"Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts", disait La Rochefoucauld.
Si cette assertion du chantre des maximes est vraie, alors Didier Raoult appartient à cette espèce.
Né en 1952 au Sénégal, l'homme cultive l'art du "grand", du très grand, voire du gigantisme.
Benjamin d'une famille de six enfants, il en est le plus grand : 1,90 m.
Il en est de très très loin le surdoué.
Là où le QI moyen des hommes de cette planète tourne autour de 100, que les génies se situent à 140 et un peu plus : 130 pour Copernic, 150 pour Mozart, 160 pour Einstein... Didier Raoult revendique un QI de 180 ( test effectué par un pédopsychiatre marseillais ).
L'homme a une généalogie à faire pâlir d'ébahissement le vicomte Philippe de Villiers connu pour sa personnalité "hors du temps et de l'espace", à la figure duquel il lance un jour un de ses aïeux, un meneur de chouans, un descendant de La Rochejacquelin, dont la devise était : " Si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi."
Fils d'un médecin militaire et d'une héroïne de guerre...elle serait "la Solange Dandillot", l'une des héroïnes du roman de Montherlant " Jeunes filles"... et celle qui fut la "vraie" fiancée du sulfureux écrivain mort par suicide en 1974.
Il détient le courrier échangé entre sa mère et l'auteur de la tétralogie intitulée " Les lépreuses".
De son grand-père maternel, Paul-Victor Legendre, ancien spahi qui dirigera à Marseille les Mouvements unis de la Résistance avant de rejoindre l'Orchestre rouge, il affirme avoir hérité le côté "psychopathe et rebelle " ( dixit DR).
Ses six premières années sont celles d'un enfant roi entre Dakar et le Cap Vert... un petit paradis ; il ne va pas à l'école.
Sa vie et celle de sa famille changent lorsque son père est muté en France.
C'est d'abord Paris et le rejet, puis Marseille et "l'acclimatation".
Rebelle, DR va l'être dès l'entrée à l'école où rien ne l'intéresse si ce n'est la lecture et la castagne.
Renvoyé tout au long de sa scolarité de plusieurs établissements, il passe un bac littéraire avant de disparaître pendant deux années. Deux années au cours desquelles, il semble avoir occupé son temps comme deckman ou GO sur un bateau de croisière.
Assagi, il rentre au bercail et finit par accepter ce qui a toujours été le souhait de son père : devenir médecin.
Ses études ne sont guère brillantes, et c'est presque les circonstances qui font de lui un microbiologiste, un spécialiste des maladies infectieuses.
Mais sa personnalité "flamboyante", son entregent vont faire le reste.
Remarié à Natacha Caïn, fille de psychiatres et qui à son tour va le devenir, il va très vite faire en somme de voler vers les cimes.
Il s'entoure d'une équipe, d'un "commando", fait une publication hebdomadaire dans les revues scientifiques internationales... ce qui lui attribue des points, les points de l'argent et le tout la renommée.
Je passe sur les luttes corporatistes intestines, les rivalités d'ego dont on a pu mesurer les effets dévastateurs lors de la pandémie... toujours en cours.
Didier Raoult, grâce à son habileté, à son intelligence (QI de 180) réussit à obtenir la création à Marseille d'un IHU ( Institut Hospitalo-Universitaire ), ces établissements de formation et de recherche médicale dont l'initiateur est Nicolas Sarkozy.
Naturellement, il en devient le Boss.
C'est la place qu'il occupe lorsque à Wuhan en 2019, surgi d'un laboratoire ou d'un marché... le saura-t-on jamais ?... apparaît celui que la planète entière va apprendre, à son corps mal défendant, à connaître sous le nom de Covid19...
Aussitôt DR fait un premier diagnostic : "une grippette... trois malheureux Chinois qui meurent, ça fait une alerte mondiale, l'OMS s'en mêle et ça passe à la radio et à la télévision. Le monde est devenu complètement fou... Les gens n'ont pas de quoi s'occuper, alors ils vont chercher en Chine de quoi avoir peur ? Ce n'est pas sérieux... Moi, ce qu'il se passe, le fait que des gens soient morts de coronavirus en Chine, je ne me sens pas tellement concerné."
De plus, ajoute-t-il " des papés vont probablement mourir d'une pneumonie à cause de ce nouveau virus. J'ai soixante-sept ans et j'ose le dire : il faut bien mourir de quelque chose."
Par ailleurs, des fausses alertes, il en a connu... "rien que ces vingt dernières années : la crise de la vache folle en 1996... 177 morts au Royaume Uni et 27 en France....le Chikungunya en 2005... il a causé des douleurs, a atteint La Réunion mais n'a tué personne en France métropolitaine... Ebola... qu'on ressort des tiroirs tous les quatre ou cinq ans... la grippe aviaire... une épidémie pour oiseaux qui a déclenché une production de vaccins complètement inouïe pour une maladie qui n'est pas une maladie humaine..."
Pas de quoi donc fouetter un Raoult et encore moins l'impressionner.
Sauf que le virus continue à tuer... de plus en plus... au point que des millions de personnes sont confinées à Wuhan.
Le professeur, qui n'est pas encore "le druide", qui a passé sa vie à collectionner les diplômes, les honneurs, les récompenses... se rêve un destin.
Il vient de frapper à sa porte grâce à ce virus... qu'il affirme être l'épidémie la plus bête et la plus facile à soigner des maladies infectieuses appartenant ou ayant appartenu à l'histoire de l'humanité.
Ayant lu une "étude", une "note" venant des Chinois et révélant in vitro l'efficacité de la chloroquine sur le virus, DR fait la sienne (étude), à sa manière, selon ses règles sur quelques patients... sans groupe témoin... et en conclut que l'hydroxychloroquine savamment dosée et associée à l'azythromycine... est la panacée... la solution.
"Le Covid19, c'est l'infection la plus facile à traiter. Pas la peine de s'exciter pour trouver des vaccins dans dix ans !"
Il crée sa chaîne YouTube...et sur ladite chaîne, l'annonce qui dure une minute quarante-cinq secondes et dont le titre est : "Coronavirus : fin de partie !" crée le buzz sur les réseaux sociaux et devient un scoop mondial.
À partir de là naît le mythe Raoult.
Trump, sans le citer, vante les mérites de l'hydroxychloroquine... dont il prend un comprimé par jour en préventif... Bolsonaro embraye dans la foulée.
Le monde a la focale rivée sur ce vieux médicament devenu soudain pourvoyeur d'un nouveau miracle.
La France, elle, se déchire.
Il y a ceux qui voient en Raoult un futur prix Nobel, et les sceptiques... qui observent le peu de crédit et de fiabilité d'une étude faite maison sur une vingtaine de patients dont on ignore tout... et sans groupe témoin.
Il n'empêche : Raoult a la gloire qui manquait à son palmarès.
Le professeur devient une idole, une rockstar, un prophète, un demi-dieu.
Il côtoie Onfray... ils ont en commun la philosophie, Nietzsche et tous les deux sont "injustement" méprisés par certains de leurs contemporains.
Ils iront jusqu'à prévoir un grand show public ensemble à Marseille, avant que leurs egos ne soient rattrapés par la réalité, et qu'Onfray qui avait vilipendé dans un premier temps ceux qui s'en prenaient au génie Raoult, les Big Pharmas et leurs affidés... n'attrape à son tour le Covid et que s'étant vu proposer le traitement de Raoult ne s'écrie indigné : " je ne veux pas finir en martyr... Raoult s'est trompé... il devrait le reconnaître."
Il fréquente également BHL... lequel s'en prend à cette société hygiéniste.
De Villiers, que j'ai déjà cité et qui prépare un livre complètement "barré" et complotiste, dans lequel Raoult a une place de premier choix.
Des politiques... tel Mélenchon qui veut en savoir plus sur ce virus.
Emmanuel Macron et surtout son épouse Brigitte qui correspond avec l'illustre savant.
Pour DR, la fin du printemps marque la fin définitive de l'épidémie.
Il n'y aura pas de seconde vague.
On connaît la suite.
Petit à petit, au fur et à mesure que la réalité de la pandémie va prendre le dessus sur les prophéties erronées du professeur, que toutes les études de par le monde vont démontrer l'inefficacité de l'hydroxychloroquine, que le documentaire complotiste "Hold-up" va s'auto-caricaturer et rendre grotesques leurs intervenants, celui-ci va voir un nombre toujours croissant de ses fidèles s'éloigner de celui qui leur avait fait prendre le mur de la réalité pour une briquette ( à quelques lettres près, c'eut pu être l'anagramme de grippette (sourire).
Arianne Chemin et Marie-France Etchegoin ont scindé leur ouvrage en deux parties : la première est consacrée à la biographie de leur sujet, et la seconde à la pandémie et au rôle joué par DR dans celle-ci.
Ce n'est pas un livre à charge contrairement aux lecteurs raoultiens qui voient dans le titre du livre et dans le livre un parti pris.
Ces deux journalistes sont deux grands reporters de renom et ont fait un travail d'investigation qui repose sur des faits ( montrables, démontrables, avérés) et non sur des interprétations, des extrapolations ou des suppositions.
D'autres livres suivront, écrits par d'autres.
Aucun ne pourra jamais démontrer que la potion de DR était magique car elle ne l'était pas.
Aucun ne pourra réfuter, sous un quelconque prétexte, que les punchlines de DR n'ont pas été prononcées ou écrites par son auteur en personne.
Pas un ne pourra nier qu'il ne croyait pas aux masques, persuadé que la contamination se faisait par les mains...
Raoult a eu raison sur tout ce qui avait trait à la logistique, il a été le premier à tenter d'imposer les tests PCR et le fameux "tester, tracer, isoler". Dix-sept ans avant la pandémie, il alertait sur l'impréparation de la France dans le domaine des maladies infectieuses et tirait la sonnette d'alarme sur le risque de pandémies à prévoir.
Sauf que lorsque est apparue la pandémie en cours, il est soudainement devenu aveugle, sourd et s'est pris les pieds dans le tapis... COMME NOUS TOUS... mais il était le seul à avoir un QI de 180... !!!
Raoult a une immense culture, lit beaucoup "au moins 100 romans par an...", Voltaire ne l'a pas convaincu qui écrivait : "“Les hommes se trompent, les grands hommes avouent qu'ils se sont trompés.”
À moins que Voltaire n'appartienne pour lui à ceux qu'il qualifie de pétainistes... ( vous comprendrez en lisant le bouquin ).
Un livre facile à lire... une enquête journalistique sur une "affaire" qui fera longtemps encore couler beaucoup d'encre.
PS : un carton jaune à Gallimard pour un nombre de coquilles indignes à une maison d'édition de cette envergure.
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Petit livre d’actualité du Covid dédié à la moquerie du professeur Raoult. Le titre du premier chapitre, une fois l’ouvrage terminé (au début, on ne s’en rend pas compte) prend tout son sens : « Médecine de Brousse ». Il est vrai que M. Raoult est originaire d’Afrique (il est né à Dakar) et l’allusion sonne bizarrement. Les journalistes accréditées pensée moderne vont ainsi marquer de leur condescendance tout ce livre dédié au personnage médiatique que chacun connaît hélas maintenant.
Je ne vais pas me lancer dans un jeu inutile de démêler le vrai du faux, le fake d’aujourd’hui versus le fake de demain, je n’en ai pas les compétences. Il faut juste savoir que cet ouvrage (exagéré, c’est de l’éditorial publié) ne cite aucune source, ne référence aucun lien pour vérification. Il est vrai que ce sont des journalistes donc on peut les croire ...
A part un chapitre assez difficilement compréhensible sur Natacha Caïn, sa femme où l’on fait allusion à une précédente union sans en parler (exercice ambigu), le reste se lit vite car nos rédactrices ont une plume acérée et se sont munies d’une multitude de guillemets tout aussi effilés.
Qu’en dire ? Que sous couvert de narration, le mépris est distillé à chaque chapitre et je vais me contenter de quelques exemples au hasard, c’est suffisant pour caractériser l’objet.
chap 1 : « Ainsi débute le roman de sa vie »,
chap 2 : "Car, ça y est, l’enfant roi de Dakar va enfin à l’école"
chap 4 : « En conséquence, le loup de mer prend, en 1972, la direction de la faculté de médecine, à deux pas – clin d’œil de la géographie – de l’ancien asile d’aliénés, dit aussi l’« hôpital des insensés ». C’est peu dire qu’il n’a pas la vocation.
chap 8 : "se souvient avoir répondu le Cyrano de Marseille à l’organisation internationale qu’il tient déjà assez peu en estime."
chap 14 : « Il porte une veste noire sur un pantalon assorti, et cette tenue de ville lui donnerait presque des airs d’Albus Dumbledore, le professeur de sorcellerie dans Harry Potter »
chap 23 : « Le professeur semble définitivement dévoré par son ego, comme si la chloroquine et la lutte contre le Covid n’étaient plus l’enjeu désormais »
chap 19 : "En ce mois de mars, tous les complotistes se penchent sur les conditions de vente de l’« HCQ », comme on écrit l’hydroxychloroquine sur les réseaux sociaux."
J’arrête sur ce dernier exemple qui interpelle sur la vision des Français qui ont cru (et peut être croient toujours) à l’hydroxychloroquine (et aux masques) qualifiés bien sûr de complotistes et m’interroge. Quel est l’intérêt de faire un si long éditorial en moquant le personnage et ceux qui ont écouté ses discours ? Si c’était une œuvre de journalisme qui était prévue, pourquoi ne pas faire uniquement du factuel ?
Nos éditorialistes ont pris la fâcheuse habitude de ne plus faire de journalisme et de tout décrire par le prisme de leur bienpensance agréée et cet objet en fait une belle démonstration.
J’aurais aimé quant à moi un texte reprenant les informations compilées par les auteurs, les références à leurs sources en annexe, et pourquoi pas une prise de position par rapport à tout cela, mais en dehors du corpus d’enquête. Il y a sans doute pas mal de vérités dans ces lignes mais elles sont tellement biaisées par le parti-pris adopté qu’elles en deviennent suspectes.
Là, soyons clairs : les contempteurs de M. Raoult jubileront, ses laudateurs jetteront l’objet. Cet exercice est donc vain pour moi malgré des apports biographiques du professeur (à vérifier, non sourcées) prêtant à réflexion.
Rem : La description comparant la tenue de ville de M. Raoult à celle du célèbre Dumbledore cinématographique me paraît marquée par une méconnaissance coupable de cette série de films.
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Déjà une dizaine de jours et plus ... que j'ai achevé cette lecture-enquête , sur un épisode insolite, ayant touché ce couple mythique !
Un 16 octobre 1963, Romain Gary épouse quasiment en secret Jean Seberg
dans un petit village de Corse du Sud, Sarrola-Carcopino...
Ariane Chemin, grand reporter au journal Le Monde, a retrouvé le dernier
témoin de cette journée. Dans ce récit, l'auteure nous entraîne dans une
véritable enquête.
Lecture , personnellement, doublement troublante et émotionnante; en premier , de par le sujet: les vies brûlantes de ces deux exilés, et la deuxième raison est toute intime. Au fil de cette lecture, ont défilé dans ma tête et mon cœur moult images de ce petit village que je connais bien : les paysages,les lumières, les oliviers, les fleurs...m'ont assaillie de plein fouet... J'ai passé un temps très précieux dans ce cadre: la dernière année de vie de mon compagnon corse...
Petit village niché entre Ajaccio et Bocognano....d'où l'on peut apercevoir, par temps clair, le golfe d'Ajaccio...
Un texte émouvant, poignant ...On sent d'ailleurs à quel point Ariane Chemin est "secouée" par cette journée si spéciale , restée secrète, mystérieuse qu'elle découvre par tout un concours de circonstances, et par ses recherches tenaces...
" Pourquoi, à la lecture du gros registre ouvert sur la table de la salle des mariages, cette mise à nu administrative m'émeut tant ?
Romain, Jean, un juif, une "mauvaise" Américaine, deux exilés de l'intérieur qui se marient dans les montagnes corses. Deux voyageurs cosmopolites, au sens donné par Valéry Larbaud à ce joli mot lessivé depuis par les antisémitismes et les xénophobes" (p. 108)
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Avec La Communauté, les deux journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin raconte l'évolution de la ville de Trappes dans les Yvelines, noyau populaire au sein de communes plus riches.
La ville fut très longtemps dirigée par un maire communiste, jusqu'à la fin du XXème siècle où un élu socialiste emporte la place.
Ville de cheminots puis lieu où l'on rassembla les travailleurs immigrés que la France coloniale allait chercher dans ses possessions du Maghreb pour travailler dans les mines ou dans les industries automobiles. Puis vinrent d'autres exilés, issus d'Afrique de l'Ouest ou encore des départements d'outremer, venus chercher en métropole un avenir économique plus florissants.
A travers de courts chapitres, on suit l'évolution de Trappes des années 1960 à 2017. Les journalistes appuient sur quelques célébrités issues de cette banlieue, comme Jamel Debbouzze, Omar Sy ou encore Nicolas Anelka. S'il n'est pas inintéressant de se pencher sur les enfants de Trappes qui ont réussi à sortir du lot, l'intérêt majeur de l'essai est de constater le passage de générations visant la discrétion et l'assimilation à celles d'après prises entre délinquance, chômage de masse puis emprise religieuse.
Trappes est un exemple parmi d'autres de cités où le fondamentalisme religieux s'est immiscé jusqu'à phagocyter la vie de la municipalité. On passe d'un esprit communautaire à un esprit communautariste, avec l'arrivée d'anciens partisans du GIA algérien et d'adeptes du wahhabisme. Trappes est d'ailleurs une des banlieues les plus pourvoyeuses en volontaires pour le djihad auprès du groupe Daesh.
Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin montrent les répercussions de cette emprise sur le quotidien avec la multiplication des femmes portant le voile voire le niqab, sur la vie scolaire où l'enseignement est remis en cause selon les préceptes de certains imams, sur la vie politique de la ville qu'on sent dépassée par les événements.
Étude d'un microcosme qu'on peut élargir au macrocosme français voire européen (des comparaisons avec Moellenbeck en Belgique sont établies) qui se révèle inquiétante quant à la possibilité de trouver des solutions durables pour recréer un vouloir-vivre ensemble.
Si le constat des auteures est préoccupant, elles ne sombrent pas dans le sensationnalisme et mettent en avant les figures qui, de l'intérieur, s'efforcent de ramener paix sociale et rationalité à l'image de l'islamologue de Trappes Rachid Benzine qui prône une lecture tolérante du Coran et des hadiths.
L'essai n'étant pas très long, certaines parties sont survolées qui auraient mérité qu'on s'y arrête plus longuement. Il est donc utile de poursuivre la réflexion avec d'autres ouvrages.
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Deux journalistes du « Monde » ont mené une enquête sérieuse et complète sur la ville de Trappes.
Enquête qui a un côté très agréable car commençant presque comme un roman.
On y découvre Jamel Debbouze, Omar Sy, la Fouine, Anelka, Sophie Aram….. originaires de Trappes, et bien sûr les habitants anonymes
Années 60, première vague de migrants recrutés par le gouvernement français
Années 80, délinquance, trafic de drogue, prostitution, bandes organisées. La première génération semble sans espoir. Heureusement, des animateurs fabuleux tentent de sauver tous ces gamins paumés.
Années 90, l’Islam prend une tournure inquiétante, le phénomène de radicalisation est en route, restreignant la liberté des femmes et recrutant de futurs djihadistes.
Trappes a toujours eu une vocation de ville qui accueille.
10000 habitants au départ, puis en 1973 14000 nouveaux venus des bidonvilles de Nanterre, des migrants actuellement……
Et malgré tout cela, la solidarité entre habitants reste forte.
Bravo à Raphaëlle Bacqué et à Ariane Chemin qui ont réalisé cette solide étude très enrichissante.
Elles ont su rester concrètes, objectives et bienveillantes et nous font voir d’un autre œil cette population cosmopolite et la dérive alarmante amenée par le salafisme, le wahhabisme et toutes les mouvances musulmanes intégristes..
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En ouvrant ce livre, je craignais de tomber sur un livre dit people, et la couverture ne me rassurait pas. Toutefois, ce livre, si il nous plonge dans l'intimité de DSK et de Anne SInclair, n'est pas une simple narration tantôt caustique ou indignée de la vie privée d'un homme.
Ce livre est un livre d'analyse politique ( mais en aucun cas de sciences politiques ) : sa ligne directrice est de montrer comment la vie privée de Dominique Strauss Kahn a pu expliquer son comportement politique.
Au delà du destin d'un homme, c'est un peu une analyse un brin morale des élites françaises et de cette gauche caviar affairiste qui est opérée par les deux journalistes.
Ce livre nous montre les ressorts de la vie politique : ambition, énergie, charisme...leur absence ou leur excès font chuter la carrière politique d'un homme : DSK est tombé par son arrogance et son addiction à la domination sexuelle qui l'ont mené à sa perte politique, mais a aussi manqué de constance dans lea recherche du pouvoir en jouant au lion qui ne doit se montrer que s'il est désiré.
C'est aussi le constat effarant de l'impunité totale d'un homme qui aidé de ses courtisans, communicants et le Tout Paris longtemps compréhensif a pu abuser de nombreuses victimes.
Ce livre permet de bien appréhender la personnalité d'un homme complexe et de décrypter son réseau de pouvoir, tout en ne tombant pas dans une admiration déplacée par la restitution des frasques d'un homme, cela sans jugement moral excessif. Un livre solide et équilibré.
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Le fait divers, qui m’était inconnu avant d’en entendre parler par Ariane Chemin, de passage à La Grande Librairie, frappe l’imagination: comment des membres d’une famille - trois adultes et deux enfants - ont pu plonger ainsi vers la mort, du septième étage d’une tour d’habitation, avec ce qui a toute l’apparence de la détermination, tout cela sans un seul cri ? L’auteure explore la généalogie des deux sœurs qui se sont données la mort - des jumelles -, les petites-filles de Mouloud Feraoun, un écrivain algérien assassiné le 15 mars 1962 par l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète. Explorant l’hypothèse psychologique de la transmission intergénérationnelle des traumatismes, ici de la guerre d’Algérie, Ne réveille pas les enfants, s’il a le mérite de sortir de l’ombre cet écrivain que je ne connaissais pas, s’est avéré moins intéressant à lire que je ne m’y attendais, en référence au contexte historique qu’elle installe et que j’ai trouvé par moments un peu indigeste; le tout me laisse avec une certaine impression de « tout ça pour ça ? », là où un article d’enquête aurait peut-être suffit…
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Joli livre qui offre un portrait de Kundera vieillissant et la quête d'une admiratrice qui se trouve être une journaliste célèbre. le libre est touchant. On apprend de jolies choses sur cet auteur mythique et par ailleurs le livre est un bel objet agréable à feuilleter et à lire. le parcours de Kundera de Brno à Paris en passant par Rennes est passionnant et il est frappant de constater le décalage entre Kundera et notre époque si nombriliste. Disons pour simplifier que l'on est pas prêt de suivre le "compte insta" du génie tchèque.
le tout est un peu superficiel, mais on sent une vraie ferveur pour Kundera. Toutefois, tout en le lisant, on sent que l'on participe à quelque chose qu'il aurait détesté, comme il détestait tou ce qui pouvait faire écran entre le livre et le lecteur. IL aurait détesté cette biographie que j'ai appréciée.
Je dois dire qu'une large part du plaisir pris à la lecture du livre tient à la beauté de l'objet lui-même et en particulier le charme émanant des photos de cet écrivain mystérieux et au sens propre insaisissable.
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le 24 mars 2022, cinq personnes (trois adultes et deux enfants) se jettent successivement par la fenêtre du septième étage d’un immeuble face au lac Léman, à Montreux. Un fait divers incompréhensible qui interpelle en particulier l’autrice qui va tenter d’en savoir plus. En remontant, la généalogie familiale, on se retrouve en 1962 en Algérie où l’écrivain Mouloud Feraoun, grand-père des deux sœurs jumelles défenestrées est assassiné par l’OAS. On tarde à percevoir ce qui pourrait lier les deux événements et l’historique algérien est touffus. Ce n’est qu’avec les explications fournies par l’interview d’un psychiatre que la notion de « paranoïa intergénérationnelle » vient apporter une hypothèse possible à ce suicide collectif. L’enquête journalistique secoue un peu le tapis d’une mémoire défaillante et conforte une similitude d’état d’esprit et d’angoisse autorisant l’improbable à survenir.
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Publié en son temps sous la forme d’un feuilleton dans le journal « Le Monde », ce recueil sonne comme un double exercice : d’admiration pour l’homme et son œuvre puis comme une enquête sur un écrivain qui a toujours préféré l’ombre à la lumière.
Evidement, il faut être familier et amateur de Kundera pour apprécier la démarche à sa juste valeur. Ceci étant posé, en sous-texte de ce portrait en pointillé, se dessinent aussi bien des époques : celle grise de l’Europe de l’Est, l’espoir si vite déçu de la chute du mur de Berlin, celle de l’appétence pour la littérature, la poésie et la culture au sens large ou encore celle des espions et sa cohorte de dissidents ou de collaborateurs.
Sans mettre de côté les aspects troubles de l’homme, Ariane Chemin dresse la trajectoire complexe d’un auteur qui a dû composer avec ses aspirations artistiques, la réalité politique, une célébrité internationale avant de retomber dans un oubli relatif.
La qualité de la plume est comme souvent au rendez-vous. Elle est ici doublée d’un très beau et esthétique travail d’édition.
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Etranges noces que celles de Romain Gary et Jean Seberg que nous dévoile Ariane Chemin, grâce à une enquête menée de façon originale et avec talent.
Cette recherche de clandestinité, voulue, exigée probablement plus par Gary que par Seberg révèle une fois de plus, le caractère énigmatique, ambigu du personnage public joué par Gary mais aussi de l'homme privé, qu'est Romain.
Entériner une liaison adultérine, pour respecter la norme, la rendre officielle sans flonflon décadent, on peut l'admettre, vouloir échapper à la horde assoiffée de sensation des médias, on le comprend aisément , mais pourquoi alors que tout est mis en oeuvre pour préserver cette tranquillité, savourer ces moments qui devraient être de plénitude, de convivialité, de bonheur partagé, se contraindre ou exiger une cérémonie hâtive , presque bâclée, en terre corse, mutique s'il en est, qui permet de garder le secret ?
Les nombreux flash-back,- c'est le terme ici qui convient à la place d'analepse, employé quand on écrit, parce que ce récit ressemble, étrangement, à un scenario – pourraient laisser penser que les divorces récents de Romain et de Jean, pèsent dans cette décision. Préserver les ex-époux, ne pas leur donner matière à scandale lors de l'évènement ? Peut-être aussi que pour Gary, l'union libre est moins pesante que cette institution et en procédant de la sorte, il pourrait tenter d' échapper à ce fardeau ? Bien d'autres hypothèses sont possibles et chaque lecteur livrera sa propre interprétation, c'est aussi l'un des intérêts de ce petit livre fort intéressant.
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Les livres politiques se suivent et ne se ressemblent pas.
"Richie" m'avait fasciné parce que Richard Descoings est fascinant. "Le mauvais génie" m'a dégoûté car Patrick Buisson est dégoûtant.
Raphaëlle Bacqué restituait l'humanité de Richie ; Ariane Chemin et Vanessa Schneider décrivent un monstre d'inhumanité, pétri de haine et de morgue, dévorant ses proches (son fils, sa muse) d'un amour vampirique.
Pour présenter cet idéologue de l'extrême droite, passé par Minute et Valeurs actuelles,
deux phrases suffisaient.
La première est de Jean Baptiste de Froment qui découvrant, sans en connaître l'auteur, son livre "1940-1945 : Années érotiques" y voit l’œuvre d'un"grand pervers"
La seconde est de NKM " Son objectif n'était pas de faire gagner Sarkozy mais Maurras".
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L’histoire commence par une scène digne des meilleurs films à suspens. La course folle de jeunes gosses s’abime dans le fracas d’un train lancé à pleine vitesse. L’action se situe à Trappes, à quelques encablures de Paris, au début de l’année 1990. L’ouvrage s’achève au siècle suivant dans un café où les femmes n’osent plus mettent les pieds.
Entre ces deux évènements, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin retracent l’épopée d’une ville de banlieue communiste, située au milieu de champs de blé, devenue au fil de l’eau l’un des fiefs d’une communauté wahhabo-djihadistes. Faisant œuvre de quasi historiennes et de sociologues, les deux journalistes ont délibérément choisi d’incarner leurs propos par des destins emblématiques. Certains sont très connus du grand public (Djamel Debouzze, Omar Sy, Nicolas Anelka, la Fouine), d’autres oubliés ou méconnus (le maire, les dirigeants du club de foot, des enseignants, un libraire, des apprentis terroristes…) mais aussi les kyrielles d’anonymes. Ces derniers oeuvrent au quotidien autant que se peut pour maintenir une famille, une association, une cité. Au fil des pages, l’utopie d’une cité radieuse bâtie en vue d’accueillir la main d’œuvre ouvrière étrangère à lors des trente glorieuses se transforme progressivement en une ville abandonnée de tous, aux mains d’une communauté enfermée sur elle-même. La crise économique, l’antisémitisme grandissant, la question du voile dans l’espace public, la disparation du Parti communiste, les enjeux politiques nationaux et les guerres au Moyen-Orient, Charlie et les attentats de Paris s’invitent dans le paysage pour le modifier à jamais.
Désertée, oubliée de tous, la ville de Trappes semble bien démunie et trop fragile pour pouvoir répondre aux immenses défis auxquels elle est confrontée. Par un travail de terrain rigoureux, par leur approche humaniste, les deux journalistes arrivent à faire comprendre les rouages d’un immense gâchis politique et social. La qualité de leur et plume et l’intelligence de la structure narrative inscrivent pleinement ce documentaire au rang des grandes œuvres littéraires contemporaines.
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Jean Seberg et Romain Gary se marient secrètement en 1963 à Sarrola. La journaliste du Monde Ariane Chemin enquête sur les mystères de leur union : pourquoi "en douce", pourquoi en Corse ?, sans parents ni amis excepté le général Charles Feuvrier et son épouse Françoise.
Jean et Romain Gary, tous deux déjà connus forment un duo mythique, un couple à la Fitzgerald : célèbre, glamour, mondain. Alors que chacun a déjà derrière lui une vie amoureuse bien chargée, une passion intense et charnelle réunit la femme fragile et l'homme ambitieux.
Ariane Chemin ne se contente pas d'une chronique people, elle intègre les éléments historiques qui ont jalonné la vie de ce couple explosif : leurs engagements politiques respectifs à savoir la Résistance et l'attachement aux valeurs gaullistes pour lui, le soutien aux mouvements anti-racistes pour elle.
Ce n'est pas seulement la morale gaulliste d'un côté et la morale WASP américiane de l'autre qui les obligent à se cacher, c'est aussi le désir de Romain d'échapper à sa notoriété et à l'assaut des paparazzi, et d'autres motifs encore que révèle la lecture.
Le récit est factuel. L'auteure ne s'étend pas sur les états d'âme mais les laisse deviner au lecteur qui ressent avec force la tension créée par cette alliance entre un mystificateur et une Jean jugée schizophrène, nymphomane, évidemment accablée par le mal de vivre.
Alors qu'ils sont déjà divorcés mais encore amis, l'écrivain William Styron évoque sa rencontre, dans "face aux ténèbres" : "tout ce que sa beauté blonde pouvait avoir de fragile et de lumineux avait été englouti par un masque de bouffissure. Elle se déplaçait comme une somnambule, parlait peu et avait le regard vide de quelqu'un qui, à force de tranquillisants est à deux doigts de tomber dans la catalepsie."
Est-ce le monde impitoyable du cinéma, la traque des services secrets américains ou sa relation complexe avec les hommes qui ont précipité sa chute ? Vous trouverez un élément de réponse en lisant "mariage en douce", un récit émouvant et sensible sur un écrivain fascinant et une jeune et jolie star de l'écran, morte tragiquement à 41 ans et presque 40 films à son actif.
Je remercie vivement les éditions Points et Masse critique pour cet envoi opportun puisque le livre figurait dans mes listes.
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