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Critiques de Bibhouti Bhoushan Banerji (35)
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De la forêt

Une découverte et une vraie ! Bien que ce livre ait été écrit en 1937, ce n’est que récemment que la version française a été publiée.

Cet auteur bengali, nous propose un des premiers grands romans écologiques, qui bien que datant de près de 80 ans, est toujours d’une incroyable actualité aujourd’hui : La menace que fait planer sur une nature en équilibre, l’avancée de la modernité et du développement, y compris le tourisme. Un visionnaire en quelque sorte.

Mais rassurez-vous, ce livre n’a rien de triste en soi. Vous vous régalerez page après page des exubérantes descriptions des paysages de la jungle et des forêts, vous comprendrez la sagesse de ces populations qui bien que pour la plupart totalement démunies, n’aspirent pas à la richesse, vous aimerez les danseurs et les poètes qui tentent de vivre de leur art, vous comprendrez un peu mieux l’organisation des castes, découvrirez des rois déchus et des divinités protectrices incroyables.

Voici un livre fascinant, vraiment différent, qui m’a enchanté et que je recommande.

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De la forêt

J'aurais pu passer à côté de cette histoire... Il n'a jamais été mis en avant chez les libraires, dans les critiques... C'est en le voyant dans une pile de livres dont mon ami Hugues se défaisait, que j'ai été attiré par lui! Sa couverture hyper colorée a attisé ma curiosité 😊. Pour le reste, j'avoue que le 4ème de couverture était assez neutre... Mon intuition allait il le porter chance et me permettre une belle découverte?... Je ne ferai pas durer le suspense... J'ai adoré à tous les niveaux! C'était le livre qu'il me fallait dans le contexte dans lequel l'actualité me mettait ( Je suis indépendante et tiens un commerce de jeux et jouets... Considéré comme non essentiel en Belgique, nous avons connu un mois le travail à distence et le mois de décembre ouvert avec des conditions drastiques à respecter )... Il me fallait m'évader le soir malgré la fatigue... Et j'ai fait plus que ça!



Bibhouti Bhousan Banerji qui est l'auteur De la Forêt, est dans son pays considéré comme un grand écrivain. Et je veux bien le croire! Son texte a été édité en 1938 et quel modernité tellement il arrive à toucher l'intemporel! Par ses mots j'ai été transportée dans un état de contemplation qui a nourrit au fil des pages mon Amour pour la Nature! Il a su nourrir un style et trouver les mots pour partager avec nous les merveilles de la nature, la jungle en particulier, sans tomber dans le mièvre, sans créer de temps morts... Tout au contraire! J'ai plongé dans cette nature, dans cette jungle et dans l'histoire de ses habitants qui ensemble m'ont fait toucher du doigts la grande Histoire de l'Inde avec ses coutumes!



On y suit Satyacharan et ses souvenirs où à une époque de sa vie où il était jeune diplômé de Calcutta, à la recherche d'un emploi et sans argent, il fit la rencontre lors d'une fête, d'un de ses anciens amis. Celui - ci ayant confiance, lui propose un emploi de régisseur pour les forêts du district de Purnea que sa famille possède. Satyacharan aura pour mission de créer des parcelles dans ces forêts et d'y installer des métayers pour les cultiver.



Arrivé sur les lieux, Satyacharan prend peur... Peur de ce monde coupé de toutes les distractions auxquels sa vie l'avait habituées! Peur de ne pas s'habituer à cette vie rythmée par la biodiversité de la jungle dont il avait la charge... Mais au fur et à mesure qu'il apprit à la connaître, à découvrir les trésors que celle - ci recèle en son sein, c'est tout le contraire qu'il vécut... Au point que son travail devint de plus en plus dur à assumer... Quitte à devoir le faire, quitte à devoir participer à la destruction de ce trésor, autant alors donner sa chance à ceux qui en ont besoin! C'est comme cela que nous rencontrons tout un ensemble d'hommes et de femmes qui vont marquer de leur empreinte Satyacharan et nous marquer par la même occasion! Nous marquer aussi à notre rapport au monde...



En refermant le livre, j'ai pleuré la fin de cette jungle... Comme si je perdais un être cher, une amie et avec elle, des proches! Pourtant je ne suis jamais allée en Inde... C'est vous dire comme Bibhouti Bhousan Banerji a su trouver les mots pour nous emmener là-bas, au coeur de sa jungle qui n'est plus.... Et en cela, je rejoins le 4ème de couverture, c'est un grand roman ecologique et paraît il le premier écrit!
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De la forêt

Satyacharan est un jeune homme tout juste diplômé à la recherche d’un emploi. Il se voit proposer un poste de régisseur bien loin de sa Calcutta natale, dans la forêt de Labatuliya. Son travail consistera à distribuer des terres aux paysans, des lopins de forêt qu’ils devront défricher pour s’y installer et entreprendre de cultiver la terre.



Très vite, la magie des lieux, de la forêt et des personnes qu’il rencontre vont opérer sur le jeune homme qui doit pourtant se rendre à l’évidence : le travail qu’il effectue signifie la disparition de cette forêt auquel il s’est attaché.



Ce livre est encore une fois une très belle découverte due aux Editions Zulma qui ont eu la formidable idée de publier ce livre de la littérature bengalie.



Écrit dans les années 1930 ce roman frappe par sa très grande modernité et ses préoccupations très actuelles autour de la disparition de la nature au profit d’activités humaines. La nature est le personnage principal de ce récit qui regorge de figures pittoresques et attachantes comme Yugalprasad, horticulteur amateur qui plante de nouvelles espèces au cœur de la forêt. Ou Bhanumati, jeune fille issue d’une famille royale déchue.



Pendant les sept années que Satyacharan va passer dans ces lieux, il aura maintes fois l’occasion de s’émerveiller de tout ce que la nature offre à celui qui sait la regarder. La faune et la flore jouent évidemment un rôle primordial mais aussi toutes les légendes qui sont attachées à cette immense forêt et qui disparaîtront probablement avec elle.



Ce roman dégage une atmosphère à la fois paisible et pleine de nostalgie. Paisible car les habitants vivent au rythme des saisons et nostalgique car inévitablement ce monde est amené à finir.



Bibhouti Bhoushan Banerji nous emmène aussi à la rencontre d‘une population qui vit très loin de la modernité des villes et qui se bat chaque jour pour vivre, manger, élever ses enfants. Et pour laquelle Satyacharan ça se prendre d’une grande affection. Cela permet à l’auteur d’entrer dans le détail des relations entre les castes, entre les hommes et les femmes, entre les citadins et les paysans.



L’auteur nous rappelle, grâce à ce roman, l’extrême fragilité de la nature mais aussi de tous ceux qui restent au bord du chemin. Un roman absolument captivant sur l’Inde mais qui interroge plus largement sur la place de l’homme au milieu de la nature.

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De la forêt

J'ai adoré ce roman qui fait la part belle à la nature sauvage.



L'histoire se passe en 1925, dans l'état du Bihar, en Inde. Un jeune étudiant sans travail accepte un poste de régisseur dans une zone de forêt tropicale. D'abord réticent, il va peu à peu tomber sous le charme de la végétation, des éléments naturels, des clairs de lune, des chevauchées, l'étang de Sarasvati et aussi de certains habitants autochtones.



De beaux portraits sont évoqués avec lyrisme et romantisme :

Dhaturiya : un jeune danseur

Kunta : une jeune femme très courageuse

Dhaotal Shahu : l'usurier

les castes humbles et démunies et ethnies indiennes



Le paradoxe est que l'état d'esprit qui peu à peu domine chez ce jeune homme ne correspond plus à la mission qui lui a été confiée. Il est là pour délimiter des parcelles et les vendre à des individus démunis qui les défricheront pour les cultiver.

Après 6 ans, alors qu'il ne reste plus rien de cette forêt, il retourne à Calcutta.



Une belle lecture, un hymne à la nature dans un style poétique !
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De la forêt

Ce roman, en grande partie autobiographique, a été écrit en bengali vers 1937-1939. Son auteur est décédé en 1950.



Il nous emmène faire un séjour prolongé dans une jungle profonde de l'état du Bihar, au nord-est de l'Inde. Les tigres, ours, serpents et autres prédateurs nous y attendent. Mais aussi et surtout des hommes et des femmes qui luttent contre la pauvreté.



Il s'agit tout à la fois d'un hymne à la nature et de la description des conditions de vie dans une partie très pauvre de l'état le plus démuni de l'Inde. Un jeune homme est chargé par le propriétaire d'un immense territoire forestier de lotir ce dernier en parcelles louées à de pauvres gens. Il participe à son corps défendant à la destruction de la beauté qu'il découvre, lui le résident de Calcutta soudain confronté simultanément à la beauté naturelle et à la misère humaine.



Pour ce qui est de la description de la forêt, le rapprochement est immédiat avec l’œuvre de Henry David Thoreau : de là est sans doute venue la tentation à l'éditeur de qualifier cet ouvrage de premier "grand roman écologique". On pense plutôt au Douanier Rousseau, à la contemplation émerveillée des paysages, arbres et fleurs ; John Muir n'est pas loin non plus.



Au milieu de la splendeur de la jungle, survivent des hommes et des femmes aux destins attachants. Leurs noms et ceux de leurs villages sont un peu déroutants pour nous, mais on comprend vite toute l'empathie de l'auteur pour ce petit peuple semi-nomade, tenaillé en permanence par la faim et à la merci des grands propriétaires et des usuriers. Le régime des castes leur impose de surcroît des contraintes que l'on découvre au gré des rencontres.



Ce roman est une belle découverte de ce que la sensibilité d'une culture fort différente de la nôtre peut nous apporter.
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De la forêt

Voilà un livre lu depuis quelques jours et dont il est difficile de parler sans édulcorer son propos...



Un jeune homme qui n'est autre que l'écrivain lui-même, tout juste diplômé de l'Université de Calcutta, ne trouve aucune embauche. Ses ressources s'amenuisent et voilà qu'endetté, désormais, on lui refuse l'accès au foyer où il pouvait prendre ses repas... Fortuitement, il croise un de ses anciens condisciples, plus fortuné, à qui la vie a davantage souri. Celui-ci, sans doute ému par la misère dans laquelle son ami se débat, lui propose un travail : partir, vers le Bihar, une des provinces les plus pauvres de l'Inde, aux confins des forêts sous le regard des sommets de l'Himalaya et devenir l'employé de son père, riche propriétaire. Sa tache sera d'accorder des parcelles à ceux qui demanderont à travailler la terre.

Le jeune homme quitte Calcutta pour rejoindre son poste, en pleine nature, en pleine jungle...

Le premier mois, la transition est tellement brutale, le dépaysement tellement déstabilisant, qu'il ne songe qu'à démissionner et retourner à Calcutta où la misère lui apparaît plus tolérable que la solitude et l'isolement qui sont désormais siens.



C'est compter sans le charme de cette forêt, de cette luxuriance de la végétation, sa beauté inconcevable toujours en variations de couleurs et de senteurs, de cette faune sauvage crainte et divinisée, c'est compter sans la rencontre de ceux qui connaissent les paysages depuis toujours, les peuplant de divinités souvent bienfaitrices, de tigres mangeurs d'hommes, d'oiseaux paradisiaques.

L'homme exilé se laisse envoûter, malgré lui, par tous et par ces paysages sur lesquels son regard s'ouvre. Cette forêt et ces terres sauvages deviennent pour lui un trésor à protéger et il essaye de dispenser les parcelles tout en respectant la jungle, ses vies enfouies, et les autochtones, dont il découvre que la pauvreté n'est même pas concevable pour un homme venant du Bengale qu'il est..

Il se blottit avec sérénité dans cette solitude offerte peuplée de bruissements et n'aspire désormais qu'à ne plus la quitter.





Ce livre, écrit dans les années 1930, et qui parle d'une existence que l'écrivain a réellement vécue, est un manifeste écologiste et une leçon d'humanité.

En plusieurs dizaines de rencontres, de nuits passées à contempler la canopée, les montagnes changeantes, les arcs-en -ciel, à craindre de faire face aux buffles sauvages ou aux serpents dont la morsure est mortelle, le narrateur se transforme, comme happé par ces paysages dont il ignorait l'existence, conquis par "gangotas" dont il comprend la philosophie de vie, avec une compassion sans misérabilisme pour leurs existences si démunies, dénuées de tout, comme cet homme âgé, qui réensemence la jungle de toutes sortes de végétaux prélevés lors de ses déplacements au sein de celle-ci ou recueillis à l'état de graines dans les jardins où il a travaillé, pour faire surgir la couleurs comme un peintre le ferait sur une toile , pour faire chatoyer les lieux, les rendre encore plus féeriques... Ou ce danseur qui ne vit que pour son art, et peu importe si la faim est sa seule compagne, pourvu qu'il puisse apprendre une nouvelle danse qu'il partagera - trésor de Culture qu'elle est – avec les villageois qui viendront le voir, conscients des symboles de ses gestes, comme un livre ouvert qu'on choisirait de lire à plusieurs...Ou cette jeune veuve rejetée de tous, puisque sans statut dans cette société, qui vole pour nourrir ses enfants, attend la fin du repas de cet homme qu'est devenu l'écrivain, respecté et craint, pour disposer des restes de son repas qui seront festin pour les siens, mais dont la compassion et l'humilité lui donnent l'écoute et la font s'occuper du malade que tous abandonnent..



C'est une parcelle de l'Inde chargée de légendes, d'identité fantastique qui jaillit de ces pages, une Inde de pauvreté, d'abstinence, de sourires et d'abnégation, de résignation souvent. Une lecture qui vous cheville et vous retient, vous faisant ressasser et toujours imaginer cette jungle vouée à disparaître, c'est une lecture qui colore l'existence, qui la peuple de vies sauvages, d'une flore flamboyante, qui redéfinit le mot « Humanité » au sein d'une société tant enclavée dans ses castes. Une lecture entre écologie – dans la richesse de ce mot, et mystère du respect des divinités qui accompagnent le quotidien.

C'est le récit du démantèlement d'une vision de paradis qui se fait petit à petit, au détriment des autochtones repoussés aux confins et oubliés, eux qui sont l'âme de ces lieux.





Quand le "Babu" se rendra compte de la disparition imminente des derniers vestiges d'une beauté effacée, il sera trop tard et il comprendra combien il est attaché à cette présence d'une vie où se mêlent religion, intolérance des castes, et surtout richesse d'un environnement toujours magnifique et changeant.

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De la forêt

Repéré sur l'étal "asiatique" d'une librairie bien connue, j’ai été surprise en découvrant ce récit écrit en bengali entre 1937 et 1939 publié par les éditions Zulma.



📖Sans argent ni perspectives à Calcutta, Satyacharan accepte un poste de régisseur dans un domaine forestier du Bihar au Nord-Est de l’Inde, plus par nécessité que par réel enthousiasme. Le voilà dans un monde coupé de toutes les distractions auxquelles sa vie de citadin invétéré l'avait habitué. De cette expérience naît un texte passionné sur sa rencontre avec la nature qui est à ses yeux une véritable révélation de la beauté même. Et ce qu’il ne comprenait pas en arrivant devient finalement ce qu’il chérit le plus.



Le texte ressemble moins à un roman qu’à une longue description façon journaling, et nous plonge au cœur de l’Inde dans ce qu’elle a de plus pauvre et de plus humble avec des personnages atypiques comme Manchi, une jeune paysanne naïve et touchante, Dobru Panna l’illustre roi des Santals dont le règne consiste désormais à garder quelques vaches, Yugal Prasad qui embellit la jungle en y plantant de nouvelles espèces. On s'y familiarise également avec le système des castes.



Contemplatif, il décrit avec beaucoup de poésie la beauté enivrante des nuits de pleine lune dans la jungle, parvient à nous plonger dans l’atmosphère mystérieuse de ces forêts où le tigre rôde, côtoie le buffle sauvage et où on dit que vivent les fées. Tombé sous le charme de cet environnement, le narrateur déchante lorsqu’il prend conscience que son travail l’oblige à détruire la forêt pour la transformer en terres agricoles. C’est en cela que l’on peut classer ce dans une thématique « écologique » assez précurseur. De la forêt (Aranyaka) semble avoir été écrit sur un ton plein de nostalgie en comparaison avec ce qu’est advenu de cette région es années plus tard.



Ce roman est pour vous si :

-vous n’avez pas peur de fouiller dans un grenier un peu poussiéreux pour dénicher un trésor

-si vous aimez les textes hors du commun

-si vous êtes touché par l’observation d’un arbre, l’éclat d’un lac sous la lune
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De la forêt

De la forêt

Bibhouti Bhoushan Banerji

2020 (pour la traduction française)

Écrit entre 1937 et 1939



Fortement autobiographique, Banerji ayant vécu entre 1925 et 1930 en tant que régisseur dans un domaine situé à une centaine de kilomètres de Purnea.



J'ai des collègues de travail sympas (enfin ... pas tous). Lors de mon changement récent de poste, ils ont eu le merveilleuse idée de m'offrir un abonnement à Kube, ce qui fait que périodiquement, je reçois une petite boîte avec plein de livres choisis par des libraires indépendants, sur un thème bien précis : le dernier en date concernait l'Inde. J'ai par conséquent allumé une des petites baguettes d'encens (fournie dans la boîte) et mis en fond sonore le Best-of des meilleures chansons de Bollywood avant de me lancer dans la lecture de ce roman.



C'est donc dans une atmosphère embrumée de temple bouddhiste (voire de bar à chicha) que j'ai fait la rencontre de Satyacharan (Satya pour les intimes), un p'tit jeune de la ville (Calcutta en l'occurrence) qui, malgré une licence en poche, galère à trouver du taf. Cela ne l'empêche pas de sortir avec ses potes, restos, d'aller voir des concerts, des cinés et de manger plus ou moins à sa faim mais il faut bien avouer que les thunes, ça pousse pas sur les arbres et que le fait de ne recevoir que des réponses négatives à ses candidatures commence à devenir problématique.



Un beau jour, à une soirée, il rencontre Abinash, un ancien étudiant de sa promo, issu d'une famille pleine aux as, et avec qui il avait sympathisé dans le temps. Ils décident de se revoir le lendemain pour papoter un peu plus longuement. Un thé et quelques souvenirs potaches plus tard, il fallait bien que la question fatale arrive : "et toi tu fais quoi dans la vie ?"



Difficile pour Satya de cacher la vérité et Abinash lui dit que sa famille possède des forêts dans le district de Purnea, au Bihar. Le trou du cul du monde. Autour de 400 hectares à gérer, à répartir entre des métayers qui déboiseront et exploiteront ces forêts, mais qui exploiteront aussi des hommes, des femmes et des enfants, de castes inférieures. Il cherche un manager de confiance et propose à Satya d'en parler à son père. Ni d'une, ni de de deux, l'affaire est conclue et la lettre d'embauche est signée aussi vite que descendrait un naan au fromage de ma bouche à mon estomac.



Satya aurait évidemment préféré un boulot à Calcutta, c'est clair. La perspective de vivre dans la forêt entouré de bouseux rachitiques, de buffles et de tigres affamés lui faisait quand même moins briller les yeux que la vie palpitante de Calcutta. Cela dit, parfois, nécessité fait loi et hop, le voilà engagé comme manager de cette forêt dont il ne connaît ni les codes, ni les usages, ni même la langue.



Une fois arrivé sur place, il s'installe dans un campement nommé la Katcheri. " Les gens de la katcheri étaient pour moi comme autant de sauvages, ils ne comprenaient pas ce que je disais, et moi, je ne les comprenais pas non plus. [...] Je me disais que ce travail n'en valait pas la peine ; plutôt que dépérir ici il aurait mieux valu jeûner à Calcutta. Quelle erreur j'avais faite en venant dans cette jungle déserte à la demande d'Abinash ! Ce n'était pas une vie pour moi."



Mais c'était sans compter sur le pouvoir magique de la forêt. Un autre collègue de la katcheri lui dit un jour : "Vous aussi vous comprendrez. [...] La forêt vous possédera. Petit à petit, vous ne supporterez plus l'agitation ni la foule. J'ai fait la même expérience. Le mois dernier, je suis allé à Monghyr pour un procès. Je n'arrêtais pas de me demander quand je pourrai m'en aller et revenir ici."



Cela dit, il rajouta : "Gardez toujours un fusil à portée de main quand vous dormez. Ce lieu n'est pas sûr. [...] Et puis, au milieu de cette forêt, si on tue quelqu'un pour le voler, qui le saura ?"



Délicieux !



Satya va donc entreprendre de découvrir cette forêt, cette jungle qu'il va avoir à gérer pendant quelques années. Il rencontrera des gens pauvres au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer, des gens courageux. Il y rencontrera des vraies crevures mais aussi des gentlemen qu'on ne rencontre plus vraiment de nos jours.



"J'éprouvais soudain pour eux une grande sympathie qui me surprit moi-même. C'était leur pauvreté, leur simplicité, leur capacité de résistance dans un combat si dur."



Au fil des jours et des nuits, Satya va petit à petit tomber sous le charme et sous la fascination de cette forêt grâce aux rencontres qu'il fera et surtout à la beauté sauvage et mystique des lieux.



Que dire de cette femme aux cheveux longs qui se balade la nuit en bordure de forêt et de ce chien qui aboit toutes les nuits mais dont on ne retrouve jamais la trace la journée.



Que dire de Dharuriya, un gamin qui vit tant bien que mal de sa passion pour la danse mais qui ne connaîtra jamais Calcutta.



Ou encore de Dharampur qui n'avait comme seule occupation de disperser et semer des graines dans les bois. Malgré son extrême pauvreté, "ses efforts et sa passion étaient uniquement consacrés à enrichir la beauté de la forêt".



Et c'est sans oublier Maruknath (faut bien l'avouer, on galère un peu avec les prénoms Indiens...), qui s'est mis dans la tête d'ouvrir une école à la katchiri. "La voilà ton école ! Maintenant, à toi de trouver des élèves !"



La gestion de cette forêt devient de plus en plus compliquée au fur et à mesure qu'il tombe amoureux de ce lieu. Il doit distribuer les terres pour qu'elles soient exploitées mais chaque parcelle détruite devient un véritable crève-cœur.



"Des lettres me parvenaient de temps en temps du bureau central me demandant pourquoi je tardais tant à donner en fermage les environs de l'étang de Sarasvati. J'avais trouvé toutes sortes d'excuses, mais cela ne pouvait plus durer. L'avidité humaine était trop grande, et je savais bien qu'on n'hésiterait pas à détruire cette somptueuse forêt pour quelques kilos de maïs et de millet."



Ce livre de la fin des années 30 résonne avec une puissance qui ne peut laisser insensible dans le contexte actuel où l'écologie émerge à peine du bruit de fond médiatique ambiant.



J'avoue faire partie de ceux qui pensent (ou qui espèrent) que le progrès scientifique et technologique permettra toujours d'apporter plus de bénéfices que de contraintes à l'humanité. Mais quoi que l'on en pense, une des dernières phrases du livre résume parfaitement le dilemme auquel on est tous confrontés : "Que veulent vraiment les hommes? Le progrès ou le bonheur? A quoi bon le progrès si le bonheur est absent? J'en connais beaucoup qui ont progressé dans la vie, mais qui ont perdu le bonheur. A force de jouissance, l'acuité de leur désir et de leur facultés intellectuelles s'est émoussée, et il n'y a plus rien qui leur apporte la joie. La vie leur paraît monotone, une grisaille dépourvue de sens. Leur cœur devient dur comme de la pierre, l'émotion n'y pénètre pas."



Au-delà du fait que ce livre, qui date d'une petite centaine d'années, est considéré comme un de premiers livres écologistes, il me vient en tête une citations issue du poète Dany Boon dans son œuvre Bienvenue chez les Chtis : "Quand tu vas dans cette forêt, tu pleures deux fois. Une fois en arrivant et une fois en partant"



scob
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De la forêt

Je suis partie en voyage dans un pays lointain, en un temps qui n’existe plus. J’ai vécu plusieurs années au cœur de la jungle, dans le nord-est de l’Inde, et c’est Bibhouti Bhoustan Banerji qui m’y a emmenée. Il a su me montrer la beauté de la nature et de ses habitants, il les a décrits sans altérer la réalité, sans en cacher les dangers. J’ai vécu sous le charme de cette forêt.

Et pourtant, ce monde perdu, c’est le narrateur lui-même qui a contribué à le détruire, malgré lui, comme nous, hypocrites lecteurs.

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De la forêt

L'auteur s'inspire de sa propre expérience pour écrire ce roman à la première personne. Nous sommes à Calcutta, à la fin des années 30. Il est proposé à un jeune homme seul, cultivé, de s'occuper d'une immense forêt dans le nord est de l'Inde, la province du Bihar. Désoeuvré, il accepte le poste sans en mesurer les conséquences. Dès son arrivée, il se retrouve extrêmement isolé et souhaite retourner à la vie, la ville, son agitation, ses préocupations. D'autant que les personnes autour de lui ne parlent pas la même langue. Il est bengali, ils sont d'autres castes, comme les gantas. La forêt l'ensorcelle rapidement. Il découvre un univers infini et exceptionnel.

Sa mission est de découper la forêt en parcelles données ensuite en fermage à des gens qui viennent de nulle part et qui sont déterminés à améliorer leurs vies. Quitte à dormir dans des huttes de paille au bord de la forêt qui abrite tigres et chacals. Peu à peu, les champs recouvrent la surface de la forêt, à laquelle il s'est fortement attaché, ainsi qu'à ses habitants très peu communs.

Les descriptions sont vraiment superbes, très sensibles, on s'y croirait. C'est d'autant plus touchant qu'il s'agit d'un monde disparu.

Ce livre est considéré comme le premier roman écologique. C'est seulement un chef d'oeuvre que je quitte à regrets.

Seul petit bémol à l'intention de l'éditeur : certains mots employés en caractères italiques sont dans la langue d'origine, sans aucun glossaire auquel se référer. Au lecteur de s'adapter et d'apprendre les mots du cru, ce qui se fait bien entendu.
Lien : http://objectif-livre.over-b..
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La complainte du sentier

Ce livre est tout simplement MAGIQUE, c'est un poème, c'est un conte, c'est à lire...



Dès la première phrase, le décor est planté "A la limite Nord du village de Nischindipour se trouvait la petite maison de briques qu'habitait Harihar Ray, chef de famille de condition modeste qui vivait chichement du revenu d'un carré de terre hérité de ses ancêtres et des dons annuels de quelques disciples" (Gallimard - p.15). Une famille pauvre donc, dans un petit village en pays bengali.



Dans la première partie du livre, nous faisons connaissance avec les membres de la famille : Indir Thakroun, tout d'abord, pauvre parente éloignée de la famille qui vit à leurs crochets. Elle a toujours espéré des jours meilleurs sans jamais les avoir... Elle entretient une relation très affective avec Dourga, la fille de la famille. Dourga, espiègle et très attachante Dourga au coeur d'or qui, dès la naissance de son frère Apou n'aura de cesse de satisfaire ses demandes. Apou, le fils, est le héros de l'histoire. Il y a aussi Sarvajaya, la mère qui paraît parfois cruelle, notamment avec Indir Thakroun mais cette rudesse est dictée, pour beaucoup, par la nécessité de préserver sa famille, de la nourrir et si, pour cela, il faut chasser une parente éloignée, et bien tant pis ! "Que les autres fassent l'expérience de son caractère ! Je n'en veux plus chez moi, elle qui n'a même pas pensé à mes enfants. Qu'elle ne mette plus les pieds ici ! Qu'elle aille mourir dans les ordures !" (Gallimard - p.41). Ray Harihar, le père, qui cherche en vain un travail stable.



Lire la suite :
Lien : http://loumanolit.canalblog...
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La complainte du sentier

Apou et sa sœur grandissent dans un petit village du Bengale, au début du XXème siècle. Leurs journées se partagent entre les jeux, la pêche au bord du fleuve nourricier, la cueillette des mangues, pommes-cannelle ou prunes à sanglier, dans la forêt luxuriante … ou dans les jardins des voisins. Le soir, leur mère leur raconte le Mahabharata ou le Ramayna, les deux grandes épopées indiennes. Et surtout il y a ce sentier qui s’enfonce dans la forêt et la lointaine voie ferrée, qui emmène vers un Ailleurs, mystérieux mais tellement fascinant.



Avec ce roman, qui par ailleurs fait partie des œuvres étudiées du programme des études secondaires en Inde et y est donc considéré comme un « classique », l’auteur nous plonge dans son enfance de façon assez unique, car il a su préserver la simplicité et la naïveté de son regard d’enfant et raviver ses rêves d’alors, aussi fous soient-ils.



C’est écrit avec beaucoup de lyrisme, peut-être un peu à l’image de cette nature prolifique, et l’auteur n’est pas avare en allégorie. Le ton est parfois sentencieux, mais toujours le rythme est lent, peut-être comme le temps qui semble si long aux enfants …



Certes ce roman n’est pas ce qu’on pourrait appeler une lecture « facile ». Pour en profiter, le lecteur doit abandonner, autant faire que faire se peut, ses façons de voir et s’adapter à ce peuple si différent, mais tellement attachant, avec ses croyances et ses dieux innombrables, ses coutumes et son folklore, sa cuisine, son organisation sociale totalement inégalitaire, …



On est loin de l’exotisme moderne, ce simulacre de la différence dans notre « village » globalisé, où toutes les rues commerçantes alignent les mêmes enseignes, où il est possible de manger un hamburger ou une pizza dans un fast-food d’une chaine occidentale (vous me direz qu’on évite ainsi une tourista carabinée, certes !) ou de visiter un pays sans échanger une seule vraie conversation avec les habitants, où votre GPS vous évitera de vous perdre dans les petites ruelles, …



Avec ce livre, on est loin aussi du roman moderne qui tient en haleine au moyen d’une intrigue grossière, des mécanismes d’écriture qui tiennent parfois des slogans publicitaire. Non ici lire implique de faire un effort vers le texte, d’aller à sa rencontre mais la fin – ah et quelle fin, magiques dernières lignes - n’en sera que plus belle, et le plaisir plus intense …

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La complainte du sentier

Ce roman traduit du bengali a été écrit en 1929. Il est en partie autobiographique, l'auteur s'est inspiré du cadre de son enfance. L'histoire se déroule dans un village du Bengale. On suit la vie quotidienne de deux enfants d'une famille de pauvres brahmanes. Le père est rarement présent. Il se déplace dans les villages environnants pour gagner quelques pièces en récitant des prières pour ceux qui veulent bien le payer. La mère ne sait jamais si elle arrivera à nourrir correctement ses enfants et cette inquiétude la rend parfois dure, avec sa fille ou une vieille parente.



Le personnage principal est Apou, un garçonnet d'environ neuf ans. C'est un rêveur que la contemplation de la campagne environnante réjouit. Il peut déambuler de longs moments en se racontant des histoires et attend avec impatience de pouvoir découvrir le vaste monde. Sa première sortie avec son père au-delà de ses limites habituelles est un grand moment : "Tu avançais enfant... Tu ne savais pas ce qui se présenterait à tes yeux, le long du chemin. Tes grandes prunelles neuves dévoraient avec avidité tout ce qui t'entourait. Par ta joie tu es un explorateur, toi aussi. Pour découvrir ce bonheur inconnu faudrait-il parcourir la terre ? Non, cela n'a pas de sens. Là où je n'étais pas allé auparavant j'ai mis le pied aujourd'hui. Qu'importe que, dans l'eau de la rivière où je me suis baigné, dans le village dont l'air m'a réconforté quelqu'un soit ou ne soit pas venu avant moi ! Ce pays inconnu est mon expérience. En ce jour j'ai joui de sa nouveauté avec le tout premier esprit, la toute première intelligence, le tout premier coeur!..."



La grande soeur d'Apou, Dourga, de trois ou quatre ans son aînée, est une enfant un peu rebelle. Elle ne tient pas en place, est toujours à courir à droite ou à gauche pour glaner des fruits dans les bois ou en voler dans les jardins des voisins. Les deux enfants se disputent régulièrement mais s'aiment beaucoup.



L'écriture est parfois un peu décousue. Ce sont de petites tranches de vie qui ne se suivent pas toujours d'une façon très évidente ce qui fait que j'ai mis un peu de temps à entrer dans le livre, que je l'ai plutôt lu par petits morceaux. Mais finalement j'ai apprécié cette lecture. J'ai trouvé que l'auteur rendait bien l'ambiance de l'enfance et le rythme plus lent de la vie à la campagne : "Sur les marches du ghat les ombres de la fin d'après-midi étaient très épaisses. Le soleil brillait encore sur le grand Kapokier de la rive opposée. A la boucle de la rivière, un bateau aux voiles déployées prenait le tournant, ses avirons fendaient l'eau. Près du gouvernail, un homme debout faisait sécher un vêtement. Il le tenait par un bout et le laissait flotter dans le vent comme un drapeau. Au milieu de la rivière une tortue levait la tête hors de l'eau pour respirer puis la replongeait."



Tout cela est empreint d'une nostalgie douce que j'apprécie.
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La complainte du sentier

Voici un très beau roman qui nous plonge dans un village du Bengale au milieu des bois de bambous et des vergers de mangues. L’auteur s’est inspiré de son enfance. Aussi le ton est-il parfois un brin nostalgique surtout à l’heure du départ, des ruptures qui façonneront une vie. Il entend aussi célébrer la nature malgré l’omniprésence de la mort et de la pauvreté, car, dans cette Inde encore perdue et sauvage, la vie reste rude et fragile. Apou est le fils d’un brahmane désargenté et le plus souvent itinérant. Il est donc seul avec sa mère, qui se débat un peu plus chaque jour face au quotidien, et sa sœur Dourga, son ainée de quelques années. Celle-ci entraine son jeune frère dans ses vagabondages, à la lisière de la jungle, voire ses chapardages, car, pour ces deux enfants pauvres, l’essentiel est de pouvoir répondre à la faim avec quelques fruits dénichés ici ou là. Apou, cependant, s’émerveille facilement, en découvrant des livres, couverts de poussières et déjà rongés, dans une vielle malle appartenant à son père. Il rêve lors d’un voyage de voir passer le train. Il se précipite aux processions et aux fêtes, à moins que ce ne soit à un spectacle de théâtre, de chant et de danse. Les drames sont là pourtant… et on pressent à chaque page leur menace… Mais il semble aussi que Banerji ait voulu, avec beaucoup d’émotion et de poésie, rendre hommage, à cette nature et à ceux qu’il a vu partir.
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La complainte du sentier

En octobre prochain, Gallimard poursuivre le couplage de romans et de leur adaptation cinématographique.
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