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Citations de Bernard Noël (282)


Derrière la peau de pierre
  
  
  
  
Derrière la peau de pierre
on a une pensée pour l’invisible
et comme un coin
on l’enfonce dans le présent.
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attiré
  
  
  
  
attiré
par quelque chose
et cette chose est l’attente
que j’en ai mon désir
jeté dans l’absence
y fait trembler les traces d’un nom
ce nom accomplit en moi
le travail qu’accomplit en l’air
un battement d’aile silencieux
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parfois les mains
  
  
  
  
parfois les mains serrent un morceau de mémoire
elles ne l’ont pas pris ils est là sur leur peau
revenu depuis le fond de la chair compacte
à moins qu’un cœur ne coule tout à coup
dans un autre cœur
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vais à la fontaine
  
  
  
  
vais à la fontaine chercher de l’eau fraîche
croisé un tas de coquilles de noisettes
la pensée de l’écureuil chasse un instant
la pensée de l’impensable
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NULLE PART
  
  
  
  
quelqu’un n’a pas posé sa main sur ma nuque
aussi le manque n’a-t-il pas de visage
il est là simplement comme un toucher froid
un rappel de la parfaite solitude
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le tu regarde son silence
  
  
  
  
le tu regarde son silence et comment
vivre tout à la fois l’être et le non-être
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qui parle si la nuit est vide
et vide la lisière
et vide aussi ma voix

on tend sa main
et c’est un arbre sec sur le couchant

terrifiante
terrible la mer ou le soleil se noie
et ma montagne est noire
[..]

la main est pleine d’ombre
et puis et puis
on est soudain très vieux
avec une aube dans la tête
levée de dix mille ans

qui passe
qui refuse sa voix
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Bernard Noël
L'acte de poésie
©POL, 1998

Cet acte implique un corps en train de constater que, une fois de plus, il s'est mis dans la posture d'attendre un poème, de provoquer sa venue, de l'écrire. Et cependant qu'il élabore cette attente en observant des règles qu'il s'est inventées, il se dit que son activité est bien ambiguë, elle qui l'entraîne à pratiquer un jeu où il n'engage en principe qu'un peu de son temps mais avec l'impression d'y engager bien davantage puisqu'il y fait figurer sa vie. Il sait bien entendu que ce sont les signes et les images – les visibles et les mentales et combien les uns comme les autres ont besoin de n'être rien en eux-mêmes afin de simuler le tout de ce qu'ils représentent. A quoi lui sert ce savoir quand, assis devant sa feuille, il prend conscience que l'âge ne va pas l'empêcher de jouer sa partie ni modérer l'illusion d'y miser toute sa faculté de s'exprimer, c'est-à-dire l'ensemble de ses relations avec tout ce qui lui importe au monde. Il augmenterait même la mise, si c'était possible, et sans ignorer pour autant qu'aussi élevée soit-elle, et si réussi soit le jeu, il n'en tirera pour finir qu'une déception. Qu'est-ce que la poésie? C'est d'abord pour celui qui la pratique la déception de ne pouvoir jamais aller jusqu'au bout – ou du moins de ne jamais pouvoir s'y tenir – alors qu'il a semblé que, cette fois, l'enjeu mettait réellement aux prises le réel et l'artifice jusqu'à promettre l'épuisement de ce dernier au bénéfice d'un saut enfin réussi dans l'indiscutable et le définitif.

Après quoi, il ne reste devant la page que le lecteur d'une précipitation verbale mise en échec par sa propre nature, et ledit lecteur éprouve en lisant la perturbation d'être à la fois dans deux espaces vu qu'en allant d'un mot à l'autre il ne va plus vers ce que pourtant ils ont exprimé dans leur premier mouvement. Le papier est redevenu du papier, et le poète est redevenu un homme assis devant, et qui se trouve quelque peu ridicule en pensant à la mêlée dans laquelle il vient d'affronter une espèce de réalité absolue.

Les livres font oublier à leurs lecteurs la discontinuité qui les sépare, et qui est la vie de leurs auteurs. Ils font par conséquenct oublier le corps, et tout ce qui l'occupe, en fabriquant une continuité idéale où les événements de l'existence deviennent des allégories. L'auteur lui-même occupe ainsi la fonction de transformateur des choses ordinaires en signes exceptionnels, ce que personne ne songerait à lui reprocher dès lors qu'il donne satisfaction. D'ailleurs, comment un livre pourrait-il s'opposer au désir de lecture qu'il suscite et qui est sa raison d'être?

Cette question parfaitement insensée a pour but de faire entendre le genre de contestation qu'un poète peut élever contre lui-même dès qu'il se trouve rendu à sa condition de vivant. Je ne suis pas sûr d'exprimer là autre chose qu'un point de vue personnel, en vérité une révolte contre cela même qui m'occupe parfois passionnément mais ne m'en reste pas moins insupportable à force de laisser pour compte cette chair vivante qui n'entrera jamais dans les livres. Absurde, dira-t-on, et j'en conviens en m'obligeant à préciser que le corps, chez moi, n'est que la figure du refus de la résignation. Mais qu'est-ce que la poésie? si elle n'est pas d'abord ce refus, qui la pousse constamment à dresser les vers sur la page pour qu'ils n'aillent pas comme vont les lignes au gré de l'enchaînement – qui la pousse à ne pas se résigner à la ligne du temps en lui faisant barrage par un empilement de fragments sonores.

Sans doute la révolte n'est-elle pas une loi de la poésie, qui bien plus souvent a pratiqué la célébration. Je suis sûr que la poésie dit tout ce qu'elle dit en le disant, et c'est là son seul absolu, et c'est là ma principale raison de la pratiquer parce qu'il n'est rien d'autre qui rendre pareillement indissociable l'événement verbal et son expression. Cela étant, l'auteur n'en retombe pas moins dans sa vie, qui elle aussi vit tout ce qu'elle peut vivre en le vivant.

Faire acte de poésie serait-ce opérer le transfert de quelque chose d'entier comme la vie dans une expression également entière comme le poème – ou bien n'est-ce là qu'une illusion dictée par le désir utopique de réunir enfin ce qui tout au plus se croise dans la représentation comme font le corps et son reflet dans le miroir? Je pense tout à coup au vieux Matisse pour la raison probablement qu'il me fait apercevoir un geste plus visible que tous les gestes d'écriture. Matisse, dans les dernières années de sa vie, gouachait de grandes feuilles de papier pour en faire des espaces monochromes, en fait des blocs d'espaces comme on pourrait parler de volumes d'air. Puis il prenait une paire de cisaux et, a-t-il raconté à André Verdet : "Vous ne pouvez vous figurer à quel point la sensation du vol qui se dégage en moi m'aide à mieux ajuster ma main quand elle conduit le trajet des ciseaux..."

Cette confidence m'obsède depuis des années qu'elle me donne à voir la vieille main libérée de toute pesanteur et découpant l'espace à la manière de l'aile d'un oiseau. Aucun doute, la main s'est bien envolée pour tracer par exemple les contours d'un nu bleu et en sculpter le volume dans le bloc d'air... Et pourtant le voici à présent au mur – comme n'importe quelle image peinte, au mur et tout empaillé de papier... Il arrive néanmoins que la vibration revienne révéler la vraie nature en faisant trembler l'air bleu, mais le plus souvent rien ne bouge.

Dès que la main a perdu ses ailes, c'est comme si elle n'avait jamais volé, sinon le temps d'une illusion.
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Bernard Noël
«Être inacceptable... Il ne s'agissait pas de faire scandale ni violence, mais de céder à l'emportement d'une révolte qui, en soulevant l'imagination, combattait la censure intérieure et la réserve timide. L'écriture fut en touts cas un moment de jubilation et de liberté intenses, car être inacceptable conduit simplement à ne pas accepter les oppressions de l'ordre moral et de sa propre soumission. Ce livre, poursuivi pour outrage aux moeurs, est-il devenu inoffensif ? Ou bien la censure s'est-elle faite plus subtile en privant de sens - donc de plaisir - aussi bien les excès imaginaires que les valeurs raisonnables ?»
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Bernard Noël
Le corps est un langage pour moi. Un langage qui m’a permis de réarticuler les mots ensemble, en me référant à quelque chose de déjà précis, de déjà fondé, le corps. Quel porte ouverte sur quel vide, étreinte avec quel extrême, pour nous réservée ?
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Bernard Noël
Forme
des formes
non
une forme générale
mouvante sous le toucher de l'oeil
vibrante
les encres de Zao Wou-Ki sont fondées sur
leur propre substance et
le vide
pas de projet directeur pas de schéma de dessin
rien que le désir
ou plus exactement la pensée
de peindre
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Bernard Noël
TGV 1 : TGV


[...]
la vie ne se trouve-t-elle pas changée
si nous éradiquons d'elle l'impensable
est-ce bien un cerveau que j'ai en tête
est-ce bien du sang qu'expédie mon coeur
est-ce bien moi qui dit je
tout à coup nous entendons des mots
et c'est aussi des mots que nous avons
en bouche
et non plus de fantôme de réalité

Bernard NOËL, Le service verbal, Cheyne 2000, p. 46. Les éditions du Cheyne
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Bernard Noël

On ne reste jamais longtemps devant soi, pour autant qu'on y parvienne

Antoine Emaz - Lichen, lichen

Présentation

Bernard Noël est né en 1930 dans l'Aveyron. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, romans, recueils de poésie, critiques d'art...

Bernard Noël - extrait de L'ombre du double

toi qui es dans mon tu

mon présent est une pierre
tu la jettes dans mes yeux

la page de verre monte
le visage éclate dedans

je tète le blanc
le linge du regard volé

le lit du temps coule
au milieu de la bouche

dans L’ombre du double, éditions P.O.L, page 30



Bernard Noël - extrait de Les yeux dans la couleur

27 –

certains bâtissent une respiration
ils savent que dedans et dehors
souffle le même espace

ils savent que les murs ne doivent
ni couper le souffle

ni boucher la vue

dans Les yeux dans la couleur, éditions P.O.L page 93



Bernard Noël - extrait de La face de silence

XXII

quelqu’un demeure au bord
bouche collée à l’avenir
mais nul à vif
ne définit la forme qui le hante

trop de temps à dissoudre
en ce lieu tangent à l’infini
et la fin l’impatiente

douleur
douleur risible
d’avoir encore à devenir

(Editions P.O.L. page 45)
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Bernard Noël
27 –

certains bâtissent une respiration
ils savent que dedans et dehors
souffle le même espace

ils savent que les murs ne doivent
ni couper le souffle

ni boucher la vue

dans Les yeux dans la couleur, éditions P.O.L page 93
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Bernard Noël
toi qui es dans mon tu

mon présent est une pierre
tu la jettes dans mes yeux

la page de verre monte
le visage éclate dedans

je tète le blanc
le linge du regard volé

le lit du temps coule
au milieu de la bouche

dans L’ombre du double, éditions P.O.L, page 30
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Bernard Noël
« La tête voit mais ne domine plus. La tête est toute voyante, mais elle est aussi le corps, le bleu du ciel et cette absence de lieu l’augmente de tous les lieux...»
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Bernard Noël
« Je suis la bordure du bleu. / Je suis la bordure de l’air.»
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L’invisible est derrière les yeux, c’est l’épaisseur du corps.
Jamais assez de peau voyante sur nos yeux »... Les pieds, la bouche, le sexe participe(raie)nt à cette transe du regard extasié... On n’en finirait pas, dans cette patiente méditation de l’œil dans tous ses états, de parcourir, d’un livre l’autre, ce que vous nommez significativement « un circuit d’échange entre la chair du corps et l’air du monde.
Pour voir, il faut faire retour vers le corps .
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GRAND ARBRE BLANC

A André Pieyre de Mandiargues

à l’Orient vieilli
la ruche est morte
le ciel n’est plus que cire sèche

sous la paille noircie
l’or s’est couvert de mousse

les dieux mourants
ont mangé leur regard
puis la clef

il a fait froid

il a fait froid
et sur le temps droit comme un i
un œil rond a gelé

grand arbre
nous n’avons plus de branches
ni de Levant ni de Couchant
le sommeil s’est tué à l’Ouest
avec l’idée de jour

grand arbre
nous voici verticaux sous l’étoile
et la beauté nous a blanchis

mais si creuse est la nuit
que l’on voudrait grandir
grandir
jusqu’à remplir ce regard sans paupière

grand arbre
l’espace est rond
et nous sommes
Nord-Sud
l’éventail replié des saisons
le cri sans bouche
la pile de vertèbres

grand arbre
le temps n’a plus de feuilles
la mort a mis un baiser blanc
sur chaque souvenir
mais notre chair
est aussi pierre qui pousse
et sève de la roue

grand arbre
l’ombre a séché au pied du sel
l’écorce n’a plus d’âge
et notre cœur est nu
grand arbre
l’œil est sur notre front
nous avons mangé la mousse
et jeté l’or

pourtant
le chant des signes
ranime au fond de l’air
d’atroces armes blanches

qui tue
qui parle

le sang
le sang n’est que sens de l’absence
et il fait froid

grand arbre
il fait froid
et c’est la vanité du vent
morte l’abeille
sa pensée nous fait ruche
les mots
les mots déjà
butinent dans la gorge

grand arbre
blanc debout
nos feuilles sont dedans
et la mort qui nous lèche
est seule bouche du savoir

(éditions P.O.L. page 91 à 96)
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Au neuvième temps, on parle d'organes et de circulation. Certains se risquent à les dessiner, d'autres inventent des mots comme cœur, estomac, poumons... Et la tête ? réclame quelqu'un. On la lui coupe pour voir. C'est un trop plein, assurent les coupeurs, en la décalottant, mais c'est pour éviter les complications, et ne fournir aucun argument aux manipulateurs, qui distinguent l’intérieur et l'extérieur.
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