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Citations de Anne Lehoërff (120)


Dans le même temps, la lame des épées s'allonge. Ce changement morphologique au fil des siècles incline à penser que le combat se fait avec une épée de taille plutôt que d'estoc. Par ailleurs, plus l'épée est longue, plus il peut sembler nécessaire de prendre de la hauteur et de la vitesse. Cette évolution de l'armement ouvre donc la question de l'existence du combat monté, de cavaliers et non plus seulement de fantassins, ou même à char.
Le lien avec le cheval est ancien en Europe, datable du Paléolithique, et ne cesse de se renforcer au fil des millénaires. L'animal est représenté sur les parois de la grotte Chauvet il y a presque 40 000 ans, comme sur celles de Lascaux, 20 000 ans plus tard environ. Il est domestiqué au Néolithique, attelé et monté à l'Âge du bronze, comme l'attestent les mors en os et en métal de cette époque. La roue existe depuis le Néolithique et les chariots assurent le déplacement des hommes comme des denrées à travers les routes de l'Europe depuis, au moins, le IVe millénaire avant notre ère. On ne guerroie pas sur un chariot lourd qui serait trop lent, mais en revanche l'usage d'un char à deux roues plus rapide peut être stratégique dans certains modes de combat. La métallurgie des alliages cuivreux permet d'évider la roue, de l'alléger et d'en renforcer la résistance. En outre, tant que la roue est pleine et le chariot trop lourd, seuls les bovins ont la puissance de le tracter. La roue métallique, inventée à l'Âge du bronze, permet de l'atteler au cheval. Le Proche-Orient ou l'Égypte anciens ont adopté de manière privilégiée le char de guerre. Il est cohérent avec des combats en groupes, avec une importance privilégiée accordée aux archers.
p. 221
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Il semble inconcevable que les plus indigents aient été les combattants de ce type de guerre, y compris dans une armée comprenant plusieurs catégories de combattants selon la nature de leurs armes. Leur nombre a dû rester limité, même si le comptage des objets donne des milliers d'objets. L'épée de l'Âge du bronze, c'est huit siècles d'histoire au minimum... Ramené au total des épées retrouvées, cela ne donne pas un nombre pléthorique de guerriers par génération. Les derniers travaux avancent des estimations dans le nord de l'Europe où les découvertes sont nombreuses : le Danemark compterait environ 2 000 guerriers par génération pour une population atteignant les 300 000 individus vers 1100 avant notre ère, soit un taux de 0,6 % de l'ensemble, ou 2 % si l'on ne compte que les adultes. Globalement, il faut néanmoins concevoir une augmentation des combattants, toutes catégories confondues. À la fin de l'Âge du bronze, au moins dans certaines régions d'Europe, il faut sans doute également tenir compte des chevaux et des cavaliers aux côtés des fantassins. Le mouvement général est celui d'un accroissement, dans le cadre d'une spécialisation renforcée.
Révolution de combat en 1700 avant notre ère
Sur le terrain du combat, l'épée constitue aussi une rupture dans l'équipement de combat entre 1700 et 1600 avant notre ère. La morphologie de l'arme engage un mode d'affrontement, un face-à-face entre les adversaires que les flèches des époques antérieures permettaient éventuellement d'éviter. Les épées d'Occident sont longues. Elles sont maniées, dans un face-à-face, par des « épéistes ».
p. 219
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Déclaration de guerre à l'Âge du bronze
L'Âge du bronze, par la voie de l'épée, déclare que la guerre est. La « guerre » entendue comme une activité, isolée en tant que secteur d'activité spécifique et intégrée et à laquelle la société consacre des moyens « extraordinaires » au sens premier du terme. Une guerre comme un « fait social total ».
p. 217
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À l'Âge du bronze, sans doute évolue-t-on vers d'autres réalités, dans lesquelles il ne faut pas exclure a priori et de manière simple la notion d'État, qui n'est, comme le rappelle Maurice Godelier, qu'une question de changements d'échelle dans un modèle où les « mêmes fonctions [religieuses, militaires, etc.] sont concentrées dans les mains d'une fraction de la société ». En outre, la définition même de l'État n'est pas anodine, nous y reviendrons. Cette fois, au vu des objets créés et de la nécessité de l'organisation et des expertises nécessaires à leur existence, le doute ne peut plus être permis. La guerre est une réalité des âges des métaux que l'armement nouveau inaugure et incarne. Une frontière symbolique est franchie.
p. 216
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Même si l'on envisage que la néolithisation est un phénomène arythmique de longue durée et pas un événement brutal, il n'en reste pas moins que c'est une mutation profonde des modes de vie, de subsistance, de croyances comme d'organisation des sociétés. Ce n'est en rien « juste » le passage de la prédation à la production selon un angle économique simpliste, mais une mutation beaucoup plus profonde des sociétés. En outre, le Néolithique n'est pas une réalité uniforme et continue, mais un temps long scandé par des ruptures et des continuités, dans différents domaines que les données matérielles soulignent.
p. 214
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La parution de l'ouvrage de Marshall Sahlins (1976 pour la version française), Âge de pierre, âge d'abondance, signa la mise à mort du mythe du « Néolithique idéal » (et idéalisé), synonyme supposé d'égalité et de paix : en inventant l'agriculture, l'homme s'était créé son propre avilissement, assujetti à un nombre d'heures de travail bien supérieur à celui que son ancêtre du Paléolithique consacrait ...
p. 212
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PARTIR AU COMBAT
… l'arc et la flèche s'utilisent dans un affrontement au loin, très mobile et très rapide, en groupe plutôt qu'isolément ; les haches, au contraire, obligent les adversaires à se rapprocher. Rien n'indique qu'elles aient pu effectivement être utilisées dans ce cadre, tandis que les flèches l'ont été, au moins à certains moments et dans certains lieux, comme l'attestent les gravures du début de la période. La disparition de ces représentations au fil des siècles ne signifie pas nécessairement l'arrêt des combats.
p. 211
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Les flèches sont utilisées à la chasse comme au combat. Cela ne signifie pas que certains détails morphologiques soient réservés à une situation plutôt qu'à une autre, mais il y a polyvalence de principe et ambivalence de situations pour les données archéologiques. Les exemples ethnologiques attestent l'existence de cas où les flèches de combat ne sont pas réalisées avec exactement les mêmes matériaux et les mêmes détails. Il est alors possible de déterminer un usage plutôt qu'un autre. On le sait car on peut être directement renseigné sur les différences de fabrication et d'utilisation.
p. 208
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La violence humaine est une réalité au long cours qui ne fait aucun doute, bien que les degrés en soient très variables selon les individus. Ce qui importe dans l'analyse historique, c'est de comprendre comment la société des hommes (et les hommes en société au-delà de leur individualité) règle cette question dans ses différentes modalités et échelles. Pour les sociétés les plus anciennes, l'enjeu est de savoir comment — et donc avec quelle documentation archéologique — on peut accéder à ce niveau d'information sur l'existence, ou non, de règles qui encadreraient la violence, de modalités qui l'organiseraient, la décideraient au plus haut niveau dans le prolongement d'actes politiques, c'est-à-dire en feraient un acte de « guerre ».
p. 207
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Oui, sans doute, les hommes se sont affrontés il y a des centaines de milliers d'années. Mais aucun indice ne permet de donner de détails quantitatifs ou les modalités des actions elles-mêmes, ni même leur fréquence. Les espaces étaient assez vastes pour que les groupes ne se croisent pas et ne se concurrencent pas. Leurs affrontements ont dû rester épisodiques et liés à des circonstances particulières : régler des différends, prendre du gibier, ou même des individus. Pour le chercheur, s'aventurer plus loin comporte le risque de se prendre les pieds dans le tapis du roman (de la fiction donc), si ce n'est du fantasme et, partant, de sortir de l'histoire. Nous l'avons mentionné, Joseph Henri Rosny l'a fait avec talent et succès. Cela ne signifie pas que le sujet du conflit intégré aux pratiques sociales n'est pas légitime, pour le Paléolithique comme pour toutes les périodes historiques. La difficulté ne tient pas dans le bien-fondé de la question mais dans celle des preuves pour conduire l'enquête. Ici, pas de détective mythique qui, avec rien ou presque, trouve tout. L'archéologue traque des traces infimes pour démasquer non pas le coupable (encore que), mais pour écrire l'histoire.
p. 204
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Les violences du Paléolithique
La première période de l'histoire européenne est celle du Paléolithique, réduite pour notre histoire la plus récente d'Homo sapiens à quelques centaines de milliers d'années. Que dit-elle de la « guerre » ? Les données archéologiques sont peu nombreuses. Elles sont limitées à quelques catégories de traces : des restes humains osseux et des objets lithiques (silex pour beaucoup) qui se diversifient au cours du temps, auxquels on peut associer des représentations figurées à partir du Paléolithique supérieur (- 40 000/- 36 000 pour la grotte Chauvet-Pont d'Arc).
Ce que l'archéologie donne à voir pour cette période est terriblement indigent et frustrant. Personne ne niera plus aujourd'hui l'existence de traces de violence. Ni, à l'inverse, de la prise en charge des blessés (des malades) et des morts. Le rapport à l'autre, la conscience de l'altérité — autre composante clef de la structuration sociale — est une réalité très ancienne, qui intègre la dimension de gestes et de rituels : soigner, nourrir, dédier un lieu au mort, organiser une cérémonie funéraire. En revanche, il est délicat d'aller beaucoup plus loin. L'existence de la violence ne signifie pas que la société en tant qu'ensemble constitué s'y engage spécifiquement et agit en conséquence, qu'elle se déroule (temps de conflit) ou qu'elle cesse (temps de paix). En d'autres termes, la « guerre » ne peut être prouvée.
p. 203
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Blesser, tuer, protéger. Telle pourrait être la triple mission assignée à une arme. Pourtant, l'archéologie invite à ne pas se limiter à ces trois objectifs, réels mais insuffisants. L'arme de guerre joue ce rôle lorsqu'elle entre dans un cadre clairement défini, celui du combat structuré, organisé. Les âges des métaux, Âge du bronze puis Âge du fer, ne laissent subsister aucune incertitude sur cette réalité effective. La spécificité des objets fabriqués dans l'atelier du bronzier l'atteste. Pour les époques plus anciennes, les objets qui servent à se battre sont polyvalents, laissant un éventuel doute sur leur usage, leur mise en action sur un terrain, de chasse ou de guerre, malgré une volonté actuelle chez les chercheurs de voir la guerre au moins dès le début du Néolithique. Pour le Paléolithique, la même tendance est à l'ordre du jour. Pourtant, les traces sont maigres, ou plutôt, elles attestent la violence entre les hommes, mais pas nécessairement la guerre.
p. 202
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L'archéologie ne dit pas tous ces détails. Elle atteste en revanche ces actes ultimes de destruction, d'abandon, d'immersion auxquels il faut donner un sens. Si l'épée est bien le double du guerrier, son exclusion de la sphère des vivants n'a de sens que si on l'associe à l'individu, à son identité et ses actions. Sa vie et celle de son arme.
p. 201
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Cet ensemble était complété par des animaux en tôle, dont des sangliers, et un lot d'une trentaine de carnyx, trompes de guerre dont le pavillon prend également les traits d'animaux, gueule ouverte, prêts à effrayer l'ennemi. Le mieux conservé d'entre eux mesurait environ 1,60 m. Les mobiliers du dépôt de Tintignac rappellent fortement ceux de l'une des scènes du chaudron de Gundestrup (Danemark), lui aussi consacré dans un espace votif à la même époque. La guerre est affaire de violence, de combat, de technique, mais elle est aussi pleinement intégrée aux rituels cultuels et aux pratiques qui lui sont inhérentes.
Le métal para le buste...
Outre le casque, se développe une autre protection corporelle à l'Âge du bronze, la cuirasse.
p. 191
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Le casque métallique doubla la tête du guerrier...
L'équipement du guerrier ne saurait être complet sans une protection des parties les plus vulnérables du corps : la tête et le torse — où se situent des points vitaux —, ainsi que les jambes. Le fantassin ne vaut plus grand-chose s'il ne peut plus avancer ou esquiver. L'équipement corporel défensif se développe en même temps que le combat armé. L'attaque conduit à la défense. Ses fonctions sont différentes de celles de l'armement offensif et sa nature dépend en partie du mode de combat lui-même. Les trois pièces principales qui le composent sont le casque, la cuirasse, les jambières. Sur le plan technique, l'armement défensif entre dans une logique différente de celle de l'armement offensif. Ce sont des objets créés spécifiquement pour le combat, telle l'épée, mais qui sont nés plus tardivement et non avec les premiers développements de la métallurgie des alliages cuivreux. Associés au bouclier, ils remplissent également un rôle social dans la mesure où ils servent aussi à afficher l'identité, la puissance de l'individu et celle du groupe auquel il appartient. C'est un troisième ensemble auquel les sociétés anciennes et leurs artisans métallurgistes ont porté une attention soutenue.
p. 182
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Le bouclier protégea le corps...
C'est le représentant par excellence des protections individuelles, à la fois rempart contre les coups et pièce mobile de la panoplie pouvant servir à repousser l'adversaire. Grâce au bouclier, le coup peut déséquilibrer, faire tomber, plus difficilement blesser et moins encore tuer. Nulle trace de bouclier avant l'Âge du bronze en Europe même si on pourrait imaginer que les archers auraient eu tout intérêt à développer ce type de protection dans une version légère et mobile. Rien dans le mobilier ou les représentations figurées ne laisse supposer son existence. Plus encore, il semble apparaître concomitamment à la naissance de l'épée.
p. 179
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L'évolution se fait dans l'analogie, non dans une rupture morphologique. Les pointes de flèche accompagnent les évolutions techniques, sans jamais être un support d'innovation. Le travail de finition est sommaire et le nombre de ces petits objets n'est pas très élevé durant les âges des métaux, même s'ils ne disparaissent pas. Leur interprétation est complexe.
Elle doit être replacée non seulement dans l'histoire des techniques, mais également plus largement dans celle des sociétés, y compris dans leur volet guerrier. La pointe de flèche est un objet polyvalent. Dans une étude de la guerre « par les armes », elle soulève de nombreuses questions. Elle ne répond pas aux mêmes impératifs que les armes métalliques nouvellement créées. Elle n'engage pas de manière aussi forte. De manière générale, elle peut servir dans des circonstances multiples. Elle peut être un instrument de chasse. Elle peut être une arme de guerre. Des rapprochements similaires sont envisageables, dans une certaine mesure, avec l'épieu et la lance. Dans le détail, y compris morphologique et technique, il peut y avoir des distinctions de fabrication entre les pointes de flèche destinées à la chasse, et celles qui sont destinées au combat. Les études ethnologiques le confirment.
p. 176
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L'utilisation de l'arc est si importante durant le Mésolithique que des populations ont été parfois assimilées à un peuple d'archers.
p. 175
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Clamer que l'on entre dans la guerre « par les armes » oblige. Si tant est que l'on sache ce qu'est une « arme ». Au moins deux niveaux de définitions peuvent être isolés : de manière générale, l'arme est un objet ou un dispositif qui sert à attaquer ou à se défendre; de manière plus précise, cet objet ou ce dispositif n'a pour seul usage que de blesser ou de tuer un adversaire, ou au contraire de s'en défendre. Dans cette seconde définition, sans doute faut-il introduire des nuances, des catégories en fonction des usages, exclusifs ou non. Dans tous les cas, l'arme est liée à l'affrontement et ne peut être dissociée de la guerre, celle-ci étant entendue comme une action organisée d'affrontements. C'est l'outil de la violence construite. Étudier la guerre au sein des sociétés du passé inclut l'étude de l'armement. L'un ne va pas sans l'autre.
Une autre interrogation surgit alors : par quoi, par quelle réalité, quel objet, quelle « arme » peut-on, doit-on, commencer ? Les contes démarrent en général par le début, le fameux « Il était une fois ». Il conviendrait donc d'ouvrir ces lignes par la “première” arme de l'histoire. Un défi bien délicat à relever, tout au moins en ces termes.
p. 158
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Cette longue chaîne opératoire de fabrication est synonyme d'accumulation de moyens, de temps, de savoir-faire, de choix à chaque étape, et pour chaque type de fabrication. Toutes ces réalités impliquent qu'il faille étudier les productions à l'échelle de leur individualité, comme autant de réalisations particulières voulues et pensées par le bronzier. Le chercheur, lui, démarre le plus souvent son enquête par la fin, l'objet. Il tente de remonter le plus exhaustivement et le plus haut possible dans la chaîne opératoire pour chacune des pièces produites. À l’œil nu, il observe. Sous la loupe binoculaire, il se rapproche de détails. Grâce au microscope, il entre dans la matière. Il traque chaque indice et tente d'avoir une vision globale à partir de laquelle il pourra envisager de proposer synthèse et conclusions.
p. 152
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