AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Anthony Burgess (135)


Evidemment, c'était un réconfort de savoir que l'homme n'est pas fondamentalement mauvais et que l'on pouvait rejeter tout le blâme sur une sorte de virus moral, imposé au jardin d'Eden par un vaisseau spatial. Si les esprits sophistiqués ne pouvaient retenir un sourire en entendant parler des puissances diaboliques, les jeunes étaient tout prêts à y croire. De nombreux cas de délinquance juvénile, y compris des actes gratuits de viol, de torture et de meurtre, furent mis au compte du diable par leurs auteur. Le diable devint une réalité aussi tangible que le Christ des Enfants ou que le Grand Jésus Noir : ses cornes et ses yeux décoraient plus d'une grosse caisse de groupe rock : on l'invoquait dans les drug parties et il étalait son blason sur des tee-shirts.
Commenter  J’apprécie          20
- Prenez Dieu, dit-il. Autrefois, je me faisais une idée assez claire de Lui. A présent, on a tous ces nouveaux théologiens qui racontent que Dieu est ici, en nous, et non plus là-haut, ou qu'il est une noosphère impersonnelle et que toute image anthropomorphique est hors de question. Trois non-personnes en une seule noosphère ananthropomorphe. Notre nada qui es au nada nada soit ton nada.
- Un lieu propre et bien éclairé, voilà tout ce qu'il veut. Votre objection va à la grande ouverture.
- L'ouverture, c'est le relâchement. « Saint-Père, a dit l'archevêque de Boston, j'ai tout oublié sauf mon catéchisme de deux sous. - Et moi, j'ai oublié jusqu'à cela », lui a répondu Sa Sainteté. Oublions tout sauf l'amour, viens dans mes bras, mon frère. Ce n'est pas tellement incompatible avec leur baliverne de noosphère. (...)
Nous avons des religieuses qui s'habillent comme cette fille, maintenant, reprit-il. Nous avons des prêtres sexy, Dieu nous aide ! Merci Jésus, je ne suis pas sexy.
- L'Eglise, dis-je, vient au peuple.
- Le bordel, répliqua-t-il, vient à sa clientèle.

C'était, pensais-je, aller trop loin. Le Christ parlait le langage de ceux qui l'écoutaient. Tel l'aumônier de la prison du comté d'Erie, dans l'état de New-York, qui débitait ainsi le vingt-troisième Psaume :

« Le Patron est comme mon délégué à la liberté surveillée ; il m'aide à pas m'énerver et à me sentir bien dans ma peau. Il me montre la bonne voie pour que je sois bien noté et que ça rejaillisse sur lui. »
Commenter  J’apprécie          10
- Tu as eu le temps de bavarder avec Eve. Que penses-tu d'elle ?
- Il est un peu tôt pour le dire. C'est une gentille enfant, mais, pour l'amour du ciel, que diable leur enseigne-t-on par les temps qui courent ? Pour toute mythologie, elle a le programme de dessins animés pour les enfants à la télévision du samedi matin. Elle a commencé à lire L'Attrape-coeur et n'a pu le terminer : elle trouvait cela trop difficile. Les gens de ma génération ont du mal à soutenir une conversation sur Superman, Donald Duck et Debbie Reynolds. Bon sang ! tu parlais le français et l'italien dès l'enfance ; elle ne connaît pas une seule langue étrangère. Comme ses camarades, elle a lu vingt lignes de Virgile, en classe, en mauvaise prose anglaise. Elle a vu un film sur Hélène de Troie. Le passé est une chose morte ; le monde en dehors des Etats-Unis n'existe pas. Tu ne l'as donc jamais emmenée en Europe ?
- Nous sommes allés en France, mais la nourriture l'a rendue malade.
- Je redoute, dis-je prophétiquement, le grand vide total. On peut le remplir quelque temps avec Walt Disney ; mais, un jour ou l'autre, un grand vent viendra balayer tous ces flocons de poussière. Il faudra des tranquillisants plus forts. Elle m'a raconté qu'un de ses profs se drogue. « Après avoir lu le livre d'un type que tu as peut-être connu », m'a-t-elle dit. Il se trouve qu'il s'agit de mon vieil ami Aldous Huxley. « Tout sur les visions et la réalité, et tu trouves la vérité, aussi facile que si tu allumais la télé», m'a-t-elle encore dit.
Commenter  J’apprécie          10
La chose la plus réconfortante, et en même temps la plus propre à inspirer l'humilité, que je vis en Nouvelle-Galles du Sud, fut, dans la volière du Professeur Hocksly, le spectacle d'un oiseau à berceau et du tunnel de brindilles qu'il avait construit afin d'y attirer jusqu'à lui une compagne, si possible ; il avait décoré cette architecture à la Gaudi de fleurs, de plumes bleu et pourpre et de sacs à linge bleus volés ; de plus, je le vis peindre ce fichu système à l'aide d'une brindille tenue dans le bec et qu'il plongeait dans un jus de baies, bleu et pourpre aussi. Et pan pour les prétentions de l'art à la spiritualité !
Commenter  J’apprécie          10
Dieu, que j'écrivais mal ! Deux heures plus tard, j'arrachai du rouleau de ma machine la page achevée, la lus avec dégoût, puis fus traversé par la vision de toutes les pages mal écrites au monde depuis l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, de tous les mauvais livres inutiles entassés sur les étagères du globe, livres malades, rongés par le pian, suppurant dans leurs parties honteuses, nés pour l'encombrement ou l'embûche, présentant une réalité irréelle, tous mensongers. Il y avait une réalité plus vraie et plus simple dans le seul fait d'être assis là, au frais sous le ventilateur du plafond, dans une chambre nue et bien balayée, aux fenêtres ouvertes sur le soleil, le vert, les oiseaux qui ne chantaient pas, et de savoir que Philip rentrerait bientôt pour le tiffin et que la maison, home, est le plus beau mot du monde, ni piège ni escroquerie, résistant à toute analyse ultime, aussi fondamental et élémentaire que le parfum d'une fleur anglaise.
Commenter  J’apprécie          10
Non sans tristesse, je voyais, oui, la chose comme (de fait) un sujet de nouvelle. Si j'avais été encore dans mes années de création, l'envie m'eût démanger de filer en emportant cette précieuse petite graine de fiction et en laissant tomber la réception, convaincu que ce que j'inventais serait infiniment plus divertissant et, en un sens, plus vrai que la réalité imminente.
Commenter  J’apprécie          10
Je ne pouvais faire confiance à ma mémoire pour deux raisons : j'étais un vieillard, et j'étais un écrivain. Avec le temps, l'écrivain transfère le penchant de son art au travestissement à d'autres secteurs de sa vie. Dans le secteur frivole du commérage anecdotico-biographique de tabouret de bar, il est tellement plus facile, tellement plus satisfaisant de modeler, de réordonnancer, d'imposer apogée et dénouement, d'augmenter par-ci, de diminuer par-là, de quêter applaudissements et rires, que de rapporter dans leur nudité routinière les faits tels qu'ils se sont passés.
Commenter  J’apprécie          20
Le tout est de frapper les arrières... Ne riez surtout pas de l'égorgement des nouveau-nés...
Commenter  J’apprécie          120
(Churchill, ce) "fumier, avait banqueté avec Staline et, comme lui, pourléché ses gros doigts boudinés en se gavant de cochon de lait, et rigolé grassement en découpant l'Europe en morceaux."
Commenter  J’apprécie          20
Je suis prêt à un débat public, mais dès que j'ouvre la bouche, on me coupe la parole.
(p. 133)
Commenter  J’apprécie          210
- Les Chrétiens ont raison lorsqu'ils veulent rendre leur dû à César et à Dieu, mais insistent pour que ces deux tributs soient nettement séparés. Il ne saurait être de gouvernement que séculier. Dès l'instant où il se mêle de politique, Dieu se transforme en son contraire. Ça ne date pas d'hier et ne cessera pas demain.
Commenter  J’apprécie          40
A l'office du dimanche, Paul, y dit pas que des bobards,/
On finit toujours par du porc si on commence avec du homard. (chanson des juifs contre les prêches de Paul)
Commenter  J’apprécie          10
Si alors, en grommelant, on se dispersa avant de retourner à la maison, ce fut, en partie, parce qu'on avait un sens très grec de la forme théâtrale. Cela faisait deux heures qu'on était là - donc : assez longtemps pour une pièce -, et le discours final avait, effectivement été couronnement de haute qualité à une dramaturgie de bel agencement. (A Ephèse, lors d'une émeute anti-nazaréens, après que le grammateus a plaidé la dispersion)
Commenter  J’apprécie          10
(...) Il ne faudrait pas s'étonner que Messaline n'ait jamais réussi à assortir sa beauté au moindre amour du bien et de la vérité. Menteuse chronique et mauvaise de bout en bout, elle l'était absolument. Sa beauté n'en tenait pas moins du miracle, nous dit-on.
Commenter  J’apprécie          20
Et c'est ainsi que Paul et quelques-uns de ses frères et soeurs en Jésus-Christ se firent traîner jusqu'au temple par les membres les plus militants de la guilde des orfèvres, - sans parler d'un vulgum pecus que l'on n'avait même pas eu besoin d'embaucher tant, dans ces villes de province où, le soir venu, il n'y a pas grand-chose à faire, empoigner et malmener de l'étranger est toujours un passe-temps aussi vertueux qu'agréable.
Commenter  J’apprécie          10
Je tire mon titre du nom que, dans la tradition juive, on donne à l'Empire romain. Paillardise, adultère, bigamie, sodomie, bestialité, cruauté sous ses formes les plus ingénieuses, assassinat, adoration de faux dieux, impuretés alimentaires et autres péchés d'incirconcision, attendez-vous à tomber sur toutes sortes de vilenies dans ce qui va suivre. Vous pouvez même vous en lécher les babine d'avance : corrompus, pour ainsi dire par procuration, des mains de votre auteur. Que la pratique de la littérature soit un mode de dépravation à justement condamner, voilà qui n'est que trop probable. Cela étant, et c'est connu, elle cesse d'être de la littérature dès qu'elle s'attache à redresser la morale et devient alors éthique ou affaire tout aussi assommante. (incipit)
Commenter  J’apprécie          20
Anthony Burgess
La traduction, ce n'est pas seulement une question de mots: il s'agit de rendre intelligible toute une culture.
Commenter  J’apprécie          42
Niant le dogme du péché originel, il [Pélage] déclarait l’homme capable de parvenir tout seul à faire son salut. […] Ce que vous devez vous rappeler, c’est qu’il faut voir là une indication de la perfectibilité de l’homme. Ainsi en est-on venu à considérer le pélagianisme comme étant au cœur même du libéralisme et de ses doctrines subsidiaires, socialisme et communisme notamment. […] Augustin, d’autre part, insistait, lui, sur l’état de péché inhérent à l’homme et la nécessité de la rédemption par le truchement de la grâce divine. Ce qui paraissait comme le fondement du conservatisme, du laisser-faire et autres croyances politiques non progressistes. […] C’est l’exacte antithèse, comme vous le voyez […]. Tout cela est d’une simplicité enfantine, en réalité.
(...)
il était question de la mort d’Enderby. J’y décrirais sa dernière journée, qui n’était pas sans rapport avec tous les jours que je vivais moi-même à l’époque. Le restaurant de plage d’Enderby à Tanger reçoit la visite d’un producteur-réalisateur qui n’est rien sans rappeler Kubrick ; à bas prix, celui-ci obtient de notre innocent poète un scénario fondé sur Le Naufrage du Deutschland de Gerard Manley Hopkins. Ce sublime poème mystique est converti, pas par Enderby, en sexe clérical et violence nazie. Enderby n’en est pas moins accusé d’avoir créé une œuvre pornographique. Des accusations lui parviennent tous les jours par téléphone, comme cela m’est arrivé […]. Comme moi, professeur invité, il est, comme moi, la proie des étudiants noirs. Comme moi, il porte une canne-épée ; contrairement à moi, il s’en sert lors d’une tentative de viol dans l’IRT. Comme moi, une folle déboule chez lui pour le tuer ; contrairement à moi, elle lui tire dessus […]
Commenter  J’apprécie          10
Je changeais le collège Malais en école multiraciale, non sans m’être donné beaucoup de mal pour lui constituer une histoire. Le héros du livre, Victor Crabbe, enseigne l’histoire européenne […]. Cet âne [Boothby, le directeur] réduit Crabbe au conflit, et Crabbe, forcé comme son créateur de quitter son poste, part pour de nouvelles aventures au sein de la Fédération. Ce n’est pas une raison pour l’identifier à son créateur. […] Sa femme est blonde et malheureuse, mais il ne s’agit pas de Lynne. […] La première épouse de Crabbe […] c’est une Méditerranéenne brune, peut-être juive, bâtie sur le modèle de l’ATS juive au grade de sergent dont je m’étais violemment épris à la fin des années quarante
Commenter  J’apprécie          10
Il est peut-être caractéristique de la culture purement laïque d'Orwell qu'il n'ait pu voir que dans l'Etat la possibilité du mal et l'ait refusée à l'individu - le péché originel étant un dogme bon à prêter à rire. Le socialisme d'Orwell permet, veut à tout prix, même, que l'homme soit capable de progrès moral autant qu'économique. Son pessimisme augustinien s'applique uniquement à cette projection de l'homme connue sous le nom d'Etat oligarchique. L'Etat est le diable, mais Dieu n'existe pas. L'idée que le mal réside mystérieusement hors de l'individu s'acharne à vivre dans un Occident dont le peu qu'il garde de ses croyances traditionnelles n'est plus que des guenilles. La porte est ouverte au mal - à preuve le célèbre bain de sang ou fut noyé certain village indochinois, et le carnage que fit Charles Manson en Californie, ou le viols et les meurtres qui mettent quotidiennement de l'animation dans les rues des grandes villes américaines. Cependant, il est consolant de croire que ce mal n'est pas partie intégrante de l'entité humaine, contrairement aux enseignements de saint Augustin, mais qu'il vient de l'extérieur, comme une contagion. Le diable et son cortège de démons ont le monopole du mal, et leur principale préoccupation est de prendre possession de l'âme humaine pour l'accabler sous tous les harnachements du mal, du blasphème jusqu'au cannibalisme. Peut-être peut-on les exorciser. Mais le mal ne pousse pas dans l'homme comme un ongle incarné. Les superstitieux s'en veulent un peu moins de leurs récidives, du moment qu'ils sont libres de les mettre au compte du Père de Tous les Mensonges. Et quant aux Orwelliens, Grand-Frère a bon dos.
Commenter  J’apprécie          140



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Anthony Burgess (2567)Voir plus

Quiz Voir plus

L'Orange Mécanique d'Anthony Burgess

Quel est le titre original du livre ?

The Mechanical Orange
The Clockwork Testament
A Clockwork Orange
Grapefruit and Orange

8 questions
105 lecteurs ont répondu
Thème : L'orange mécanique de Anthony BurgessCréer un quiz sur cet auteur

{* *}