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Citations de Antonio Moresco (101)


La nuit dernière, immobile au coin de ce batiment, dans le village désert et plongé dans le sommeil, sur ce tronçon de route à peine éclairé par le lampadaire qui oscille en grinçant à chaque coup de vent, j'ai attendu que le portail s'ouvre dans la façade noire, et que les enfants morts sortent les uns après les autres de l'école.
"Ca devrait déjà être ouvert!", je me disais, parce que le temps passait et que le portail ne s'ouvrait pas.
Juste le léger grincement du lampadaire dans le silence du village plongé dans le sommeil.
"Parfois ça arrive..., je me disais. Quand les enfants n'ont pas été sages, et que le maitre les fait rester en classe dix minutes de plus, meme si l'heure de la fin des cours est passée, meme si les enfants trépignent de désir de se lever en vitesse de leurs bancs et de sortir..."
Finalement le portail s'est ouvert. Les enfants sont sortis,
avec leur blouse noir et leur cartable.
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P14 : En face, plus bas, sur l’à-pic recouvert de forêts, se dresse un châtaignier moitié vivant et moitié mort. Sa haute cime s’élève, nue et blanche, sur le vert des arbres, pétrifiée, tandis que le reste est un déchaînement luxuriant de feuilles. Il y en a beaucoup d’autres comme ça, des châtaigniers surtout, je crois. Certains sont presque complètement morts, et se découpent sur la forêt dans leur évidence spectrale. Mais, de quelque point de ces troncs fossiles, quand c’est la saison, partent deux ou trois branches chargées de bogues à se briser.
Parfois je m’arrête devant un de ces arbres et je le regarde.
Mais comment on peut vivre comme ça ? Je lui demande. C’est impossible pour les hommes : où ils sont vivants ou ils sont morts. Enfin, c’est ce qu’on croit.
Il ne me répond pas. »
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Avant d'aller dormir, j'ai regardé un long moment la petite lumière. Depuis quelque temps elle brille encore plus intensément, me semble-t-il, parce que l'air est plus froid, le ciel plus limpide.
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Il n'y a rien à faire, les femmes sont comme ça. L'amour n'existe pas. Les femmes ne sont que des miroirs. Ce que tu vois en elles, ce ne sont que les projections de tes illusions et de tes rêves. Et les femmes aussi voient dans le miroir des hommes les projections de leurs illusions et de leurs rêves. Enfin quoi... il ne le savait pas celui-là que les femmes parlent, parlent, et t'embobinent mais qu'à la fin elles vont à l'essentiel, elles essaient de se caser, dans leur brève existence ? Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Ce qui est pris est pris. Il ne le savait pas qu'elles ne voient pas les gens pour ce qu'ils sont mais pour ce qu'ils pourraient être pour elles ? Que ce sont des spécialistes pour faire passer les culs de bouteille pour du cristal et le cristal pour des culs de bouteille ? Qu'elles finissent toujours par brouiller les cartes, pour s'en sortir à leurs propres yeux ? Que ce qu'elles cherchent, au fond, c'est simplement un maître, parce qu'elles ne sont pas libres et que les belles femmes le sont encore moins que les autres, même si elles croient l'être plus ? Qu'elles sont encore plus esclaves, parce qu'elles sont aussi esclaves de leur beauté, alors qu'elles croient faire des autres leurs esclaves ?

(P56)
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"Je regarde le feu, assis sur une petite chaise aux pieds sciés, tandis qu'il s'entortille autour des bûches en changeant constamment de couleur. Il gémit longuement et puis il éclate d'un coup en mille grandes étincelles, monte en allant lécher l'écorce et les éclats de bois disposés en pyramide. Du dehors, de l'extérieur, on peut voir ma cheminée qui se met à fumer, la seule parmi celles qui subsistent sur les toits de ces maisons inhabitées et déglinguées, si tant est qu'il y ait encore quelqu'un qui puisse la regarder."
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Je marche, je marche, de ce mouvement d'os et de muscles qui continue de se produire dans le noir. Et de nerfs et de tendons et de tissus conjonctifs et de vertèbres et de matière cérébrale qui envoie les impulsions pour activer ce mouvement qui me paraît, à moi, involontaire, comme s'il venait d'autre part. Comme s'il fonctionnait tout seul, sans qu'il ait besoin de recevoir d'impulsions, alors que le cerveau se trouve ailleurs, inaccessible, seul, infiniment loin, et se limitait à enregistrer d'autres impulsions qu'il y a eu, qui sait pourquoi, qui sait quand, sur un tracé de mémoire séparée, désormais dépassée ou bien encore activée.

(P 88)
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Je m'étais tout juste endormi, après être resté éveillé un long moment dans le noir, les yeux fermés, sans penser à rien. Mais le sommeil ne venait pas. C'est du moins ce qu'il me semblait, parce qu'on ne sait jamais très bien ce qui se passe dans notre esprit dans ces états précédant le sommeil, lorsqu'on tombe quelques instants dans une espèce de catalepsie et que tout de suite après on est à nouveau complétement présent à soi-même, revenant de quelque part où on s'était aventuré, bien qu'on ne sache pas où. Savoir s'il existe des explorateurs qui, après avoir visité une multitude de territoires inconnus, ne se rappellent plus, une fois rentrés, où ils sont allés ?

(P 70)
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Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant.
Le soleil vient tout juste de s’effacer derrière la ligne de crête. La lumière s’éteint. En ce moment, je suis assis à quelques mètres de ma petite maison, face à un abrupt végétal. Je regarde le monde sur le point d’être englouti par l’obscurité. Mon corps est immobile sur une chaise en fer dont les pieds s’enfoncent de plus en plus dans le sol, et pourtant, de temps en temps, j’ai le souffle coupé, comme si je chutais assis sur une balançoire aux cordes fixées en quelque endroit infiniment lointain de l’univers.
Le ciel est traversé par les dernières hirondelles qui volent, çà et là, comme des flèches. Elles passent en rase-mottes au-dessus de moi, s’abattant tête la première sur de vastes sphères d’insectes suspendus entre ciel et terre. Je sens le vent de leurs ailes sur mes tempes. Je vois distinctement devant moi le corps noir, plus caréné et plus grand, de quelque insecte englouti par une hirondelle qui le suivait le bec grand ouvert en lançant des cris. Le silence est tel que j’arrive même à entendre le craquement de son corps qui continue à souffrir, broyé et démembré, dans le corps de l’autre animal qui remonte grisé dans le ciel.
Je reste encore un long moment assis là. La lumière disparaît progressivement, tout ce monde végétal devient de plus en plus sombre sous mes yeux.De tous côtés commencent à se lever les cris des animaux nocturnes, invisibles dans le feuillage noir.
Pas un signe de vie humaine.

P 7 - Edition Verdier Poche
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Il n'y a que la nuit, dans la lumière lunaire, que l'on comprend ce que sont les arbres, ces colonnes de bois et d'écume qui s'élancent vers l'espace vide du ciel.
S'il n'y a pas de lune, il faut marcher à tâtons dans le noir, sous la bouleversante voûte céleste criblée de myriades d'étoiles inhabitées et d'autres effilochures de lumière.
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Ma journée commence tôt.
Je me lave. Je m'habille. Je vais ouvrir les fenêtres. Je regarde un moment tout ce monde végétal immobile comme une apparition. (...) Je mange quelque chose. Je lave mon linge sale dans une bassine en plastique que je pose dans l'évier. Je vais l'étendre sur une corde tirée entre deux poteaux écorcés que j'ai trouvés au bord d'un sentier, quand je suis venu ici. Je lave la vaisselle une fois par jour, le soir, dans cette maison de pierre, dans le silence absolu qu'il y'a autour.

En face, plus bas, sur l'à-pic recouvert de forêts, se dresse un châtaignier moitié vivant et moitié mort. Sa haute cime s'élève, nue et blanche, sur le vert des arbres pétrifiés, tandis que le reste est un déchainement luxuriant de feuilles. Il y'en a beaucoup d'autres comme ça, des châtaigniers surtout, je crois. Certains sont presque complètement morts, et se découpent sur la forêt dans leur évidence spectrale. Mais, de quelque point de ces troncs fossiles, quand c'est la saison, partent deux ou trois branches chargées de bogues à se briser.
Parfois je m'arrête devant un de ces arbres et je le regarde.
- Mais comment peut-on vivre comme ça ? je lui demande. C'est impossible pour les hommes : ou ils sont vivants ou ils sont morts. Enfin, c'est ce qu'on croit...
Il ne me répond pas.
J'effleure de la main sa surface lisse, écorcée, et pétrifiée. Et puis la partie vivante, recouverte de feuilles. J'imagine le fleuve de sève qui coule, tourbillonnant sous l'écorce, longeant la partie morte et puis se jetant dans cette nouvelle branche qui se tend vers l'espace, inventée par sa pression même.
Et il y'a aussi certains endroits escarpés où le terrain s'est éboulé, des racines d'arbres vivants posées sur des affleurements de roche nue ou bien complètement hors de terre, tendues, dans le vide. De gros arbres écrasés à leur base par un rocher qui s'étirent à même le sol et puis tordent leurs cimes vers le ciel. De petits troncs poussées les uns à cotés des autres et puis englobés par un autre tronc. Des troncs qui montent comme des serpents le long d'arbres plus grands et qui s'entortillent à leurs branches. Et, tout près, des arbres mourant étouffés par les surgeons ou par le nuage du lierre et d'autres plantes grimpantes qui montent vers le ciel pour les envelopper dans leur étreinte mortelle. Des mousses et des lichens qui emmaillotent de leurs linceuls de velours et de verre des colonnes de bois penchées et de grosses pierres affleurantes. D'autres filaments végétaux comme des lianes sèches qui descendent de l’enchevêtrement des branches les plus hautes dans les arbres. Ou bien qui montent d'en bas, qui peut dire, parce qu'on ne comprend pas bien où est leur origine, si c'est le sol ou la cimes des arbres, ou peut-être aucun des des deux parce qu'il n'y pas que le haut et le bas. Peut-être qu'ils naissent au milieu, dans l'air, pour ensuite exploser comme des petites structures végétales qui demandent la vie et qui demandent la mort.

P20
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La machine lancée de la floraison qui ne peut ralentir, qui ne peut plus s'arrêter, et puis, d'un coup, à ce moment-là précis, le fouet de la pluie froide, du gel, tous ces morceaux de glace qui s'abattent soudainement du ciel sur ces calices blancs à peine inventés...
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Ils déambulaient en brandissant l’étendard de leurs visages morts
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Impossible de décrire l'émotion que j'ai éprouvée en la voyant tout à coup. Elle ne disait rien ,elle me regardait simplement,paisiblement , ses yeux et son visage illuminés par l'éclat du feu, avec cette confiance totale qui peut naître entre des êtres qui se trouvent face à un incendie,même s'ils ne se sont jamais vus auparavant dans leur vie.
Soudain , sans qu'elle ne cesse de me regarder , son corps a bougé imperceptiblement.
-Regarde...j'ai incendié le monde pour toi! a murmuré l'instant d'après une voix à l'accent étranger.
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Parfois j'allais me baigner tout seul, sur des petites plages isolées où il n'y avait personne. J'y arrivais en voiture au long de ces virages lents où de temps à autre surgissait l'éblouissante apparition de la dalle marine. J'arrêtais la voiture, je descendais à pied sur des sentiers envahis d'une végétation dure et épineuse. Je me déshabillais, je me couchais sur le sable brûlant. Je pénétrais dans l'eau, je nageais un moment vers le large, je faisais la planche sur le ventre, le visage plongé dans la bouillie chaude de la mer. Je revenais m'écrouler sur la petite plage déserte, face à la déclivité de l'eau. Son éclat gélatineux traversait le voile de mes paupières fermées tandis que je restais ainsi, hors d'atteinte, seul, hébété.
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« il n'y a que la nuit, dans la lumière lunaire, que l'on comprend ce que sont les arbres, ces colonnes de bois et d'écume qui s'élancent vers l'espace vide du ciel ».
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Elles introduisaient la nourriture dans leur bouche, la mâchaient en bougeant toute la partie molle de leur museau, de leurs lèvres. Moi, je ne voyais rien, je ne les voyais pas, j'avais seulement la perception de la nourriture fracassée par leurs dents qui descendait le long du canal humide de leur œsophage et puis dans leur poche suintante de l'estomac et puis dans les anses fétides de l'intestin et puis encore plus bas, vers le fond de leur corps troué.
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Ils avaient ainsi, lentement, sans parler, dans le monde qui illuminait, et les passants qu'ils croisaient sur le trottoir se retournaient pour regarder abasourdis ces deux êtres, un vieux clochard aux cheveux longs et au nez cassé et une fille merveilleuse, qui marchaient enlacés.
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L’esclavage, ce n’est pas un truc d’autrefois, c’est de tous les temps. C’est le business du futur. La liberté ? Mais la liberté il faut la mériter, il faut en être dignes ! Et puis même la liberté est esclave de l’esclavage, et l’esclavage de la liberté…
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Tout autour le feu, et nous deux là, inconnus jusqu’à l’instant d’avant, l’un près de l’autre, au cœur de la flamme, là où la flamme ne brûle pas.
C’est difficile à faire comprendre avec des mots. Ça ne vous est jamais arrivé de rencontrer une personne inconnue, dans un moment de la vie où vous n’étiez plus présents à vous-mêmes, où vous ne coïncidiez plus avec vous-mêmes, et d’éprouver pour elle un bouleversant sentiment de proximité et de fusion, comme si pendant un instant s’était ouverte, on ne sait où, une fissure qui vous a fait voir une réalité complètement différente, que vous aviez sous les yeux mais que vous n’arriviez pas à voir jusqu’à l’instant d’avant ?
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P14 : En face, plus bas, sur l’à-pic recouvert de forêts, se dresse un châtaignier moitié vivant et moitié mort. Sa haute cime s’élève, nue et blanche, sur le vert des arbres, pétrifiée, tandis que le reste est un déchaînement luxuriant de feuilles. Il y en a beaucoup d’autres comme ça, des châtaigniers surtout, je crois. Certains sont presque complètement morts, et se découpent sur la forêt dans leur évidence spectrale. Mais, de quelque point de ces troncs fossiles, quand c’est la saison, partent deux ou trois branches chargées de bogues à se briser.
Parfois je m’arrête devant un de ces arbres et je le regarde.
Mais comment on peut vivre comme ça ? Je lui demande. C’est impossible pour les hommes : où ils sont vivants ou ils sont morts. Enfin, c’est ce qu’on croit.
Il ne me répond pas. »
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