Citations de André Velter (375)
Prendre feu sans un seul cri, sans même un murmure.
DE REFLET EN REFLET
(Rishikesh)
Le soir descend sur la grève
et la grève devient l'arc-en-ciel de la nuit
du jour éteint glisse une ombre,
chant obscur qui met un cœur de sable
dans le cœur et le sang
De reflet en reflet s'effaçant
le monde enfui se perd comme une âme
la vague de l'au-delà déferle au-dedans
une corneille mantelée disperse les offrandes
chacun s'abandonne aux mains vides du temps
Garwal, septembre 1980
Et trahir, pour lui, c'était ne plus être à temps plein aux côtés des réprouvés, des déclassés, des criminels ; c'était subir douloureusement la chance que lui offrait son génie.
Écrire s'imposait à la fois comme un dernier recours et comme une malédiction : une façon un peu veule à ses yeux de s'en sortir contre soi, et de ne plus pouvoir se réclamer de la race des maudits. Cette contradiction devait, dès les premiers succès, le tarauder sans répit, alors même que ses textes ne circulaient encore que sous le manteau.
[Sur Genet]
Tous ces allers-retours, de geôles en palaces, se résumant d'ailleurs en un seul vers : J'ai été locataire et des prisons et des grand hôtels...
Hikmet excelle ainsi à décrire le balancier qui a rythmé les contrariétés et les fastes, les certitudes et les regrets, y compris quand il s'agissait d'évoquer les partis pris qui avaient orienté et balisé son existence.
Il est le mouvement même, l'invention permanente, la liberté en rêve, en parole, en acte, en amour.
Il est la fantaisie, la gaieté, l'hallucination stupéfiante. l'improvisation en expansion constante.
Il est la parole somnambule, la parole funambule. la parole saltimbanque, la parole hypnotique, la parole stellaire de l'imaginaire.
[Sur Desnos]
Il est contre tout ce qui limite, restreint, enferme, balise, définit, fige.
À son oreille, chaque éloge ne peut être que funèbre. Il est résolument l'homme des nuits sans fond, des fureurs muettes, des ravages absolus, minuscules ou bouffons, des révoltes murées entre mémoire et cœur.
Mémoire violente et cœur affolé.
Et si son œuvre est immense, c'est que l'effroi est immense d'avoir été non pas partie prenante mais partie jetée, à son être défendant, dans cette inconfortable aventure humaine.
[Sur Michaux]
Séquence après séquence, croquis après croquis, il traverse à la diable une sorte d'enfer moderne, une civilisation malade qui n'exhibe que ses leurres et ses plaies, à l'exception de la rumeur, pleine de douleurs et de promesses, qui aux accents du jazz monte de Harlem.
[Sur Garcia Lorca]
Et Guillén dit vrai, García Lorca semblait fils ou frère des "forces fécondes", des forces primordiales : sa poésie ne coulait pas de source, elle était source inaltérable, pure, vif-argent et infiniment secrète, aveuglante de jour comme de nuit.
Il y a dans l'oeuvre d'Aragon, dans sa gigantesque, infernale et amoureuse chambre d'écho, des sonorités éperdues, fragiles, qui contredisent, perturbent, déchirent à l'envi les rythmes affirmés et les rimes conquérantes, sonorités qui le portent, sinon dans la fraternité, du moins dans le remords des purs irréductibles, des incendiés, des rêveurs d'absolus.
Artaud est un crucifié du Verbe.
Un crucifié récalcitrant, qui n'explore qu'un enfer présent.
Un crucifié qui objecte à la malédiction d'un ici quadrillé et d'un maintenant sordide.
Car Cendrars est l'homme des solitudes partagées, des ruptures fécondes, des excès lumineux.
Il s'est dit "foudroyé" pour signifier qu'il avait été touché par l'orage et le feu, et s'était affranchi des cendres.
Le sens émerge tamisé par les prémonitions d'un esprit lié aux plus amples secousses du monde, aux fantasmagories les plus diffuses, les plus obscures aussi.
Il n'y a pour lui de réel que rêvé, et il n'y a de rêve qu'aux rives de l'effroi, du vertige, de la dispersion, mais converti en rythmes suaves, en mascarades ou langueurs, en douces violences.
[sur Verlaine]
Il y a chez Baudelaire, fruit de ses détestations intimes, un vacillement, une violence qui l'incitent à devenir le portier des abysses et des marigots humains.
[Perdre haleine]
Jour et nuit le même écart
L'embardée vent debout
Quand le vide dit son envol
J'ai tenu ta tête entre mes mains
Au passage libre de chaque porte
Devant les fenêtres sans rideaux
S'offre ce qui sort du cadre
J'ai tracé l'arc-en-ciel de tes seins
Sans débander le temps devient ce nuage
Qui s'efface dans l'angle vif
Où l'inconnu décide de tout
J'ai suivi l'aplomb fatal de tes hanches
Regard lié et souffle court
L'inépuisable au fond du puits
Parle de sexe en vérité
J'ai baisé le quant-à-soie de tes bas
Il y a une bouche à l'état sauvage
Qui se courbe et qui boit
L'insolence épicée d'une étoile
J'ai glissé à mon doigt l'anneau fauve de ton cul
[En attente]
Quand le présent se dote d'un surcroît d'impudeur
Sans doute faut-il douter
Du maintien des choses révélées
Comme de l'axe du monde
Ivre soudain de fournaises et de laves
Quand le trouble se fait sursaut de dauphin en eau claire
L'énigme a toujours soif
D'une autre voix
Si semblable pourtant et plus sombre
Altière altérée impérieuse à traquer les miroirs
Quand l'esprit éprouve un vacillement d'aigle
C'est jouir à l'arme blanche
Avec ce cri d'ange délectable
Qui ouvre à deux mains sa blessure
Et ne sait s'il brûle s'élève ou se noie
Ton corps alors est un collier de roses
D’UN SEUL REGARD
Sur la même ligne de crête
Sur la même voie risquée
La mémoire qui vient
Et mon pas dérouté encore avec les dieux
Le souffle s’est ravisé
Ravivé à tant d’orages
Il sait un air radieux
Dans l’éclat qui dure nuit après nuit
Sans avoir à se perdre plus que ça
Un bras se lève au départ
Mais pas d’adieux à la fenêtre
Il y a comme une légèreté d’être
À l’écoute d’un seul regard
Personne à l’horizon
Personne au bout des doigts
D’où sort cet écho du silence
Qui règne soudain en éclaireur
Tandis que renaît la cadence
Et tous les battements du cœur
Le songe qui peut me guider
Offre une vie à ne pas croire
Pourtant j’ai toujours peint le ciel en rouge
En noir
Et un peu au hasard
Voilà que s’ouvre une terre
Ni lointaine ni proche
Une terre à fleur de peau
Le désir incarné
MARÉE HAUTE
Dans l’avenir à découvert
Comme dans une larme de feu
Où rien ne va à la cendre
Où rien ne va au remords
On comprend qu’il y a de l’or
Qui règne sous la peau
Et une vague violente qui n’espérait que ça
LES DRAPS BLEUS
Tout est là qui attend
Le signe altier d’un gant dans l’ombre
La caresse du vent
Et ces toits qui descendent en miroirs vers la mer
Nous ne serons jamais à quai
Ou pour une escale très brève
Quelques instants sur quoi fermer les yeux
Avant de repartir accordés
Du sel aux coins des lèvres
Le temps qui s’est levé
Entre les draps bleus d’un lit du Rajasthan
N’est pas de ceux qui passent
Il appartient au présent chaviré
Triomphant des naufrages et des peurs
Les questions peuvent rester divinement sans réponse
Et se transporter ailleurs
Avec une sorte d’allégresse neuve
Une ferveur qui parle aux étoiles en plein jour
Je me sens l’âme à la verticale
Et tout est là qui n’attend pas
LE ROYAUME
De l’enfance à cet âge-là
Qui parfois m’importune
Un lieu d’herbes et de forêts perdure
La chance le tient en réserve
Au secret
Dans une mélodie de plein vent
C’est une clairière
Où ensevelir sa peau de chagrin
Jusqu’à reprendre pied
Et rallier le royaume
On est dans le pays de sa peau
On est dans le pays de sa peau
un étranger qui rêve,
un vagabond qui danse.