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Citations de Angela Carter (95)


Il est des yeux capables de vous manger.
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Le luxe inhabituel qui l'entourait, elle le trouvait poignant, parce qu'il ne procurait nul plaisir à son possesseur.
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Sa peau me recouvre entièrement ; nous sommes comme les deux moitiés d'une graine enfermée dans le même tégument. J'aimerais devenir énormément petite de sorte que tu pourrais m'avaler, comme ces reines de contes de fées qui conçoivent lorsqu'elles avalent un grain de blé ou une graine de sésame. Alors je pourrais me loger à l'intérieur de ton corps et tu me porterais.
La chandelle vacille et s'éteint. Son toucher me console et me dévaste à la fois ; je sens mon cœur battre, puis se dessécher, nue comme une pierre sur le matelas rugissant tandis que la ravissante nuit lunaire se glisse par la fenêtre pour pommeler les flancs de cet innocent qui fabrique des cages pour y garder les doux oiseaux. Mange-moi, bois-moi ; assoiffée, rongée d'amertume, infestée de lutins, je ne cesse de retourner à lui, encore et toujours, pour que ses doigts me dépouillent de cette peau en lambeaux et me vêtent de son habit d'eau, ce vêtement qui me détrempe, son odeur de vase, sa capacité de noyade.
Désormais, les corbeaux laissent tomber l'hiver de leurs ailes et évoquent de leur cri la saison la plus rude.
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Le chant du loup est le bruit du tourment qu'il vous faudra souffrir ; en lui-même, c'est déjà un meurtre.
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Et mes yeux découvrirent le lit nuptial de ses ancêtres, imposant, aussi grand à lui seul, ou presque, que ma chambrette à la maison, avec les gargouilles sculptées sur ses surfaces d'ébène, sa laque vermillon, ses dorures ; et ses rideaux de gaze blanche gonflés par la brise marine. Notre lit. Et entouré d'une telle quantité de miroirs ! Des miroirs sur tous les murs, dans des cadres majestueux aux dorures contournées […] La jeune épousée […] était devenue cette multitude de filles que j'apercevais dans les miroirs, identiques dans leur tailleur bleu marine très chic. […]
- Voyez, dit-il, désignant d'un grand geste ces élégantes jeunes femmes. Je me suis offert un harem entier !
(p. 18)
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Après la Terreur, dans les premiers jours du Directoire, les aristos qui avaient échappé à la guillotine adoptèrent la coutume ironique de se nouer un ruban rouge autour du cou à l'endroit exact où le couperet aurait dû s'abattre, un ruban rouge comme le souvenir d'une plaie.
(p. 13)
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Oh mais qu’elle avait été belle, et était restée belle, Tristessa de St Ange, promue comme « La plus belle femme du monde » (t’en souvient-il ?) , qui exécutait ses autobiographies symboliques en des arabesques de kitsch et d’hyperbole, et transcendait pourtant la rhétorique de la vulgarité en la rendant illustre grâce à une héroïque absence de compromis.
Je pense que c’était Rilke qui déplorait énormément le caractère inapproprié de nos symboles, regrettait si amèrement que nous ne puissions, à l’instar des Anciens Grecs (étaient-ce eux ?), trouver des symboles externes adaptés à la vie en nous ; oui c’était sa formule. Mais non. Il se trompait. Nos symboles externes sont voués à toujours exprimer la vie en nous avec une précision absolue : comment pourrait-il en être autrement, puisque la vie les a engendrés ? Ainsi ne devons-nous pas accuser nos pauvres symboles s’ils prennent des formes qui nous semblent si futiles, ou absurdes, car les symboles eux-mêmes n’ont aucun contrôle sur leurs propres manifestations incarnées, aussi dérisoires puissent-elles être : seule la nature de notre vie a déterminé leurs formes.
Une critique de ces symboles est une critique de nos vies.

But oh, how beautiful she had been and was, Tristessa de St Ange, billed (do you remember?) as ‘The most beautiful woman in the world’, who executed her symbolic autobiography in arabesques of kitsch and hyperbole yet transcended the rhetoric of vulgarity by exemplifying it with a heroic lack of compromise.
I think it was Rilke who so lamented the inadequacy of our symbolism – regretted so bitterly we cannot, unlike the (was it?) Ancient Greeks, find adequate external symbols for the life within us – yes, that’s the quotation. But, no. He was wrong. Our external symbols must always express the life within us with absolute precision; how could they do otherwise, since that life has generated them? Therefore we must not blame our poor symbols if they take forms that seem trivial to us, or absurd, for the symbols themselves have no control over their own fleshly manifestations, however paltry they may be; the nature of our life alone has determined their forms.
A critique of these symbols is a critique of our lives.
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Les loups avaient veillé sur elle [enfant abandonnée] parce qu'ils savaient qu'elle était une louve imparfaite ; nous [les humains] l'enfermions dans une solitude animale par peur de son imperfection parce qu'elle nous montrait ce que nous aurions pu être.
(p. 81-82)
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Et chaque coup de langue déchirait peau après peau, toutes les peaux d'une existence en ce monde, découvrant la patine naissante d'un pelage luisant. Mes boucles d'oreilles redevinrent de l'eau et dégoulinèrent sur mes épaules. D'une secousse, je les chassait de ma belle fourrure.
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Des yeux verts comme des pommes. Verts comme des fruits de mer morts.
Une bise se lève; elle produit un son singulier, bas, précipité, sauvage.
Quels grands yeux tu as. Yeux d'une incomparable luminosité, de la phosphorescence mystérieuse des yeux de lycanthrope. La glace verte de tes yeux fixe mon visage songeur. C'est une substance qui conserve, comme un ambre liquide et vert; elle me prend au piège. Je redoute d'y demeurer prisonnière à jamais, comme les pauvres petites fourmis et les mouches qui collèrent leurs pattes dans la résine avant que la mer ne recouvre la Baltique. Il me fait pénétrer dans ses yeux en tournoyant sur une gigue de chants d'oiseaux. Il y a un trou noir au milieu de tes deux yeux, c'est leur centre immobile; la tête me tourne quand je regarde là, comme si je risquais d'y tomber.
Ton œil vert est une chambre de réduction.
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La culture japonaise est très romantique, même si les Japonais plantent d’énormes poignards dans les ventres des filles des mangas, et les écorchent vivantes, et les crucifient, et leur sautent dessus à six ou sept en même temps.

Japan's is a very romantic culture, even if the Japanese jab enormous daggers in the bellies of the comic-strip girls, and flay them alive, and crucify them, and even jump on them six or seven at a time.
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- Oh, mon amour, mon petit amour qui m'a fait présent du cadeau blanc de sa musique, dit-il presque comme s'il avait du chagrin. Mon petit amour, vous ne saurez jamais combien je hais la lumière du jour.
Puis d'une voix sèche, il ordonna :
- À genoux !
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J’étais nerveuse et inquiète : bien que je fusse une femme, je me faisais aussi passer pour une femme, même si d’un autre côté beaucoup de femmes nées comme telles consacraient leurs vies à de pareilles imitations.

I was tense and preoccupied; although I was a woman, I was now also passing for a woman, but, then, many women born spend their whole lives in just such imitations.
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En m'approchant de la maison j'entendis, par-dessus le sang qui battait mes tempes, des éclaboussures de musique, des notes comme des poissons dans un bassin.
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La mort solitaire de Marilyn par intoxication aux barbituriques, nue, dans son lit, une mort vénérée et désirée par tous les nécrophiles, est la version contemporaine de l’éclair qui foudroie la blonde douce et idiote, l’agneau aux yeux bleus et à la toison d’or que l’on immole sur l’autel du monde. (…) Depuis l’enfance, elle baignait dans les doctrines de la Science Chrétienne : « l’amour divin a toujours satisfait et satisfera toujours tous les besoins humains » : la propre maxime officieuse de la pieuse Justine dans un roman qui constitue le pèlerinage de l’âme en quête de Dieu, écrit par un athée.

Marilyn’s lonely death by barbiturates, nude, in bed, a death adored and longed for by all necrophiles, is the contemporary death-by-lightning of the sweet, dumb blonde, the blue-eyed lamb with the golden fleece led to slaughter on the altar of the world. (…) Since a child, she had been steeped in the doctrines of Christian Science: ‘Divine love has always met and always will meet every human need’, the pious Justine’s own, unspoken maxim in a novel which is the pilgrimage of the soul in search of god written by an atheist.
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(au sujet de Sade)

Son destin s’est révélé particulièrement moderne : se retrouver emprisonné sans procès, sous prétexte de crimes qui n’existaient essentiellement que dans l’esprit. Il n’est ni surprenant que Justine évoque Kafka, avec ses images dominantes de procès et de châteaux, ni que cette oeuvre nous soit parvenue depuis le confinement de son créateur lors du début de la période moderne dont elle a constitué l’un des livres précurseurs, malgré la censure. Le sadisme, suggère Michel Foucault, n’est pas une perversion sexuelle mais un fait culturel ; la conscience d’une « présomption sans limite de l’appétit ». L’oeuvre de Sade, avec son attraction compulsive pour l’imagination transgressive des romantiques, s’est avérée capitale dans la gestation de la sensibilité moderne ; sa paranoïa, son désespoir, ses terreurs sexuelles, son égocentrisme omnivore, sa tolérance pour le massacre, l’holocauste, l’annihilation.

His was a peculiarly modern fate, to be imprisoned without trial for crimes that existed primarily in the mind. It is not surprising that Justine, with its dominant images of the trial and the castle, recalls Kafka, nor that it arrives to us out of the confinement of its creator at the beginning of the modern period of which it is one of the seminal, if forbidden, books. Sadism, suggests Michel Foucault, is not a sexual perversion but a cultural fact; the consciousness of the ‘limitless presumption of the appetite’. Sade’s work, with its compulsive attraction for the delinquent imagination of the romantics, has been instrumental in shaping aspects of the modern sensibility; its paranoia, its despair, its sexual terrors, its omnivorous egocentricity, its tolerance of massacre, holocaust, annihilation.
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Toc-toc-toc.
Qui est là, chevrote-t-il en imitant la vieille voix.
Ce n'est que ta petite-fille.
Elle entra donc, apportant avec elle un tourbillon de neige qui fondit en larmes sur le carrelage (…).
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Car tous les chats présentent cette particularité, tous jusqu'au dernier, du plus méchant chat de gouttière à la plus fière, la plus blanche des chattes qui aient jamais décoré le coussin d'un pontife- nous avons notre sourire, pour ainsi dire, peint sur le visage. Ces petits sourires discrets et tranquilles de Mona Lisa que nous devons sourire, que nous nous amusions ou pas.De telle sorte que tous les chats ont un air de politicien; nous sourions et sourions sans cesse, si bien que l'on nous prend pour des coquins.
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Les carnivores nous effraient, mais nous faisons preuve de condescendance envers les herbivores, surtout les modèles de poche. On ne peut guère poser à un agneau une question plus niaise que « Petit agneau, qui t’a fait ? ». Avec la conscience du ridicule qu’il pouvait lui arriver de manifester, [William] Blake aurait-il osé poser cette question à un mouton adulte ?
Mais je ne voudrais pas paraître dure envers Blake, car malgré ces projections irrationnelles, son opinion sur la cause animale était saine bien que sentimentale. (Si un rouge-gorge dans une cage met tout le ciel en rage, on peut espérer que le ciel s’affolerait de même face à l’emprisonnement d’oiseaux moins séduisants tels que les vautours aux atours de juges d’exécutions). Il n’en demeure pas moins que l’un des effets les plus insidieusement funestes du judéo-christianisme est le fait que l’on ne puisse en aucune façon traiter les bêtes comme égales à nous, mais que l’on persiste à projeter sur elles notre propre bestialité ou bien nos fantaisies d’innocence. Dans d’autres cultures, les bêtes doivent peut-être porter un lourd fardeau de mythes. Mais elles n’incarnent pas forcément des idéaux.
J’ai connu quelqu’un qui monta un jour en autostop dans un char à bœufs de l’Hindou Kouch. Alors que la nuit approchait, ils étaient encore loin de chez eux et le conducteur se mit à rosser impitoyablement la tête et les épaules de son bœuf, en une vaine tentative pour le faire accélérer. « Oh, ne faites pas ça. » dit notre voyageur, un anglais épris des animaux. « Ne voyez-vous pas que ce pauvre bœuf est fatigué ? » « Bien sûr qu’il est fatigué, » aboya le conducteur. « Il est juste humain, comme nous tous. »
J’éprouvais autrefois une grande paix intérieure quand j’étais en Extrême Orient, en sachant qu’autour de moi les gens n’avaient jamais inclus dans leur édifice culturel une notion d’anthropocentrisme dérivée du fait que l’humanité ait été créée à l’image d’un dieu. Non pas que cela les rende plus gentils envers les animaux, bien sûr. Ce n’est pas la question.

Extrait de l’article « Little Lamb Get Lost » (Petit agneau, casse toi)


If we're scared of carnivores, then we patronise herbivores, especially when they come in small editions. "Little lamb, who made thee?" It is a sufficiently fatuous question to ask a lamb.
But would Blake, who (however intermittently) possessed a sense of the ridiculous, have dared submit this poser to a grown sheep?
But I do not wish to appear hard on Blake, who in spite of these irrational projections, in general had a sound if sentimental line on animals. (If a robin red-breast in a cage put all heaven in a rage, one hopes heaven would be similarly aflutter at the caging of less attractive birds such as those vultures with the appearance and the habits of hanging judges.) Nevertheless, it is one of the more insinuatingly baleful effects of Judeao-Christianity that we can't treat the beasts as, in any sense, equals, but persist in projecting on them either our own beastliness or our fantasies of innocence. In other cultures, beasts may have to bear a heavy burden of myth. But they are not forced to be exemplary.
I know someone who once hitched a ride in a bullock cart in the Hindu Kush. As night drew on, they were still far from home, and the driver began to belabour his bullock unmercifully around the head and shoulders, in a futile attempt to get it to speed up. "Oh, don't do that, » said our traveller, an English animal lover. "Can't you see the poor bullock is tired?" "Of course he’s tired," snapped the driver. "He's only human, like the rest of us."
It used to give me a deep sense of inner peace, in the Far East, to know I was among people who had never built into their cultural apparatus some notion of anthropocentricity, because they thought they'd been made in the image of a god. Not that this makes them any nicer to animals, of course. That isn't the point.
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« Le docteur Hoffman avait détruit le temps et se jouait des objets qui nous servaient à le réguler. Quand je regardais ma montre, je découvrais en général que les aiguilles avaient été remplacées par de vigoureuses boutures de lierre ou de chèvrefeuille, lesquelles, tandis que je les observais, se tortillaient impudemment sur toute la surface qu'elles recouvraient. »
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