Citations de Antoine Leiris (290)
D'une rafale de mitraillette,ils ont dispersé notre puzzle.Et,lorsque pièce après pièce nous le recomposerons,ce ne sera plus le même.Il manquera quelqu'un sur le tableau,il n'y aura plus que nous deux mais nous prendrons toute la place.Elle sera avec nous,là,invisible.C'est dans nos yeux qu'on lira sa présence,dans notre joie que brûlera sa flamme,dans nos veines que couleront ses larmes.Nous ne reviendrons jamais à notre vie d'avant.Mais nous ne reconstruirons pas une vie contre eux.Nous avancerons dans notre vie à nous.
Pas de posture. Pas de faux-semblants. Lorsqu'Hélène vous acceptait dans sa bulle, vous vous sentiez privilégié. L'élu d'une âme qui se livrait sans retenue. J'étais celui à qui elle avait tout donné. Le roi de son monde.
Mais les plus beaux moments de notre vie ne sont pas ceux que l'on colle dans les albums souvenirs.
Notre coccinelle s'est posée sur le nez de la sorcière, elle avait une kalachnikov en bandoulière et la mort au bout du doigt.
« La mort attendait sa mère ce soir-là, eux n’étaient que des ambassadeurs. »
« Melvil ne pourra pas passer ces pages de sa vie comme elle passait les pages de l’histoire. Je n’ai pas de baguette magique. Notre coccinelle s’est posée sur le nez de la sorcière, elle avait une Kalachnikov en bandoulière et la mort au bout des doigts. »
Je l'ai cherchée partout.
- .....
- Est- ce qu'il reste des gens là-bas?
-Monsieur,il faut vous préparer au pire ."
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Mon frère et ma sœur sont restés vivre ici. J'ai d'abord cru c'était un signe de lâcheté, de manque d'ambition, d'étroitesse de vue de leur part. Grandir, devenir adulte, vieillir et mourir à l'endroit où on est né me semblait être le destin de ceux qui n'en avaient pas.
Je ne comprenais pas comment ils avaient pu vouloir rester là, juste à côté, comment ils pouvaient accepter de ne pas écrire leur propre histoire loin, ailleurs
On s'est parfois affrontés. Ils sentaient l'aversion que j'avais pour cette vie-là, ils me reprochaient de venir donner des leçons et de partir aussitôt sur un coup de tête, ils m'en voulaient de bazarder d'un geste de la main ce qu'ils avaient patiemment rangé, trié, ordonné.
Je me suis longtemps senti incompris jusqu'à ce que j'accepte que l'incompréhension venait de moi.
Qu'elle et lui, ma sœur et mon frère, avaient avancé là où j'avais fui.
Je vois aujourd'hui le temps perdu et je ne regrette aucune de ces secondes passées loin de moi-même. Je vois aujourd'hui le temps qu'il reste et je veux les rejoindre là où ils m'attendent.
"Gepetto continua à travailler. Quand il eut fini, il empoigna la marionnette sous le bras et la posa sur le sol, mais Pinocchio avait les jambes raides et ne savait pas encore s'en servir. Gepetto le prit alors par la main et lui apprit à mettre un pied devant l'autre."
Quelques lignes comme notre vie. Faire ses premiers pas, avoir les jambes raides, tomber, se relever et apprendre à mettre un pied devant l'autre.
Ça aurait pu être un chauffard qui oublie de freiner, une tumeur un peu plus maligne que les autres ou une bombe nucléaire, la seule chose qui compte, c’est qu’elle ne soit plus là. Les armes, les balles, la violence, tout ça n’est que le décor de la scène qui se joue réellement, l’absence.
Je n'ai jamais su et je ne sais toujours pas comment raconter cet état de plénitude et de grâce, cette inquiétude aussi face à la perte, ce sentiment de ne plus être soi et que cet autre vous dépasse, qu'il faut être à la hauteur.
D'habitude, c'est un plaisir, solitaire, s'incruster le temps d'un café dans un morceau de vie de quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, c'est ma vie qui est en morceaux.
Peu de gens comprennent que je passe si vite sur les conditions dans lesquelles Hélène a été tuée. On me demande si j'ai oublié ou pardonné. Je ne pardonne rien, je n'oublie rien, je ne passe sur rien et surtout pas si vite. Lorsque chacun sera retourné à sa vie, nous vivrons toujours avec. Cette histoire, ce sera notre histoire.
La refuser serait se renier.
Hélène est le crayon que je tiens, l'encre qui coule à l'intérieur, les touches de mon clavier, les mots qui apparaissent sur l'écran. Les lettres ont ses courbes, les mots sa délicatesse, leur association résonne de sa musicalité.
Se dire qu'il a une vie à lui et qu'elle vient de commencer.
La mienne aussi a repris. Les fantômes ont leur place, ils n'errent plus dans mon esprit, ne hantent plus notre maison. Ils peuplent notre famille.
Le sommeil d'un bébé ne s'encombre pas des horreurs du monde.
Je n'ai rien trouvé d'autre pour lui dire que la vie continuerait malgré tout. Me raccrocher à nos habitudes, c'est laisser à la porte le terrible et le merveilleux
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Hélène me demandait souvent si l'amour se partageait. Si après l'arrivée de notre enfant, je l'aimerais autant. Après sa naissance, la question ne s'est plus posée.
Vendredi soir vous avez volé la vie d'un être d'exception, l'amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous
n'aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des amours mortes. Si
ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme
aura été une blessure dans son cœur.
Je pleure, lui parle, j'aimerais rester une heure encore, une journée au moins, une vie peut-être. Mais il faut la quitter.