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Citations de Bruno Dumézil (33)


QUAND L'HISTORIEN FAIT LE BARBARE

Le barbare est nécessaire. Surtout s'il appartient à un passé lointain. Les Européens ont donc fait appel aux peuples du haut Moyen-Âge, soit pour se trouver des ancêtres, soit pour dénoncer de soi-disant ennemis héréditaires. Et quand les français ne pouvaient plus voir les allemands en peinture, ils se sont mis à peindre les tableaux montrant les anciens germains. C'est ainsi que le XIXème siècle, âge d'or des nationalismes, a façonné le passé... à son image !
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A terme, au milieu du VIIe siècle, tous les hommes libres vivant au nord de la Loire sont appelés Francs. Les indigènes n'ont pas été massacrés ou réduits en servitude. Ils se sont adaptés. Comme les chefs gaulois s'étaient jadis faits citoyens romains, les élites locales ont changé d'identité en devenant franques.
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Pour les Ve, VIe et VIIe siècles, le genre littéraire le plus représenté est celui de la vie des saints. Pour illustrer les miracles des évêques ou des abbés, les auteurs rapportent des guérisons miraculeuses, des résurrections de morts, voire des récits de visites dans l'au-delà. Le surnaturel abonde, avec force dragons, monstres et démons. Au XIXe siècle, les historiens qui se sont penchés sur ces textes en ont déduit que les hommes des temps barbares étaient des esprits crédules ou superstitieux, et que toute la période était baignée par l'obscurantisme. Mais ces sources sont-elles représentatives ? La plupart des journaux actuels proposent bien une rubrique de prédictions astrologiques à leurs lecteurs... Que penserait-on si l'on ne conservait de notre époque que ce type de littérature ?
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Dans tous les cas, parler de "déclin" ou de "décadence" est un jugement moral. Mieux vaut considérer que la société évolue et se réorganise. Certains en souffrent, d'autres en profitent. Et parmi les hommes qui en tirent le plus d'avantages, il y a ceux que l'on appelle les Francs.
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En proposant des dignités, des offices et des commandements régionaux, les rois mérovingiens avaient surtout réussi à se positionner comme les véritables créateurs de l'ordre social. Or, depuis l'effacement de l'Empire romain en Occident, la société peinait à se structurer autrement que par la pratique de la guerre ou l'accumulation de richesses. En l'absence d'un cadre institutionnel pérenne, il fallait sans cesse démontrer son prestige, sa fortune, sa capacité à nuire ou à protéger ... Autour des années 500, le faste ostentatoire des sépultures avait considérablement augmenté, sans lien avec les nouveaux besoins religieux et même en décalage avec un christianisme qui se désintéressait de ces dépôts funéraires ; sans doute ce phénomène traduit-il le stress des familles du nord des Gaules, pour qui chaque changement de génération constituait un risque de remise en cause du statut obtenu. Or, ce faciès archéologique dit "des tombes de chefs francs" s'effaça dans le courant du VI°s. A mesure que le pouvoir mérovingien s'enracinait, les familles cessèrent de redouter les lendemains : une transmission paisible des patrimoines serait assurée, les enfants des puissants auraient à leur tour leur chance de recevoir fonctions et honneurs. En retour, ces notables devenus officiers royaux témoignèrent leur loyauté à la dynastie qui les avait confortés dans leur situation. Cela n'interdisait pas au Palais de maintenir un peu de mobilité sociale en privilégiant parfois une élite de compétence sur une élite de naissance ; ce faisant, ils évitaient d'être dépendants d'un groupe social unique et étendaient encore le nombre de leurs obligés. En somme, les premiers successeurs de Clovis surent se rendre utiles ; ce fut sans doute pour cela qu'ils seraient rapidement considérés comme indispensables.

pp. 109-110
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Le premier récit cohérent du règne apparaît sous la plume de Grégoire de Tours, qui achève ses "Dix livres d'histoires" dans les années 590. Alors que le royaume mérovingien est déchiré par les guerres civiles, Clovis doit apparaître comme un fondateur grandiose. Son règne est ainsi présenté par Grégoire à travers une série de scènes saisissantes : les victoires initiales lui permettant de prendre le contrôle du Bassin parisien, le mariage avec une princesse catholique, une bataille difficile contre les Alamans du Rhin suivie par un baptême à l'âge de 30 ans et, enfin, la conquête du royaume wisigoth et la fondation d'une capitale à Paris.
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Sur le plan géopolitique, le Regnum Francorum profita de ne pas assumer sa stature impériale. Byzance, encore capable de mener des opérations lointaines jusqu'au début du VII°s, n'aurait pas permis qu'un souverain chrétien usurpe le titre d'Auguste. De plus, un empire proclamé aurait suppose un investissement militaire fort et constant pour le conserver, ce dont les Mérovingiens se seraient sans doute révélés incapables. Le monde franc se contenta de se donner des airs d'empire, de jouer avec les mots et les symboles, notamment à l'époque de Théodebert I° et de Dagobert I°, mais sans en devenir prisonniers. L'espace entre le Rhin et la Loire constituait un territoire vital et intangible, mais les marges de la domination restaient plus floues. Dès lors, la perte de l'Italie padane ou l'autonomisation des duchés de l'Est ne constituèrent pas des drames. En outre, puisque le véritable coeur du Regnum battait dans une petite région capitale, les Francs n'eurent pas à gaspiller leurs forces pour conserver des lieux de mémoire disputés, comme l'Empire byzantin qui s'épuisa à récupérer Rome sous Justinien ou à reprendre Jérusalem à l'époque d'Héraclius. Le raid arabo-musulman de 732, qui avait touché Poitiers et menacé Tours, demeure isolé : le pouvoir central franc y répondit avec force, sans doute dans le contexte de la rivalité avec le duc d'Aquitaine, mais peut-être aussi parce que cette incursion fut perçue comme une menace sur sa propre existence.

pp. 287-288
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Parce qu’il écrit en moraliste chrétien, Grégoire de Tours entend montrer les péchés des puissants et leur suite logique, le châtiment divin qui frappe les coupables.

Par conséquent, il s’attarde à décrire les situations les plus scandaleuses, au mépris peut-être du fonctionnement ordinaire du royaume. D’autres regards sont pourtant possibles.

Reprenons par exemple le récit d’Agathias, qui écrit depuis la Constantinople de Justin II (565-578). Ses Histoires entendent imiter Thucydide, Polybe et Procope, tout en instillant l’idée que le succès d’un État s’explique avant tout par l’usage de l’intelligence et de la justice.
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Parce qu’il écrit en moraliste chrétien, Grégoire de Tours entend montrer les péchés des puissants et leur suite logique, le châtiment divin qui frappe les coupables.

Par conséquent, il s’attarde à décrire les situations les plus scandaleuses,
au mépris peut-être du fonctionnement ordinaire du royaume.
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La vie d'Ibn Khaldûn, qu'il nous a contée lui-même dans une sobre autobiographie, ne recèle guère d'éclats ni d'exploit, si ce n'est sa rencontre en 1401, à près de 70 ans, avec l'un des grands fléaux de l'Apocalypse, le conquérant turco-mongol Tamerlan. C'était sous les murs de Damas, promise au sac, au viol, à l'incendie. Ibn Khaldûn, juge et notable, introduit auprès du conquérant pour tenter d'adoucir le sort de la ville, assiste impuissant à ce qu'il comprend mieux que tout autre, ce qu'il a théorisé depuis des décennies. Toute la grandeur d'Ibn Khaldûn est dans la force de la pensée du roseau qui plie, pour le dire comme Pascal, et qui seul comprend le sens de l'incendie qui va le dévorer. La seule aventure d'Ibn Khaldûn fut la pensée.
(Ibn Khâldun, Gabriel Martinez-Gros)
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BASQUES
Dans l'historiographie, l'identification d'une culture ancienne propre aux populations pyrénéennes repose essentiellement sur l'argument linguistique. En effet, l'originalité de la langue basque serait chez certains auteurs la marque de son caractère endogène, dont l'origine remonterait au néolithique ou à l'âge du bronze. Il n'existe cependant aucun argument sérieux en ce sens. (...)
Adrien Bayard
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Imaginons un instant que les historiens du futur essaient de comprendre la France du XXIème siècle en disposant uniquement de la collection complète du Canard Enchaîné : que penseraient-ils de notre époque et surtout de notre personnel politique ?
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Cette bataille que la tradition situe à Roncevaux - le lieu exact reste inconnu - posa un problème de communication politique. Il faut attendre 820 pour qu'Eginhard avoue une lourde défaite, sanctionnée par la mort du sénéchal, du comte du palais ainsi que d'un préfet de la marche de Bretagne nommé Roland. Au XIe siècle, cet obscur personnage tué par les Basques chrétiens deviendrait le neveu bien-aimé de l'empereur, un chevalier mourant contre les Sarrasins infidèles.
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Les auteurs du VI°s ne connaissaient déjà plus les raisons d'être de cette toison qui valut aux Mérovingiens le nom de "rois chevelus". Sans doute ce marqueur physique avait-il des aspects pratiques, puisqu'il permettait de reconnaître le prince légitime ou, selon les circonstances, d'identifier son cadavre. Pour authentifier les actes royaux, la chancellerie franque avait également l'habitude de déposer quelques cheveux royaux dans la cire des sceaux même si, faute de diplômes conservés avant le VII°s, on ignore si la pratique existait au temps de Clovis. Quant aux Byzantins, ils savaient que les Mérovingiens avaient une longue chevelure mais ils préféraient souligner qu'elle était entretenue avec force lotions ; cela les différenciait des Turcs, peuple dont l'hygiène capillaire était notoirement déplorable (Agathias, "Histoires" I, 2-3).

p. 70
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L'apparition de Conan est pensée comme celle d'un corps puissant et indomptable, contemporaine de celle des premiers athlètes acteurs, comme Douglas Fairbanks ou Johnny Weissmuller qui, à partir de 1932, incarne Tarzan au cinéma. L'évolution du personnage du Cimmérien accompagnera d'ailleurs celle des rapports au corps masculin tout au long du XXe siècle. Conan devient ainsi l'archétype de l'homme bodybuildé et imberbe - alors que le barbare était traditionnellement représenté barbu et poilu -, véritable parangon du self-made-man américain capable de se forger un destin à la seule force de ses muscles dans une Amérique traversée par la Grande Dépression. Qu'il ait été incarné trois fois entre 1982 et 1985 par Arnold Schwarzenegger ne doit rien au hasard tant le storytelling entourant la carrière de l'athlète, autrichien de naissance, ressemble à celle du Cimmérien, parti de rien et devenant célèbre grâce à sa seule force physique et son entraînement, dans une Amérique des années Reagan qui porte aux nues ce genre de modèle, avec, par exemple, le personnage de Rocky.
(William Blanc - Conan le barbare)
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De façon un peu paradoxale, la mémoire européenne du XXe siècle a érigé le monde de Charlemagne en âge d'or, alors que son empire avait été construit par la conquête et s était pas révélé viable. Diffus mais solide, largement consensuel, le royaume des Mérovingiens apparaîtrait comme un modèle plus stimulant pour une époque de flottement des identités, d équilibres incertains entre l'expression des forces centrifuges et le souhait d’ institutions communes,. P. 290.
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La barbarie ne se résume toutefois pas à la construction d’une altérité, fût-elle connotée péjorativement. Dans la plupart des cas, le processus introduit des constructions spatiales : si le barbare vit autrement, c’est parce qu’il vit ailleurs ou parce qu’il vient d’ailleurs. Dès lors, les différences climatiques, géographiques ou environnementales se voient érigées en barrières comportementales ; ceux qui vivent sous d’autres cieux ont forcément des mœurs différentes
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R. Howard avait tenté plusieurs types de récits historiques ou de westerns, avec des héros nordiques ou celtes, avant de mettre en place des mondes antédiluviens fictifs qui lui permettaient de mélanger des références directes à différentes époques simultanément sans trop se soucier de cohérence ou d'anachronismes. Il crée ainsi un âge "hyborien" dans un lointain passé qui mélange des peuples protohistoriques inspirés des Grecs (Hyperboréens, Cimmériens, Hyrkaniens, Corinthiens, Stygiens), des références bibliques (Ophir, Shem), de la mythologie scandinave (Aesirs, Vanirs, les dieux nordiques devenant de manière évhémériste des peuplades) ou celtiques (la Némédie, les Pictes). Ses Cimmériens gardaient l'aspect brumeux du peuple dans l'Odyssée mais étaient censés d'ailleurs tenir plus d'un peuple celtique (en raison d'un lien supposé entre "Cimmériens" et "Cymru", nom du pays de Galles).
(article Heroic Fantasy, Frédéric Ferro)
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AMAZONES
(...) Pour plus d'aisance dans le maniement des armes, elles se suppriment le sein droit en le comprimant dès l'enfance ou en le brûlant. Cette mutilation (...) n'apparaît cependant jamais dans les représentations figurées. (...) Si, souvent, on constate le demi-dévoilement de la poitrine, ce n'est pas pour illustrer l'ablation d'un sein mais pour traduire la violence de l'action.
Pascale Linant de Bellefonds
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Alaric Ier résume une question cruciale : est-il un barbare de l'intérieur ou un Romain d'origine barbare défendant ses intérêts au sein de l'Empire ?
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