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Critiques de Carlos Liscano (32)
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Souvenirs de la guerre récente

SOUVENIRS DE LA GUERRE RECENTE se présente comme le récit d’un personnage, emmené un jour sans raison dans un camp militaire pour s’entraîner à défendre son pays qu’une guerre imminente est censée menacer. Après 17 années passées dans ce  camp à attendre les attaques de l’ennemi et à accomplir le plus sérieusement les tâches qui lui sont confiées, il est est libéré mais ne pouvant s’adapter à la vie civile, décide de retourner au camp .



Ce récit à la première personne est fait par un homme dont on ne connaît jamais l’identité, qui s’inscrit dans un groupe désigné par « nous « .

C'est un récit qui ne comporte aucun nom propre, aucune information géographique permettant de localiser le pays, aucune information permettant de dater l’action, apportant seulement des indications de durée .

Un récit cependant précis, comportant peu de dialogues et qui tel un compte-rendu ou plutôt tel un rapport militaire analogue à ceux dont le personnage prend connaissance, est constitué de phrases sèches, juxtaposées relatant des activités routinières,parfois absurdes, mais toujours accomplies scrupuleusement dans cet univers d’enfermement.

Un récit qui, quoique sec et dépouillé, n’est pas exempt de poésie dans les passages où le personnage évoque ses rapports fusionnels avec la nature, la nuit, en sentinelle, sur le rocher .

Un récit, donc, qui ne permet pas de répondre aux questions habituelles : Qui ? Où ? Quand ? et qui tel une fable possède une portée plus large qu’un roman ancré dans un contexte historique ou politique



Quel sens alors peut-on donner à cette « fable » dans laquelle on reconnaît une situation d’attente analogue à celle du DESERT DES TARTARES de Buzzati ( parenté que revendique Liscano dans sa préface ) ou à celle du RIVAGE DES SYRTES de Gracq ; un personnage qui rappelle celui du PROCES de Kafka et des actions sans justification proches du théâtre de l’absurde ?



Il semble que au travers de cette histoire on puisse voir l’image de l’individu au sein d’un régime de dictature, soumis, conditionné, accomplissant aveuglément des activités aliénantes et dérisoires comme ramasser du crottin, mais apparemment utiles et par lesquelles il trouve une sorte de paix . L’individu qui a fait siennes les lois du régime, qui s’y sent à l’aise « la liberté c’était faire son devoir……obéir à ce qui avait été stipulé…sans recevoir en échange » et pour lequel c’est la liberté qui est effrayante . Cet individu ne se désigne jamais du nom de prisonnier et lui préfère celui de soldat, plus positif puisqu’il connote l’idée d’un devoir utile à accomplir . Le camp où revient le héros à la fin du roman est désigné par le mot « maison ». Rares d'ailleurs sont les soldats qui acceptent de le quitter quand ils en ont reçu l’autorisation : ils ne sont que deux, les plus jeunes, ( ce camp n’a, semble-t-il pas encore eu le temps de produire son effet aliénant ….)

Nulle part, Carlos Liscano ( écrivain urugayien qui vient de mourir le 25 mai 2023) ne dénonce ouvertement l’univers carcéral qu’il a pourtant connu pendant 13 ans de 1972 à 1985 mais ce récit paru en 2007 ( et c’est là toute sa force et son intérêt ) ne cesse de montrer, par une sorte d’ironie, le danger de la soumission à l’ordre et à l’autorité .Une phrase du journal de Kafka est d'ailleurs placée en exergue : « Je lutte, personne ne le sait »

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Le fourgon des fous

« Cette nuit est étrange. Il n’y a pas de torture ». Carlos Liscano avait 23 ans lorsque le régime militaire en place décidera de l’arrêter, et de l’incarcérer pendant ….13 ans.



Il ne pourra écrire le cauchemar vécu de la torture, de l’humiliation que trente ans plus tard, avec le recul nécessaire, l’expérience acquise, la maturité si utile pour décrire l’indicible, sans rancoeur, ni dégout.



Carlos Liscano raconte qu’il était deux : un corps d’un coté, corps battu, torturé, blessé et perpétuellement abimé, et un mental de l’autre, mental s’exerçant au détachement, tentant de maintenir une dignité intérieure si vitale pour tenir, pour ne pas céder.



Avec des mots simples et d’une précision glaciale, sans sentimentalisme, il racontera, enfin.



A lire, vraiment.
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Le fourgon des fous

Une fois de plus, me voici plongée en milieu carcéral.



Pas avec des prisonniers de droit commun, mais avec des prisonniers politiques, en Uruguay. Croyez-moi, vous n’avez pas envie de vous retrouver dans leurs prisons.



Au menu : tortures, brimades, privations, tortures, perte de sa liberté, de ses droits, de tous ses droits, tortures et, pour ceux qui n’auraient pas encore compris : TORTURES !



Ce roman autobiographique commence par un chapitre dédié à son enfance, puis par quelques instants de prison, avant de passer à la libération et, ensuite, de revenir vers ces douze années que l’auteur, Carlos Liscano passa, enfermé au Pénitencier de Libertad, à subir les tortures du grand baril de deux cents litres, en métal, coupé en deux et rempli d’eau.



Le texte est intense, sans pour autant sombrer dans le pathos ou la violence gratuite. À la manière d’un Soljenitsyne, l’auteur nous raconte les comportements de ses tortionnaires, mais sans les charger, en se mettant à leur place, sachant que de toute façon, ils n’ont pas vraiment le choix.



Oui, il parlera des souffrances physiques, des souffrances morales, de l’absence de contacts avec la famille, des infos qu’il faut lâcher avec précision, pour éviter de trop grandes douleurs, du fait qu’il faut crier plus fort que ce que l’on ressent vraiment, pour ne pas leur donner l’impression que l’on s’en fout, que l’on ne ressent rien… Il vaut mieux ne pas jouer à la forte-tête.



Bref, tout est affaire de subtil dosage et son roman pourrait être un guide de "Comment survivre dans une prison en tant que prisonnier politique : trucs et astuces".



Dans ce roman autobiographique, les hommes, les vrais, sont les prisonniers que l’on torture, tandis que les tortionnaires se sont abaissés tellement bas qu’ils ont perdu leur humanité, dans tous les sens du terme.



L’auteur se demande même ce qu’ils racontent à leurs femmes, leurs enfants, lorsqu’ils rentrent à la maison, après leur sale boulot.



Un roman poignant, qui ne sombre jamais dans le pathos ou le larmoyant. L’auteur parle aussi de la reconstruction, une fois libre, et de ce grand choc qu’est la remise en liberté, après autant d’années de réclusion.



Un récit humain, jamais à charge.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Souvenirs de la guerre récente

Décidément, ces derniers mois, j'aurai découvert de multiples auteurs sud Américains. Cette fois c'est un Uruguayen.



"J'étais marrié depuis peu et j'avais une maison à moi."



Quand ce jeune marié se fait arrêter par les militaires, il ne sait pas qu'il ne reverra pas sa femme de sitôt.



Emmené dans un lieu imprécis, l'homme va découvrir un monde soit disant en guerre mais où il ne se passe rien. Des routines se mettent en place, des petits rien occupent toute sa vie et celle de ses "Co légionnaires". La guerre n'est jamais là, un orage devient un événement ultra important. Rapidement l'homme est broyé par cette machine et se plie à ce régime. Lorsque la libération arrive enfin et bien il est trop tard. Cet homme ne perçoit plus la liberté comme un droit mais comme une menace.



C'est un roman étrange. Il n'y est jamais question de torture physique ni même psychologique mais l'enfermement est là et il se ressent profondément. L'écriture est simple mais participe bien évidement à cet effet.



Il faut savoir que Liscano a été enfermé pendant 13 ans en Uruguay. L'écriture lui a permis de survivre. L'avant propos de ce livre est essentiel pour comprendre ce qui se passe dans ce livre. L'auteur fait référence à Buzzati et au désert des tartares. C'est vrai que l'on retrouve cette atmosphère étrange faite d'attente et d'un homme qui passe à coté de sa vie. Mais si dans un cas c'est volontaire dans l'autre le point de départ est la contrainte... à l'arrivée les choses seront aussi inversées... mais je ne veux pas gâcher votre plaisir... Disons que si je devais choisir entre ce roman et "le désert des Tartares" alors c'est celui de Buzatti que je choisirais sans hésitation. Par contre je pense lire un autre livre de cet auteur prochainement car son écriture est vraiment intéressante.
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Le lecteur inconstant

Dans le cadre du prix du roman de la Fnac 2011, j’ai reçu le dernier ouvrage de Liscano.



Ce livre est composé de deux parties. J’ai beaucoup aimé la première tandis que la suivante m’a laissée indifférente. La première partie est une sorte de genèse de comment cet homme est devenu écrivain et comment l’écriture lui a la fois sauvé la vie et en même temps l’a transformé voire même paradoxalement emprisonné… Bien que cela ne soit pas toujours simple à suivre, j’ai trouvé cette « confession » assez extraordinaire. L’auteur décrit comment la certitude d’être un écrivain (alors que ce n’était ni son métier, ni son rêve) lui a permis de devenir un autre et donc d’échapper à sa condition de prisonnier. C’est très beau, très humble, … bref à lire



La deuxième partie « Le corbeau blanc » est un conte qui bien entendu fait référence à la vie de l’auteur qui toute sa vie post prison se sentira différent, marqué, … Ce sont des exercices de style pour rendre hommage à de grands auteurs et j’avoue que cela n’a pas très bien marché sur moi. Je comprends (en partie) l’allégorie et l’aspect symbolique mais je ne marche pas.



En conclusion, ce n’est pas le roman de l’été que je choisirai mais la première partie est vraiment à découvrir pour qui aime la littérature et veut comprendre la naissance d’un écrivain.

Si vous aimez Kertész alors vous devez lire la première partie, ces deux auteurs ont des expériences similaires d’écriture toute à la fois salvatrice mais aussi asservissante.



Merci encore à La Fnac mais aussi aux Editions Belfond



1ère phrase: " il y a entre lui et moi un dialogue qui se répète."
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Souvenirs de la guerre récente

Le meilleur texte qui résume si bien le livre, est celui du traducteur, Jean-Marie Saint-Lu:

« Le camp militaire est en fait une prison (…)

ainsi il (le prisonnier politique) est irrémédiablement pris dans une logique absurde des dirigeants du camp (sinon l’impact négatifs de sa résistance serait trop important sur ses pairs):



(…) n’est rien d’autre, en réalité, qu’un lent processus d’anéantissement de l’individu par l’institution dominante. ».



L’auteur a déjà été prisonnier politique pendant 13 ans et cela contribue irrémédiablement à l’oeuvre. Il a dû s’exiler de la dictature uruguayenne en 1985 pour ne revenir qu’en 1996. Y reviens-t-on entièrement après ce style de vie imposé?…



Un excellent roman à découvrir!
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Souvenirs de la guerre récente

Un jeune homme est arrêté. Il est emmené dans un camp militaire que ses compagnons ne savent pas localiser.

Il y aurait la guerre, mais on ne saura aucune information. Sont-ils sur le front ou à l’arrière-garde ? La guerre a-t-elle été déclarée ? Où ? Contre qui ? En tous cas, l’ennemi reste invisible.

Le héros remplit des tâches qu’il présente comme essentielles, en réalité, elles nous semblent absurdes. Il attend, il monte la garde derrière un rocher. L’ennemi n’arrive pas, mais les soldats doivent se tenir prêts. Ils s’entrainent, ils marchent, ils nettoient leur fusil, ils sont soumis à une discipline quotidienne. Ils ne comprennent pas, mais ils ne doivent surtout pas poser de questions, ne pas se faire remarquer. On pourrait les accuser de faute et les punir. Alors ils se tiennent à carreau, obéissent sans révolte aucune.

L’ordre militaire organise la vie dans ce camp. Sont-ils prisonniers ? Personne ne songe à s’échapper.

Dans ce roman remarquable, il est question de l’aliénation de l’individu, on sait que Carlos Liscano a vécu l’emprisonnement politique pendant 13 ans, en Uruguay.

L’écriture est sobre, dépouillée, efficace. Les phrases courtes sont ciselées. Les 165 pages de ce court roman m’ont ravie.

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L'écrivain et l'autre

“Écrire c'est être assis, immobile dans l'agitation infinie.”



J'aurais pu troquer cet aphorisme pour une centaine d'autres, tant L'écrivain et l'autre regorge de formules similaires. Et pour cause il s'agit d'un journal dans lequel l'auteur dissèque avec une extrême précision son rapport à l'écriture et à la vie.



Peut-être l'ignorez-vous mais Carlos Liscano est un écrivain uruguayen incontournable en Amérique du sud. Il a été torturé et emprisonné 13 ans par le régime militaire en place en raison de ses convictions politiques : il était membre des Tupamaros, un mouvement d'extrême gauche. C'est entre 4 murs qu'il a appris la mort de sa mère et le suicide de son père ; entre ses 4 murs également qu'il a commencé à mettre des mots sur son vécu. Il a depuis publié plusieurs écrits, tous ovationnés à l'international avant d'évoquer en 2010 son rapport à l'écrit et plus largement à la littérature et d'exposer l'intimité de ses pensées.



L'écrivain et l'autre n'est donc pas un essai sur l'écriture – bien que certains passages puissent y faire penser et supplantent au passage le flot de médiocrités qui pullulent en librairie – mais plutôt un regard introspectif sur la démarche de l'écrivain, une dissection du processus et également, en filigrane, de l'homme. Pourquoi écrit-on ? Pour reprendre le pouvoir nous dit-il. Pour échapper à la place que le monde nous assigne. Comme on respire. Comment écrire ? En écoutant “la rumeur des mots”. En suivant “le “flair pour les mots, pour les phrases, pour ce qui pourrait être le sujet d'un livre. Parce que ce flair s'éduque, se développe avec l'activité, mais il précède la décision d'écrire."



Carlos Liscano distingue l'homme qui peut se sustenter d'une vie ordinaire du personnage de l'écrivain – indispensable selon lui, prioritaire même – dit “l'inventé”. L'un veut vivre, trouver l'amour, avoir des enfants, l'autre veut écrire au risque de ne plus savoir faire qu'observer. Il les présente comme 2 pans antagonistes et tente d'analyser leur étrange cohabitation.



On suit le fil de ses pensées et de ses errances, à mi chemin entre le constat poétique et la détresse pudique. Un récit d'une sincérité désarmante, très clairvoyant, à mettre entre toutes les mains qui doutent.



•°•°•°• A lire tout particulièrement si :

- vous avez le syndrome de la page blanche ;

- vous avez un rapport compliqué à l'écriture ;

- vous vouez un culte à Cioran ;

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Le fourgon des fous

J'ai dévoré ce livre en une journée ! il se lit facilement et mérite réellement d'être lu.

Carlos raconte son emprisonnement à ses 23 ans et la torture qu'il a vécu les premières d'années d'emprisonnement, lorsqu'on le noyait dans un baril d'eau poisseuse rempli de vomis, de baves des autres détenus.

Il se faisait battre avec un sac sur la tête et ne voyais rien. On parle souvent de torture, mais comme il le dit, on ne s'en rend compte réellement que quand on la subit. Il a été fort étonné de ce que le corps humain peut subir et que le cœur ne lâche pas. il espérait mourir, mais à 23 ans le corps se bat. 13 ans plus tard, il a été libéré de prison. Lors de ces années, il rencontra des personnes, qui sont devenus de vrais amis pour lui.

Quand il était en prison, il appris la mort de ses deux parents. D'abord sa mère, puis son père se suicide car il ne supporte pas la vie sans sa femme. A la sortie de prison, il réussi à retrouver leurs cendres. Il leur fait une sépulture pour qu'il repose tous les deux ensemble et se fait une promesse que lorsqu'il mourra, il reposera au côté de ses parents.

J'aime vraiment sa façon de voir les choses et de se dire que la prison la aider à être meilleur et à connaître son corps. Ce que nous ne pouvons pas savoir, car nous n'avons pas connu le pire et la souffrance, l'humiliation, la puanteur que ces personnes emprisonner peuvent ressentir.
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La route d'Ithaque

" La route d'Ithaque" de Carlos Liscano ( 324p)

Ed. 10/18



Bonjour les fous de lectures ....



Pour une affaire de drogue, Vladimir a du fuir l'Uruguay.

Il se retrouve en Europe.

Nous allons suivre ses errance de Stockholm à Barcelone.

Immigré parmi les autre, plongé dans un monde de marginaux et de clochards, fréquentant les prostituées et les asiles psychiatriques, Vladimir s'interroge et se morfond.

A la fois fataliste et désespéré, essayant de survivre, Vladimir essaye de trouver sa place dans la société.

Comme Ulysse cherchant Ithaque, Vladimir cherche le lieu qui l'apaisera et l'épanouira.

Quête désespérée pour un homme au mal-être trop profond, à la limite de la folie.



Autant j'avais été enthousiasmée par " le fourgon des fous" du même auteur, autant j'ai eu plus de mal avec ce récit.

Beaucoup de longueur et peu d'empathie pour Vladimir et ses perpétuelles errances et remises en question.

Je reconnais cependant certaines analyses subtiles de la société de l'époque ( post mur de Berlin)
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Le fourgon des fous

Carlos Liscano, né en 1949 à Montevideo, était engagé dans le mouvement politique uruguayen d’extrême gauche Tupamaros, prônant une révolution socialiste et la guérilla urbaine, dans les années 1970, pendant la dictature militaire. Il est arrêté en 1972, à l’âge de 23 ans et enfermé, torturé par le régime à l’image de centaines de milliers d’autres personnes. Il ne sera libéré que 13 ans plus tard. C’est en prison que l’écriture s’imposera à cet étudiant-chercheur en mathématiques comme acte de résistance, de lutte contre l’anéantissement de son être.

Par de très brefs chapitres d’une page ou deux, l’auteur revient dans une première partie sur ses premières scènes marquantes, de la naissance de sa sœur jusqu’à sa propre incarcération 16 ans après, jour pour jour, en passant par la mort de ses parents pendant son enfermement jusqu’à l’enterrement de leurs restes après sa sortie.

Mettant en lumière l’éclatement de la relation corps-esprit qu’engendre la torture physique et psychologique, c’est par aller-retour entre passés et présents de différentes époques, avant et après, comme dans un peu importe le quand de cet après « CA », que va débuter le récit de Carlos Liscano.

Après avoir fondé cette réalité, il reviendra plus profondément sur les violences que chaque détail du quotidien fait revivre. Une question lancinante et angoissante du comment se maintenir ensuite, tout en portant cette cassure. Il utilisera avec logique le présent de vérité générale et de mise en situation pour décrire le système de torture et l’attitude de ses bourreaux jusqu’à nous faire sentir dans une composition subtile de clair-obscur l’humanité qui lie tout mortel à un autre.

C’est un jeu de lecture et d’écriture qu’il va poser lors de la création de cet ouvrage, une construction graphique de lui-même, un rétablissement de la continuité du temps et de l’histoire. Un travail de résilience en somme, afin de retrouver enfin le chemin de la liberté.
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Le fourgon des fous

Récit autobiographique poignant d'un auteur uruguayen qui a connu les affres de la prison pendant plus de 10 ans.

Arrêté en 1972, l’auteur revient sur ses années de prisons.

Après avoir rapidement balayé chronologiquement son passage dans les geôles , il revient plus en détail sur sa "vie" carcérale.

Le texte est poignant, très fort et très bien écrit. L'angle du récit, qui consiste à faire un parallèle entre torturé et tortionnaire est remarquable.

L'auteur revient bien sur sur la souffrance physique mais aussi sur l'effondrement moral que peut engendrer une telle incarcération.

Vaut il mieux lâcher des informations pour arrêter la souffrance physique , quitte à s'imposer une souffrance morale intemporelle ou plutôt "rester loyal" quitte à mourir sous la torture ?

Vaste question qui est admirablement évoquée ici dans un texte brut, pudique , sans voyeurisme déplacé qui sonne comme une tentative de retour à la normalité pour l'auteur.

On notera l'admirable performance morale de l'auteur qui se place dans la peau du tortionnaire et arrive à susciter ou au moins à évoquer chez le lecteur une sorte d'empathie pour les tortionnaires.
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Le fourgon des fous

Quand on évoque les dictatures qui ont sévi durant les 60's, 70's jusqu'à la fin des 80's (pour le Chili notamment), l'Europe dont certains pays pourtant ont accueilli des réfugiés (voir l'excellent document de N. Moretti Santiago, Italia 1973 par exemple), a encore un regard, un avis très lointain voire très relatif. Il y a un peu une conception folklorique , une vision de dictature d'opérette sur ce qui s'est passé en Amérique du Sud à cette époque. Après tout, les merveilleuses chansons de Chico Buarque sont devenues très à la mode en France. Or, le livre de Carlos Liscano nous rappelle brutalement et durement que les dictatures sud-américaines de ces 3 décennies ont constitué un épisode extrêmement grave pour l'idée de la démocratie, en terme de violation des droits de la Femme et de l'Homme, de terrorisme d'Etat, de doctrine sécuritaire poussée aux pires extrêmes etc...Le fourgon des fous explique par chapitre, par souvenirs avec une lucidité confondante les réalités de torture, torturé et tortionnaire. C'est dur, c'est sale mais cela a été ainsi. Par moments Carlos Liscano nous donne des touches de délicatesse comme pour aider le lecteur a trouvé une forme de refuge dans les affres et souffrances qu'on lui décrit, en nous parlant de son enfance, de ses parents, de ses amitiés de détenus. Il n'y a jamais d'héroïsme chez Carlos Liscano. Certes il n'a pas parlé, il a résisté (peut-être que cette résistance et cette lucidité peuvent interroger, interpeller) mais ce n'est pas de l'héroïsme pour l'auteur. Le retour à la vie (car c'est plus qu'un retour à la liberté) est difiicile et pour cause. Comment survivre avec ces stigmates, ce poids ? Mais cette question se pose aussi pour les tortionnaires. Quoique je reste convaincue que très, très peu d'entre eux se sont réellement posés ces questions et supportent le poids d'une quelconque responsabilité, d'une quelconque recherche d'une construction morale. C'est un témoignage court, à lire attention passages brutaux par moments. Cela ne donne pas la clef de ce qui a provoqué ces dictatures et ce qu'elles ont mis en place mais cela éclaire sur ce que le citoyen lambda, intéressé et impliqué dans la vie politique de son pays peut payer TRES cher. Si vous pouvez à lire en espagnol.



Enfin, je ne mettrai que 3 étoiles car en revanche je n'ai que très moyennement apprécié certaines prises de Carlos Liscano dans les années 2000 au sujet de la France et des dictatures sud-américaines. Il a été clairement établi que certains pays les USA entête ont très largement contribué à ces dictatures. La France n'est pas en reste. Les enquêtes de Marie-Monique Robin sur le sujet sont claires, précises et confirmées. Mais lorsque Carlos Liscano demande à ce que la France soit jugée pour cette collaboration car pour lui plus coupable que les propres autorités uruguayennes je ne suis pas d'accord. C'est beaucoup plus facile de revendiquer ce genre d'idées que de se confronter à la demande de justice et de réparation chez soi. Pas que je minimise le rôle de la France mais quand on a si bien décrit le tortionnaire au point d'entrer dans sa psychologie et d'en extraire sa mécanique, ce type de revendications laisse très perplexe.
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Le fourgon des fous

"Le fourgon des fous " de Carlos Liscano (168p)

Ed.Belfond

Bonjour les fous de lectures ...

ATTENTION... A LIRE !!

Dans ce court récit autobiographique, Carlos Liscano raconte ses 13 années d'emprisonnement comme opposant au régime uruguayen.

Montévidéo, 1972, Liscano a 23 ans. Il est brutalement arrêté.

Il connaitra la torture, la peur, les cris, la solitude, les geôliers inhumains, l'humiliation, le dégoût de soi mais aussi la solidarité entre détenus.

Surtout ne pas parler, ne pas dénoncer..

Tous les jours, il faut se motiver pour tenir encore et encore., ne jamais perdre l'appétit de vivre.

1985.. fin de la dictature, Carlos monte enfin dans " le fourgon des fou" qui lui rendra la liberté.

Mais après ces épreuves, retrouve-t-on vraiment la liberté?

Il faudra de nombreuses années (plus de 30 ans) et un exil pour que Carlos Liscano parle de ce passé.

Qu'il est troublant ce témoignage.

Carlos Liscao, se pose beaucoup de question sur lui-même, son rapport aux autres mais également sur la relation qui s'installe entre le prisonnier et son geôlier.

C'est pudique, bouleversant, posé ... c'est à lire absolument.

Découverte d'un grand auteur d'Amérique latine.
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La route d'Ithaque

belle histoire dans une belle langue. j'ai aimé.
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La route d'Ithaque

Superbement écrit, ce roman influencé par les expériences de répression politique, l’enfermement et l’exil vécus par Carlos Liscano, traite de l’étrangeté et du détachement absolus, autour d’un exilé uruguayen, Vladimir, errant de stockholm, où il travaille dans un asile de vieillards, à Barcelone, clochardisé parmi les Catalans et les touristes.
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Le fourgon des fous

Il a fallu de nombreuses années à Carlos Liscano pour se sentir capable d'écrire ce livre, pour ramener à sa mémoire ces faits qu'il s'était efforcé d'oublier pour pouvoir revivre. Après sa libération il a dû s'exiler loin de son pays, en Suède, pour recommencer une nouvelle vie.

Le Fourgon des Fous, c'était le nom que les prisonniers donnaient au véhicule qui les ramenait à la liberté à l'issue de leur détention. Celle de Carlos Liscano aura duré treize ans et c'est de ces années passées dans les prisons uruguayennes où il a été torturé dont il parle dans ce livre. Il n'en fait pas un récit suivi, mais livre ses souvenirs et ses réflexions par petites touches, sans ordre chronologique, un peu comme si il les écrivait au fur et à mesure qu'ils remontaient à la surface de sa mémoire. Ou bien qu'ils étaient tellement douloureux qu'il les laissait là sur le papier, en désordre, comme pour s'en débarrasser.

Il n'y a aucun pathos dans ce récit, mais curieusement un certain détachement, nécessaire pour parler de la douleur extrême que doit ressentir un homme sous la torture. Il n'y a sans doute pas de mots assez forts pour l'exprimer. Pendant les pires de ces moments, Liscano se raccroche à une seule chose : ne pas parler, ne pas dénoncer ses amis. Alors il faut ruser avec le tortionnaire, ne pas dire d'emblée qu'il ne parlera pas, répondre évasivement aux premières questions pour voir quelles seront les suivantes et essayer de deviner ce qu'il sait : un jeu du chat et de la souris où cette dernière perd à tous les coups. Mais la fierté du prisonnier, bien que son désir le plus cher soit de mourir, c'est de tenir. Et pour cela il est reconnaissant envers son corps de ne pas l'avoir lâché.

Plus que des souvenirs, que le récit de la réclusion et des tortures qu'a subis cet homme, c'est un témoignage sur la dignité humaine. "....bien plus fort et nécessaire que la capacité du corps à supporter la douleur, il y a quelque chose qui fait que le prisionnier tient le coup. Ce n'est pas son idéologie, ce ne sont même pas ses idées, et ce n'est pas la même chose chez tous. Le torturé s'accroche à quelque chose qui est au-delà du rationnel, du formulable. Ce qui le soutient, c'est sa dignité.....Celle de savoir qu'un jour il devra regarder en face ses enfants, sa compagne, ses camarades, ses parents."

Lorsqu'il sort de prison, il a trente six ans, ses parents sont morts tous les deux, il ne reconnaît pas la ville où il a vécu jusqu'à son arrestation. Pendant qu'il était en prison, où tous les jours se ressemblent, la vie continuait à l'extérieur et il prend conscience qu'il a des années de liberté à rattraper. Le plus étonnant c'est qu'après ces longues années de souffrances, il ne ressente aucune haine envers ses bourreaux et qu'il ait pu reconstruire sa vie, même si cela a été long.
Lien : http://lecturesdebrigt.canal..
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Le fourgon des fous

Le 27 mai 1972, l’auteur est arrêté pour des raisons politiques qu'il ne nous précisera pas et il est emprisonné dans les prisons d'Uruguay, alors qu'il n'a que 23 ans. Le 14 mai 1985, à la fin de la dictature, il montera enfin dans le "fourgon des fous" qui l'amène vers la liberté.

C'est seulement longtemps après sa libération, lorsqu'il va au cimetière chercher les cendres de ses parents morts pendant sa détention, qu'il laisse ses souvenir "d'avant" affluer...

Il ne se contente pas de raconter le détail des tortures subies lors de son emprisonnement apparemment injustifié.

Il s'interroge sur la nature humaine, sur la rupture qui s'opère entre l'esprit et le corps dans ces circonstances extrêmes et qui aide à survivre aux menaces et aux humiliations des geôliers.

Il s’interroge sur les relations particulières entre le prisonnier et son tortionnaire en cherchant à se mettre à la place des bourreaux.

Il a attendu des années après ce jour où il a été emmené dans « le fourgon des fous » vers la liberté tant attendue mais si redoutée, avant de trouver les mots justes pour raconter.

A aucun moment il ne parle de haine.

Au seuil de l’âge mûr, il trouve encore les mots justes pour remercier ce corps qui va lui permettre, lors de sa mort, de regarder en face avec dignité ses parents enfin retrouvés, souhait qu’il avait émis sous la torture.



Pas de mots pour décrire ce récit autobiographique dépouillé, à lire et à faire lire de toute urgence malgré des passages très durs à la limite du supportable...



Comment est-ce possible de parler avec autant de pudeur, de sérénité et de dignité de la torture ? Comment peut-on vivre sans jamais condamner ses bourreaux ?

Pour ne pas oublier...



Un livre qui moi, m'a bouleversée...



L'auteur est considéré aujourd'hui comme le plus grand écrivain uruguayen actuel.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Le lecteur inconstant

Ce journal intime de Carlos Liscano mêle des anecdotes touchantes et des considérations professionnelles, celles d’un écrivain ayant perdu le chemin de la fiction. Cette suite de notes et de réflexions commence par l’obsession de récupérer des documents détenus par l’Etat. Cet homme a été emprisonné de 1972 à 1985 par la dictature militaire uruguayenne. Pendant ces années, l’écriture et la construction romanesque l’ont sauvé et permis de trouver refuge dans la fiction. Aujourd’hui libre physiquement, il réalise qu’il ne peut plus écrire de fiction.

Il questionne alors tout ce qui l’a mené à l’écriture, au romanesque et devenir écrivain. Il passe en revue toutes les traces de littérature dans sa vie que ce soit dans les mots qui doivent retrouver leur importance que dans les raisons profondes qui mènent à consacrer sa vie à la littérature. C’est une plongée dans les traumatismes de l’emprisonnement et dans le plaisir de la création. Apparaît alors un mélange de plaisir et de chaos, de souffle et de pression dans la vie de cet homme. Sous cette idée classique d’angoisse de la page blanche, ce texte est très sensible. L’auteur devient une sorte de personnage ayant perdu le goût, incapable de se libérer et d’exprimer son esprit. Le métier d’écrivain devient un véritable artisanat avec des règles, un savoir-faire et un rythme. Liscano explique également la solution trouvée, celle du corbeau blanc, mythomane nourri par la fiction.
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L'écrivain et l'autre

Carlos Liscano est un écrivain uruguayen qui a été torturé et a fait 13 ans de prison dans son pays pour avoir été un des "tupamaros", ces militants révolutionnaires dans les années 70. Il a commencé à écrire en prison puis il a continué de le faire en Suède, le pays où il a choisi d'émigrer à sa sortie de prison. Il a publié plusieurs romans et nouvelles. Lorsqu'il commence ce livre, une sorte de journal de bord de son activité d'écrivain, il est de retour à Montevideo, la capital de l'Uruguay et il raconte qu'il n'arrive plus à écrire. Peu à peu, Liscano nous dévoile les ressorts intimes de sa démarche d'écrivain. Il nous explique que l'écrivain est double : il y a d'une part ce personnage, "inventé", qui est l'écrivain, quelqu'un qui ne regarde pas le monde comme les autres, et d'autre part "l'autre" celui qui, un jour, a eu cette idée étrange d'inventer l'écrivain qu'il voulait devenir, et qui, lui, est "comme les autres" et qui rêve d'une vie "ordinaire", avec une famille à aimer, des amis avec qui sortir, etc. La cohabitation entre ces deux êtres est difficile. le livre oscille entre des anecdotes de sa vie d'autrefois (son enfance, la prison, la Suède) et des moments de sa vie très solitaire d'aujourd'hui. Je n'ai jamais lu un texte où l'écrivain se met aussi à nu et trouve des phrases aussi belles, aussi déchirantes pour nous dire sa quête de ce qu'on peut appeler la Littérature, en se refusant l'espoir d'égaler ses "maîtres" (qu'il ne cite pas mais on peut les deviner), tout en gardant celui de faire œuvre littéraire. Cela donne bien-sûr envie de lire d'autres livres de lui.
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