Citations de Bernard Minier (1867)
Il n'y a que la poésie pour dire l'incapacité de l'homme à appréhender le sens de notre passage sur cette terre,
p61
Le vecteur du paludisme c'est le moustique. Celui de la folie, ou du moins son vecteur préféré ce sont les médias.
...les quatre cavaliers de l Apocalypse avaient pour nom, finance, politique, religion et épuisement des ressources, et ils cravachaient ferme - mais la fourmilière continuait de danser sur le volcan et de se passionner pour des choses aussi insignifiantes que le football.
P. fixait Servaz, bouche grande ouverte, les yeux écarquillés par la peur. Il hurlait. A présent, Servaz pouvait entendre le hurlement même à travers les vitres - malgré le vent, le bruit des poulies et celui des câbles. Il n'avait jamais lu une telle terreur sur un visage. C'était comme s'il allait se craqueler, se fendre d'un instant à l'autre.
P426
Nous y voilà, se dit-il. Éric Lombard, fils d'Henri Lombard, petit-fils d'Édouard Lombard... Une dynastie de financiers, de capitaines d'industrie et d'entrepreneurs qui régnait sur ce coin des Pyrénées, sur le département et même sur la région depuis six décennies. Avec, bien entendu, un accès illimité à toutes les antichambres du pouvoir. Dans ce pays, les pur-sang d'Éric Lombard avaient certainement plus d'importance qu'un SDF assassiné.
Elle pensait à eux comme à des gens, à des hommes - non comme à des... monstres.
C'était pourtant ce qu'ils étaient : des individus authentiquement monstrueux, des êtres aussi éloignés d'elle, de ses parents et de tous ceux qu'elle connaissait qu'un tigre l'est d'un chat.
Des tigres...
C'était ainsi qu'il fallait les voir : imprévisibles, dangereux, capables d'une cruauté inconcevable. Des tigres enfermés dans la montagne...
Le moteur hors-bord de 40 chevaux avait rendu l'âme peu de temps après leur départ ; la coque pourrie du vieux rafiot craquait à chaque coup de mer. Drissa songeait en claquant des dents aux passeurs libyens qui leur avaient pris leurs dernières économies pour leur vendre ce radeau en sachant qu'ils les envoyaient probablement à la mort, aux Touaregs de Gao, aux marchands d'esclaves de Dirkou, aux militaires et aux gardes-frontières, à tous ces charognards sur leur route qui s'étaient enrichis à leurs dépens à chaque étape de leur "voyage" - et il les maudissait. Une dizaine d'hommes et de femmes étaient déjà morts de soif pendant la traversée et ils avaient été jetés par-dessus bord, plusieurs enfants avaient de la fièvre. (p. 295-296)
Dans chaque jeune, il y a un vieillard qui sommeille, se dit-il. À moins que ce ne fut l'inverse.
Les enfants sont sans pitié, et Rousseau avait tort : ce n'est pas la société qui les corrompt. Ils sont comme ça, c'est tout. Il faut faire avec.
P 95
Il se souvint que, dans les livres et les bandes dessinées de son enfance, les héros - animaux ou humains - étaient tous courageux, droits, honnêtes. Aujourd'hui, il ne voyait que des séries télé ou des films dont les héros étaient veules, menteurs, manipulateurs, cyniques. A la Bourse des valeurs fictionnelles, la droiture, le courage physique, l'élégance morale n'avaient plus la cote.
P 172
Rien n'est permanent sauf le changement.
Cela ressemblait à un papillon géant, un papillon sombre et maléfique qui se détachait sur la blancheur de la neige et du ciel.
Partout dans le pays, c'était la même rage désinhibée, le même effondrement de l'autorité. Une vraie guerre, qui avait lieu tous les jours dans la rue. Une guerre perdue d'avance tant que les flics seraient livrés à eux-mêmes, méprisés ou abandonnés à leur sort par les juges, sous-équipés, et honnis par certains de ceux qu'ils étaient censés protéger...
La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées. Sa peur avait un son - celui de sa propre respiration terrorisée et de son cœur qui battait -, elle avait une odeur - celle de sa transpiration et de cette chose puante sur sa tête -, elle avait une couleur : noir, noir de la foret, noir de l'âme de ces hommes, noir de sa propre peau.
... il existait encore en France des personnes sans Internet, qu'on obligeait désormais à déclarer leurs revenus en ligne. Moïra considérait cela comme une atteinte à leur liberté: c'était la marche forcée du progrès - et ceux qui le refusait se voyaient toujours contraints de ployer l'échine.
Il songea que deux mondes coexistaient sans se mêler, comme l'huile et l'eau: celui de la vie, de l'insouciance , de la jeunesse et de l'espoir ; et celui de la maladie, de la souffrance, du déclin et de la mort. Tout un chacun, tôt ou tard , était amené à connaitre les deux, mais certaines professions - infirmières, pompiers, pompes funèbres, flics ...- passaient chaque jour de l'un à l'autre.
Cinq minutes plus tard, quand il eut terminé de résumer l'affaire des Communiantes, il avait obtenu une curiosité mêlée de stupeur et de perplexité. Tout le monde autour de la table était conscient que quelqu'un avait ouvert la boîte de Pandore. Le passé qui ressurgit et qui vient se mêler à l'enquête en cours, c'est le cauchemar de tout flic.
– Il n’y a que la poésie pour dire l’incapacité de l’homme à appréhender le sens de notre passage sur cette terre, dit-il. Et pourtant, si on lui donne le choix, L’Humanité préférera toujours le football à Victor Hugo.
– Vous n’aimez pas le sport à la télé ? Le taquina Servaz.
– Du pain et des jeux. Rien de très nouveau. Au moins les gladiateurs mettaient-ils leur vie en jeu, ça avait tout de même une autre allure que ces gamins en short courant après un ballon.
J’aspirais au repos,
au sommeil,
à la mort…
Mes pensées étaient un chaos sans nom.
Mon cerveau un incendie.
J’ai hurlé : « Je n’ai plus rien ! Plus personne ! J’ai tout perdu ! Elles sont toutes mortes, vous entendez ? »
Et je crois bien qu’à ce moment-là tout le monde s’est retourné.
Puis je me suis évanoui.
Ira furor brevis est. "La colère est une courte folie."