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Citations de Bruce Bégout (93)


Pour tous les promoteurs de jeux et d'attractions de Las Vegas, il s'agit donc à présent de suivre une unique loi : proposer aux visiteurs et aux touristes des expériences. Il ne convient plus simplement d'assister à un spectacle, voire d'y participer, mais d'en faire l'expérience, de devenir soi-même in toto le spectacle, metteur en scène de son propre divertissement. Du moindre repas dans un restaurant à thème à une plongée dans un sous-marin atomique, en passant par la possibilité de jouer, pour un soir et pour cent dollars, un bout de rôle dans sa série télévisée favorite (en l'occurrence Star Treak, au dernier étage de la Stratosphere Tower), tout n'est qu'experiment, tout doit être prétexte à un évènement inoubliable. Considérant sans doute l'âme des clients comme une tabula rasa, les créateurs de Las Vegas ont décidé de la soumettre à une guerre totale faite d'impressions violentes et de surprises sans limite. Toutefois la Blitzkrieg du spectacle doit toujours rester fun.
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Comme pour contrer inconsciemment sur son propre terrain le mouvement de contestation des années soixante, porteur d'une éthique de l'irréalité, la société américaine a recyclé ce désir d'un dérèglement absolu des sens mais elle lui a donné une valeur hygiénique et sociale : le divertissement.
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Par ce terme étymologiquement incorrect de zéropolis, nous avons voulu délibérément marquer l'inanité des récurrents essais des urbanistes, sociologues et philosophes de vouloir définir, par un terme antiquisant, la ville contemporaine, baptisée tour à tour megalopolis, exopolis, metapolis, post-metropolis, peripolis, etc., mais aussi indiquer par là où se situe l'essence même de l'urbanité à venir qui s'élabore à Las Vegas : la nullité qui fait nombre.
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Tel un morceau de comète encore incandescent qui vient de se fracasser au sol, Las Vegas brille au loin dans la nuit du désert Mojave. Avec ses milliers de lueurs multicolores et saccadées, elle illumine la voûte céleste qui, à comparaison, fait pâle figure. On pourrait croire qu'il s'agit là d'un Lunapark géant tombé de l'espace qui, jetant ses derniers feux vers le ciel, chercherait à rejoindre son lieu naturel. Mais cette vision n'est qu'un rêve et les premières vues sont trompeuses. La lumière vive qui nous aveugle à son approche ne provient pas des étoiles, elle sort tout simplement de la centrale nucléaire sise sur le Hoover dam qui, jour après jour, alimente la ville en millions de kilowattheures.
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Séparé du monde par une pellicule atmosphérique, on assiste en direct à la retraite de toutes choses, au deuil de toute proximité. Cryogénisé vivant, on est l'enfant-bulle sous cellophane qui tente tant bien que mal de retrouver le contact perdu avec la réalité. Il nous semble avancer sur un coussin d'air permanent, nager sans effort dans une ambiance indéfinissable qui annihile toute sensation d'apesanteur et de résistance. Sans corps ni présence, on flotte dans les allées comme un spectre, au front duquel les quelques minuscules gouttes de sueur qui se dessinent timidement se transforment aussitôt en cristaux de glace, nous indiquant par là que notre procès en minéralisation est en marche.
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Que ce soit des institutions (mariage, baptême, etc.) ou des traditions, Las Vegas se moque de tout. Chaque réalité, elle la tourne en dérision. Sans se soucier de l'histoire, elle broie tout évènement humain dans un chyme électrochimique et parodique qui ne laisse absolument rien intact. Ce faisant, elle révèle la scène primitive de la société : l'impossibilité de croire à la vérité de l'autre. Elle fait d'autrui un parfait inconnu, puisque tout ce qui signale sa présence, la culture et la civilisation, est ici proprement ridiculisé. Pour la première fois l'excès se mue en défaut, et la capitale de l'exagération laisse poindre des moments de déficience totale : indigence culturelle, sociale, esthétique. Sous son hémorragie de lumières et de spectacles en tous genres, elle met au jour une vérité cruelle et pourtant nécessaire à affronter si l'on veut pouvoir continuer à vivre : "tout n'est qu'une immense et grotesque farce".
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En 1513, sur ses brochures, l'Atomic View Motel garantissait pour sa part une vue imprenable, de n'importe laquelle de ses chambres, sur le phénomène. Aujourd'hui les dangers de l'irradiation nucléaire sont mieux connus, et cet épisode tragique de l'histoire de la ville semble vouloir être passé sous silence (la plupart des spectateurs ne sont d'ailleurs plus là pour en témoigner). Toutefois les effets secondaires de la Bombe se font encore largement sentir. Presque tout, dans la manière d'être la plus habituelle de la ville, rappelle en effet une déflagration : explosion démographique, boom économique, ville champignon, etc. Las Vegas est née pour briller, fuser, éclater. Ville nuclaire mais sans noyau, où tout, des places de parking aux chambres de motel, des casinos aux centres commerciaux, devient fission et effusion, où la technologie la plus moderne le dispute à l'occupation la plus ancienne : le jeu. Gouffre d'énergie, dévoreuse et rieuse, la cité du jeu s'est donc placée sous le double sceau de l'électricité et de l'atome, de l'onde et du choc.
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Le nul qui compte, le néant du néon. Ville du degré zéro de l'urbanité, de l'architecture et de la culture, ville du degré zéro de la sociabilité, de l'art et de la pensée. Ville quelconque où tout recommencer à zéro, toucher le fond et remonter à la surface, en accumulant des zéros sur un écran. Ville du vacant, du rien et de l'absence qui fait pourtant ville. Ville du trop qui devient sans, de l'excès qui se mue en défaut, de la profusion qui tourne en privation. Atome de ville et ville atomique, contradiction faite ordre, délire architectural et confusion sociale, Las Vegas essaie tant bien que mal de se construire une image intègre, en opposition constante au désert qui la cerne de partout et qui lui rappelle sans cesse sa vacuité originelle.
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Bruce Bégout
La common decency est la faculté instinctive de percevoir le bien et le mal. Page 17
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Bruce Bégout
Ce qu’il découvre, dans ses errances urbaines, au contact des populations des asiles de nuit, des foyers ouvriers du Nord, des travailleurs sans qualification, c’est justement une dignité ordinaire, un sens viscéral de l’égalité, de la simplicité, de la solidarité. Cherchant l’humiliation, il découvre l’humilité. Page 16
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Bruce Bégout
Se manifeste chez lui (Orwell) une volonté documentaliste de rendre compte de ce qui, d’habitude, reste invisible en raison de sa petitesse et de sa bassesse, la volonté de relater les faits imbéciles et sordides de la vie quotidienne. Page 11
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Il se peut que Diti pressente que son infirmité ne le protégera pas longtemps des représailles et que, avant d'être jeté dans un fourgon et piqué comme un chien errant, il joue pour ainsi dire son va-tout. Car il a bien conscience que les gens comme lui - pas besoin de faire un dessin - ne constituent pas une publicité vivante pour la race pure et la belle bête blonde. Vous me direz : le moustachu avec son impuissance chronique et ses problèmes intestinaux non plus. Sans parler de Goebbels et de son pied bot.
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Comme dans tous les bons films noirs, l'intérêt de l'histoire tient aussi à la qualité des secondes rôles. Voire des troisièmes, ceux qui n'ont droit le plus souvent qu'à une unique scène, parfois à une seule réplique dans une cage d'escalier ou devant un comptoir entre deux plans larges, et dont on se souvient longtemps après, peut-être même plus que des personnes principaux tombés dans l'oubli.
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Laissons les circonstances décider. Elles savent mieux que non trouver une issue dans le fourré des emmerdements. Tolstoï l'a redit dans son épilogue magistral de Guerre et Paix : ce ne sont pas les hommes qui font l'histoire, mais le milieu et le passé, les conditions matérielles dans lesquelles ils vivent, les idées qui se sont incrustées malgré eux dans leur cerveau, bref tout ce qui les dépasse et qu'ils ne peuvent saisir sur le fait. Alors ne jouons pas aux héros et attendons que le cours des choses prenne la bonne direction.
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Dans une société totalitaire, rien n'est vraiment possible sans la collaboration du plus grand nombre. L'intimidation et la propagande ne peuvent tout faire. Les individus doivent être persuadés qu'ils ne possèdent en eux-mêmes aucun droit, sinon dans le cas où il participent à l'État. Les années de dictature ont ainsi transformé les gens en ce qu'ils n'auraient jamais soupçonné devenir avant : délateurs, espions, indics. De vrais petits soldats de la police secrète, à fouiner partout, à tendre l'oreille, à faire des rapports comme on fait son lit ou sa vaisselle. Tout le monde s'y met, convaincu d'aider à l'édification d'une société nouvelle.
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Mais, au fait, c'est qui ce gus ? Si on croisait Hans-Rainer Lehmann, comme ça, dans la rue, sans le connaître, marchant tranquillement vers son bureau, avec son journal sous le bras et tenant le vieil Ull en laisse, on se dirait spontanément : « un brave type ». L'Homo normalus, le produit standard de la démocratie moderne et de la civilisation urbaine : souple, ouvert, plastique, non engoncé dans un corset de convictions traditionnelles. L'individu pluriel, sans identité fixe, prêt à suivre le plus offrant, certes un peu resquilleur sur les bords, mais incapable de se mettre à dos la collectivité. Avec, pour tout bagage dans ce monde d'errances infinies, un solide sens de la mesure.
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Voilà, dit-il d'un ton de voix qui cherche à revenir au calme après les bourrasques des minutes précédentes, d'après ce qu'il a entendu dire, la phénoménologie contiendrait un message gnostique. La bombe est lâchée. Gnose ! Un mot encore plus énigmatique que ce qu'il signifie. Un mot qui empeste l'hérésie, l'ésotérisme, le cauchemar nocturne des dogmatiques, le délire des communautés d'exaltés qui partagent à parts égales les biens, les travaux et les femmes. Van Breda sourit (il n'a pas vu le coup venir).
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Il y a des choses qui, obstinément, reviennent. Et pas qu'à moitié. Elles passent et repassent devant le miroir du monde afin de se donner un peu de consistance. L'éternel retour du mêêême !
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Sa décontraction a des limites. Il veut bien s'adonner à l'Être dans un état de complète sérénité, mais pas aux inconvénients grotesques de la vie quotidienne. Un truc qu'il a appris à l'école de l'Expérience et de la Jugeote : la distance contemplative de l'homme spirituel n'a jamais inclus l'acceptation docile des contrariétés.
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Elle lui a donné pour mission de sauver ces milliers de pages dont, à part quelques chercheurs prêts à perdre des heures de vie dans le lent et méticuleux déchiffrement de pensées plutôt absconses sur le temps, la conscience pure et la constitution transcendantale, tout le monde se contrefout en ce mois de septembre 1938, ayant bien d'autres chats à fouetter.
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