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Critiques de Benjamin Stora (125)
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Histoire dessinée de la guerre d'Algérie

Remarquable BD historique !

Le récit respecte parfaitement la complexité de l'engrenage de cette guerre qui a laissé des plaies ouvertes de part et d'autre de la Méditerranée. J'ai par exemple découvert les luttes fratricides entre le FLN et le MNA de Messali Hadj pour s'imposer dans le camp des nationalistes algériens. Pas de tabous, tout est évoqué.

Bien évidemment, un expert de la guerre d'Algérie n'apprendra pas grand chose de cette BD, mais pour tous les autres et notamment nos jeunes, c'est juste impeccable ! Benjamin Stora fait montre de pédagogie et on comprend ainsi avec clarté les étapes et les enjeux. Chacun des 5 chapitres correspond à une phase de la guerre, le tout dans un ordre chronologique. Mais quand il y a besoin, le récit fait une pause et les auteurs nous proposent des sortes de fiches présentant les acteurs et faisant des retours en arrière pour éclaire l'histoire par le passé.

Au-delà de ses qualités pédagogiques, ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette histoire dessinée, ce sont les planches interviews d'acteurs de la guerre, des personnalités parfois mais surtout des anonymes, appelés français, harkis, civils algériens, fellaghas. L'histoire s'incarne , s'humanise, devient sensible et touche son lecteur.

Le style semi-réaliste de Sébastien Vassant, avec son dessin moderne, trouve la bonne distance, sans fausse note et apporte de la force au récit : magnifique double page évoquant l'exode des pieds-noirs, aucun mot, juste des dessins d'intérieurs de maisons vides mais intacts.

A compléter avec le remarquable documentaire de Patrick Rotman, La Déchirure.
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Algérie vue du ciel

Beau livre de photographies des paysages et villes algériens vus du ciel. Toutes les prises de vues sont des réussites, qu'il s'agisse des cités avec leurs mosquées, leurs ponts -- particulièrement à Constantine --, ou des campagnes avec leurs cultures, ou encore du désert et des montagnes de l'Atlas.



Ainsi, le lecteur réalise une visite des grands sites tels Alger, Tlemcen, Oran, Miliana, Timgad, il admire les dunes et les palmeraies des deux Grand Erg, il est au-dessus des montagnes et de la mer ou des lacs et peut découvrir tout un pays tellement riche de beautés naturelles ou réalisées par les hommes.



Les commentaires des photographies sont suffisamment détaillés, sans lasser, ils laissent sa place à l'histoire avec les conquêtes romaine et française, avec la cité gigantesque de Timgad, le désastre de Mers el-Kebir, les richesses pétrolières, et une nature dont on n'imagine pas qu'elle recèle autant de verdure.



C'est un plaisir de suivre les ondulations des dunes, de découvrir les oasis, quelquefois minuscules, certaines créées intelligemment par les humains en utilisant les protections du sable, de survoler ces villages accrochés aux rochers, de pénétrer dans des gorges profondes, le tout dans la magnifique lumière algérienne.

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La guerre d'Algérie expliquée à tous

La guerre d’Algérie fut le plus grand episode traumatique des 30 glorineuses. Je suis né deux ans après Stora. Je n’ai jamais été en Algérie. Mon père oui, mon oncle aussi. Des amis sont nés la-bas. En juin 1962, j’avais 10 ans pas encore je suis né en octobre. Le massacre de Setif en 1945 est un phénomène que j’ai découvert. Cette inégalité est à l’origine de tout. c’est le 2eme livre de cet auteur que je lis
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Une mémoire algérienne

La 1ère guerre d’Algérie venait s’engluer dans les pièges des mémoires individuelles. Les guerres sans fin de sont mis en place, silencieuses, invisibles. Faire le détour, par le camp d’en face. Une enfance juive à Constantine . Les souvenirs d’enfance sont toujours plus ou moins reconstruits,déformes. Je mes rappelle 2 choses la carte jaune d’Algérie ou mon oncle et mon père faisaient la guerre contre les fellagas puis mes amis innards venus d’Alger la ville blanche Camus l’étranger et l’exil. Kamel Daoud et Oran. Le pont El kantara et la chanson. Le pays de Jugurtha, la Numidie. Les événements d’Algérie comme on dit pudiquement. Je pense à Babeth qui a quitté avec sa famille en 1990 au moment du Fis. Atlan Je suis juif et berbère de Constantine. Gorges du Rhummel. De dhimmis a sujet du monde musulman. Devenir historien n’était pas une rupture, simplement la possibilité d’emprunter un autre chemin. Je me souviens d´Hacina française d’origine algérienne . Elle tenait beaucoup à son origine française peut être vit elle encore ? Elle me rappelais qu’elle était née en Algérie mais francaise. Je me rappelle ma prof de français, une fille violet. Le mystère de Gaulle qu’elle a été la part de l’offre et celle du choix.
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Tous migrants !

« Depuis 2014, un million et demi de migrants ont rejoint l'Europe. Benjamin Stora nous interpelle face à ce phénomène migratoire sans précédent dans l'histoire contemporaine, qui frappe par son ampleur et sa durée. »



Dans la collection 'Cartooning for peace', où l'on voit qu'un petit dessin vaut souvent mieux qu'un long discours, et dans le même esprit que 'Eux, c'est nous', ce recueil de dessins de presse montre et explique cette actualité qui nous dérange - hostilité pour les uns, mauvaise conscience pour les autres...

Le sociologue-historien Benjamin Stora expose en préface comment/pourquoi « relever le défi de l'hospitalité », déclinant le sujet en sept thèmes : départ, passeurs, voyage, murs & frontières, politiques d'accueil, xénophobie, 'vivre ensemble'.



Cet ouvrage est bien utile pour clarifier des aspects un peu compliqués, et rappeler que les pays d'Europe, et en particulier la France, se sont construits grâce aux mouvements de population. D'autant que la force de frappe de certains de ces dessins est puissante !



Si on a peur des essais trop ardus, on peut aussi lire : 'Eux, c'est nous' (collectif), 'Akim court' (album jeunesse de Claude K. Dubois).

Et compléter par l'étude sociologique en BD 'Les nouvelles de la jungle (de Calais)' de Lisa Mandel et Yasmine Bouagga.
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Octobre noir

Paris - Octobre 1961 .

Maurice Papon est alors le préfet de police de cette ville lumière , un haut fonctionnaire implacable qui ne va pas tarder à imposer sa marque de fabrique plus que discutable : la répression sourde et aveugle .



Vincent est le leader de The Gold Star , petit groupe de rock qui monte et qui pourrait définitivement s'envoler en gagnant le tremplin du Golf Drouot qu'il prépare sans relâche . Seule ombre au tableau , ses origines qu'il vit très mal en cette période trouble . Mohand / Vincent s'est construit sur le mensonge et le reniement . Ainsi , il passe son temps à mentir à sa famille , ses amis mais surtout à lui-même . Lorsque son père le somme de venir défiler le 17 Octobre pour protester contre ce couvre-feu inique – non , pas ta mère , rien à voir avec Joey Starr - alors imposé aux Algériens de la région parisienne , ce dernier s'y soumet , la mort dans l'âme , préparant déjà un nouveau bobard afin de saisir sa chance au Golf Drouot le même jour .

L'histoire est en marche , la mort également...



Maurice Papon . Sa seule évocation ramène immanquablement à de bien tristes évènements . La manifestation du 17 Octobre 1961 organisée par le FLN et jugulée dans le sang est de ceux-là . Photographie d'une époque où les ratonnades semblaient monnaie courante . Une atmosphère bien loin de celle d'Arletty . Une marche pacifique devant courber l'échine , doux euphémisme , face à une démonstration de violence et de brutalité des forces de l'ordre alors validée par Papon . Un chaos légitimé qui laissera des traces sanguinolentes dont on a toujours pas fini de parler .

Une BD intéressante même si le contexte historique s'inscrit beaucoup plus dans la globalité que dans le détail . Par contre , j'ai moyennement accroché le coup de crayon passéiste et pour le coup pas follement enthousiasmant .

Voulant terminer sur une petite note fraîche et légère , un petit texte en hommage à Fatima Bedar tombée sous les balles à l'âge de 15 ans .

Coup de grâce final , la trop longue liste des morts et disparus à Paris et dans la région parisienne .

Youpie , c'est la fête , m'en vais écouter un peu de Farmer histoire de me rebooster un peu moi...

Papon , toujours enclin à une certaine bonne humeur festive généralisée , récidivera le 8 Février 1962 dans l'affaire de la station du métro Charonne - l'OAS était alors dans le collimateur - mais ceci est une autre histoire...



Octobre Noir – Rouge sang serait beaucoup plus juste .

http://www.youtube.com/watch?v=X75ce-CAorU
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Histoire dessinée des juifs d'Algérie

J'ai retrouvé avec émotion Camus à Oran, venu , à la demande de son ami André Bénichou, donner des cours aux jeunes juifs exclus des écoles de la République pendant la Seconde guerre mondiale, j'ai croisé aussi Jean Daniel...

Un partenariat fort réussi entre Benajamin Stora et Nicolas Le Scanff pour retracer l'épopée du peuple juif en terre algérienne, évoquer leur mémoire,

Les dessins sont réussis, les visages expressifs. (celui de Camus, bien sur est très ressemblant !)
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Les clés retrouvées

Une babeliaute m'a permis de découvrir le livre de Benjamin Stora Les clés retrouvées – Une enfance juive à Constantine. Mille fois merci.

Le sujet me concerne et l'auteur m'intéresse. Benjamin né dans une famille juive en 1950, quitte l'Algérie le 16 juin 1962. Moi, né en 1952 dans une famille espagnole, je quitte l'Algérie le 13 juin 1962.

Beaucoup de réminiscences, de clins d'oeil, de situations vécues, de personnages, de vocabulaire, de postures, résonnent avec ce qu'enfant, j'ai vécu et ressenti.

Comment ne pas s'émouvoir en lisant que la mère de Benjamin Stora avait emmené les clés de sa maison de Constantine, geste qui fut celui de ma Grand-Mère Damiana lorsqu'elle quitta son village de Vera en Espagne pour migrer vers l'Algérie, et que ma mère reproduira en quittant l'Algérie où sa mère l'avait fait naître…

Je fus donc un lecteur attentif, soucieux de retrouver dans les mots de Benjamin Stora le reflet de ma propre expérience.

Vue de l'extérieur, on a parfois du mal à comprendre la société algérienne d'avant 1954. Elle s'est construite autour de plusieurs communautés ayant chacune leur histoire, leur religion, et leur parcours migratoire – les « indigènes » - ce terme à lui seul est explicite, les espagnols migrants du XIXème siècle et réfugiés de 1936, italiens, les Maltais – eux-mêmes se qualifiant d'Européens par opposition aux indigènes ; les petits colons français enfants de la commune pour certains et migrants obligés pour d'autres ; les vrais colons agriculteurs français, le plus souvent viticulteurs - externalisant leurs investissements nationaux en Algérie ; les fonctionnaires français investis de leur pouvoir…au nombre de ceux-ci l'armée française, la police et la gendarmerie.

En temps normal…- en prononçant ces trois mots toutes les précautions oratoires que l'on peut imaginer, ces communautés vivent ensemble ou plutôt coexistent mais peuvent s'ignorer, ou pas, fraternisent parfois, fréquentent les mêmes lieux ou pas.

Mais ce sont là des histoires d'adultes. L'enfant, et c'est l'intérêt de le faire parler, ne se soucie pas de ces frontières communautaires…il joue avec ses semblables, jusqu'à un certain point.

Benjamin est né dans cette partie de Constantine que le guide Hachette de 1950 décrit avec un tact tout relatif :

« La partie entre la rue du sergent Paul Atlan et le ravin du Rummel renferme encore de curieux quartiers indigènes, arabes et juifs, qui subsistent à peu près intacts »

Notez les termes suivants : curieux, indigènes, arabes, juifs. Ce sont là des termes utilisés par les « français de la Métropole » pour qualifier les habitants de ce curieux pays dans lequel ils sont venus travailler, pacifier, éduquer, défendre….

Mais, écoutons Benjamin :

« J'ai vécu une enfance heureuse de petit citadin qui ignore les joies de la campagne, dans cette vieille cité, bâtie sur un rocher, d'accès difficile, assez impénétrable, si ce n'est par ces ponts. »

« L'aspect citadin contredit un certain nombre de stéréotypes. On croit ainsi que les enfants d'européens d'Algérie étaient des fils de colons. Ce n'est évidemment pas vrai. »

Il fréquente les cinémas de Constantine,

le Vox, l'ABC, le Nuñez, le Versailles, le Casino, se promène sur la place de la Brèche via la rue Caraman – «..Un paseo très méditerranéen, en Italie, en Espagne, les gens en font de même…là les potins pouvaient se propager très facilement… »

« C'est aussi l'existence de nombreux petits métiers : le repasseur de couteaux…les vitriers, les rempailleurs de chaises… »

« Dans le vieux quartier juif de Constantine, juifs et musulmans vivaient imbriqués les uns dans les autres, et séparés du quartier dit « européen ». Deux villes se juxtaposaient ainsi dans la ville : la judéo-arabe, la vieille cité de Constantine où s'entassait une population extrêmement nombreuse et complètement mêlée ; et l'européenne qui se trouvait à Saint-Jean, de l'autre côté. »

Connait ses premiers émois,

« La proximité des garçons avec les femmes dans les appartements ou les hammams favorisait l'éveil à la sensualité, au désir. »

Mesure ce qui le rend différent,

« La France lointaine m'apparaissait comme le monde du silence, de la verdure et de la fraicheur. Je voyais l'Algérie en jaune et la France en vert, pâturage… »

« Je suis donc né en France dans un département français d'Algérie, comme d'autres sont nés dans le Cantal. »

« Enfant, la France c'était l'école et mon institutrice. Elle était blonde aux yeux pâles, distinguée….Une image qui contrastait fortement avec celle plutôt agitée, bruyante et noiraude de nos famille. »

« le dimanche midi, par exemple, on avait droit au sauté de veau aux petits légumes, aux bouchées à la reine. Mais le shabbat, on mangeait la t'fina traditionnelle, ou le couscous et les boulettes… »

Et puis, à partir de 1957, la guerre, larvée jusqu'alors s'est imposée aux yeux de tous, on ne pouvait plus l'ignorer,

« La France en Algérie existait par la démonstration (…) de sa force militaire. Celle-ci s'est accrue à partir de 1957 avec l'arrivée du contingent, des jeunes métropolitains, quasiment des enfants, totalement perdus dans ce pays qui les surprenait… »

Des « événements » jugés mineurs par les familles Zaoui et Stora, l'avait précédé, l'insurrection de novembre 1954 avec l'apparition du FLN, et cette manifestation à Constantine du 20 août 1955, pourtant jugée comme « le début des temps difficiles ».

« C'était donc ma première image de guerre que cette entrée soudaine dans l'appartement de militaires français. »

Les premières lignes du prologue sont consacrées à cet événement :

« C'était le 20 août 1955. J'avais quatre ans et demi. Il faisait très chaud ce jour-là dans notre petit appartement (…). Et puis, brusquement, des soldats sont entrés. Ils ont ouvert la fenêtre, installée un sorte de trépied, et posé une mitrailleuse dessus. Ils ont tiré. le bruit était épouvantable. Les douilles sautaient, et une odeur âcre a envahi ma petite chambre. »

« Une autre image de la guerre qui me revient, ce sont les « rues barrées » par l'autorité militaire. (…) Je me rappelle les barbelés, les barrages, les chicanes…»

Il fallait partir,

Les événements d'Algérie sont vécus par la communauté juive au prisme de la solidarité du monde arable avec la lutte du peuple algérien. Les juifs deviennent une cible : « un attentat au Casino de la Corniche, lieu de rendez-vous de la jeunesse juive algérienne (…) un homme âgé de soixante-cinq ans, David Chiche, fut arrosé d'essence par un groupe de jeunes musulmans (…) une grenade (…) lancée dans la synagogue de Boghari (…) »

« Les promesses d'une Algérie fraternelle et égalitaire semblent s'évanouir. La guerre avait durci tous les comportements. »

Le 22 juin 1961, le chef d'orchestre Raymond Leyris est tué « (…) d'une balle de 9 mm tirée dans la nuque. (…) La mort de M Leyris (…) a jeté (…) la consternation dans les milieux musulmans et israélites. »

Le choix du départ, le 12 juin 1962, s'impose à la famille Stora « vingt jours seulement avant la proclamation de l'indépendance algérienne. Nous sommes donc partis parmi les derniers de notre quartier, dans la précipitation. ».

Le livre de Benjamin Stora tente, pour autant que cela soit possible, d'objectiver les facteurs qui ont conduit à l'abandon du rêve d'une société algérienne « fraternelle et égalitaire », au triomphe des « ultras » sur les partisans du « vivre ensemble ». La page 109 illustre de façon parfaite le processus qui conduit chaque algérien à se dire : « (…) il fallait désormais être dans un camp ou dans l'autre (…)

J'ai personnellement retrouvé beaucoup de points communs entre mon père, Espagnol catholique, je le rappelle, et celui de Benjamin Stora : la volonté de partir le plus tard possible motivée par une croyance indéfectible en l'homme, plus que dans les organisations ; cette rencontre avec des responsables locaux du FLN qui assurent le père de Benjamin qu'il n'aura rien à craindre dans l'Algérie indépendante…mais qui le conduit à conclure : « cette fois nous partons en France. » (Page 115)

Seul bémol à la lecture, le fait que parfois, voire souvent, la voix de l'enfant Benjamin – celui des années 1955-1962- se perde dans celle de l'historien Benjamin Stora. Au moment où l'enfant se confie, parle de ses émois, de ses analyses approximatives, subjectives, l'historien intervient pour compléter par une référence, un contrepoint, un souvenir différent, l'apport d'un événement historique avéré…c'est quelquefois gênant.

Toutefois, je recommande ce livre à tous ceux qui veulent avoir une vision claire, précise et sans préjugés de la situation en Algérie dans les années précédant son accession à l'indépendance, du rôle des différentes communautés, de la dégradation de leurs relations du fait de l'irruption de considérants exogènes dans leur vie domestique et sociale.

Je ne puis m'empêcher de citer les dernières lignes du livre :

« Lorsque ma mère est décédé en 2000, j'ai retrouvé au fond du tiroir de sa table de nuit le trousseau de clés. C'était bien celui de l'appartement de Constantine, qu'elle avait toujours conservé. Comme les histoires de Marranes qui emportaient dans le Nouveau Monde les clés de leur maison d'Espagne, de l'Andalousie perdue. »

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Octobre noir

Nous pouvons fêter des morts tous les jours… Le 17 octobre 1961, plusieurs milliers de manifestants algériens sont arrêtés à Paris. De nombreux d’entre eux sont blessés et quelques centaines meurent, certains jetés dans la Seine. Ce n’est pas une histoire dont on parle souvent.





Didier Daeninckx ne peut pas oublier les émotions vives qu’il a ressenties lorsqu’il était enfant de banlieue et qu’il était témoin, parfois, des affrontements entre immigrés et forces policières. Pourtant, il ne découvre l’histoire de l’octobre 1961 qu’à l’occasion de la rédaction de son livre « Delphine pour mémoire », qu’il compte dédier à l’évènement Charonne qui s’est déroulé dans le métro parisien le 8 février 1962. Puisque, pour comprendre, il faut toujours remonter dans le passé, Didier Daeninckx se consacre ici à raviver la mémoire d’octobre 1961. En empruntant le point de vue des immigrés algériens à travers l’histoire d’une petite famille, il rend légitimité et honneur à leur démarche de protestation pacifique pour conjurer la mauvaise opinion véhiculée à l’époque par des quotidiens nationaux tels que « Le Monde » ou « France soir ». Rien de simpliste pour autant : dans le monde étriqué et sombre des travailleurs algériens et de leurs familles, la rupture générationnelle se consomme déjà face aux promesses de la société de l’entertainment. Comment ne pas oublier d’où on vient ?





Une autre raison qui a peut-être motivé l’incompréhension de l’opinion à l’égard de ces manifestants est la vision morcelée des faits. A-t-on véritablement pu oublier le communiqué que Maurice Papon, préfet de police de Paris, avait publié 15 jours plus tôt ? Il publiait : « il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne de 20h30 à 5h30 du matin ». Il est également « très vivement recommandé de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police. » Enfin, « les débits de boissons tenus et fréquentés par des Français musulmans doivent fermer chaque jour à 19 heures ».





Daeninckx et Mako ravivent l’événement du 17 octobre 1961 dans l’obscurité d’un contexte fait de peur et d’humiliation. La préface de Benjamin Stora complète leur point de vue en apportant les informations nécessaires à une compréhension plus globale. Il nuance également les faits en évitant de tomber dans l’écueil inverse –heureusement jamais suggéré- qui consisterait à louer unanimement la démarche de ces immigrés algériens, en l’opposant brutalement à la répression des forces policières françaises. Il rappelle ainsi le contexte politique général du pays, à la veille de la signature des accords d’Evian, et évoque la peur légitime qui a pu s’emparer de la population en voyant des milliers de personnes défiler dans les grandes rues parisiennes.





Octobre 1961 ne cherche à juger personne. Daeninckx et Mako justifient le désespoir des immigrés algériens, Benjamin Stora rappelle l’instabilité française, mais tous soulignent le pouvoir destructeur de l’ignorance.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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La guerre d'Algérie expliquée à tous

L’histoire a toujours été mon talon d’Achille, et j’ai regretté bien des fois mon indifférence à son endroit…. Je suis contente d’être tombée sur ce petit livre qui est venu combler mes lacunes sur cette guerre à propos de laquelle je m’étais souvent interrogée sans pour autant faire le moindre effort de recherche pour en comprendre l’histoire.



Pourtant, elle est dans un coin de ma mémoire, cette guerre… dans un souvenir que je revois, comme aurait dit ma grand-mère « comme si c’était hier » ; j’avais une douzaine d’années et mon plus jeune oncle maternel était tout juste revenu de cette guerre d’Algérie dont je ne savais rien mais à propos de laquelle on entendait les adultes parler avec anxiété : FLN, OAS, Ben Bella et tout ça….. Cet oncle, célibataire, qui était tout juste revenu chez sa mère, ma grand-mère donc, m’avait un jour attirée dans sa chambre pour me montrer des photos qu’il avait ramenées de là-bas, je me souviens seulement d’une où il était juché sur une jeep dans son treillis militaire de circonstance ; Il me racontait des trucs que je ne comprenais pas.... J’étais perplexe, interrogative, mais toute gamine que j’étais, je compris qu’il avait besoin d’en parler… mais quand je sortis, ma grand-mère me fit comprendre que je ne devais pas me prêter à ces confidences, et dans son regard désespéré il m’a semblé comprendre qu’elle n’avait pas retrouvé tout à fait son fils d’avant…..



Voilà Voilà ! Quoi qu’il en soit, ce livre a répondu à mon attente, comprendre le contexte et les événements, sans parti pris. D’aucuns pourront l’estimer insuffisant. Pour ma part il a répondu à mon attente. Et, pour qui sait lire, il ne manque pas de laisser percevoir toutes les complexités de ce conflit, et les blessures profondes qui en ont résulté de part et d’autre, les pistes de réflexion ne manquent pas.



Pour aller plus loin, l’auteur indique d’autres ouvrages.

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Histoire dessinée de la guerre d'Algérie

Excellente histoire illustrée de la Guerre d'Algérie qui arrive à ne pas perdre et à lui restituer une fresque synthétique, intelligible et objective.
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Histoire dessinée de la guerre d'Algérie

Un gros coup de cœur pour cet ouvrage, d'une très grande honnêteté sur un sujet pourtant particulièrement difficile. Avec un nombre de pages forcément limité ce livre réussit l'exploit d'être le plus précis et synthétique possible, tout en donnant la parole à des témoins de tous les camps, en retraçant les grandes étapes du conflit, mais également en le resituant dans l'histoire de la colonisation et en situant également le FLN dans l'histoire du mouvement d'indépendance algérien.

Le livre est assez proche du documentaire réalisé il y a quelques années par le même Benjamin Stora, ici au scénario. Pas de vérité toute faite et manichéenne, un rappel des faits, des horreurs de part et d'autre mais de nature différente.

Et puis enfin un livre très beau sur le plan graphique, d'une grande élégance. On pourrait presque parler de mise en scène tant les pages consacrées aux témoignages sont passionnantes et souvent bouleversante.

Toutes les mémoires de la guerre qui ne voulait pas dire son nom trouvent ici leur place : appelés, fellaghas, harkis, pieds-noirs etc...

J'ai adoré ce livre qui me parait une façon incroyablement efficace pour aborder ce thème difficile. Cela peut faire un très beau cadeau pour un ou une ado par exemple !

Précision toutefois : quelques pages renferment des faits glaçants, mais comment pourrait-il en être autrement ?
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Les clés retrouvées

Le 20 août 1955, Benjamin Stora a 4 ans et demi et la guerre fait irruption dans sa vie, dans cette ville de Constantine où il a appris les lettres en hébreu, parlant l'arabe avec sa mère… Une vie en harmonie avec un environnement où chacun avait sa place, se termine.

L'auteur replonge dans cette enfance retrouvée avec les clés de leur appartement de Constantine, découvertes en 2000, au fond du tiroir de la table de chevet de sa mère qui vient de décéder.

Elle vivait au foyer pendant que son père vendait de la semoule : « La paix, la santé étaient au-dessus de tout. » Scolarisé à l'école publique, il consacre le jeudi et le dimanche à l'école talmudique dans cette ville d'Algérie bâtie sur un rocher, à 600 m d'altitude, avec ses ponts suspendus au-dessus des gorges du Rummel.

Constantine qui s'appelait Cirta lorsqu'elle était capitale de la Numidie, est une ville chargée d'histoire. C'est « une ville du sud… retranchée derrière ses remparts » où « la vie était laborieuse et fastidieuse, mais aussi entraînante et gaie. »

Après avoir salué la victoire d'Alphonse Halimi, un enfant du pays, Champion du monde des poids coq, le 25 octobre 1960, Benjamin Stora insiste sur le décret Crémieux du 24 août 1870, naturalisant les juifs d'Algérie. Ils ne sont plus des dhimmis protégés mais soumis en terre d'islam, mais des Français.

Dans cette ville, la musique tient une place importante avec le maalouf aux sonorités arabo-andalouses. Au cours de ses études, l'historien qu'est devenu Benjamin Stora découvre que les juifs d'Algérie, malgré quelques racines espagnoles, sont presque tous des Berbères, « les véritables indigènes de ces terres. »

L'abrogation du décret Crémieux, par le régime de Vichy, en octobre 1940, fut un véritable traumatisme : « les juifs n'étaient plus des citoyens français mais des juifs indigènes algériens. » Ce décret est rétabli en 1943 mais deux courants se sont créés : ceux qui croient en le socialisme représenté par l'Urss et ceux qui soutiennent Israël et le sionisme. Sur place, l'auteur constate une réelle coupure entre les européens et les juifs qui ne vivent pas dans les mêmes quartiers.

À partir de 1957, les appelés du contingent sont là et il les voit comme « des touristes en uniforme kaki » dans Constantine. Comme les autres, les Stora et les Zaoui, la famille de sa mère, ne se doutent pas de ce qui va advenir. La mort se rapproche et la peur, l'angoisse augmentent.

Le 22 juin 1961, Raymond Leyris, « Cheikh Raymond », le musicien juif chantant en arabe le plus célèbre d'Algérie, est abattu sur le marché et cela déclenche une émotion considérable à Constantine où une foule énorme suit son enterrement.

À l'école, c'en est fini de la convivialité entre juifs et musulmans. Les départs sont massifs vers la France. Pour ses parents, cela était impensable mais il faut s'y résoudre le 12 juin 1962 et ressentir, à Paris ou dans sa banlieue, « un sentiment d'inquiétude et de solitude. »

L'auteur détaille toutes les difficultés rencontrées : « la solitude, le mépris, le fait d'être mal considéré, mal accepté. » Cette mémoire reste vive et douloureuse et Benjamin Stora (photo ci-jointe) a bien fait de faire revivre tout ce passé en peu trop vite mis sous l'éteignoir, l'histoire de « ces juifs d'Algérie qui se sont voulus simplement des « pieds-noirs », jetés dans l'exode de l'été 1962. »
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Les clés retrouvées

Comme les marranes chassés d’Espagne avaient emporté en exil les clés de leur maison, Benjamin Stora retrouve, dans les affaires de sa mère décédée en 2000, les clés de leur appartement de Constantine, qu’elle avait soigneusement conservées avant le grand départ de la famille pour la Métropole le 16 juin 1962.



Et moi, peu à peu, après les ouvrages de Michèle Perret et Mokthar Sekhri, je continue à llire pour vouloir mieux comprendre le drame de ces rapatriés qui ne suscitèrent alors, il faut bien l’avouer, pour nous Français de France, qu’indifférence, crainte et mépris, avec surtout le soulagement de la fin d’une coûteuse guerre perdue d’avance.



Benjamin Stora est l’un des principaux historiens de la Guerre d’Algérie. Dans son dernier ouvrage, il nous livre son expérience de jeune juif arraché à son pays natal à l'âge de 12 ans, et précipité dans les tourments d’un exode massif. Et pour percevoir sa détresse, il faut commencer par regarder quelques images de l’extraordinaire site de la ville de Constantine, aux précipices vertigineux et aux multiples passerelles. Comment quitter un tel environnement ?



L’auteur nous explique comment se situe l'antique communauté juive de Constantine : parlant l’arabe mais allant à l’école de la République, très attachée à ses rites et pourtant localement imbriquée dans la ville musulmane, bien séparée d’une population européenne qui lui semble riche et chic mais avec laquelle elle n’a aucun contact. Tiraillée entre deux univers. Ses parents évoquent souvent le traumatisme de la période récente de Vichy avec l’abrogation du décret Crémieux, la perte brutale de la nationalité française accordée en 1870. Au cours du conflit franco-algérien, les juifs d’Algérie sont sollicités des deux côtés : d’abord par le FLN puis par l’OAS. Mal guéris des avanies de Pétain, anxieux de ne pas se dissocier de la France, ils vivent le conflit dans le trouble, parfois même, indique l’auteur, dans la mauvaise conscience.



Cependant, le processus d’assimilation de la culture française a fait son œuvre depuis plusieurs générations. Le basculement vers l’Algérie française entraîne la séparation avec les Algériens musulmans. La décision du départ interviendra cependant, pour la famille Stora, de façon tardive : fin de la guerre avec les accords d’Evian, incendies de synagogues, lettres de menaces contre les commerçants juifs, assassinat du célèbre musicien maalouf Raymond Leyris, le beau-père d’Enrico Macias ..



Ce sera donc l'exode vers la France pour la plus grande part et non pour Israël que les juifs d'Algérie connaissent mal et parce que nombre d'entre eux sont fonctionnaires, enseignants, et qu’ils souhaitent vivre dans un Etat qui protège la liberté de culte, dans un mouvement ultime d’assimilation.



C’est alors le choc brutal entre la vision d’une France inconnue mais idéalisée et la dure réalité : solitude, déclassement social, précarité, mal-logement, adaptation au salariat comme nouvelle forme de socialisation. En une dizaine d’années, les Juifs d’Algérie vont s’arracher à des siècles de présence en Afrique du Nord – puisqu’ils y sont présents dès la conquête romaine et sans doute avant, parmi les Berbères – et profondément bouleverser le judaïsme français, se sentant à la fois profondément Français et profondément Juifs.



Benjamin Stora raconte comment il s’en est sorti, grâce à de brillantes études puis à l’engagement politique dès mai 68, et à ses recherches universitaires qui nous permettent aujourd’hui, sans remords et sans parti-pris, d’étudier cette étape difficile de notre histoire. Une façon aussi de comprendre la sensibilité ombrageuse à la question de la déchéance de nationalité …


Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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La guerre invisible : Algérie, années 90

J'ai retrouvé ce vieux livre de Benjamin Stora dans ma bibliothèque et me suis mis à le lire par culpabilité d'être passé à côté des (nombreuses) publications liées au cinquantenaire des accords d'Evian

Première déception - mais j'aurais dû m'en douter au vu du titre - le spécialiste incontournable de la (première) guerre d'Alégrie - la guerre d'indépendance algérienne de 1954-1962 - parle de la "seconde" - la guerre civile entre les militaires au pouvoir et les islamistes. L'auteur a la finesse d''ailleurs de dénoncer l'assimilation trop simpliste qui est faite entre ces deux conflits : "il faut cesser de penser le drame actuel comme une copie de l'original (...) ce qui lie les deux périodes (...) ce n'est ni leur ressemblance ni leur dissemblance mais une intense circulation d'images, d'idées, de représentation ..." (p. 115)

Seconde déception : Benjamin Stora parle moins de cette guerre que de son invisibilité, ouvrant, au-delà du seul cas algérien, une réflexion plus vaste sur les relations entre un conflit et la représentation qu'on en a. Il montre que le drame algérien - comme la guerre d'indépendance 40 an plus tôt - s'est joué à huis clos, sans images. Guerre sans front, guerre sans images, guerre sans visages, la guerre civile a nourri les rumeurs sur les violences commises par les islamistes et sur la complicité des militaires.

Sans doute pour comprendre les guerres d'Algérie, aurais-je mieux fait de lire d'autres productions, plus récentes, de Benjamin Stora.
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Octobre noir

Pour ses copains, Vincent est chanteur dans un groupe de rock lycéen. Pour sa famille, Vincent reprend sa véritable identité, celle d’un jeune algérien prénommé Mohand. Pas simple pour lui de trouver sa place dans la France de 1961, au moment des « événements d’Algérie ». Le soir du 17 octobre, Vincent et son groupe doivent se produire au Golfe Drouot, dans un tremplin pouvant leur ouvrir les portes de l’Olympia. Mais à cette même date le FLN a décidé de mettre sur pied une grande manifestation pour protester contre le couvre-feu imposé aux algériens de la région parisienne par la préfecture de police. Partagé entre ses copains et l’envie de soutenir son peuple, Mohand prend le métro avec son père pour se rendre à la manif mais il s’éclipse discrètement avant le terminus pour filer au Golfe Drouot. En rentrant chez lui ce soir là il apprend que sa sœur Khelloudja, bravant l’interdiction paternelle, s’est jointe à la manifestation et est depuis introuvable…



Vingt-sept ans après la publication de son très beau roman Meurtres pour mémoire, Didier Daeninckx reprend la plume pour parler de la terrible soirée du 17 octobre 1961. Il assume son engagement pour l’indépendance et mâtine son propos de considérations sociales et politiques. Avant la manif, le lecteur découvre ainsi le triste quotidien des travailleurs algériens, leurs logements insalubres et leurs difficultés à joindre les deux bouts. La plongée au cœur du « plus grand massacre d’ouvriers, à Paris, depuis la répression de la Commune en 1871 » est elle aussi saisissante : un soir d’automne triste et humide, une pluie glaciale, ces hommes marchant gravement, sans cris, sans drapeaux et sans armes. Puis c’est la curée, les CRS sont lâchés : coups de feu, coups de matraque, coups de grâce infligés aux blessés, arrestations ultra-violente, la Seine qui se teinte du sang des victimes...



Vieux complice « BD » de Daeninckx depuis des années, Mako donne dans la sobriété. Son trait à l’encrage épais est réaliste et efficace. Avec ces grandes cases, ce découpage simple qui retrace fidèlement la chronologie des événements, ces couleurs forcément sombres, l’album est visuellement très réussi.



A travers le portrait de Khelloudja, le romancier rend hommage à Fatima Bédar, une jeune algérienne de 15 ans qui a absolument voulu manifester ce jour-là et dont le cadavre sera retrouvé le 31 octobre près du canal St Denis. Suicide, conclura la police. Une fois encore avec Daeninckx la petite histoire rejoint la grande. Et une fois encore, son évocation de la « Saint-Barthélemy musulmane » se révèle d’une rare puissance.




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Algérie 1954, une chute au ralenti

Un petit livre concernant un grand évènement ! En une centaine de pages, une sorte de «Que sais-je» (d'ailleurs le format est adapté) qui raconte le début de la fin de la colonisation : l'année 1954.



Une brève chronologie des événements politiques qui ont émaillé l'année, de janvier à décembre ; une année qui avait commencé avec l'attaque massive du Viêtminh, sous les ordres du genéral Giap, contre le camp militaire français de Diên Biên Phu, en Indochine... et la défaite de la France début mai. Juillet, c'est la reconnaissance du principe d'autodétermination en Tunisie... et, en novembre la guerre qui commence de manière tonitruante le 1er novembre.



Tous les obervateurs avertis s'y attendaient, mais il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut entendre. Il en était ainsi des hommes politiques français de l'époque, la plupart -de tous les bords politiques- étant pour «la répression sans faiblesse» (Pierre Mendès France). Il en est ainsi, aussi, pour la population européenne installée en Algérie... installée «au centre d'un empire qui va mal». Il est vrai que l'Algérie, «avec ses lieux magnifiques, des montagnes de Kabylie au désert saharien, les personnages hauts en couleurs, des administrateurs coloniaux aux commerçants prospères, semblent à leur place. Mais c'est un leurre».



D'un côté, il y a le mélange d'immaturité et d'inaccompli pour les Européens d'Algérie. De l'autre, il y a la rage et l'espoir pour les colonisés : absence de réformes sans cesse remises, poids de l'inertie, répression aveugle et parfois, sinon souvent, massive... La longue chute, au ralenti, de l'empire colonial avait commencé, mouvement peu perceptible par la classe politique française, hormis dans les petits cercles anarchistes ou trotskistes.



L'auteur raconte la descente à travers la vie quotidienne en Kabylie, à Alger, Sétif, Oran, Constantine (ville qui comprenait la communauté juive la plus importante du pays : environ 30.000 personnes ).. «à la veille de la tourmente»... la vie de 922.000 Européens et de 7.860.000 musulmans... une vie où «un Algérien ne vaut que le neuvième d'un électeur français» (selon Gilbert Meynier), où les villes sont occupées à plus de 60% par les Européens, où les villes se bidonvillisent à une allure folle, tout particulièrement à partir des années 50 où «le plus petit fonctionnaire français se croit supérieur à n'importe quel Arabe» et où «la peur commune de la majorité musulmane» avait forgé une sorte d'unité quasi-ségrégationniste, ignorant la misère de leurs «voisins» arabes.

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Les clés retrouvées

Benjamin Stora est né 6 ans avant moi en Algérie en 1950. Aussi avait-il 12 ans au moment des « événements ». Je n’en avais que 6 lorsque je quittais la Tunisie, comme lui l’Algérie, en 1962.

Une partie de ma famille était pourtant française d’Algérie et ne partit de Bone que le grand âge venant à la fin des années 70. C’est dire l’intérêt que j’ai pris à lire ce récit personnel appuyé sur des témoignages ou des thèses et ouvrages relatant les faits.

Son livre décrit bien la volonté de la communauté juive d’accéder à la paix et à la sécurité mais aussi celle de s’occidentaliser à travers les temps tout en restant fidèle à une France qui l’avait pourtant trahie par deux fois.

Benjamin Stora semble dire que ce choix de la France s’est basé sur une admiration du modèle français, tout en nuançant ses propos. Il est bon d’insister sur cela, moi qui ai toujours de bons amis juifs installés en Israel.

Beaucoup de juifs qui sont arrivés en France n’ont pas eu d’autres choix ne parlant pas l’hébreu, et souvent fonctionnaires de l’Etat français, espérant être vite reclassés sur le continent.


Il décrit très bien aussi la précarité de ceux qui arrivèrent en France, les brimades et la xénophobie ambiante. Traumatismes dont ni sa famille ni la mienne ne se sont vraiment remis .
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La guerre d'Algérie expliquée à tous

C'est tout un art d'être capable d'expliquer simplement, sans manichéisme, des faits historiques, surtout lorsqu'ils sont encore très contemporains.

La mode est plutôt à la simplification nécessitée par l'endoctrinement de nos jeunes générations. L'histoire est de plus en plus souvent dictée par le politique via la Loi.

Ici, c'est un ton juste, des questions anodines, pertinentes et simples qui permettent à l'historien de tisser en finesse la trame de ce drame que, je parie, quasiment aucun élève du primaire au Lycée, n'est capable de situer dans le temps et dans l'enchaînement.

Cet ouvrage s'adresse à eux.

Il peut réparer efficacement ce déficit pour ceux de nos jeunes adultes en devenir qui veulent construire le futur sur l'acceptation du passé.
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Histoire dessinée des juifs d'Algérie

Les 2 auteur/illustrateur ont eu la bonne idée de scénariser l'histoire des Juifs d'Algérie en mettant en scène la vie d'une famille algéroise émaillée d'éléments pédagogiques documentaires sur les déplacements migratoires successifs, les différentes composantes de la population algérienne, l'architecture, les coutumes,la musique, les vêtements, les bijoux, la cuisine.

J'aime la mise en pages avec de belles vignettes. Les gens sont beaux, les teintes utilisées claires et douces.

En 138 pages, le côté historique n'est pas appofondi mais par contre la période traitée devient une fresque 2 fois millénaire qui ravive les mémoires. Une belle entrée en matière si on s'intéresse à la question.

Une lecture enrichissante.
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