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Critiques de Avraham B. Yehoshua (76)
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Le tunnel

Alzheimer, démence....des termes que je pense sont familiers à beaucoup d'entre nous, ayant des parents ou grand-parents âgés, des mots qui font peur, non sans raison.

Eh bien Yehoshua débute son livre chez un neurologue qui reçoit un couple dont le mari, soixante-dix ans passé a quelques difficultés de mémoire qui commencent à s'avérer sérieuses. Le diagnostic est un probable début de démence. Pour ce monsieur, ingénieur retraité, ex-constructeur d'autoroutes et tunnels d'Israel, dont se gaussent encore sa femme et ses enfants, cette fois-ci c’est un tunnel dont il n’en maîtrise pas la construction, le trou noir. Le pire est que ce diagnostic va devenir partie intégrante de sa personnalité, voir une obsession. Pour y remédier, suivant les conseils du neurologue, sa femme Dina va le rabibocher dans une histoire de routes, d’échangeurs et de tunnels comme assistant bénévole afin qu’il puisse mieux lutter contre l’atrophie rongeant son cerveau. Car cette maladie est étrange, elle semble pulvériser les prénoms et les actes mais respecte au contraire son bagage professionnel. Pourtant il s’avère difficile de comprendre quand ses oublis sont réels et quand il simule, surtout pour sa femme. En plus il a l’air de se délecter de cette démence qu’il balance à tout bout de champs comme un gosse, pourtant il est loin d’être maboul !.......



Un roman politique, où Yehoshua intellectuel engagé à gauche, militant pour la paix et un état binational, revient sur le conflit israélo-palestinien qui déchire le pays, les bédouins pourchassés, les palestiniens réfugiés sans identité et l’Etat corrompu....

Mais surtout un roman intime, dédié à sa femme Ika disparue en 2016 qui relate avec une infinie tendresse, l’histoire d’amour d’un couple vieillissant.



Ma passion pour la Littérature israélienne a débuté il y a plusieurs années avec un livre de Yehoshua que j'avais adoré, Shiva. C'est pourquoi il est pour moi un auteur fétiche qui m'a ouverte les portes d'une Littérature extrêmement riche, féconde et colorée et d'une sensibilité particulière à un pays qui vit dans une tension permanente. Ce n’est pas son meilleur livre, mais c’est un grand auteur dont tous les livres se lisent avec grand plaisir.





“Le cerveau est rusé : lorsqu’on vient à étudier ses maladies et ses faiblesses, il est capable, parfois, de se travestir en cerveau sain et normal.”
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Le responsable des ressources humaines

« La grandeur d'un métier est avant tout d'unir les hommes ; il n'est qu'un luxe véritable et c'est celui des relations humaines. » nous a légué Antoine de Saint-Exupéry.



Mais en notre époque d’attentats, de confinements, d’individualisation, de robotisation, de télétravail, d’uberisation, est ce toujours le cas ?



Au lendemain d’un attentat, nul ne se préoccupe d’une anonyme dont une poche contient un débris de feuille de paie qui désigne l’employeur. Un journaliste, « la vipère » dénonce ce scandale et le propriétaire de cette entreprise, « le vieux », charge le Responsable des Ressources Humaines de corriger cette inhumanité, d’identifier cette personne, d’indemniser sa famille « quel qu’en soit le cout » et de l’inhumer dignement. La réputation de sa société en dépend.



Le RRH, « le responsable » de ce scandale, peine à localiser et identifier la salariée inconnue. Son assistante découvre le contremaitre qui a mis fin au CDD de cette « technicienne de surface » sans informer la Direction des Ressources Humaines … qui continue à la payer ad vitam aeternam…



La victime, Julia Ragaïev, est ingénieur, immigrée, divorcée, maman d’un adolescent resté avec son père à l’autre bout du monde. « La mission » confiée au RRH est de rencontrer la famille de Julia (fils, ex époux, mère âgée recluse au fond de sa province) et de les secourir.



« Le voyage » conduit le cercueil et le RRH dans le pays natal de Julia. La vipère et son photographe couvrent le voyage. La Consule se mobilise pour aider le RRH à accomplir « la mission » qui les mêne au bout du monde, dans un territoire ex soviétique, où ils retrouvent la famille de Julia.



Mais est ce le terminus du « voyage » ?

Où est la terre promise ?

Est ce la fin de la mission ?

La société est elle réhabilitée ?

Quel est le sens de tout cela ?

Quelle est la vocation du « responsable » ?



Cette épopée en trois actes « le responsable ; la mission ; le voyage » conduit le lecteur et le « responsable », progressivement, mais inexorablement, à s’interroger sur le regard porté sur le travail, sur son appartenance à l’équipe, sur le sens de l’existence.



Avraham Yehoshua ancre ce roman en Israël, mais la tragédie inhumaine de Julia est universelle et nous interpelle tous.



Un roman percutant, teinté d’humour, avec une dernière partie fabuleuse, qui invite à revoir nos relations de travail … vaste programme assurément !



PS : du même auteur, La fille unique
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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L'amant

Publié au lendemain de la guerre du Kippour (octobre 1973) ce roman reste d'une saisissante actualité en décrivant la vie quotidienne à Haïfa.



Adam est garagiste, son comptable est ashkénaze réfugié d'Allemagne, les employés sont arabes et souvent cousins. Parmi eux Naïm se révèle particulièrement débrouillard.

Assiah, l'épouse d'Adam, est enseignante. Ils ont eu deux enfants, l'ainé est mort accidentellement à l'âge de cinq ans, Daffy, la cadette, 15 ans, étudie dans le lycée où enseigne sa mère.



Gabriel Arditi, franco-israélien, est arrivé à la veille de Yon Kippour, pour hériter de sa grand-mère Vaduza Ermova plongée dans le coma. Il roule au volant d'une antique Morris bleue qui tombe en panne devant le garage d'Adam. Sans ressource il est recueilli par Adam et Assiah, dont il devient l'amant, jusqu'à ce qu'il soit mobilisé et qu'il disparaisse.



Gabriel est-t-il mort, est il disparu, a-t-il déserté ?

Où est passée la Morris bleue ?

Vaduza va-t-elle sortir du coma ?



Voici quelques questions qui trouvent réponse au fil des chapitres qui nous entrainent parmi les étudiants palestiniens, les enseignants et les lycéens, les religieux ultra-orthodoxes.



Chaque personnage rédige sa partition, quitte à présenter la même scène deux ou trois fois avec quasiment les mêmes phrases - ce qui allége la tache du traducteur -, et permet de confronter le point de vue arabe et israélien, et aussi, grâce aux anciens, de comparer la situation ottomane, puis britannique, avec l'indépendance.



Assiah et Daffy étant passionnées de littérature, Avraham Yehoshua offre quelques vers de Shaul Tchernichovsky et de « Les morts du désert » de Haïm Nahman Bialik. Poèmes qui rapprochent Naïm et Daffy et donnent ainsi un sens au mot Espoir.



Un mot oublié aujourd'hui où, à Gaza, le poète palestinien Refaat Alareer et sa famille s'ajoutent au nombre des victimes provoquées par les attentats du 7 octobre et la riposte de Tsahal. Qu'en aurait pensé Avraham Yehoshua ?



Reefat avait publié sur X un poème devenu viral intitulé « If I must die » (« Si je dois mourir ») qui se conclut par ces mots : « Que cela apporte de l’espoir, que cela soit un conte ».
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La fille unique

A la veille de Noël 1999, le père de Rachele interdit à sa fille unique âgée de 12 ans de jouer le rôle de Marie dans la crèche du collège. L'adolescente ne comprend pas ce dictat et s'en ouvre à ses grands parents paternels, les Luzzatto, famille juive italienne fortunée, implantée en Vénétie, au pied des territoires autrichiens du Haut Adige annexés par l'Italie en 1919. Ernesto Luzzatto, avocat d'affaires expert en immobilier, passe progressivement la main à son fils Ricardo, 56 ans, avocat pénaliste. Durant la guerre, Ernesto déguisé en vicaire a survécu grâce à la complicité d'un prêtre catholique.



Paola la grand-mère, réfugiée en montagne, a accouché en décembre 1943 avec l'aide d'un médecin autrichien soucieux de ménager l'avenir en se munissant d'un témoignage utile, au cas où le Reich serait défait. Ernesto est non pratiquant. Paola, septuagénaire divorcée d'Ernesto, vit luxueusement de la fortune de l'un ses amants, le médecin Salvatore Novarese ; de culture juive, elle est devenue agnostique. Elle gâte abusivement Rachele.



Les grands parents maternels de Rachel sont des modestes retraités. le grand père est catholique, la grand mère athée. Leur fille s'est convertie au judaïsme en épousant Ricardo. Leurs échanges avec leur unique petite fille sont bouleversés par l'annonce que Ricardo est atteint d'une tumeur au cerveau.



Emilia Gironi, enseignante de Rachel, l'aide à comprendre la décision paternelle, à dépasser les divisions entre la croix et l'étoile, et à surmonter le drame qui menace la famille en étudiant « Cuore » (Le livre-coeur) d'Edmondo de Amicis (publié en 1886, ce roman est pour les italiens ce que « Le Tour de la France par deux enfants » de G. Bruno en 1877, est pour les français). Plusieurs personnages du Cuore vivent des tragédies comparables à celle de Ricardo et sa famille et les guerres menées par l'Italie lors du Risorgimento sont parfois comparées aux guerres gagnées par Israël depuis sa création ce qui permet à Paola De critiquer la dimension nationaliste du roman italien. Ces allers-retours entre « La fille unique » et « Cuore » sont une des clés qu'Avraham B. Yehoshua utilise pour relativiser les aléas conjoncturels et offrent à Emilia Gironi un rôle de mentor de Rachel, qui en quelques jours quitte l'enfance, devient adulte et responsable, et projette de devenir juge …



La fille unique, avec l'aide de son enseignante et l'amitié d'Enrico, sort de sa solitude, découvre progressivement ce qu'est la fraternité et se réconcilie avec son père avant son décès début 2000.



Ouvrage posthume du romancier israélien mort en juin 2022, « La fille unique » livre un regard doux et sage sur la fin de vie et une réflexion profonde sur l'identité, la santé, la laïcité et la fraternité. Rédigé avec humour, délicatesse, une subtile cruauté envers les clercs « sûrs d'eux mêmes et dominateurs », c'est un hommage aux éducateurs incarnés par une Emilia Gironi qui transcende ces pages par son savoir faire et son savoir être et aide à « être fort ».



Puisse cet étonnant roman, aussi émouvant que « S'adapter » de Clara Dupont-Monod, être lu par les lycéens et leurs professeurs !



Ma lecture de "s'adapter"
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Monsieur Mani

Pour ne pas rester sur la legere deception que m'avait procure “La fille unique”, j'ai relu “Monsieur Mani”. Pas de surprise: j'ai retrouve la fascination de ma premiere lecture. Ce livre restera pour moi le chef-d'oeuvre de Yehoshua.

Ce n'est pas un livre leger. Pas une lecture facile. Ce sont des dialogues ou l'on n'entend qu'une seule voix et c'est au lecteur d'imaginer les interventions de l’autre interlocuteur, ses questions, ses remarques, ses reactions, sa surprise, son emotion, ses sourires ou sa colere. Mais c'est tout l'art de Yehoshua, ont les ressent comme de reelles conversations, pas comme des monologues.





Cinq conversations. Chacune d'elles met en scene des causeurs differents, chacune en un endroit different, chacune a une epoque differente. La premiere entre une jeune femme et sa mere, dans un kibboutz, en 1982. La deuxieme entre un soldat allemand et sa mere, en Crete, en 1944. La troisieme entre un procureur militaire de l'armee anglaise et son superieur, a Jerusalem, en 1918. La quatrieme entre un medecin juif et son pere, au manoir de Jelleny-Szad en Pologne, en 1899. La derniere entre un juif sepharade et son rabbin, son maitre a penser, a Athenes, en 1848.





Des dates au hasard? Voyons! 1848: le printemps des peuples; 1899: 3e. congres sioniste; 1918: 1ere guerre mondiale et conquete de la Palestine par les britanniques; 1944: 2e. guerre mondiale; 1982: guerre civile libanaise et envahissement du Sud-Liban par Israel.

Mais Yehoshua les prend a rebours. Il inverse le cours de l'histoire. Est-ce parce que, comme le disait un poete, ebahi devant la celebre horloge aux caracteres hebraiques de Prague, “le temps des juifs avance a reculons”? Peut-etre, les poetes etant souvent ceux qui comprennent le mieux notre monde. Mais ce que fait Yehoshua c'est inoculer dans chaque conversation des elements qui nous font mieux comprendre la precedente, les precedentes, ajoutant des eclaircissements a ce qui a ete raconte 30, 70, ou 100 pages en amont, une, deux, trois generations en amont.





Des interlocuteurs au hasard? Qu'ont-ils en commun? Chacun de ceux dont on entend la voix raconte une rencontre qui l'a marque. La rencontre avec un certain monsieur Mani. A chaque fois le Mani d'une autre generation. Un juge suicidaire de Jerusalem (dont le fils refuse de reconnaitre l'enfant qu'il a fait a l'interlocutrice). Un patre qui sert, entoure de ses chevres, de guide touristique a Heraklion. Un drogman au consulat britannique de Jerusalem accuse de trahison en faveur des turcs. Un medecin, gynecologiste, qui se suicide par amour. Et dans la derniere conversation, qui est chronologiquement la premiere, c'est un Mani, le premier de cette lignee, qui parle directement, qui se confesse a son maitre, le seul qui puisse le juger, le rabbin Hedayah.





On decouvre donc l'histoire d'une famille a travers ce qu'en racontent d'autres? Si on veut, mais je ne caracteriserais pas ce livre comme une saga familiale. Parce que, s'il y a des femmes, et dont l'intervention est des fois importante, c'est une histoire d'hommes. Ou plutot differentes histoires d'hommes. Des hommes fatidiquement seuls. Abandonnes par leurs peres. Sacrifies par leurs peres. Et, voulant suivre la trace de leurs peres, par amour ou par haine, chacun d'eux s'inventant ses chimeres personnelles, qui deviennent dereglements funestes. Yehoshua laisse un de ses protagonistes discourir longuement sur Heraklion et sur la naissance – en Crete – de l'Europe, mais ce livre est empreint surtout de mythes bibliques. L’opposition aux voies, aux croyances du pere (Abraham). Le sacrifice du fils (Abraham et Isaac). Le va-et-vient incessant d'un endroit a un autre, a chaque generation (Abraham de Chaldee a Canaan, Isaac vers le desert du Neguev, Jacob et ses fils vers l'Egypte, Moise de retour a Canaan). La transgression des codes sexuels (Judah et sa belle-fille, Boaz et Ruth, Amnon et sa soeur Tamar). Le deicide (le veau d'or). Tous mythes qui se regenerent et revivent a travers les cinq generations des Mani exposees ici. Chaque generation veut continuer la precedente justement en l'immolant, en refutant tous ses acquis, depuis ses convictions jusqu'a son mode de vie. En partant ailleurs dans tous les sens de ce mot. Et cela ne fait qu'approfondir le desarroi de chacun, qu'accentuer leur sensation d'etre les seuls a combattre des forces fantomes, fourvoyes dans un labyrinthe malefique (un des Mani sert de guide dans le labyrinthe cretois, mais justement, il mourra dedans). Trainent-ils une malediction originelle? La derniere conversation, la confession du premier des Mani, permet de le conjecturer. C'est lui qui, par amour, par un amour exacerbe mais qui ne peut etre ni partage ni assouvi, et obnubile par le desir de perpetuer son nom, trangressera les plus importants commandements du Decalogue, et ira jusqu'au deicide dans sa confession, qui ne sera qu'une bravade jetee a la face de son maitre, son rabbin, son dieu. Il lui dira, sans trembler, a haute voix, les mots qui le tueront. Parce qu’en faisant semblant de demander a etre juge, en fait c'est lui qui juge son maitre.





A travers cette saga, ou cette non-saga, Yehoshua ventile des questionnnements sur les notions d'identite, d'appartenance, que ce soit a une famille, a une ethnie, une nation, une histoire (un des Mani soutiendra que les arabes de Palestine sont en fait des juifs qui ont oublie leur judeite). Et qu'est-ce qu'une patrie? Des juifs ont reve pendant des siecles a Jerusalem comme patrie, ancienne patrie toujours promise. Les Mani aussi. Ils y viennent et ils la quittent et ils y reviennent. Quelle Jerusalem? Une ville appelee sainte, suintant une saintete deprimante qui ne produit que haine et folie, une ville fermee derriere ses murs, enfermee, “une ville de desert tenace et de pierres butees". On y vient pour s'y perdre, pour y mourir. Une ville cimetiere. Et la ville semble poursuivre les Mani partout, a Istamboul, a Athenes, a Beirout ou l'un d'eux se suicidera, en Crete, jusqu'en Suisse. Elle est le pendant de leur delire familial. Meme pour Agar, la kibboutznike de la premiere causerie, meme en 1982, Jerusalem est une ville gelee et glacante, une ville d’exiles depressifs et suicidaires, une ville ou l'on ne peut vivre, une ville pour morts-vivants.





Mais Yehoshua sait que des hommes de bonne volonte peuvent rever a faire tomber les vieilles pierres des murailles, et il envoie un des Mani proposer a des cheikhs bedouins un plan de partage des terres, ce qui lui vaudra d'etre juge pour trahison par les anglais. Yehoshua le sait. Il a fait lui-meme exactement pareil. Il sait que si d'aucuns l'ont taxe de traitre a l'epoque, c'est pour ce genre d'actions qu’on le venerera demain. Il faut depasser, surpasser, les attributs se la saintete.





Yehoshua a ecrit la un livre complexe et subtil. Il veut associer le lecteur a sa tache, a l'ecriture meme du livre. Au lecteur d'imaginer des reponses, a lui de remplir des blancs. A lui de rearranger le puzzle, de remettre en bon ordre les epoques dispersees. Yehoshua espere que cela amenera le lecteur a s’approcher plus intimement des personnages, a mieux les comprendre, a mieux les juger, a rever une suite de leur histoire la ou lui s'est arrete. Je crois pouvoir dire qu'il a reussi son pari.





Comment terminer ce billet si ce n'est en me repetant: pour moi, c'est le chef-d'oeuvre de Yehoshua. Un des grands chefs-d'oeuvre de la litterature israelienne. Et bien que j'ai appuye sans cesse sur sa complexite, n'ayez pas peur, il est fascinant.

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La fille unique

Il est mort. Et s'eclipse avec lui toute une generation de grands, Appelfeld, Oz, Kenaz.





J'ai voulu lui rendre hommage, parler de lui a travers son dernier livre paru en francais. Et j'en tire une phrase qui va servir mon impression: “Cela ne vaut pas la peine de pleurer à cause d'un vieux livre”. Parce que je pleure la disparition de Yehoshua, de Bouli, comme l'appelaient ses amis, mais ce livre, ecrit quand il etait deja tres malade, et surtout abattu par la mort de sa femme, Ika, la compagne de sa vie, qu'il avait decide d'aimer a cent pour cent depuis le debut, comme il avait confesse, ce livre ne compte pas parmi ses meilleurs, et ce n'est pas a cause de lui que je pleure, mais porte par mes remembrances de “Monsieur Mani", de “L'annee des quatre saisons", de ses nouvelles, les etourdissantes nouvelles de sa jeunesse, et peut-etre surtout par ses ecrits politiques, ses courageuses prises se position contre les derives clericalo-patriocardes de son pays, lui qui avait toujours ete un sioniste de gauche soutenant la cause d'un etat palestinien libre aux cotes d'Israel. Meme si vers la fin un certain pessimisme le gagnait, le rongeait.





Mais je dois rendre compte de ma lecture. Je n'ai pas ete enchante. L‘heroine est une adolescente juive italienne perdue dans un tourbillon d'identites religieuses differentes: son pere, juif non croyant et non pratiquant, s'entete a lui faire apprendre l'hebreu a l'approche de sa “bat mitzva" (l'equivalent juif de la communion) et l'empeche de prendre part a la saynete de Noel de son ecole; sa mere s'est convertie a son mariage; elle a donc des grands parents chretiens et juifs, qu'elle aime tous; mais sa grand-mere chretienne s'avere fanatiquement athee et son grand-pere juif a du se cacher pendant la guerre dans un village de montagne ou il a officie comme cure pendant deux ans; son pere est ne dans un autre village, ou un medecin nazi a aide sa mere a accoucher. Quel maelstrom!





Mais je n'ai pas reussi a m'accrocher a cette heroine, qui s'exprime des fois comme une toute petite fille gatee et des fois comme une adulte particulierement sage et reflechie.

En plus j'ai trouve qu'il y a beaucoup trop de personnages pour un si petit livre, un si court roman, pas tous tres fouilles psychologiquement, et quelques uns, comme le rabbin venu de Jerusalem enseigner l'hebreu et les prieres, carrement caricaturaux.



Quelques situations m'ont aussi paru caricaturales, poussees a l'extreme de l'invraisemblance. Comme ce meme rabbin qui se deguise en cure au carnaval de Venise et est poursuivi par deux fetards deguises en juifs ashkenazes coiffes de shtreimls.



Et dans un si court texte l'usage de citations m'a semble exagere. Des pages entieres du Cuore de de Amicis, toute une chansonnette enfantine, une priere qu'il cite et repete encore et encore. C'est quoi ca? du remplissage?



Mais surtout ce qui m'a gene c'est que j'ai trouve le livre trop didactique. Je crois que Yehoshua a voulu, encore une fois, etayer ce qu'il suggerait deja dans nombre de ses livres: qu'il serait bon de reduire le poids des identites religieuses, profitable pour tous de ne pas enfermer chaque nouvelle ame dans un corset strict, raide et etouffant, de croyances et de valeurs. L'ideal pour lui serait une structure d'identites fluides et ouvertes. Un ideal humaniste ouvert a l'autre, dans la lignee de penseurs comme Buber et Levinas, ouvert jusqu'a la possibilite non seulement de comprendre l'autre, mais d'etre influence par lui, de changer un peu dans la direction de l'autre. C'est tout a son honneur, encore plus a son honneur vu qu'il est israelien et qu'il a essaye de se battre pour cet ideal dans son pays toute sa vie. Je ne peux qu'admirer cet homme. Mais j'ai lu un roman et je l'ai trouve trop didactique.





Je suppose que d'autres apprecieront ce livre plus que moi ou seront plus clements. Que m'est-il arrive a moi? J'en attendais plus? Trop peut-etre? Mais je ne vais pas en rester la. Qu'il ne soit pas dit que le seul livre de Yehoshua que j'aurai recense dans ce site m'a ete une lecture mitigee. Je lirai le tunnel. Je relirai Monsieur Mani, je relirai L'Amant, je relirai ses nouvelles. J'essaierai d'en parler. Parce que c'est un grand auteur. Parce que c'etait un grand homme, qui va manquer a tous ses interlocuteurs, israeliens et palestiniens melanges.



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Le tunnel

A 73 ans, Zvi Louria, retraité des « Ponts et Chaussées » israéliens, apprend que son cerveau présente les premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Le neurologue interdit tout fatalisme et encourage Zvi Louria à reprendre une activité intellectuelle. Son épouse, Dina, une pédiatre encore en activité, le pousse alors à proposer bénévolement son expertise d’ingénieur à son ancien employeur…



Abraham Yehoshua évoque avec une grande finesse la tendresse d’un couple face à l’épreuve de la maladie. Les dialogues révèlent une grande complicité et par les petits gestes et mots quotidiens, l’auteur nous fait pénétrer dans l’univers de ses personnages attachants qui ont beaucoup d’attachement et d’attentions l’un pour l’autre.



Comment faire face à la perte progressive de sa mémoire et de son activité alors que l’on est encore conscient ? Yehoshua prend le parti de l’humour, délaissant le pathos, et mettant parfois son héros dans des situations embarrassantes. Mais il adresse également un message courageux à ses compatriotes, sous couvert d’une fiction, en dépeignant la société israélienne dans toutes ses contradictions et en incluant, sous forme de métaphores subtiles, un volet politique dans son propos.



Toujours bienveillant, artisan du dialogue et de la fraternité entre les communautés, Abraham Yehoshua mêle habilement la question de la perte de la mémoire à celle des identités israélienne et palestinienne. Sous forme d’allégorie politique, un roman d’une profonde humanité sur l’identité et la mémoire.
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La figurante

Avec Amos Oz et David Grossman, Yehoshua forme le trio de la littérature israélienne qu’il faut absolument lire. Dans « La figurante », livre sorti en 2014 et traduit cette année en Français, l’auteur israélien propose un récit sur les éternels sujets que sont la femme, la filiation, les malentendus entre les hommes et les femmes et le rôle de chacun dans la vie.



Noga, harpiste israélienne dans l’orchestre d’Arnhem aux Pays-Bas, divorcée de son mari parce qu’elle refusait d’avoir des enfants, retourne à Jérusalem afin de garder la maison familiale. Sa mère doit faire un essai de trois mois dans une maison de retraite à Tel Aviv près de son frère. Pour s’occuper et gagner un peu d’argent elle accepte de faire de la figuration. Mais ce séjour est l’occasion pour Noga de jeter un regard sur elle-même, sur son passé et sur le monde qui l’entoure. Elle doit clore définitivement son histoire avec son ex-époux, Ourya. Elle doit dire adieux à son père, décédé quelques mois plus tôt. Elle doit faire face au regard de la société pour ces femmes qui choisissent de ne pas avoir d’enfant. Dans la vie comme dans l’orchestre où Noga est cachée derrière cette immense harpe, elle doit choisir si être comparse ou acteur.

Avec comme fond sonore les symphonies de Mozart, Debussy ou Berlioz, Yehoshua nous offre un récit truffé de symbole et de métaphore. Il ose affronter des thèmes qui soulèvent des polémiques : La maternité et le rôle de la femme d’avoir des enfants qui sont la preuve de notre passage sur terre. Sans enfant l’homme ne serait qu’un figurant de la vie et non un protagoniste.

La fracture entre les Juifs orthodoxes et les laïcs, entre Jérusalem, la Ville sainte, et Tel Aviv, la Ville blanche, et le risque de fanatisme religieux.



D’une grande qualité littéraire, « La figurante » d’Avraham B.Yehoshua est un beau roman complexe mais facile à lire. Un de ces romans qui vous reste à l’esprit quand la dernière page est tournée.

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La figurante

Noga est belle, c'est là sa malédiction. Pendant les 3 mois de parenthèse qu'elle passe dans l'appartement de son enfance, tous les hommes qu'elle croise la désirent tandis que son ex-mari, malgré sa nouvelle femme et ses enfants, ne parvient pas à l'oublier. Or cette adulation vient de plus loin: depuis toute petite,  « Noga était à la fois adorée et crainte dans sa famille », adorée et crainte comme une déesse. C'est elle qui choisit le prénom inusité de son frère, que ses parents adoptèrent de peur qu'elle ne jalouse le bébé. Invitée dans l'appartement de sa mère, elle est véhiculée, payée, occupée avant même d'en éprouver le désir, voire à son corps défendant. Car voilà où réside la malédiction : Noga ne s'appartient pas. En hébreu, « Noga » est l'étoile du matin, autrement dit « Vénus ». Son ex-mari la poursuit lors de la représentation d'une autre redoutable séductrice, « Carmen », pour lui reprocher de lui avoir refusé un enfant. Il lui avoue d'ailleurs que cet enfant jamais né le hante car il lui aurait permis de posséder une part inaliénable de sa femme. C'est pourquoi Noga a avorté : pour rester elle-même, pour échapper à l'emprise de son mari et de son amour démesuré.

Mais les choses ne sont pas si simples: car c'est aussi le père de Noga qui lui a interdit d'être mère en s'inquiétant qu'elle puisse mourir en couches. Une fois de plus, qu'elle fasse ou non un enfant, Noga ne décide de rien mais se plie, pur objet de dévotion, donc de fantasme, aux injonctions de ceux qui l'entourent et qui l'aiment, et vit en figurante.

La fuite loin sa famille avait été une solution mais qui ne réglait rien. Il lui faudra rencontrer un vieux Japonais (on apprend au tout début du roman que le père de Noga s'amusait à marcher comme un Japonais) avec qui elle jouera la « Mer(mère) » de Debussy pour renouer avec sa famille. Il lui faudra aussi avoir vu une harpiste que son amant privera de musique pour qu'elle ait un enfant et une femme sublime qui se met au service des autres pour expier sa beauté, avant de trouver sa propre voie…

Bon, me demanderont alors ceux qui suivent, mais pourquoi une note aussi médiocre à ce livre? En fait, mes 2,5 étoiles rendent moins compte de la qualité du roman que de mon intérêt pour lui qui est approximativement nul. Si je voulais avancer une explication objective, je dirais que le côté « Attention, une symbolique peut en cacher une autre » m'a beaucoup fatiguée (mais pourquoi Nora se trompe-t-elle sur le nombre de marches de son ancien appartement ? Hein? Je suis sûre que ça veut dire quelque chose, quoi???). Mais surtout, les thèmes abordés ne me touchent en rien. Je comprends qu'on puisse s'intéresser au désir d'enfant et d'émancipation mais perso, ça me laisse indifférente. C'est comme l'hébreu : nul doute que ce soit une langue passionnante, toujours est-il que je n'ai aucune envie de l'apprendre.

Toujours ça de moins, du coup, à ajouter à ma Pal. Un léger répit dans la course à l'infini.
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L'amant

"Les gens s'étonneront sûrement que je sois soudain plein d'espoir…"



"Les Jours terribles de mil neuf cent soixante-treize."

Israël. Deux communautés. Un conflit. Des vies qui se croisent.



A.B. Yehoshua livre un roman d'une grande force et d'une construction fine qui permet de comprendre avec une minutie incroyable ce que chacun des protagonistes pense, ressent et vit en leur donnant la parole à tour de rôle dans des chapitres distincts, allant jusqu'à jeter le projecteur sur une même situation en en ayant la vision des différents côtés.



Non seulement l'angle choisi par l'auteur pour évoquer la vie sur cette terre meurtrie en 73 est audacieux (un mari part à la recherche de l'amant de sa femme, disparu lors des premiers jours de la guerre du Kippour) mais il a réussi à nous plonger avec justesse dans la tête de personnages multiples : des hommes, des femmes, et de générations différentes : évoquant ainsi la vie d'une grand-mère (un passage est assez fantastique car il arrive à nous raconter ce qui se passe dans sa tête alors qu'elle est dans le coma) à celle d'adolescents en passant par la strate des adultes/parents.



C'est un roman tellement abouti, tellement fouillé que je n'ose entrer dans les détails car il y a trop à dire et si je commence...où m'arrêter ?



Un magnifique roman d'espoir. Triste et splendide, c'est un texte très beau de tolérance. Livre dévoré violemment, je suis encore avec Vaduza, Adam, Assiah, Gabriel, Daffy et Naïm. Je les aime tous et ne les oublierai pas.



"Il est si facile de rendre les enfants heureux." Et pourtant…
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Le responsable des ressources humaines

Sous-titré: Passion en trois actes.



Oui, , c’est un conte contemporain, et tout y est. D’abord et surtout, le vocabulaire. Car ,que veut dire Responsable des ressources humaines, terme qui a remplacé l’ancien et moins politiquement correct chef du personnel. Responsable de quoi en fait, et jusqu’où?

Et qui dit contemporain dit médias, bien sûr. Car cette femme ( ingénieure venant d’un pays de l’est , femme de ménage dans une boulangerie industrielle en Israël, et dont le cadavre reste non réclamé après un attentat suicide), seul va s’en soucier un journaliste. Voilà un bon sujet! Seul indice d’identification, une fiche de paie. Et personne de l’entreprise ne s’est inquiété de son absence.. Où va-t-on si la direction des ressources humaines manque de la moindre humanité?



Et c’est la peur des médias qui déclenche la réaction initiale , et la progressive prise de conscience au terme d’une épopée qui verra un cercueil beaucoup voyager. Et à un responsable des ressources humaines tenter de trouver un sens à son métier et à sa vie.



Très bon roman. C’est à la fois très simple et très profond, plein d’humour et de réflexion.

J'avais bien aimé aussi l'adaptation qu'Eran Riklis avait fait de ce roman, sous le titre: Le voyage du directeur des ressources humaines.








Lien : http://www.allocine.fr/film/..
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Le tunnel



Le tunnel nous donne l'occasion de retrouver toute l'humanité d'Avraham B.Yehoshua, décédé le 14 juin de cette année.

Il était, avec Amos Oz, l'un des écrivains israéliens les plus engagés dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Contrairement à son ami, il préconisait, après avoir défendu une solution à deux Etats, un Etat binational.

Le tunnel reflète l'ensemble des préoccupations et des convictions de l'écrivain.

Nous y retrouvons, comme souvent dans ses romans, un couple vieillissant, copie conforme de celui qu'il devait former avec sa femme psychanalyste. Lui, ingénieur des Ponts et Chaussées à la retraite, est atteint d'un début de maladie d'Alzheimer, et elle, pédiatre, se prépare à mettre fin à sa carrière. Pour ralentir les effets de la maladie, elle l'encourage à accompagner bénévolement un jeune ingénieur en charge d'un projet de construction de route dans le désert du Néguev, là où s'est réfugiée une famille de palestiniens.

Le tunnel se lit à plusieurs niveaux. Le premier, abordé avec distanciation et humour, est celui d'un homme qui élabore des stratégies pour lutter contre le processus de destruction progressive de sa mémoire, et qui en joue dans le cadre de ses relations sociales. Ses difficultés concernent, dans un premier temps, les prénoms et seuls les prénoms arabes sont mémorisés...

Le deuxième niveau, déjà développé dans de précédents romans, La mariée libérée ou Un feu amical, concerne l'amour conjugal au sein d'un couple de personnes âgées, mariées depuis de très longues années. A.Yehoshua, affecté par le deuil récent de sa femme, n'a pas son pareil pour nous faire partager le quotidien et la relation des deux protagonistes, faite de complicité, de confiance, de bienveillance, d'inquiétude, et de chamailleries aussi.

La dernière strate de ce livre, à la construction parfaitement agencée, est relative, bien sûr, à l'histoire d'Israël et au conflit avec les palestiniens. L'écrivain développe la métaphore du tunnel pour dessiner une voie de passage et une issue entre les deux peuples.

Livre sur l'histoire, la mémoire et les identités, Le tunnel est un excellent point d'entrée dans l'oeuvre d'A.B.Yehoshua.

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Monsieur Mani

Ce livre est un ensorcellement.

Il faut, pour le lecteur, accepter le postulat de l'auteur : "Monsieur Mani" se présente comme des dialogues dont une seule voix est audible, à travers une remontée dans le temps des années 80 au XIXème siècle. Dialogues d'une fille et sa mère, d'un père et son fils, conversation d'où émerge à un moment ou un autre un Mani, fil conducteur, catalyseur de destin, témoin de l'histoire, non seulement celle d'un pays et d'une partie du peuple juif, mais de l'humanité...

Le thème principal traité est celui de la transmission, comme dans beaucoup d'oeuvres de la littérature israélienne.

Ce tour de force de ne faire entendre qu'une voix permet à l'auteur de rendre captif le lecteur, qui par la force des choses crée par sa lecture la répartie manquante. Autant dire que pour le modique prix d'un livre de poche vous vous offrez une petite séance de psychanalyse...

Toutefois, et la grande réussite du livre est là, l'auteur sait très bien où il veut nous emmener avec son Monsieur Mani omniprésent, tour à tour attachant, énervant, aimable ou haïssable. Nous avons tous un jour ou l'autre rencontré notre Monsieur Mani, un être pas forcément proche qui a influé sur notre destin, un choix à faire, une décision à prendre, une présence presque occulte dont nous réalisons la prégnance bien plus tard.

Ce livre m'a hantée longtemps. J'ai voulu le partager avec nombre de mes amis, mais la plupart ont été réticents au procédé du dialogue à une voix connue. Si vous arrivez à l'accepter, ce qui personnellement ne m'a demandé aucun effort, vous ne regretterez pas le voyage rétroactif avec Monsieur Mani qui vous interrogera sur vous-même, votre passé, vos origines, votre déterminisme supposé ou non, ce que vous transmettez à vos enfants ou à ceux que vous aimez, la trace que vous laisserez.
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Un feu amical

Après une série de très belles lectures, malheureusement cela vient de se terminer. Je partais confiante ayant choisi avec soin ce livre qui m'aurait permis de mieux comprendre le quotidien en Israël, , d'un couple de cinquantenaire, en plein deuil.avec le conflit israelo palestinien en fond. Malgré une alternance de courts chapitres entre les deux personnages principaux, j'ai surtout trouvé beaucoup de longueurs, des histoires de panne d'ascenseur qui m'ont ennuyée. Dommage pour moi, mais quand je piétine sur un livre, je préfère finalement passer mon chemin et le retourner à ma bibliothèque pour peut être rendre d'autres lecteurs plus heureux que moi.
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Rétrospective

Rétrospective est un livre d'un romantisme absolu. Plus qu'une histoire, c'est une atmosphère avant tout. Le rythme est lent bien sûr mais chargé de souvenirs, de regrets, de forces et de fragilité, d'amour, d'amitié, d'espoir, de rancunes et de vie. Mozes, metteur en scène israélien, a beau avoir 70 ans, on en tombe amoureuse inévitablement. Et puis... ce tableau dont il est question: "la charité romaine", magnifique et dérangeant, je suis tombée dessus pour de vrai et part hasard à Florence! J'en aurais pleurée!
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Voyage vers l'an Mil

Ce long roman historique hébreu repose sur une fort mince intrigue et n'est pas à considérer comme un roman d'action. A la fin du X°s, la bonne entente de trois associés qui vendent en Europe des produits du désert et du Maghreb est mise en danger par la bigamie de l'un d'eux, bigamie qui répugne à l'épouse européenne d'un autre. Pour régler cette question, les marchands d'Afrique du Nord font le voyage de Paris et de Worms pour plaider leur cause devant des tribunaux rabbiniques. D'où le mot "voyage" (מסע) dans le titre original du roman, présenté dans l'édition française comme "traduit de l'hébreu", mais ne donnant que le titre anglais en référence. "L'an Mil", qui apparaît comme la destination du voyage, se réfère à l'époque où les événements se déroulent, entre 995 et 999 de l'ère chrétienne, "vers l'accomplissement du millénaire" (אל תום האלף), date dépourvue de signification pour la plupart des héros non chrétiens du roman. L'Europe que parcourent les personnages ne semble pas en proie aux terreurs millénaristes, auxquelles il est peu fait allusion. L'auteur recycle ce mythe des "terreurs de l'an Mil", qui fut forgé plusieurs siècles après. Il présente la vie des Juifs marocains et espagnols de ces temps-là comme un paradis, autre mythe historique qui sert de toile de fond au roman (le mythe séfarade de la tolérance islamique). C'est du point de vue des gens du Sud, qui voient l'Europe comme un continent arriéré et fanatique, "moyen-âgeux", autre mythe, que le récit se fait. Si le roman historique suppose des faits inventés sur une trame historiquement vraie, c'est raté. Seul fait avéré, mais absent du roman, la décision légale (takanah) prise pour les seuls Juifs ashkénazes par Rabbenou Gerchom ben Yehoudah (Metz, 960 Mayence, 1028), leur interdisant la polygamie (que la Bible autorise) et donnant aux épouses l'initiative du divorce (réservée avant au seul mari). A quoi bon ce voyage et toute cette histoire si la question principale est déjà réglée ? Bref... Ces trois mythes, celui de l'An Mil, du "Moyen-âge" arriéré de l'Europe, du paradis islamique de Séfarad, fondent encore aujourd'hui les représentations bien-pensantes, et le succès de la littérature israélienne en Occident se fabrique avec l'idéologie des médias et des éditeurs, qui savent choisir entre les auteurs convenables à traduire, et les autres, qui ne seront pas traduits. Amos Oz et A. B. Yehoshua ne sont peut-être pas les meilleurs auteurs possibles à présenter au public.



Malgré tout cela, minceur de l'intrigue, longueurs inutiles, mensonges bien-pensants, ce roman n'est pas mauvais. D'abord, le récit, toujours au plus près des sensations et des sentiments des personnages, de tous les personnages, évite tout manichéisme et nous fait entrer dans les bonnes raisons de chacun. Comme toute la sympathie va à la culture arabe et judéo-arabe, nous sommes conduits à entrer dans les raisons de la polygamie, de l'esclavage, du voilement des femmes, comme nous comprenons les attitudes inverses quand la narration se transporte en Occident, où les personnages féminins ont le contrôle. Cela se fait grâce au point de vue interne, appliqué à tous les personnages, Africains comme Européens. La rançon de cette objectivité romanesque, c'est évidemment la longueur excessive du volume, qui prend la peine d'entrer dans tous les détails.



Enfin, l'auteur étant un Israélien séfarade, son roman s'engage dans le débat qui oppose en Israël les Juifs d'origine européenne, dits ashkénazes, et ceux qui viennent du bassin méditerranéen, dits séfarades. Ce livre est donc une sorte de manifeste séfarade, par lequel A. B. Yehoshua retourne contre l'élite politique et culturelle ashkénaze de son pays, tout le sentiment de supériorité qu'elle fait sentir aux autres. Il le fait avec une douce ironie, un humour bienveillant envers ses personnages et leurs pensées, qui rappellent fortement "Joseph et ses frères" de Thomas Mann. Et comme ce grand beau roman de Thomas Mann, "Voyage vers l'An Mil" a d'interminables longueurs et distille souvent un ennui amusé.



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Le responsable des ressources humaines

Dans ce livre à la fois mi-roman, mi-fable, mi-récit , un livre au style aussi bizarre qu'étrange, Yehoshua montre avec brio comment les actes les mieux intentionnés se révèlent les moins pragmatiques et nous entraînent dans des situations qui nous dépassent. D'une situation réaliste (retrouver la famille d'une employée morte dans un attentat) on passe à un délire quasi-mystique, (je ne veux pas être excusé, je veux être pardonné dit à un moment le patron de l'entreprise), qui aurait pu très mal tourner, tant il est vrai que la morale et le bon sens ne font pas forcément bon ménage. Ce road-movie délirant d'un cercueil et d'un DRH un peu paumé tourne carrément à l'absurde, et Camus n'aurait certainement pas renié cette histoire loufoque, où nul ne sait pourquoi finalement on agit.

C'est percutant. Comme dans ce dialogue final où le patron reproche à son DRH d'aller trop loin dans la générosité :

-Le droit ? Quel droit ? (Le cri d'angoisse du patron couvrit le fracas des machines.)

De quel droit voulez-vous parler ? ça n'a pas de sens.

-Le sens, monsieur, c'est à nous de le trouver. et comme toujours, je vous aiderai."

Vous avez dit DRH = Directeur Rarement Humain ? Pas ici en tous cas...
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Le responsable des ressources humaines

Très belle découverte pour moi que ce Responsable des ressources humaines, de Avraham B. Yehoshua, un des plus grands écrivains israéliens, récompensé par le Grand Prix de littérature d'Israël pour l'ensemble de son oeuvre.



Au cours d'un attentat suicide sur le marché de Jérusalem, une femme est tuée, anonyme, sans autre document pour l'identifier qu'une feuille de salaire à l'en-tête d'une entreprise de boulangerie industrielle.

A la morgue, personne ne vient réclamer son corps.

Un journaliste s'empare de ce fait divers, apparemment assez banal dans un pays toujours en état de guerre plus ou moins latent, pour pointer du doigt l'inhumanité de l'entreprise, qui ne se préoccupe pas du tout du sort de ses employés.

Le jeune Responsable des Ressources Humaines, à la vie personnelle encore très perturbée par un récent divorce, est alors chargé de cette affaire par le Vieux, le directeur de l'usine, qui souhaite apaiser sa conscience.

Au fil de l'enquête, l'élève dépasse le maître et le DRH s'implique au-delà du "raisonnable" dans cette affaire qui va toucher à la fois sa tête et son coeur.



Le déroulement du récit m'a beaucoup surprise: en l'entamant, j'ai cru aborder une enquête policière sur fonds historique à Jérusalem.

Cependant, on ne connaît pas la date, les personnages ne sont pas nommés (le Vieux, la Vipère, le Photographe, le Fils, la Consule...), sauf la victime dont l'identité est assez vite découverte, et les lieux restent assez vagues, hormis Jérusalem, point de départ et d'arrivée de cette histoire qui tourne assez vite au road-movie.

L'histoire et le style d'écriture donnent à la fois envie de sourire, notamment quand on visualise le cortège qui accompagne le cercueil presque au bout du monde, et poussent en même temps à la réflexion: la responsabilité individuelle, la culpabilité ressentie, le droit d'intervention que l'on s'accorde sur la vie des autres, les conséquences absurdes d'un entêtement irraisonné...



Derrière un récit fluide que j'ai lu presque d'une traite, je retiens le nom d'un auteur, dont j'ai bien envie de découvrir les autres ouvrages!
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Rétrospective

Une de mes meilleures découvertes étrangères de cette rentrée littéraire.

Comment reconnaît-on un grand artiste en général et un grand romancier en particulier ?

Sans faire de la théorie de bas étage, c'est notamment la capacité en représentant des situations et des destins singuliers et individuels à leur donner une universalité qui touche au plus profond l'être du lecteur.

Par l'intermédiaire de Retrospective, Yehoshua fait partie des grands romanciers.

Il est difficile de faire le tour de ce roman en une critique et la frustation gagne vite le rédacteur ; tour à tour, l'auteur mène une réflexion sublime sur la vieillesse, la création, l'oubli, l'histoire d'Israël au travers de films d'auteur et bien d'autres thématiques.

La maîtrise de la narration est manifeste et les premières parties de Retrospective mélangent l'histoire du réalisateur Y. Mozes, venus recevoir un prix à St Jacques de Compostelle et assister à la rétrospective de certaines de ces oeuvres (qui vont se révèler celles de sa jeunesse et de son travail en commun avec son scénarise et élève aujourd'hui parti et brouillé) et celles des films. Les références esthétiques sont multiples et j'en laisse le plaisir au lecteur.

Un grand moment de lecture avec des temps et images vraiment forts et troublants : la Charité romaine en est bien sûr la représentation parfaite.

On notera que Yehoshua rend un discret mais profond hommage à deux grands "romanciers" disparus (filiation, clin d'oeil, héritage, inspiration ?) : Kafka et Cervantes.

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Israël, un examen moral

Un essai intéressant qui propose la dissociation de l'identité religieuse juive de l'identité nationale israélienne pour réduire la haine contre le sionisme.
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