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Citations de Bruce Bégout (93)


La vérité est que ce que l'on prend de l'extérieur pour de la bravoure n'est le plus souvent que de l'ignorance. (...) Au reste, l'héroïsme est composé de 60% de hasard et de 30% d'inconscience, les 10% qui restent relevant de la volonté puérile d'en mettre plein la vue. Parfois, il faut bien le reconnaître, on combat plus efficacement un régime despotique avec l'innocence la plus franche qu'avec la ruse. La candeur est une source d'énergie phénoménale.
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Dans toutes les villes, sur chaque route du pays, au cœur même des consciences, le grand Barnum de l'aryanisation forcée fait sa tournée triomphale. Venez, entrez, amusez-vous ! Shows spectaculaires sur le complot juif mondial ! La femme à barbe sociale-nationale ! Nous réarmons pour la paix ! En voiture, en voiture pour la purification ! Tout le monde peut monter, les petits, les grands, les tontons, les tatas, sauf les youtres !
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Les temps étaient durs et sombres, et bêtes aussi, infiniment bêtes, d'une bêtise insondable, et ils obligeaient de braves clercs, qui auraient sans doute préféré occuper leur temps à l'étude et à la prière, à fomenter sous leurs épaisses soutanes des complots internationaux et à se comporter en agents secrets.
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Cela faisait plus de dix jours désormais qu’il tentait d’entrer en contact avec la veuve Husserl. Il avait eu beaucoup de difficultés à retrouver sa trace. Personne, en ville, ne savait où elle vivait, ce qu’elle faisait, si elle était encore en vie, si son corps avait été incinéré comme celui de son mari quelques mois plus tôt pour éviter qu’on ne s’acharne sur leurs tombes à coups de graffiti et de maillets. On en était là. Au stade de l’urne. Tous les noms juifs avaient été rayés des annuaires, des registres, des documents, de la mémoire. Une impressionnante opération de raturage. D’occultation systématique. Comme si une immense bâche d’oubli avait été jetée d’un geste malveillant sur ces vies innommables. Avant de les faire disparaître physiquement, on les avait d’abord supprimées juridiquement. Avec des gommes en latex et des paires de ciseaux. Il ne fallait donc espérer aucune aide de l’administration, plutôt des tombereaux de bâtons dans les roues, des regards méfiants / glacials.
Van Breda s’en était vite aperçu dans le bureau D4 de la mairie (« État civil, 2e étage, couloir droit, c’est écrit sur la vitre »), où la figure engourdie et insensible de l’agent lui adressait une fin de non-recevoir. Le père franciscain aurait voulu insister, plaider sa cause, arguer de sa bonne foi, mais, sans émettre la moindre syllabe de protestation, il se ravisa. Saisi par l’odeur d’encaustique montant des parquets où se reflétaient des croix noires, il avait vite compris que cela ne servirait à rien. Cela aurait été aussi déplacé qu’une soudaine quinte de toux dans une nécropole antique. Il s’était pour une fois raisonné / censuré, se cantonnant de mauvaise grâce aux périmètres de la norme (norme qui, à ses yeux, n’avait rien de normal, il va sans dire, mais possédait déjà, et cela sans que l’on puisse deviner en elle toute la série infernale des crimes et des affronts qui allait s’ensuivre et qu’elle contenait pourtant comme une graine pourrie, un caractère absolument monstrueux).
Si ahurissant que cela puisse paraître à un étranger débarquant la bouche en cœur dans cette folie devenue la règle, les preuves d’existence de la famille du philosophe avaient été effacées. Une à une, savamment. Et ce avec l’aide complice de la loi et de la bonne conscience, et d’une large brassée de veulerie pro patria. Van Breda commençait à prendre conscience du drame qui se jouait depuis 33. Il avait du mal à y croire, comme devant une verrue faciale apparue pendant la nuit et qui siphonne tous les regards alentour, à se rendre compte par lui-même de ce qui n’était auparavant que des lignes typographiées dans des journaux, mais, pour autant qu’il puisse en juger sur le coup, cette révélation effrayante n’atténuait pas sa conviction qui demeurait ferme. Il était plus que jamais (dans ce jamais il fallait ouïr : chicanes, altercations, procédures, mesures de rétorsion, etc.) déterminé à poursuivre son action, à braver hardiment les intempéries. Ce n’étaient pas quelques tracasseries bureaucratiques, cadeaux empoisonnés de la sacro-sainte rationalité moderne à la soumission journalière des individus, qui allaient le freiner dans son élan.
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C’est un frère franciscain qui défait sa valise. À ce stade, on ne peut pas en dire plus. Il se trouve dans ce qui doit être une chambre, ou peut-être une cellule, puisqu’il s’agit d’un frère, franciscain de surcroît, et que ce genre de personnes ont l’habitude de dormir dans des monastères où, par tradition, on nomme les chambres petites, simples et sombres, « cellules ». On sait que c’est un frère franciscain, car on reconnaît tout de suite l’habit caractéristique de son ordre : la robe brune qui couvre tout le corps, la ceinture en cordelette blanche, et le fameux capuchon pointu qui donne à tous ces moines, depuis près de quatre cents ans, cette allure mystérieuse qu’exploitera, plus tard, au cinéma, le réalisateur d’une épopée galactique. Car, bien évidemment, elle permet de se couvrir la tête, mais aussi le haut du visage, plongeant ce dernier dans une ombre si impénétrable qu’on est enclin, même dans le cas des braves franciscains, à l’interpréter comme le signe d’une présence malfaisante. Il ouvre sa valise et range ses effets personnels dans un vieux coffre (il n’a pas vraiment le choix, c’est le seul meuble de la pièce), ce style de vieux coffre en bois, rongé par le temps et les xylophages, qu’une décoratrice de plateau aurait adoré dénicher dans un vide-greniers pour un film historique. Ses gestes sont sobres / précis en dépit du manque de clarté. L’obscurité ambiante pourrait en effet le faire hésiter, lui transmettre cette indécision générale des choses résultant de leur perte progressive de contours, mais ce n’est pas le cas. En même temps, il a tôt fait de ranger ses affaires. Il possède peu de choses et n’aspire pas à l’accumulation. La règle de pauvreté facilite les voyages et les installations.
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Il est donc question de Los Angeles, métropole américaine de près de 15 millions d’habitants, sise dans le sud de la Californie, dont l’aspect en apparence éclaté et l’étendue quasi infinie défient toute représentation précise. Il est donc question d’une ville contemporaine, de ses formes de configuration spatiale, des multiples effets esthétiques, sociaux, politiques qu’elle produit sur le comportement et les pratiques de ses résidents, des désirs et des intentions qu’elle en reçoit en retour, de ce mélange d’objectivité ouverte et de subjectivité flottante qui constitue, en fin de compte, toute expérience urbaine. Il est donc question de la production du sens social dans l’univers quotidien qui, par sa tendance à consacrer ce qui se fait, masque ses propres conditions d’élaboration. Il est donc question de la difficulté d’une méthode descriptive qui doit simultanément rendre compte de ce qui apparaît dans sa donation phénoménale et débusquer les visées cachées, les attentes déçues et les idéalisations des acteurs sociaux qui s’y entremêlent depuis toujours et font de la ville le palimpseste de leurs motifs.
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Cette logique du ré-enchantement profane et sériel commence à être bien connue : d’une accumulation de faits, il s’agit de faire un événement. À la première se bousculent journalistes et professionnels, qui attendent de voir ce qui n’aura lieu non pas qu’une fois mais plusieurs fois, un nombre n de fois. Car c’est là que réside l’essence intime de l’industrie culturelle : transfigurer la quantité en qualité, métamorphoser le calcul en ébahissement. À quoi le programme de la vraie philosophie critique répondra toujours : apercevoir des chiffres derrière les lettres, se désenivrer des mythes en les comptant. Enquêtes et statistiques constitueront toujours la cellule de dégrisement des agents sociaux, le lieu où ils perçoivent, noir sur blanc, les chiffres implacables de leurs agissements.
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L’uniformité sociale et l’homogénéité visuelle ont fait peu à peu des villes traditionnelles des sortes de zoos urbains, des réserves culturelles à ciel ouvert que l’on visite avec plaisir, mais où jamais l’idée de les habiter un jour ne nous traverserait l’esprit. À ce rythme, la ville s’éteint à petit feu, drapée majestueusement dans le style maniéré et pathétique des embellissements ultimes. Sa positivité exclusive l’étouffe ; elle meurt de son incapacité d’admettre l’altérité même qui constitue l’essence de la vie urbaine.
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Les origines de ce livre ? Diverses et en même temps uniques. Brassant une grande période de temps (plus de dix années) et d’espace, Suburbia tente par de multiples moyens de ne pas traiter directement d’une question, mais de tourner autour, de multiplier les angles de vue, d’éviter le piège du traitement central et de prendre des chemins détournés, et ce pour tenter de rendre compte par la pensée, l’écriture, la description, de l’incessante mutation des villes, de leurs expansions, de leurs contractions, de leurs métamorphoses sous les effets d’innovations technologiques, de tendances sociales, de pressions économiques, mais aussi et surtout d’attitudes existentiales. Ce n’est donc pas un même thème qui rassemble ces divers textes, mais un air de famille, l’atmosphère si caractéristique de cette suburbia, de cette frange grandissante des villes qui se développe à l’échelle mondiale en associant des banlieues pavillonnaires, des grands ensembles, des zones commerciales et des espaces de production technologique.
Il ne faut pas chercher ici des thèses, des propositions, encore moins des analyses d’un spécialiste de la ville, ce que je ne suis pas et ne cherche pas à être. C’est en tant que philosophe que je me suis perdu dans cette périphérie quasi illimitée, que j’ai porté mon regard en mes questions. Aussi ma lecture des villes, et des penseurs de la ville (Benjamin, Debord, Soja, Banham, Joseph, etc.), s’effectue-t-elle toujours à partir de problèmes qui ne relèvent pas directement de la vie urbaine : le rapport à l’illimité, la difficulté de connaître l’autre, le trouble de la rencontre et de la relation, la tendance à pallier le défaut de protection par la production de structures défensives visant à l’établissement de l’assurance, etc.
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La naïveté d'un corps nu, mort ou vif, vous guérit de tout prêche.
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C'est tout autant un parc d'attractions que de répulsions.
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« Le ParK est comme une histoire sanglante qui nous conte l’horreur et la férocité des hommes sans autre intention de nous les donner à savourer. »
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