AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Benoît Sokal (219)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Kraa - Intégrale

Cette trilogie de BD's raconte la lutte entre les méchants hommes blancs et la nature grandiose d'une vallée perdue (et imaginaire) dans les montagnes rocheuses de l'Alaska. Nature représentée par un aigle majestueux et meurtrier qui entend bien défendre son territoire jusqu'au bout et qui a su investir l'esprit d'un jeune indien aux dons chamaniques.



Une histoire plutôt triste... Mais peut-il en être autrement quand il s'agit de la conduite et les viles machinations des malfaisants visages pales, égocentriques, cupides et convoiteurs de (toutes) les richesses naturelles ?

Leurs tronches rossardes tranchent avec la beauté splendide de la nature : l'encaissement rocheux de la vallée briguée, dans les tons ocres et roux... La forêt d'altitude dans les nuances bruns sombres, verts-sapin et aux teintes minérales estompées par les fines volutes de brume... Et l'aigle imposant au regard perçant !



Peut-être plus que le scénario à l'ambiance western-"gold rush", fardé de fantastique, j'ai goûté le talent graphique au trait puissant de Sokal. Et dans ce monde de brutes (et une belle !), de violence et de vengeance... j'ai trouvé quelques divins (s)trips de quiétude...
Commenter  J’apprécie          476
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 0 :..

Coin , coin , coincoincoin , coincoin !

Oups , au temps pour moi , tout le monde ne maîtrise pas le langage châtié du sieur Canardo , anatidé nourri au Derrick légitimant ainsi fort justement cet amour immodéré pour l'enquête rondement menée . J'ai pas dit intelligemment ! Mais rondement , c'est po pareil...



Dans l'humour animalier Belge de talent , je connaissais Le Chat de Geluck , je découvre le Canardo de Sokal avec un plaisir non dissimulé !

Le charisme d'une méduse en plein cagnard - pas canard...- au service d'une perspicacité rare qui ferait pâlir d'envie le plus fin des limiers du mythique 36 quai des orfèvres , Canardo est ce que l'on peut qualifier d'élite en matière de privé privé de talent !

Ses balbutiements furent poussifs mais tous couronnés de succès ! Merci qui ? La chance pour 90 % et un bol monstre pour les 10 % restants !



Premier album composé d'historiettes de niveau inégal .

Un trait bicolore rappelant furieusement les dessins de Franquin , un humour loufoque qui n'aurait pas dépareillé dans un Dingodossier , cet album atteint pleinement son objectif qu'est la distraction en posant les jalons de ce que seront les futures inénarrables aventures de l'inspecteur Canardo !



Premières enquêtes : premiers couacs , enfin coin-coin , enfin j'me comprends...

http://www.youtube.com/watch?v=ZoZdFLqKUEA
Commenter  J’apprécie          440
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 25 ..

Canardo s'est fait serrer par les poulets.

Ironie de cette situation des plus inconfortables, il reçoit justement la visite de sa bienfaitrice - si, si, s'empresser d'accueillir quelqu'un à grands coups de "saloperie et d'immonde truie vérolée" est souvent le signe d'une franche camaraderie - la duchesse de Belgambourg visiblement à l'origine de ce quiproquo désobligeant (cf épisode précédent).

Son papounet semble avoir disparu des écrans radars.

De plus, une vidéo fort compromettante pourrait mettre à mal les fondations monétaires de ce pittoresque petit état souverain autrefois dirigé par un duc commençant dangereusement à déféquer dans le ventilo.



Excellent cru que ce Canardo !

Le ton est enlevé, tiens, comme le duc, y a pas de hasard. L'écriture particulièrement soignée et caustique, est portée par des personnages hauts en couleurs. Mention spéciale à notre duchesse, le cigare immanquablement vissé au bec et la saillie verbale, calibre 12, régulièrement de sortie.

Mais sous des dehors badin se révèle une problématique bien ancrée dans notre quotidien, le terrorisme islamiste.

Traité par le biais de l'humour, certes, mais sous-jacent d'un fléau que rien, à ce jour et nonobstant un Gégé Collomb au summum de sa plénitude intérieure, ne semble pouvoir endiguer. A noter, cependant, que la multiplication de telles billes dans le domaine du crime désorganisé devrait participer durablement à quelques longues nuits sereines.



Très bon moment !
Commenter  J’apprécie          352
Kraa, tome 1 : La vallée perdue

Un dimanche matin comme tant d’autres, un vide-grenier. Je tombe en arrêt devant la couverture d’une bande dessinée Un aigle et un enfant de profil, semblant ne faire qu’un. L’auteur, Benoit Sokal.



De lui, je n’ai lu que Le Chien debout, tome 1 des Enquêtes de l’inspecteur Canardo. Je n’ai pas vraiment adhéré à l’histoire et je n’ai pas aimé le dessin. Je repose la BD. Pourtant le graphisme me tente diablement. Je pars pour finalement revenir. L’attraction est la plus forte. Pour un euro, je repars avec Kraa, La Vallée perdue.



Une histoire avec un aigle pour narrateur. La fascination d’un enfant pour un aiglon qui va devenir aigle. Un intérêt qui va se transformer en complicité indéfectible de part et d’autres même si les motivations sont sans doute différentes.



Des teintes brunes, sombres, des planches au découpage parfois quasi cinématographique, des angles de vue recherchés, audacieux et une douceur du trait qui ne laisse en rien présager la violence de certaines scènes et le sang qui va couler.



Une nature omniprésente dont la beauté n’a d’égal que la rudesse. Ici tout n’est qu’opposition, affrontement, ville-nature, homme-animal, réalité crasse et sorcellerie…



Un conseil, prenez garde, le majestueux mais dangereux rapace nous survole de son vol silencieux… Nul ne sait encore qui sera sa prochaine victime, nul ne sait où il veut en venir, nul ne sait comment tout cela va finir…


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
Commenter  J’apprécie          350
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 25 ..

Contre toute attente, je suis tombé hier par hasard sur un nouveau tome de la série des Canardo, en déambulant dans les allées de ma librairie préférée, et bien sûr, j'ai aussitôt contracté la fièvre acheteuse, étant depuis l'origine aficiocanardo des albums du célèbre détective palmipède.



Car il avait fallu beaucoup attendre entre les publications des deux derniers opus de la série, et cette suite m'encourageait à penser que la machine était enfin relancée. La pensée sokalienne, même si d'aucuns prétendront qu'elle n'est plus tout à fait ce qu'elle avait été, continuait de tracer sa route sans peur et sans reproche, même si on est chez Casterman et pas chez Bayard, dans le paysage éditorial de la bédé francobelge.



Alors quoi, Canardo ne serait plus ce qu'il était, le privé alcoolo et dépressif au gros bec aurait quitté la nonchalance désabusée et les affaires intimistes et glauques de ses débuts pour endosser au fil des albums une dégaine plus dynamique, bien que toujours aussi dépenaillée en raison d'un noeud de cravate immanquablement desserré, alliant un goût certain pour la distribution de pruneaux et un savoir-faire avéré pour les conquêtes féminines sans lendemain et la résolution d'embrouilles diplomatiques d'envergure internationale ? Serait-on passé insidieusement de Simenon à Ian Fleming ?



Oui, et c'est tant mieux pour le renouvellement des scénarios et des personnages de la série. Fort heureusement, l'humour caustique est resté intact, de même que la dénonciation des turpitudes et de l'hypocrisie de nos sociétés modernes. Mais attention, il s'agit ici d'arrimer le récit à un sujet d'inquiétude puisé au coeur de l'actualité, pour s'en moquer, et non de faire la démonstration d'une thèse sociale ou politique élaborée.



« Dans la bande dessinée, on délivre des princesses, pas des messages » disait Sokal lors d'une interview (cf. vidéo postée sur Babelio vers 15:10). Donc, prenons un plaisir simple en lisant et en relisant Sokal et gardons-nous bien de trop vouloir intellectualiser. L'humour provient des situations, toujours aussi loufoques, et des dialogues, toujours aussi savoureux. Et, comme tout le monde en prend pour son grade, la dénonciation à défaut d'être consensuelle n'épargne personne.



Après s'être inspiré de l'affaire DSK (« Piège de miel ») de la pollution industrielle (« le vieux canard et la mer ») et de la crise des migrants (dans le diptyque « Mort sur le lac » et « La Mort aux yeux vert »), les Sokal père et fils abordent à nouveau un thème sensible. L'islamisme radical.



Pour le coup, on pourra regretter ou s'étonner de l'absence de noirceur – pourtant propre à la série, et faisant partie de son patrimoine génétique – dans le traitement de ce thème. Tout le monde sait que la menace terroriste a été extrême ces dernières années et personne n'a oublié les attentats de masse et les hécatombes de victimes innocentes tombées sous les balles et autres instruments de mort des « radicalisés ». Dans cet album, les radicalisés en question sont des amateurs à la petite semaine, pâles copies des vrais soldats de l'islam radical, dont il est inutile de rappeler ici les exactions.



Le but proclamé de ce groupe amateur de « mahométans dévoyés » est de détruire le château de Bouillon considéré comme le lieu emblématique de leur lutte contre les « croisés » et les « chiens infidèles ». Ce château existe bien, c'est un petit château fort du dixième siècle situé en Belgique, dont Godefroy de Bouillon fut le propriétaire. Leur mode opératoire est l'enlèvement (ici, la victime est presque consentante, Alzheimer et syndrome de Stockholm obligent) et la demande de rançon (que personne ne veut verser). Leur méfait le plus cruel est un doigt coupé comme preuve de leur détermination. Chez Canardo, on ne peut faire plus édulcoré.



Sans doute est-il encore très difficile d'aborder le thème du terrorisme en général et de l'islam radical en particulier dans une bande dessinée humoristique qui se veut grand public. La menace terroriste n'est toujours pas levée, les blessures ne sont toujours pas refermées, et le thème est sensible. On peut même craindre des représailles, on sait aujourd'hui que les dessinateurs et les caricaturistes peuvent être la cible des assassins. La plupart du temps, l'humoriste pourra être suspecté de se moquer de la religion (dont il ne se moque pas), ou de faire des amalgames (qu'il ne fait pas), ou de faire de la récupération pour son fonds de commerce et sur le dos des victimes (dont il ne récupère rien). La susceptibilité est à fleur de peau.



Donc, et c'est finalement habile, les soi-disant terroristes ne sont que des terroristes d'opérette. Les véritables terroristes sont des individus trop dangereux pour figurer en bonne place dans une bande dessinée d'humour. Un peu comme les frères Dalton, qui dans Lucky Luke, ont remplacé par dérision leurs cousins réels, les redoutables frères Dalton qui terrorisèrent l'Ouest américain à leur époque. Comme dit Sokal, dans la bande dessinée, on délivre des princesses, pas des messages.



Je me suis interrogé sur le choix du titre. Bien sûr on pense à Un singe en hiver, le film de Verneuil, ou au livre éponyme d'Antoine Blondin. On sait que les titres des derniers albums de la série font tous référence à des films et à des romans. A priori, il n'existe pas ici de liens apparents avec le scénario du film. le con est forcément en couverture, si on se réfère au modus operandi des albums précédents. C'est donc Léon de Belgambourg, à l'hiver de sa vie. Ce personnage semble certes un peu sénile et complaisant avec ses ravisseurs, mais il peut aussi se montrer rusé et moins bête qu'il en a l'air (page 41). le mystère reste donc entier. Dans la bande dessinée, on délivre des princesses, un duc en l'occurrence, pas des messages.



Cet album est jouissif et tient ses promesses. J'apprécie de plus en plus la ligne claire du dessin, adoptée par Pascal Regnauld, qui rajeunit et modernise le style de la série et excelle dans le découpage des plans et la mise en image nerveuse des scènes d'action. Les dialogues sont comme toujours parsemés de morceaux d'anthologie, dès la première réplique de la première case. La caricature des personnages archétypaux fait mouche à tous les coups. On retrouve avec plaisir la Duchesse du Belgambourg, Tante Betty et l'agent SSWOO12 des services secrets de Wallonie et l'ancien syndicaliste Boulenchon devenu ministre. Peu de nouveaux personnages ici, il va falloir penser à renouveler le stock en raison de l'hécatombe des albums précédents. Les retournements de situation, dont je n'ai pas parlé ici, sont inattendus, et le dernier (page 47) offre un boulevard pour la suite des aventures de nos héros belgambourgeois. Vivement la suite !
Commenter  J’apprécie          343
Paradise - Intégrale

À bord d'un énorme Steamer, surnommé "le coffre noir", au fin fond de la Mauranie (0n pense évidemment à la Mauritanie), le roi Rodon, malade, attend sa fille...

En même temps, au nord du pays, un petit avion est abattu par les rebelles. Une seule survivante : Ann Smith, qui va se trouver retenue dans le palais du prince de Madargane, capitale de la Mauranie. Dans ses jardins, le prince retient d'ailleurs aussi un léopard noir pour lequel Ann Smith éprouve une étrange empathie. La jeune femme, qui semble avoir perdu la mémoire, souhaite quitter Madargane et le prince lui propose un marché insolite, comme prix de sa liberté : ramener le léopard dans les contrées de son origine.

Vu que les rebelles qui s'insurgent contre la dictature de Rodon sont bientôt aux portes de la capitale, Ann Smith se dépêche d'accepter l'arrangement avec le prince...et traversera les territoires de la Mauranie : la région des Molgraves (tribu qui refuse de mettre les pieds sur la terre souillée et vit dans les arbres), la cité minière de Zamarat, la jungle africaine...

Cheminant vers le sud, Ann retrouve la mémoire et sa véritable identité, grâce à la présence du Leopard. Il lui reste à localiser la cible qu'elle s'était promise d'atteindre...



Le scénario de Benoît Sokal (!) permet de deviner rapidement qui est Ann Smith, en réalité. On connait également très vite "la cible" et le pourquoi de celle-ci... Alors on oublie le suspense et on se focalise sur le voyage aventureux de la jeune femme à travers ce pays africain imaginaire de l'époque coloniale des années 1930 (croit-on... !). On considère avec curiosité les quelques animaux fantastiques allègrement mélangés à une faune plus encyclopédique. On s'intéresse à la guerre civile qui fait rage (mais ils se battent contre qui, les rebelles ? Il n'y a ni soldats, ni moulins à vent). Après quelques autres incohérences...on continue à suivre Ann et son compagnon à griffes (incroyable quand même, cette chance inouïe de retomber chaque fois sur ses pieds /pattes)...en observant les personnages et paysages.

Des dessins nets et précis, aux couleurs chaudes du premier tome de l'intégrale, on passe aux teints très sombres chez les Molgraves (soit ! Ces gens vivent dans les arbres ; le feuillage africain est ombrageux). Mais ensuite on se demande si le dessinateur, Bingono, a pris de la bouteille à un tel point que ses mains tremblent ; le trait devient brouillon...et les dessins n'aident pas vraiment à "plonger" dans cet aventure exotique...dommage.



Reste le souvenir d'une lecture de détente agréable, même si ce "Paradise" n'est (certainement) pas l'Eden du neuvième art.
Commenter  J’apprécie          300
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 22 ..

Benoît Sokal peaufine depuis des décennies son univers animalier, que l'on aurait tort de croire à bout de souffle après 22 tomes publiés, tant l'imagination est une fois encore au rendez-vous, et que je qualifierais sans hésiter de chef-d'œuvre absolu de la bande dessinée policière animalière franco-belge. L'inspecteur Canardo, mon canard de bédé préféré, loin devant Donald, Daisy, Picsou, Daffy, Gédéon et autres Saturnin, traîne ses pieds palmés, sa joie communicative (je plaisante) et son imper couleur mastic dans une aventure qui à première vue semble moins glauquissime que les précédentes.



Au programme prévu pour notre canard dépressif : une sortie ciné avec Marcel, son petit neveu accro aux jeux vidéo, puis une mission sous couverture simulant des vacances au soleil sur une île ! Mais, on s'en doute, les choses ne vont pas tarder à déraper, et les vacances se transformer en cauchemar.



La relève est aujourd'hui assurée. De façon assez incroyable, le scénario d'Hugo Sokal, le fils de Benoît, parvient à mixer des sujets aussi divers que : la géopolitique, l'écologie, les méfaits de la colonisation, la pollution des océans, la dictature, les prises d'otage, la manipulation des médias, les conflits de génération, l'éducation, le racisme, le tourisme de masse, les lobbies agroalimentaires, le conflit wallons-flamands, l'hégémonie culturelle hollywoodienne, et j'en passe… le tout s'harmonise sans effort apparent et baigne dans un humour toujours efficace, à la fois pince-sans-rire, doux-amer, plein de finesse, mais, aussi, allant parfois jusqu'à provoquer une franche rigolade à se faire péter les zygomatiques et à se taper sur les cuisses.



Tout le monde en prend pour son grade : politiciens cyniques, promoteurs sans scrupules, écolos manipulateurs, révolutionnaires amateurs, bourgeois cupides, ados exaspérants… L'humour ravageur d'Hugo Sokal n'épargne personne.



Le ton général de l'album n'est plus aussi noir ni aussi désespéré que dans les précédentes aventures. Avec les enquêtes de l'inspecteur Canardo, Benoît Sokal nous avait habitués à toutes sortes de drames humains (meurtres, suicides…). Ici, l'humour omniprésent gomme le caractère anxiogène des situations et le scénario ne bascule jamais dans la tragédie (une catastrophe écologique ou une prise d'otage se terminant mal, par exemple, mais ce n’est que partie remise, Sokal va bientôt remettre le couvert sur ces thèmes). Le vieux canard et la mer bénéficie pleinement de ce changement de ton.



Par ailleurs, l'intelligence de l'écriture et la justesse des gags positionnent à mon avis cet album parmi les meilleurs de la série. Je n'avais jusqu'à présent lus que les premiers albums, imposant le style et les fondamentaux de la série, au ton assez différent, plus noir, et il me tarde maintenant de me procurer les albums manquants.



Le vieux canard et la mer prouve que le glas n'a pas encore sonné pour Canardo (NB : On retrouvera d’autres références à Hemingway dans différents albums, comme une sorte de leitmotiv pour l’auteur). La série des Canardo est incontournable, et ce nouvel opus est pour moi une totale réussite, qui vous harponne dès la première page et à ne surtout pas manquer.
Commenter  J’apprécie          2613
Aquarica, tome 1 : Roodhaven

Roodhaven, petit port de pêche, a connu la fortune à l'époque de la chasse aux baleines. Mais depuis la faillite de cette activité et surtout la disparition en mer du plus grand de ses baleiniers, sa communauté vit dans l'amertume. Alors, quand un gigantesque crustacé s'échoue sur la plage couvert d'une pièce du navire regretté, l'émoi gagne la population… Un jeune scientifique, John Greyford, est dépêché sur place pour tirer la chose au clair. L'affaire prend une tournure plus inattendue encore lorsqu'une jeune fille est extraite de la bête.



Benoît Sokal et François Schuiten convoquent ici Verne, Defoe, Melville et par là-même rendent hommage aux grands récits d'aventure des XVIII et XIXè siècle. Les convictions cartésiennes du héros doucement s'effacent devant le rêve porté par Aquarica la jeune voyageuse, dans le même temps que le lecteur se laissent emporter par leur histoire. Le trait de Sokal, s'il n'est parfait en tout, restitue merveilleusement gueules burinés des marins et paysages de mer. Au final chaque élément, des couleurs aux relents tradi jusqu'aux ambiances soignées portent cette nostalgie des récits qui ont bercées notre enfance. Un album a l'onirisme certain.

Commenter  J’apprécie          250
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 19 ..

La parution du tome 24 (la suite de l'aventure commencée dans le tome 23 : Mort sur le lac) ayant été reportée à de multiples reprises, je reprends mes critiques de cette série à rebours en partant de la fin. Aujourd'hui, le tome 19 : le voyage des cendres. Cet album nous entraîne dans une sorte de road movie à travers la Belgique. Un road movie glauque et désespéré, mais qui n'empêche pas l'humour flinguant tous azimuts, pas de doute, on est bien chez Canardo.



Un parrain de la mafia wallonne, Hector van Bollewinkel, un rigolo du genre à anéantir la camorra sicilienne toute entière par noyade dans la mayonnaise, instigateur d'une « mafia joyeuse et bon enfant », décide de mettre fin à ses jours pour échapper à l'humiliation dégradante d'une longue maladie. Ce faisant, il met au point une dernière farce, destinée à ses héritiers, en organisant sous la forme d'un jeu de piste le transfert de ses cendres vers une destination inconnue. La réussite de cette opération sera la condition sine qua non pour ses petits-enfants, Harry et Monica, de toucher l'héritage. Les jumeaux Harry et Monica sont les parfaites illustrations des ados têtes à claques, dignes rejetons amoraux et sans scrupules de leur grand-père mafieux. La veuve d'Hector, Marguerite, fait appel à son cousin Canardo pour véhiculer les bambins dans leur joyeux périple, car Joseph, le chauffeur attitré, vient malencontreusement de se faire exploser dans un attentat à la voiture piégée.



Première impression : les couleurs dominantes de l'album forment un camaïeu allant du gris déprime au gris cafard, soulignant la tonalité générale de l'album par une ambiance plombée. Il faut être Belge comme Sokal pour oser à ce point l'autodérision. Car c'est bien à un parcours « touristique » de la Belgique auquel le lecteur est convié, jalonné à chaque étape par les idées reçues que l'on associe volontiers à la contrée d'Outre-quiévrain.



Assumant à fond son rôle de guide local, Benoît Sokal aligne les clichés destinés à remplir son album : le climat (la pluie au début, le ciel systématiquement gris plomb ensuite) ; les moules-frites comme menu de base (page 11) ; la gouvernante flamande « qui ne plaisante pas avec l'éducation » (page 14) ; les terrils de Charleroi envahissant le paysage de façon caricaturale (page 16) ; l'Atomium de Bruxelles « fière et turgescente représentation du génie d'un pays » (page 38) ; et même, un couple de pédophiles tueurs en série « ouais, nous on aime les petits enfants » (page 30), lointains avatars des Dutroux et Fourniret, pour lesquels Canardo abandonne un instant sa dégaine à la Peter Falk pour endosser un rôle de justicier qu'on aurait pu confier à Charles Bronson. Vanter la culture belge ce niveau-là, ça frise à mon avis l'acte de contrition expiatoire.



Malgré le (ou grâce au) côté toujours aussi sombre du scénario, on rit beaucoup à la lecture de cet album, l'humour corrosif de Benoît Sokal fait mouche une fois de plus. L'humour de Sokal utilise ici plusieurs leviers : le contraste désopilant entre le langage ordurier des jeunes héritiers et les expressions châtiées et politiquement correctes de Frida la gouvernante qui tente systématiquement de corriger leurs excès ; les scènes d'action parodiant les films de genre : courses poursuites, fusillades, réunions au sommet des parrains… du « milieu » minier et rural ; les scènes que l'on peut qualifier d'érotiques qui se terminent invariablement par une partie de jambes en l'air dans les endroits les plus incongrus et procèdent souvent pour notre valeureux palmipède d'un effet d'aubaine…



D'album en album, Sokal parvient à maintenir son style inimitable. Si le niveau varie parfois selon les albums, celui-ci reste un excellent cru. Des dessins précis servent une mise en scène nerveuse qui ne laisse aucun répit, un scénario bien écrit qui recèle quelques surprises, des dialogues ciselés et intelligents, de l'humour à revendre, que demander de plus ?... Ben heu… la sortie du tome 24, peut-être ? Comment ? En septembre ? C'est pour bientôt alors ?
Commenter  J’apprécie          250
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 5 :..

J’avais gardé un assez bon souvenir de cet épisode de Canardo, personnage que j’avais découvert dans la revue À Suivre. Benoît Sokal utilisait les codes du polar noir américain, avec le flic toujours un peu ivre, et du roman d’aventure, avec des lieux exotiques et parfois une pointe de fantastique, le tout bercé par une philosophie façon Bernard Lavillier. La sauce prend plutôt bien. Le trait est dynamique, la couleur est assez délavée, à l’image des ambiances des lieux de l’histoire. Et l’usage des personnages animaliers, à contre-courant de ce qui se faisait à l'époque, est une idée audacieuse, ce type de personnages était réservé à un public très jeune.

Mais 35 ans après, tout ce qu’a apporté Benoît Sokal a été largement exploité et amélioré. Le rythme lent qui voudrait nous perdre dans les fonds brumeux de l’Amerzone devient trop rapide, l’action se déroule trop vite pour l’ambiance de torpeur qu’elle voudrait évoquer. Dans le domaine du graphisme animalier, on ne peut s’empêcher de penser à Blacksad, et malheureusement pour Benoît Sokal, les disciples ont largement dépassé leur maître. Tout n’est pas parfait non plus au niveau du trait et des couleurs, avec des décors assez pauvres et l’ensemble souffre d’un manque de lumière et de contrastes.

Dans cette histoire, on sent une ambiance de nostalgie, de poésie éthérée, un côté désabusé, des esprits embrumés, mais c’est aussi l’impression que nous laisse cette lecture, un peu dépassée, comme si Benoît Sokal avait ouvert des voies pour les générations à venir, en laissant à d’autres le soin d’en tirer profit. Lire les aventures de Canardo aujourd’hui, n’est plus nécessaire, c’est une bande dessinée d’un autre temps, démodée, mais qui aura marqué les années 80 malgré ses défauts.

Difficile de rester intemporel.
Commenter  J’apprécie          230
Silence on tue

Paris, le 12 janvier



Mon cher Gégé,

Ce qui m’arrive est formidable ! Tu ne devineras jamais où je suis ! A Paris ! Hé, oui, mon petit vieux ! A Paris ! Et tu n’as pas fini de baver ! Je suis chez ma tante Renée… Et qui est Renée ? Elle n’est autre que Renée Caraman, la grande actrice de cinéma !

Ton ami Bob





Le 13 janvier



Mon cher Gégé,

Devine où j’ai été aujourd’hui ? Aux Studios, mon vieux ! Sur le plateau de tournage ! Ma tante est l’actrice principale du film « L’Héritage de Léonie » ! Je suis devenu pote avec la script-girl, Lydia ! Elle est canon ! Une beauté, je ne te dis que ça ! J’ai fait la connaissance du réalisateur, un mec super stressé, et des autres acteurs, dont le chanteur Louis Fontana qui est super rigolo.

Bob





Le 16 janvier



Mon cher Gégé, là, il n’y a plus de quoi rire. En arrivant aux Studios ce matin, la police était là ! Tu ne devineras jamais ce qui s’est passé ! Sur le plateau de tournage était étendu le corps d’un acteur, Alfred Buisson. Raide mort ! Etranglé par un foulard de soie rouge… L’assassin est forcément l’un des acteurs ou l’un des membres de l’équipe de tournage… Je vais enquêter et te tiens au courant.

Bob





Critique :



Voilà ce que c’est : on achète un livre et ensuite on le laisse dormir pendant près de trente ans, en ayant oublié qu’il existait, et puis, au hasard d’un classement, on retombe dessus, et la culpabilité s’invitant, on se dit qu’il serait peut-être temps de le lire…



« Silence, on tue ! » n’est pas à proprement parler une BD, mais plutôt un « roman graphique » comme on dirait aujourd’hui, bref, c’est une histoire illustrée par des dessins.



Il s’agit d’un bouquin qui fait partie d’une petite collection publiée chez Nathan au début des années ’90 et qui proposait au lecteur de résoudre un mystère en s’appuyant à la fois sur le texte et les dessins. Le public visé semblait être celui des adolescents, mais la collection n’a jamais vraiment trouvé « son » public, peut-être parce qu’à l’époque on ne savait pas trop bien où classer ce genre d’ouvrage.



L’histoire est simple et facile à lire. Le scénariste, François Rivière a tenu compte d’un public jeune pour que celui-ci ait la satisfaction de découvrir qui est le coupable. Les dessins de Sokal sont magnifiques et illustrent clairement l’histoire. La mise en couleurs contribue à créer l’atmosphère adéquate.



Parfait pour une petite récré !

Commenter  J’apprécie          231
Le vieil homme qui n'écrivait plus

Ce très bel album de Sokal est un condensé d’émotions. Les ingrédients de base ne sont pas les plus originaux tant de nombreux ouvrages graphiques ou non ont déjà raconté des histoires sur la résistance. Néanmoins, avec un immense talent l’auteur en fait une réalisation unique et réussie tant sur le plan graphique que scenaristique. Une BD qui nous touche profondément.
Commenter  J’apprécie          220
Le vieil homme qui n'écrivait plus

Une jeune cinéaste part dans un village de montagne avec son équipe pour réaliser une adaptation d’un roman sur la Résistance dont l’histoire s’y serait réellement déroulée. Elle y fait venir l’auteur, mais cela va remuer beaucoup de souvenirs et de rancœurs, le roman ayant éludé quelques faits, la réalité n’est pas si romanesque. Le dessin est en noir et blanc, avec un aspect naturaliste, certaines représentation de la montagne, de sa faune sont très belles et font un peu penser à ce que fait actuellement Chabouté, parfois le style s’apparente plus à Jean-Claude Servais par sont aspect minutieux et réaliste. Les contrastes sont marqués, ils apportent une intensité au graphisme qui se transmet au récit. Mais quelques petits détails m’ont un peu perturbé, les personnages sont parfois un peu raides, et leurs traits trop caricaturaux, mais cela reflète ce que l’on trouve dans le récit, les personnages sont très stéréotypés et manquent de nuances. Ensuite, En lisant les extraits du roman en question, on a du mal à croire à un succès littéraire (comme dans “La vérité sur l'affaire Harry Quebert”) . Ça m’a aussi gêné. Pour finir, l’intrigue est assez convenue, les histoires de rancœur, de rapport au passé, ça été vu mille fois. Pour finir, la fin tragique est bien trop théâtrale, on a sorti les grands effets tapageurs, il y a un côté très artificiel. Cette bande dessinée a été éditée en 1996, elle est assez divertissante, mais je la trouve un peu dépassée, voire superficielle. Bref, cette histoire ne m'a pas emporté.
Commenter  J’apprécie          220
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 23 ..

Avec “Mort sur le lac”, le vingt-troisième tome de la série des Canardo, je retrouve mon détective palmipède préféré renouant avec l'humour traditionnellement grinçant et glauque de la série culte, lancée par Benoît Sokal en 1979. L'humour du précédent album intitulé “Le vieux canard et la mer” (on est toujours dans la parodie des titres célèbres), et dont le scénario était signé d'Hugo Sokal, le fils, était plus satirique que désabusé. Ici, la dénonciation sans concession des turpitudes de notre monde « moderne » est toujours bien présente, mais l'histoire recentrée sur une ribambelle de personnages plombés par la mouise totale et un statut social plutôt déprimant, marque le retour du valeureux canard en robin des bois défenseur de la veuve et de l'orphelin, des sans-grades et des damnés de la terre victimes innocentes du cynisme et de la cupidité des puissants.



Dès la première page, qui plante un décor sinistre à souhait d'installations portuaires à l'abandon sous une pluie battante, apparaît la cliente de notre détective, Laura, une troublante jeune femme devenue amnésique à la recherche… de son identité. Elle confie cette enquête à Canardo, qui, malgré son air bourru et perpétuellement blasé, est sensible aux charmes de cette belle inconnue, surtout lorsqu'elle lui montre de façon ingénue les indices trouvés à la surface de son corps, comme un tatouage sur la fesse ou une brûlure de cigarette sur la poitrine.



L'enquête conduira Canardo à s'intéresser à un trafic louche de boat peoples wallons risquant leur vie pour pouvoir traverser le lac Belga et se rendre au Belgambourd, dans l'espoir d'une vie décente que la Wallonie économiquement sinistrée n'est malheureusement plus capable de leur offrir. Pour ces malheureux, dont on retrouve les corps sur le rivage, la mort est souvent au bout du voyage. Face à l'amoncellement de cadavres, que la tempête seule ne peut expliquer, Canardo soupçonne une réalité encore plus sordide.



On retrouve avec plaisir dans cet album certains personnages déjà rencontrés au cours des précédentes enquêtes : la Duchesse du Belgambourg, au langage si cru, et l'ancien commissaire Garenni, sorti de sa retraite et devenu Chef de la Police du Lac aux ordres des puissants, mais aussi quelques nouveaux venus dans le bestiaire anthropomorphe sokalien, toujours aussi superbement typés, comme Albert, le journaliste de Walloniapart (avec un air de fouine et des rouflaquettes à la Robert Redford dans “Les Hommes du Président”), et bien sûr, l'énigmatique Laura, dont le passé compliqué nous révèlera bien ses surprises (on pense à XIII : amnésie, tatouage, aptitude au maniement des armes, sont leurs points communs les plus frappants).



Les clins d'oeil ne s'arrêtent pas là. Canardo, que la proximité du lac rend romantique, clame des vers De Lamartine, comme pour conjurer une nature devenue hostile. Harry le pêcheur d'anguilles, propriétaire du bar minable décoré d'un immense espadon ou marlin empaillé (autre référence à Hemingway, après le titre du précédent album), semble tout droit sorti du “Port de l'Angoisse” adaptation d'un autre roman du même Hemingway “En avoir ou pas” (dont le héros qui se prénomme également Harry organise le passage de clandestins vers les États-Unis). On se souviendra également du titre de l'un des albums de la série : "Le Canal de l'angoisse". Les frères Dardanne, la famille de taiseux qui hébergent Laura, renvoient incontestablement aux frères Dardenne, cinéastes belges et réalisateurs de films sociaux tels que “Le Silence de Lorna”, drame sur l'immigration clandestine. Toutes ces références renforcent sans l'occulter un scénario très élaboré pimenté par l'humour habituel de la série.



Cet album est le premier volet d'un diptyque, et s'achève sur un cliffhanger. le lecteur totalement conquis mord de bonne grâce à l'hameçon qui lui est tendu et ne peut qu'attendre le second volet, intitulé “La Mort aux yeux verts”. Après des titres suggérant Hemingway et Agatha Christie, voici qu'est annoncé Maurice Leblanc. Décidément, les Sokal multiplient leurs sources d'inspiration, et si avec cette énigmatique demoiselle aux yeux verts le romantisme s'associe une fois de plus au crime, ce sera comme toujours pour notre plus grand plaisir.

Commenter  J’apprécie          211
Aquarica, tome 1 : Roodhaven

Roodhaven, un petit village de pêcheur sinistré. Il y a vingt ans leur dernière baleinière se serait fait éventrer par un monstre marin géant faisant plus de victimes que de rescapés. Et voici que ce crabe immense vient s'échouer sur les plages, dans son flanc une plaque de métal ayant appartenu à la Golden Licorn, la baleinière disparue. L'institut des sciences de la mer va dépêcher un jeune savant pour étudier la bête, mais ce qu'il découvrira va bouleverser ses certitudes!



Sokal et Schuiten nous livre ici un récit fantastique et onirique qui louvoie entre les légendes de la mer. Ils opposent le jeune John Greyford, scientifique cartésien de la ville, à la mystérieuse Aquarica qui lui apprend qu'elle a vécu toute sa vie sur le dos d'une baleine.

J'avoue que j'avais un peu peur en me lançant dans cette bande dessinée. Les récits étranges de Schuiten ne m'ont pas tous parlé. Mais après avoir vaincu sa réticence initiale, et infondée, on se laisse dériver au gré du récit et de ces quelques étrangetés. Un univers particulier, une histoire un peu spéciale, mais qui finit par nous envoûter. On a au final hâte de découvrir la suite!

Le dessin de Sokal offre de bonnes gueules de marins burinés et éprouvés par les tempêtes. Un régal avec une jolie colorisation qui se marie parfaitement à l'histoire.
Commenter  J’apprécie          190
Aquarica, tome 1 : Roodhaven

Quand il y a François Schuiten scénariste ou dessinateur ce ne peux être qu'à lire, c'est l'un de mes dessinateurs préféré depuis Les Cités obscures il y a déjà quelques années. Aquarica est une histoire légendaire de marins baleiniers donnant son nom à une jeune fille. Un mélange de Jules Verne avec l'île flottante (mais cette fois vivante), de Herman Melville avec Moby Dick. Les dessins sont réussis avec un style reprenant l'esprit de marins virils et courageux.
Commenter  J’apprécie          180
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 20 ..

Je suivais les aventures de l’inspecteur Canardo dans les années 80, j’aimais cette ambiance de polar sombre teintée d’un peu de Nestor Burma, d’inspecteur Colombo, à l’atmosphère enfumée ou coule beaucoup d’alcool. L’histoire démarre bien, un case dans une banque, un flic se fait descendre, et un commissaire ivre accusé de bavure. Le graphisme animalier fonctionne bien, le série Blacksad a d’ailleurs réutilisé ce mode avec beaucoup de réussite. Mais voilà, ce n’est pas le Canardo des années 80. A partir du moment où les flics véreux se font zigouiller, le scénario part totalement en cacahuète, tout s’écroule entre incohérence et conclusion bâclée, sans originalité, ça devient du grand n'importe quoi. La première moitié avait laisser entrevoir un bon opus, alors j’en suis ressorti très déçu.
Commenter  J’apprécie          180
Kraa, tome 1 : La vallée perdue

J'ai choisi cette BD pour son titre, que je pensais être le cri d'un corbeau. Eh bien non, j'ai dû changer mon fusil d'épaule : là où je m'attendais à une histoire de type fantasy médiévale, il s'agit en fait de l'Ouest américain, de l'antagonisme entre les hommes qui se veulent découvreurs et civilisateurs et les peuples autochtones, les Indiens, ainsi que la faune de cette vallée oubliée de tous... Pas pour longtemps, malheureusement.



Yuma, jeune Indien, vit heureux avec son grand-père et sa petite soeur, et leur communauté. Lui, qui est doué de capacités chamaniques à communiquer avec les animaux, se lie d'amitié avec un jeune aigle, découvrant qu'il peut entrer dans son esprit, et savoir ce qu'il pense. Pendant ce temps, les hommes, dirigés par Klondike, un homme d'affaires qui projette de fonder une grande ville, d'ériger un barrage et de rechercher toutes matières premières pouvant l'enrichir, arrivent au sein de la vallée, surnommée Lost Valley.



Serons-nous surpris que les bandits qui encadrent l'expédition se comportent mal et déclenchent la colère de Kraa, l'aigle, et de son jeune ami ? Leurs méfaits signent le déclenchement d'une guerre sans pitié, alors même que Kraa et Yuma se rapprochent, le jeune Indien ayant soigné l'aiglon, et lui ayant procuré de la viande pour se nourrir. Leur entreprise de vengeance est désormais commune, et s'ils unissent leurs forces, les hommes peuvent commencer à trembler...



Ce n'est pas tout à fait le type de dessin que j'aime en BD, pourtant, la technique est impressionnante - le dessinateur prend des libertés de cadrage avec les proportions des vignettes, et ces choix sont judicieux et donnent de la force au dessin et à l'intrigue, qui gagne vite en tension. Les vignettes représentant des paysages sont toujours très belles, quoique brumeuses ou sauvagement désolées. Le dessin des hommes est à la limite du caricatural, et paraît parfois brouillon - les hommes sont aussi laids qu'ils sont mauvais, et la folie sanguinaire qui monte au cerveau des deux comparses en est presque excusable.



Je suis curieuse de continuer la série, au moins pour un tome encore ; la série en comporte trois. Nous suivons Kraa, l'aigle sacré, violent et vindicatif, y compris à travers sa voix, quelque peu cynique, qui parcourt les planches, car c'est lui qui raconte l'histoire et mène la danse. J'espère toutefois que Yuma trouvera une forme d'apaisement et sortira de ce cycle infernal, dans lequel les souillures amenées par les hommes l'ont contraint à entrer.
Commenter  J’apprécie          171
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 5 :..

Amerzone, le bien nommé ! Zone amère donc où les personnes se conduisent encore moins bien que des animaux même s'ils en ont la tête et la jungle n'est pas toujours là où on pense la trouver. Le personnage le plus enthousiaste dans l'histoire court après sa propre mort. C'est dire. Une mort dangereuse. La plus mignonne des chiennes peut tuer de sang froid ses proches parents. Et la pire des traitresses, mère maquerelle de surcroit, n'est pas aussi fausse qu'on le pensait. Alors, les répliques fusent, le texte s’allonge, mange souvent les trois quart des vignettes. Le dessin est gras, les décors réduits au minimum, les attitudes un peu stéréotypées, les couleurs rares... ou passées dans l'édition originale sur laquelle j'ai pu mettre la main. J'avais lu le bouquin il y a longtemps, emprunté à la bibliothèque de Draguignan. J'en gardais un autre souvenir. C'est vrai que tout est beaucoup plus beau dans nos souvenirs.
Commenter  J’apprécie          161
Une enquête de l'inspecteur Canardo, tome 7 :..

Dans ce 7ème album (en fait le 8ème, il existe un album numéroté 0), Canardo, fidèle à lui-même, endosse cette fois le costume du détective privé travaillant incognito. Fidèle à lui-même car nous retrouvons sa dégaine habituelle d’Inspecteur Columbo avec imper défraîchi et cravate noire de rigueur, et son esprit est toujours aussi vif une fois dessoûlé… et incognito, car Canardo est en vacances et souhaite bien profiter de son temps de loisir pour faire un break et tenter de noyer dans sa Kluutch préférée, la bleue (*), la noirceur de ses enquêtes : « – Et vous… Qu’en pensez-vous ? – Oh moi… j’suis en vacances » (élude Canardo page 9), puis : « Madame… je suis en vacances ! … et que ce soit clair pour tout le monde : il ne faut pas compter sur moi pour découvrir le meurtrier de Monsieur Durand… » (page 17). Mais, on ne se refait pas, le Poirot qui sommeille en Canardo ne va certainement pas cracher dans la soupe quand plusieurs meurtres mystérieux vont s’offrir à lui.



Il s’agit d’un huis-clos typique : un milieu fermé (une île), plusieurs meurtres atroces reliés entre eux on ne sait comment, un groupe restreint de suspects (les vacanciers), un premier constat inéluctable, aïe, l’assassin est forcément parmi nous, mais ouf, un second constat plus rassurant, on a aussi un détective parmi nous, qui va tout nous expliquer à la fin, après avoir réuni tous les protagonistes. On a déjà vu ça cent fois dans les romans et les films, mais c’est avec un grand plaisir que nous suivons Sokal dérouler ce scénario très classique.



Il s’agit également d’un « film catastrophe », car en effet, dès le début de l’enquête, une sombre menace plane sur les occupants de l’île : le niveau des océans monte ! Menace qui se déduit directement du réchauffement climatique, une prise de conscience avant-gardiste dans un album sorti en 1992, alors que les effets délétères de cette menace ont été rappelés par le 6ème rapport du GIEC, publié en mars 2023.



Les personnages cachent, comme souvent chez Sokal, des fêlures ou des secrets, plus ou moins glauques, que l’on découvre au fur et à mesure et qui leur donnent incontestablement une certaine épaisseur (laissons de côté Canardo et ses vieux démons que nous ne connaissons que trop).



Tout d’abord, Mariette, la jeune fille handicapée mentale qui observe tout le monde de loin avec sa longue-vue (page 3), quel événement traumatisant, responsable de son état, a-t-elle vécu ou vu dans son enfance ? Ensuite, Yann, le propriétaire du bateau organisateur de pêche en mer pour touristes, qui ne cesse de répéter : « C’est tellement bizarre » (page 5 et suivantes), qu’a-t-il vu ou entendu ? Pourquoi l’ingénieur Eugène Plichemard, toujours inquiet de la montée du niveau des eaux : « L’eau monte toujours… de plus en plus vite… c’est très alarmant… » (page 7), poursuit-il inlassablement ses relevés et semble changer d’avis ensuite : « Monsieur Plichemard m’avait certifié que le niveau de l’eau se stabilisait, que tout pouvait recommencer… » (page 40), était-ce parce qu’il en pince secrètement pour la belle Carole (pages 7 et 29). Pourquoi Carole est-elle si attachée à Yann, malgré le physique peu avantageux et le marcel crasseux imprégné de sueur de ce dernier ? : « Je ne vois pas ce que cela a d’étrange : Yann et moi, on s’aime et on va se marier ! » (page 30). Que dire d’Emma, la détective en herbe très critique sur l’inactivité de Canardo : « Je vous trouve bien léger, Monsieur Canardo… » (page 18) et qui décide de prendre en main l’enquête : « …Et je me fait fort de le démasquer avant la fin de la semaine !!! » (page 18), mais qui avouera plus tard avoir un petit faible pour notre enquêteur palmipède (pages 39 et 46). Quant à Victoria, l’amie d’Emma, elle peut se montrer très violente dans ses propos : « Il faut attacher cette petite salope au radiateur et lui claquer le beignet à coups d’annuaire des P.T.T ! » (page 25) mais n’est pas à l’abri d’une crise de nerf devant tant de charge émotionnelle (page 38). Terminons par le romancier, Mr Ballingway, qui débarque sur l’île (page 16), pour terminer un roman qu’il se sent pourtant bien incapable d’écrire : « Hypocrite ! vous savez bien que je n’ai plus rien dans le sifflet ! … Et puis comme on ne demande pas à un pêcheur si ça mord, on ne demande pas à un romancier si ça avance… » (page 41).



Mr Ballingway se démarque des autres personnages : nous l’avons déjà rencontré dans La Cadillac Blanche, en reporter de guerre en quête de scoop, ce qui en fait désormais un personnage récurrent. Ici, il se rapproche de son modèle et alter ego Ernest Hemingway, en avouant qu’il a un roman à terminer (page 19). Souvenons-nous du Vieil Homme et la Mer, roman d’Hemingway dans lequel le vieux pêcheur se bat contre un énorme marlin (et non pas d’un espadon comme on le croit souvent). Le docteur Durand avait lui aussi bien précisé qu’il était venu pour pêcher le marlin, donc ni les maquereaux, ni la morue, ni l’espadon (pages 5 et 6).



Une petite séquence d’érotisme vient relancer l’action (page 26 et suivantes), sinon, nous ne serions pas dans un Canardo digne de ce nom, et je vous laisse deviner quel(s) personnage(s) cherche(nt) à séduire Canardo par un stratagème et des atouts plus que généreux et convaincants. Méfiance, chez Canardo, la femme est souvent fatale !



Les réparties cinglent avec autant de panache que d’habitude, Sokal a toujours été pour moi un dialoguiste hors pair, ajoutant où on s’y attend le moins des aphorismes et de la préciosité à ses répliques, renforçant ainsi les effets comiques dans les situations un peu rudes. Quelques exemples : « – J’ai mauvaise conscience quand je vois défiler devant moi les damnés de la terre… – Vous n’êtes qu’un indécrottable tiers-mondiste, mon vieux !!! Si vous avez l’ambition de faire dans l’aventure exotique, il vaudrait mieux vous bétonner une philosophie moins raffinée… » (page 23) ; « Je ne supporte pas plus longtemps les privautés de cet énergumène… » (page 30) ; « …C’est les nerfs qui lâchent face à une épreuve trop pesante pour une personne psychiquement peu préparée aux aléas de l’aventure… Je vais arranger ça ! » (remarque cinglante suivie d’une gifle qui l’est tout autant, page 38).



Le final à la Agatha Christie se déroule sans surprise, Canardo donne sa version des faits, mais le problème de la montée des eaux, in fine, n’est pas résolu, et à la dernière page, l’ile a disparu, et un travelling arrière montre le bateau où les survivants se sont réfugiés qui semble perdu au milieu de l’immensité de l’Océan. La seule solution que propose Canardo et une sorte de rappel au pessimisme habituel de la série : s’offrir une petite Kluutch (*) et ne plus trop penser au problème. Canardo : comme toujours, un canard sans fausse note !



(*) Kluutch : Bière favorite de Canardo, mais n’essayez pas de la trouver en supermarché, elle n’existe que dans les albums de Sokal. C’est un peu pour Canardo l’équivalent de la Duff (**) pour Homer Simpson. L’album précise d’emblée, dès la première planche : « …Il y a trois sortes de « Kluutch » : la légère, qui ne vaut rien, la classique, avec son étiquette bleue bien connue, et, enfin, la rouge qui est bien trop forte pour être bue par cette chaleur... ». On retrouvera cette marque de bière fictive dans de nombreux autres albums de Canardo.



(**) Duff : A l’origine une marque de bière fictive de la série Les Simpson, mais devenue réelle depuis 2006 aux États-Unis et en 2009 en Europe, malgré l'opposition de Matt Groening.
Commenter  J’apprécie          151




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Benoît Sokal (652)Voir plus

Quiz Voir plus

Intrus...

Trouvez l’intrus parmi ces 11 propositions.

Garfield
Azraël
Felix
Hello kitty
Felix
Droopy
Tom
Duchesse
Lucifer
Figaro
Isidore

1 questions
27 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}