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Citations de Bertrand Schefer (33)


«  À dix- neuf ans, être fiancée à un jeune aventurier français et concourir pour le titre mondial de beauté quand il y a deux ans à peine on l’imagine rentrer à vélo du lycée en jupe plissée et socquettes blanches à travers les rues toutes identiquement briquetées de sa banlieue copenhagoise, s’attabler devant les boulettes de viande que son père boucher rapporte chaque jour de sa boutique, c’est percer d’un coup cette muraille que tant d’autres ne parviennent pas même à entamer dix ans plus tard »
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C'est là, dans Paris, à quelques mètres de la Seine qui coule vert-de-gris au ras des quais. Les morts se relèvent dans une odeur d'alcool. On les voit errer dans les supermarchés et remplir des caddies sans y penser. Ils traînent des pieds en râlant, une hache fichée dans la tête.
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Bertrand Schefer
Alors un silence s'est installé, en moi avec lui, et un couvercle a été scellé sur son fantôme, tout a été nié en bloc de la vie d'avant que je renouvelle dans l'inconscience et le désordre, que je lave dans des nuits sans fin et de la musique forte où mon corps se déchaîne jusqu'à ne plus rien sentir et glisserlui aussi sans obstacle dans les rues, les escaliers, les chambres.
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C'est en 1975 ou 1976, j'ai trois ans. Je rentre à l'école. Mes parents, qui vivent séparés depuis plusieurs années, ont officiellement divorcé. Mon fère doit avoir onze ans. Les souvenirs de ce temps sont vagues. Déjà, j'ai l'impression de vivre seul avec ma mère.
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En traversant la Seine, il est subitement pris à la gorge par la nostalgie d'un soleil assez lointain que lui rappellent souvent certaines lumières de Paris, quand les rues s'élargissent soudain au détour d'un boulevard ou à la faveur d'un coup de vent qui nettoie le ciel.
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« Elle avait suspendu le sens, désactivé les vieilles catégories : portrait, autoportrait, paysage, nu. En s’enfermant, elle avait pulvérisé l’espace photographique : ce n’était pas elle qui disparaissait dans l’image, mais toute la vieille photographie qui se désintégrait entre ses mains. Elle avait trouvé une porte secrète par où entrer à l’intérieur de l’image et arrêter sous nos yeux son processus mortifère d’immobilisation du temps. Toutes ses images ne formaient qu’une seule et même grande photographie en mouvement, qui est un film sans histoire et sans retour, immobile et muet. »
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"Onze mois d'errances, des centaines de procès-verbaux, trois fois le tour d'Europe et un voyage à New York : on ne peut pas dire que l'affaire ait été rondement menée, mais le finish est fulgurant. La cadence va maintenant s'accélérer. Comme si, en attrapant un dossier en équilibre sur le rayonnage du haut, c'était toute l'étagère qui venait d'un coup et s'éparpillait au sol avec, au beau milieu, un volume de la Série noire que son titre suffit à transformer en preuve accablante : Rapt. Les policiers n'ont pas besoin d'aller bien loin dans leur lecture lorsqu'ils retrouvent le livre chez Larcher : c'est juste là, sur le rabat de la couverture, la lettre fictive des ravisseurs qui sert d'accroche au livre. C'est mot pour mot la lettre retrouvée u pied du toboggan de l'aire de jeux du golf de Saint-Cloud. Seuls les noms ont été changés. Ils la connaissent par cœur, c'est la pièce à conviction n° 1 et pour eux c'est maintenant la page qui se sépare en deux."
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   Quand je compte sur mes doigts, ce
ne sont plus les années qui défilent, mais
les décennies. Bientôt la quarantaine.


p.37
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"Je n'ai pas voulu voir qu'il fallait passer à autre chose, je me suis accroché à la jeunesse qui s'enfuyait, que Martin avant figée dans son refus et son déni de tout, et tout est parti en miettes en m'explosant à la figure, parce que celui qui refusait de s'engager et de bouger se détruisait finalement plus vite que nous. Et maintenant j'avais pris sa place, un jour comme celui-ci : j'avais dans les yeux de sa mère dit adieu pour lui à son père. Lui pas revu depuis dix ans ou quinze peut-être, mais avant cela pas revu ce qu'on appelle vraiment depuis vingt ans, lui dont j'avais parlé aux uns et aux autres, des semaines, des mois, des années, dans le secret et en public, dont j'avais ravivé le souvenir chez nos anciens camarades acteurs, dans le contexte brutal et indifférent du cinéma, où tout devient un jour ou l'autre instrument de promotion et de réussite, lui errant sans rien peut-être mort ou fou sans retour, Rimbaud blasé sans œuvre, sur les routes, ailleurs, aura servi de ressort à cette comédie dont je dois maintenant supporter l'échec."
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Elle a trouvé, inventé le lieu pour se montrer et disparaître. Personne n'avait pensé à ça de cette façon, à ces pièces nues, vides mais vivantes. Elle l'a trouvé tout de suite, et elle n'en est jamais sortie. Il n'y a pas de ciel, jamais. Pratiquement aucun extérieur. Rarement une fenêtre. Mais toujours des pièces vides, des murs et des angles. Et un corps, le sien, qui l'arpente, le mesure, détermine ses limites, ses possibilités, ses frontières, ses impasses. Au départ, tout est fermé. Corps plié, allongé, recroquevillé. Qui se demande comment traverser cette courte portion d'espace, la saisir, y être. Qui se demande comment être là.

p. 21
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Il faut se livrer au temps qui passe et savoir qu’à tout instant on court le risque d’être débordé, puisqu’on ne peut pas tout retenir, parce que nos mains ne peuvent endiguer tant d’eau qui déborde et coule entre nos doigts.

Et au milieu de cette avalanche, de ce flux qu’on aimerait arrêter, mais qui fuit de toutes parts, quelque chose finit par se détacher dans l’épiphanie de certains visages arrachés à la foule.
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Toucher la poignance, parfois dans le plus infime détail de l’enquête, de la dérive, du voyage. Le regard d’une femme sur un marché africain. Une poupée cassée qu’on brûle au Japon.
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Dans chaque recoin, tout passe et tout défile. Impossible d’arrêter ce flux, faute de temps. Le film c’est du temps, c’est dans le temps, bien sûr, mais on sent qu’on touche ici peu à peu à son tissu même, à sa matière, car tout n’est que passage et transition, montage analogique, rythmique : ce qui motive et ouvre un passage entre une jeune fille capverdienne vue en contre-jour et une statue de chat japonais, ce ne peut être seulement une similitude de silhouette découpée dans la lumière, ni un simple jeu formel… c’est une communication en profondeur, ou mieux une communion, un mystère d’incarnation.
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Les correspondances, les analogies secrètes entre les temps et les lieux, laissent un sentiment inouï de richesse et de profusion, mais aussi d’égarement, comme si nous étions perdus dans les couloirs du temps. Sans soleil est semblable à ce qu’il montre : un film qui est une ville, un pays, une architecture vivante, une population fluctuante, une mémoire.
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Ce qu’il invente, c’est un poème qui coupe et taille dans le temps, un poème fait de raccords de souvenirs enregistrés par la caméra. Ce qu’il nous livre, c’est une méditation, en forme de vertige.

Ce vertige, je le ressens à chaque pas, et je voudrais justement pouvoir lui donner une forme. C’est vers lui qu’il faut aller.
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On a le sentiment qu’il filme ce qu’il découvre en même temps qu’il le découvre, et j’ai la conviction que les images qu’on saisit à ce moment, qui est l’une des questions principales à laquelle nous sommes confrontés, ne sont jamais les bonnes : ce sont des passages obligés, des images réflexes, au fond inutiles : ce sont des écrans vides, relais pur et simple de tout ce qui vibre à la surface des immeubles de Tokyo. Ces premières images ne sont jamais que des négociations plus ou moins pertinentes avec le cliché et se ressemblent toutes. Au bout de quelques jours, de quelques semaines à arpenter une ville inconnue, on ne prend déjà plus les mêmes images.
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Nous disons que voir c’est toujours déjà se souvenir et qu’en se tenant à la limite du sommeil, à l’instant où les paupières se baissent, où la conscience se relâche, on se souvient déjà de ce qu’on est en train de voir, qu’on voit le souvenir se faire avant de s’oublier, qu’il apparaît sous les yeux dans le temps présent qui fuit, qu’il est le présent, parce qu’on ne pourrait pas expliquer la mémoire sinon, elle n’aurait aucun sens, aucun sol, aucune matière. Nous pensons que c’est de là que vient cette impression de déjà-vu, et nous pensons que toutes les images enregistrées depuis le commencement racontent cela : l’apparition de leur disparition.
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Nous sommes seuls dans le silence de notre chambre noire. Nous lâchons prise. Les histoires arrêtées se poursuivent en nous. Nous imaginons leur suite. Nous sommes leur suite et leur avenir.
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Les images essaient de revenir à nous mais elles se perdent. Nous repensons aux lieux, aux instants impressionnés par la pellicule. Nous repensons aux visages aimés, tus, oubliés, inconnus. Nous aimerions les revoir. Les redévelopper à l’intérieur de nous. Nous voudrions que notre corps tout entier soit une chambre noire, et notre esprit l’enregistreur indéfectible de tout ce qui a été vu. Et puis c’est un rideau qui tombe, un escalier qui tourne, une porte qui se referme.
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Chacun est pris dans l’expression complète de sa vie, qui s’accroche à celle des autres, nous le sentons, nous le voyons sur leurs visages. Nous avons l’impression d’être en eux, de nous retrouver au plus près de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils voient. Nous voyons par leurs yeux. Ce qu’ils voient se reflète à la surface de notre œil. C’est troublant. Nous avons la certitude de reconnaître certains d’entre eux. Ils nous sont familiers, comme les visages sur les photos anciennes : le souvenir des autres, mêlé au nôtre, indistinctement. La sensation est confuse. Le film va commencer, les gens s’installent, le silence se fait peu à peu. Nous avons envie de nous asseoir sur l’un des fauteuils capitonnés de la salle mais il fait si sombre, nous avons peur de nous assoupir, et craignons de ne plus rien reconnaître en nous réveillant, nous redoutons de passer de l’autre côté du miroir. Nous sourions à l’idée de cette peur enfantine qui nous a traversé l’esprit.
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