinon plus orgueilleuse que 'celle à quoi nous convie le

divin
Sade
Déléguant au gland à partir de lui héraldique
Le soin de dissimuler le lieu de son dernier séjour
Comme je me flatte dit-il

Que ma mémoire s'effacera de
Vesprit des hommes
Pile ou face face la pièce nue libre de toute elligie de

tout millésime
Pile
La pente insensible et pourtant irrésistible vers le

mieux

Il ne me reste plus qu'à tracer sur le sol la grande figure quadrilatère

Au centre gauche l'ovale noir

Parcouru de filaments incandescents tels qu'ils apparaissent avant que la lampe ne s'éteigne

Quand on vient de couper le courant du secteur

L'homme et ses problèmes

Inscrit dans le contour ornemental d'une fleur de tabac

Puis tour à tour

Regardant, chacun des côtés et disposés symétriquement par rapport aux axes

Les quatre tètes rondes d'être quatre fois bandées

Le pansement du front le loup noir le bâillon bleu la mentonnière jaune

Les fentes des yeux et de la bouche sont noires

En bas le passé il porte des cornes noires de taureau du bout desquelles plongent des plumes de corbeau

Du sommet et de la base partent les fils lilas noisette de certains yeux

A gauche le présent il porte des cornes blanches de taureau d'où retombent des plumes d'oie sauvage

Il s'avive par places de mica comme la vie au parfum de ton nom qui est une mantille mais celle même dans l'immense vibration qui exalte l'homme-soleil et je baisse les yeux fasciné
par cette partie déclive de ta lèvre où continuent à poindre les rois mages

En haut l'avenir il porte des cornes jaunes de taureau dardant des plumes de flamant

Il est surmonté d'un éclair de paille pour la transformation du monde

A droite l'éternel il porte des cornes bleues de taureau à la pointe desquelles bouclent des plumes de manucode

Un arc de brume glisse tangentiellement aux bords sud ouest et nord et s'ouvre sur deux éventails de martin-pècheur cet arc enveloppe les trois premières têtes et laisse
libre la quatrième gardée sur champ de pollen par une peau de condylure tendue au moyen d'épines de rosier

C'est par là qu'on entre

On entre on sort

On entre

on ne sort pas
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Parlez-moi de ces femmes dont la double huppe de coq de roche déploie à volonté l'arc semi-circulaire qui relie leurs narines à leurs talons, leur nuque à leur pubis et
qui dans un bruit sourd toujours déchirant choisissent de s'abîmer en étoile à même la terre.
L'écuyère dérive sur son patin de soie, c'est la plume au vent et son cheval n'a laissé qu'un fer étincelanl dans le ciel.
Corsetée de mousse, en maillot de lumière, l'exquise
Marie
Spelterini s'avance sur un fil au-dessus du
Niagara.
Rien non plus en esprit ne se gouvernera sans le trait d'éperdu à l'expiration duquel le plus haut période d'assouplissement commande l'abandon au radar qui aiguille
infailliblement les rencontres et, le doute au rebut, de tropisme en giration, doit toujours permettre de ressaisir par la main.
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Mais la lumière revient

Le plaisir de fumer

L'araignée-fée de la cendre à points bleus et rouges

N'est jamais contente de ses maisons de
Mozart

La blessure guérit tout s'ingénie à se faire reconnaître je parle et sous ton visage tourne le cône d'ombre qui du fond des mers a appelé les perles

Les paupières les lèvres hument le jour

L'arène se vide

Un des oiseaux en s'envolant

N'a eu garde d'oublier la paille et le fil

A peine si un essaim a trouvé bon de patiner

La flèche part

Une étoile rien qu'une étoile perdue dans la fourrure de la nuit

New
York, octobre 1943.
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Le sang ne fait qu'un tour

Quand le dukduk se déploie sur la péninsule de la

Gazelle
Et que la jungle s'entrouvre sur cent soleils levants
Qui s'éparpillent en flamants
A toutes vapeurs de l'ordalie
Comme une locomotive de femmes nues
Au sortir d'un tunnel de sanglots
Là-haut cône
Gare
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Je n'avais pas commencé à te voir tu étais aube

Rien n'était dévoilé

Toutes les barques se berçaient sur le rivage
Dénouant les faveurs (tu sais) de ces boites de dragées
Roses et blanches entre lesquelles ambule une navette

d'argent
Et moi je t'ai nommée
Aube en tremblant

Dix ans après

Je te retrouve dans la fleur tropicale

Qui s'ouvre à minuit

Un seul cristal de neige qui déborderait la coupe de

tes deux mains
On l'appelle à la
Martinique la fleur du bal
Elle et toi vous vous partagez le mystère de l'existence
Le premier grain de rosée devançant de loin tous les

autres follement irisé contenant tout

Je vois ce qui m'est caché à tout jamais
Quand tu dors dans la clairière de ton bras sous les papillons de tes cheveux

Et quand tu renais du phénix de ta source

Dans la menthe de la mémoire

De la moire énigmatique de la ressemblance dans un

miroir sans fond
Tirant l'épingle de ce qu'on ne verra qu'une fois

Dans mon cœur toutes les ailes du milkweed
Frètent ce que tu me dis

Tu portes une robe d'été que tu ne te connais pas
Presque immatérielle elle est constellée en tous sens

d'aimants en fer à cheval d'un beau rouge minium

à pieds bleus

Sur mer, 1946.
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FATA MORGANA

Ce matin la fille de la montagne tient sur ses genoux

un accordéon de chauves-souris blanches
Un jour un nouveau jour cela me fait penser à un

objet que je garde

Alignés en transparence dans un cadre des tubes en

verre de toutes les couleurs de philtres de liqueurs

Qu'avant de me séduire il ait dû répondre peu importe

à quelque nécessité de représentation commerciale

Pour moi nulle œuvre d'art ne vaut ce petit carré fait

de l'herbe diaprée à perte de vue de la vie
Un jour un nouvel amour et je plains ceux pour qui

l'amour perd à ne pas changer de visage
Comme si de l'étang sans lumière la carpe qui me tend

à l'éveil une boucle de tes cheveux
N'avait plus de cent ans et ne me taisait tout ce que

je dois pour rester moi-même ignorer
Un nouveau jour est-ce bien près de toi que j'ai dormi
J'ai donc dormi j'ai donc passé les gants de mousse
Dans l'angle je commence à voir briller la mauvaise

commode qui s'appelle hier
Il y a de ces meubles embarrassants dont le véritable office est de cacher des issues

De l'autre côté qui sait la barque aimantée nous pourrions partir ensemble

A la rencontre de l'arbre sous l'écorce duquel il est dit

Ce qu'à nous seuls nous sommes l'un à l'autre dans la grande algèbre

Il y a de ces meubles plus lourds que s'ils étaient emplis de sable au fond de la mer

Contre eux il faudrait des mots-leviers

De ces mots échappés d'anciennes chansons qui vont au superbe paysage de grues

Très tard dans les ports parcourus en zigzag de bouquets de fièvre

Écoute

Je vois le lutin

Que d'un ongle tu mets en liberté
En ouvrant un paquet de cigarettes
Le héraut-mouche qui jette le sel de la mode
Si zélé à faire croire que tout ne doit pas être de toujours
Celui qui exulte à faire dire
Allô je n'entends plus

Comme c'est joli qu'est-ce que ça rappelle

Si j'étais une ville dis-tu
Tu serais
Ninive sur le
Tigre
Si j'étais un instrument de travail
Plût au ciel noir

tu serais la canne des cueilleurs dans les verreries
Si j'étais un symbole
Tu serais une fougère dans une

nasse
Et si j'avais un fardeau à porter
Ce serait une boule

faite de têtes d'hermines qui crient
Si je devais fuir la nuit sur une route
Ce serait le

sillage du géranium

Si je pouvais voir derrière moi sans me retourner
Ce serait l'orgueil de la torpille

Comme c'est joli

En un rien de temps

Il faut convenir qu'on a vu s'évanouir dans un rêve

Les somptueuses robes en tulle pailleté des .arroseuses

municipales
Et même plier bagage sous le regard glacial de l'amiral

Coligny
Le dernier vendeur de papier d'Arménie
De nos jours songe qu'une expédition se forme pour

la capture de l'oiseau quetzal dont on ne possède

plus en vie oui en vie que quatre exemplaires
Qu'on a vu tourner à blanc la roulette des marchands

de plaisir

Qu'est-ce que ça rappelle

Dans les hôtels à plantes vertes c'est l'heure où les charnières des portes sans nombre

D'un coup d'archet s'apprêtent à séparer comme les oiseaux les chaussures les mieux accordées

Sur les paliers mordorés dans le moule à gaufre fracassé où se cristallise le bismuth

A la lumière des châteaux vitrifiés du mont
Knock-Farril dans le comté de
Ross

Un jour un nouveau jour cela me fait penser à un objet que garde mon ami
Wolfgang
Paalen

D'une corde déjà grise tous les modèles de nœuds réunis sur une planchette

Je ne sais pourquoi il déborde tant le souci didactique

qui a présidé à sa construction sans doute pour une

école de marins
Bien que l'ingéniosité de l'homme donne ici sa fleur

que nimbe la nuée des petits singes aux yeux

pensifs
En vérité aucune page des livres même virant au

pain bis n'atteint à cette vertu conjuratoire rien

ne m'est si propice
Un nouvel amour et que d'autres tant pis se bornent

à adorer
La bête aux écailles de roses aux flancs creux dont

j'ai trompé depuis longtemps la vigilance
Je commence à voir autour de moi dans la grotte
Le vent lucide m'apporte le parfum perdu de l'existence
Quitte enfin de ses limites
A cette profondeur je n'entends plus sonner que le

patin
Dont parfois l'éclair livre toute une perspective

d'armoires à glace écroulées avec leur linge
Parce que tu tiens

Dans mon être la place du diamant serti dans une vitre
Qui me détaillerait avec minutie le gréement des

astres
Deux mains qui se cherchent c'est assez pour le toit

de demain
Deux mains transparentes la tienne le murex dont

les anciens ont tiré mon sang

Mais voici que la nappe ailée

S'approche encore léchée de la flamme des grands vins
Elle comble les arceaux d'air boit d'un trait les lacunes des feuilles

Et joue à se faire prendre en écharpe par l'aqueduc
Qui roule des pensées sauvages

Les bulles qui montent à la surface du café

Après le sucre le charmant usage populaire qui veut

que les prélève la cuiller
Ce sont autant de baisers égarés
Avant qu'elles ne courent s'anéantir contre les bords 0 tourbillon plus savant que la rose
Tourbillon qui emporte l'esprit qui me regagne à

l'illusion enfantine
Que tout est là pour quelque chose qui me concerne

Qu'est-ce qui est écrit

Il y a ce qui est écrit sur nous et ce que nous écrivons

Où est la grille qui montrerait que si son tracé extérieur

Cesse d'être juxtaposable à son tracé intérieur

La main passe

Plus à portée de l'homme il est d'autres coïncidences
Véritables fanaux dans la nuit du sens
C'était plus qu'improbable c'est donc exprès
Mais les gens sont si bien en train de se noyer
Que ne leur demandez pas de saisir la perche

Le lit fonce sur ses rails de miel bleu

Libérant en transparence les animaux de la sculpture

médiévale
Il incline prêt à verser au ras des talus de digitales
Et s'éclaire par intermittence d'yeux d'oiseaux de

proie

Chargés de tout ce qui émane du gigantesque casque emplumé d'Otrante

Le lit fonce sur ses rails de miel bleu

Il lutte de vitesse avec les ciels changeants

Qui conviennent toujours ascension des piques de

clôture des parcs
Et boucanage de plus belle succédant au lever de

danseuses sur le comptoir
Le lit brûle les signaux il ne fait qu'un de tous les

bocaux de poissons rouges
Il lutte de vitesse avec les ciels changeants
Rien de commun tu sais avec le petit chemin de fer
Qui se love à
Cordoba du
Mexique pour que nous ne

nous lassions pas de découvrir
Les gardénias qui embaument dans de jeunes pousses

de palmier évidées
Ou ailleurs pour nous permettre de choisir
Du marchepied dans les lots d'opales et de turquoises

brutes
Non le lit à folles aiguillées ne se borne pas à dérouler

la soie des lieux et des jours incomparables
Il est le métier sur lequel se croisent les cycles et

d'où sourd ce qu'on pressent sous le nom de musique

des sphères
Le lit brûle les signaux il ne fait qu'un de tous les

bocaux de poissons rouges
Et quand il va pour fouiller en sifflant le tunnel charnel
Les murs s'écartent la vieille poudre d'or à n'y plus

voir se lève des registres d'état-civil
Enfin tout est repris par le mouvement de la mer
Non le lit à folles aiguillées ne se borne pas à dérouler

la soie des lieux et des jours incomparables

C'est la pièce sans entractes le rideau levé une fois pour toutes sur la cascade

Dis-moi

Comment se défendre en voyage de
Parrière-pensée

pernicieuse
Que l'on ne se rend pas où l'on voudrait
La petite place qui fuit entourée d'arbres qui diffèrent

imperceptiblement de tous les autres
Existe pour que nous la traversions sous tel angle

dans la vraie vie
Le ruisseau en cette boucle même comme en nulle

autre de tous les ruisseaux

Est maître d'un secret qu'il ne peut faire nôtre à la volée

Derrière la fenêtre celle-ci faiblement lumineuse entre bien d'autres plus ou moins lumineuses
Ce qui se passe

Est de toute importance pour nous peut-être faudrait-il revenir

Avoir le courage de sonner

Qui dit qu'on ne nous accueillerait pas à bras ouverts

Mais rien n'est vérifié tous ont peur nous-mêmes

Avons presque aussi peur

Et pourtant je suis sûr qu'au fond du bois fermé à clé qui tourne en ce moment contre la vitre

S'ouvre la seule clairière

Est-ce là l'amour cette promesse qui nous dépasse

Ce billet d'aller et retour éternel établi sur le modèle de la phalène chinée

Est-ce l'amour ces doigts qui pressent la cosse du brouillard

Pour qu'en jaillissent les villes inconnues aux portes

hélas éblouissantes
L'amour ces fils télégraphiques qui font de la lumière

insatiable un brillant sans cesse qui se rouvre

De la taille même de notre compartiment de la nuit
Tu viens à moi de plus loin que l'ombre je ne dis

pas dans l'espace des séquoias millénaires
Dans ta voix se font la courte échelle des trilles

d'oiseaux perdus

Beaux dés pipés

Bonheur et malheur

Au bonneteau tous ces yeux écarquillés autour

d'un parapluie ouvert
Quelle revanche le santon-puce de la bohémienne
Ma main se referme sur elle
Si j'échappais à mon destin

Il faut chasser le vieil aveugle des lichens du mur

d'église
Détruire jusqu'au dernier les horribles petits folios

déteints jaunes verts bleus roses
Ornés d'une fleur variable et exsangue
Qu'il vous invite à détacher de sa poitrine
Un à un contre quelques sous

Mais toujours force reste

Au langage ancien les simples la marmite

Une chevelure qui vient au feu

Et quoi qu'on fasse jamais happé au cœur de toute

lumière
Le drapeau des pirates

Un homme grand engagé sur un chemin périlleux
Il ne s'est pas contenté de passer sous un bleu d'ouvrier les brassards à pointes acérées d'un criminel célèbre

A sa droite le lion dans sa main
Voursin
Se dirige vers l'est

Où déjà le tétras gonfle de vapeur et de bruit sourd les airelles

Voilà qu'il tente de franchir le torrent les pierres qui

sont des lueurs d'épaules de femmes au théâtre
Pivotent en
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