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Citations de Brigitte Aubert (288)


De nouveau cette ombre furtive. Les poings serrés sous le costume sacré, Bidossessi virevolta jusqu’à la halle à palabres, tout près de l’atelier des fabricants de cannes, comme disaient les Blancs. Ils ne comprenaient rien aux kpo, aux bâtons. Ils les utilisaient uniquement comme troisième jambe. Ils ne faisaient pas la distinction entre kpota, la canne-bâton pour assommer un animal, kpoguè, la canne de marche, aligopko, la canne des princes héritiers, aglopko, la canne des joueurs de tambour ou makpo, la plus importante, le bâton de la rage. Et de ce fait, ils ne savaient pas lire les messages que les cannes transmettaient.
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Le destin de la puissance. Bidossessi n’avait pas la prétention de deviner le destin ni surtout de pouvoir l’esquiver. Il n’était qu’un instrument. Le réceptacle de volontés supérieures. Tandis que ses pensées humaines s’entrechoquaient comme des pois dans une calebasse, le regard froid et acéré de sa divinité tutélaire scrutait les ténèbres.
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Le Dahomey s’était fondé sur la colère. La puissance de la colère
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Il tourna lentement sur lui-même, haute silhouette de paille éclairée par la lune. Il était seul, sans ses assistants. Sans le vodounnon, le grand-prêtre, le prêtre. Il n’y en avait pas dans le faux village. Il lui aurait également fallu ses tambours et son alinglè, la clochette pour chasser les mauvais esprits. Mais Gantois, le patron blanc, les avait confisqués. « Tu ne vas pas nous assourdir avec ton vacarme toutes les nuits ! Vous êtes musulmans, bon Dieu, on vous a bâti une case-mosquée, alors suffit avec les trucs de sauvages, les djinns et tout ça, ça amuse peut-être les vieux dans la brousse, mais ici ça énerve tout le monde ! »
Le patron blanc était bête. Bête, mais influent. Il avait fait recruter les éléments de sa troupe sur la Côte des Esclaves et dans la région d’Abomey par Jean Arimi, le contremaître noir, et Bidossessi avait eu tort de penser qu’il aimerait voyager, voir le pays des Français, mieux connaître les esprits de leur curieuse religion, ceux qu’ils appelaient des « saints » et qu’ils vénéraient sous forme de statues colorées.
Il regrettait amèrement. Sa terre lui manquait, la terre vivante et chaude de ses ancêtres.
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À cause du masque volumineux, il dut sortir de profil et resta ensuite un moment immobile dans l’obscurité, après avoir tapoté trois fois le seuil de la baraque avec le chasse-mouches ensanglanté. Les cases de planches recouvertes de palmes étaient silencieuses. Il fallait les protéger toutes. Par les yeux de l’esprit, il distinguait nettement l’enclos du bétail où somnolaient les chèvres et les poules, l’établi du vannier, les échoppes des artisans surmontées de leur pancarte en français, la hutte des joueurs de kora et de tambour Gangan, le bassin aux ablutions et la case-cuisine où étaient suspendues les grosses marmites familiales.
Grâce à ses pouvoirs, il pouvait même lire la grande affiche colorée placardée contre la palissade :
« GRAND VILLAGE NOIR.
150 DAHOMÉENS AU JARDIN D’ACCLIMATATION ! »
Un périmètre bien délimité, aussi solidement clôturé qu’un parc à bestiaux. Et pourtant « on » y était entré. On rôdait dans l’ombre. Il le savait, mais n’entendait rien. Pas un bruit, même du côté du dortoir des garçons, pourtant turbulents. Un silence anormal. Il se concentra sur l’Asê, la force vitale qui habitait chaque chose sur terre, du bois de la palissade à la goutte de rosée du matin, attentif à la moindre disharmonie.
C’était tout près.
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Amer, il tira de sous sa paillasse le grand masque de raphia coloré qui, une fois enfilé, le couvrait entièrement, le faisant ressembler à une botte de foin. Il le déplia et se glissa à l’intérieur, après quoi il psalmodia à voix basse les incantations rituelles pour se mettre en transe. Il sentit peu à peu son état de conscience se modifier. Il n’était plus un homme, il n’était plus Bidossessi, il était à présent l’incarnation de l’esprit vodun qui l’habitait et le guidait : Zangbeto. Il ramassa un chasse-mouches imprégné du sang de la volaille qu’il avait sacrifiée un peu plus tôt. Il était prêt.
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Il s’agenouilla devant l’asen, son autel portatif en fer forgé, et s’absorba dans la contemplation des motifs claniques. Chaque asen était différent, et les délicates ciselures d’objets ou d’animaux représentaient à la fois l’ancêtre révéré, les promesses de lui rendre hommage et l’invocation aux puissances permettant d’honorer convenablement les morts. Il déposa quelques graines de mil sur le plateau et sentit son cœur se serrer devant la figure d’une main tenant un faisceau de fil de fer : elle symbolisait le peuple et la dynastie, tenus avec fermeté par la main royale. Mais de roi, il n’y en avait plus. Les Français régnaient en maîtres.
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Le zangbeto était soucieux. En tant que Gardien de la Nuit, il observait le village endormi à travers le rideau de peluche rouge tendu devant sa case. Zan-gnagna, « la nuit mauvaise », avait étendu son ombre. L’odeur des ténèbres n’était pas bonne. Ce n’était pas l’absence des fragrances familières des cocotiers, des kapokiers ou des tecks, ni les remugles déconcertants de suie, de pétrole, de goudron, qui émanaient de la ville-Paris. C’était à cause du Mal. Une force maléfique rôdait dans l’enceinte et lui, le Gardien, devait protéger les âmes de ses camarades.
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Une princesse et ses servantes, se dit-il. Les hommes alentour baissaient la tête en signe de respect. Mais, étranger, il n’était pas concerné par leurs us et coutumes. Il planta son regard dans celui de la jeune fille au cou gracile et au port de reine. Elle battit des cils et s’abrita derrière son éventail en nacre.
Il suivit le petit groupe du regard. Il avait encore de nombreuses heures devant lui. Il ne désirait ni s’enivrer ni dormir. Il ne souhaitait que se rapprocher de cette sculpturale beauté et plonger de nouveau ses yeux dans les siens. Bleu glacier contre golfes d’ombre.
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Il s’arrêta pour laisser passer un groupe de femmes chargées d’ustensiles divers. Les deux premières criaient Ago, ago ! et les gens s’écartaient avec précipitation. Une d’entre elles, grande et altière, vêtue d’un pagne blanc, s’abritait sous un large parasol rectangulaire porté par une vieille femme au crâne rasé.
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Le jeune homme marchait d’un pas assuré le long des palmiers. Le bateau qui le ramenait en Europe avait essuyé une terrible tempête. Plus léger qu’un bouchon, il avait dansé sur les flots avant de faire escale à Cotonou, au Dahomey. On devait réparer. Insoucieux de tous les équipages, le jeune homme s’était enfoncé dans l’arrière-pays.
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Tu ne vas pas virer paraskevidekatriaphobe ! (…) ça venait du grec, lui avait expliqué Joe, de vendredi et de treize.
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Les Robinson et Vendredi 13. Stop ! Les vendredis 13 ne sont pas plus dangereux que les autres, le hasard se fout des dates. Et le destin ? Il n’y a pas de destin. Juste des croisements d’aléas. (…) Parce que ça impliquerait que le destin des Devauchelle était de mourir pour que je puisse assister à leur exécution et me faire poursuivre et qu’en suivant ce genre de bout de ficelle de raisonnement on remonte très vite à la création du monde.
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Deux types sortaient de l'hôtel. Un grand maigre et une armoire à glace. Le grand ressemblait à un croque-mort, y compris le costard, le gros à un sumo en Lacoste rose bonbon. Vera avait trop souvent vu ce genre de tandem improbable pour douter une seule seconde. Des truands. Des vrais. Des bons vieux truands des States, dignes des films de Scorcese ou de Tarantino. Des tronches d'affranchis griffés Gioanni. Cent ans de Little Italy dans les gènes. Deux gnocchis à la place des yeux, un spaghetti dans le slibard. Mais une grosse puissance de feu"
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Mourir un vendredi pour un Robinson.... En plus, un vendredi 13, comme si c'était une bonne blague. Une bonne blague à la Joe.
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Elle devrait prendre un chien. Ça la forcerait à sortir. Joe n'aurait pas voulu qu'elle reste confinée, le nez dans ses rosiers ou dans ses fourneaux.
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Le ciel s'était couvert, des nuages gris accouraient en bande, poussés par le vif vent d'est. Du côté du Havre, l'horizon restait bleu, les pétroliers défilaient lentement, les usines crachaient leurs panaches blancs.
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Elle ouvrit la fenêtre de la cuisine, respira à fond. De leur petite maison sur les coteaux, elle embrassait la baie. Des chalutiers colorés rentraient de la pêche, longeant le phare de Trouville, suivis par des nuées de mouettes criardes. Une petite ville paisible, une petite vie tranquille. Si seulement Joe...
Arrête ! s'intima-t-elle. Arrête tout de suite. Reprends-toi. Joe a horreur des femmes qui pleurnichent.
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Mamie Hélène secoua la tête pour chasser les larmes qui perlaient à ses paupières. Elle s'était rendue au cimetière, comme tous les vendredis, avec son bouquet de pivoines. Joe n'y connaissait rien en fleurs, mais il aimait leurs couleurs. Une tombe gaie. Brr...
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L'enterrement avait eu lieu par un jour venteux sous un ciel pommelé. Pas de prêtre. Joe n'était pas croyant. Elle avait enterré un peu de son coeur avec lui.
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