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Critiques de Carsten Jensen (26)
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Le dernier voyage

Il y a longtemps que j’espérais retrouver l’écriture de Carsten Jensen, le souvenir et le plaisir de lecture de la première traduction française d’un de ses romans, Nous, les noyés sont restés ancrés dans ma mémoire, intacts. Aujourd’hui, Le dernier voyage terminé, le livre bien écorné j’avoue que mon attente a été récompensée.



Il était une fois sur une île danoise un fils de tailleur qui s’était mis à rêver d’une seule toile, non pas d’une de ces étoffes que travaillait son père ni une de celles qui gonflée par les vents emportait au loin ses concitoyens sur les mers du monde entier mais bien celle sur laquelle il souhaitait peindre pour y faille jaillir la beauté. Il devint au fil du temps un peintre obsédé par une couleur, le bleu cobalt, une couleur qui le poursuivit sa vie entière et le hantait, se cachant dans les yeux de ses figures ou dans les reflets des nombreux icebergs dérivants dans les fjords groenlandais de ses vues.

C’est l’histoire de ce petit bonhomme à la santé fragile, aîné d’une fratrie de onze enfants, élevé par un père protestant que Carsten Jensen nous invite à découvrir en nous en livrant les secrets et les tourments.



1893, sur un des quais de Copenhague une silhouette se dégage de toutes les autres. C’est Jens Erik Carl Rasmussen déjà âgé d’une cinquante d’années en partance pour le dernier voyage à bord du navire de la Compagnie royale de commerce du Groenland, le brick le Peru qui assure une ligne régulière de ravitaillement vers les colonies arctiques sous le commandement d’un capitaine expérimenté. Carl dont la renommée n’est plus à faire ne sait toujours pas si ce projet est le bon, retourné au Groenland une dernière fois à l’automne de sa vie en laissant derrière lui dans la grande maison de Marstal son épouse et ses huit enfants. Il n’a pas de réponses, envahi par le doute, encore à la recherche de l’équilibre entre sa vie d’artiste et celle d’époux et père de famille, l’esprit encombré par d’incessantes interrogations sur son art, nous sommes en plein âge d’or de la peinture danoise et il côtoie un temps les peintres de l’école de Skagen, il essaie en tout cas de croire, de se persuader que ce second voyage effectué vers l’inlandsis vingt ans après le premier lui redonnera ce coup de fouet qui lui manque pour révéler enfin ses talents hors des codes de l’Académie royale de peinture de Copenhague et ne plus être ce peintre bridé par les conventions esthétiques de son temps.



Voilà le cadre mais je ne vous en dirais pas plus cependant peut-être imaginez-vous déjà un tableau, la première de couverture représente une partie d’une de ses huiles sur toile Baleine à bosse et voilier dans le détroit de Davis datée de 1870 mais il manque la baleine c’est bêta mais au final pas tant que cela car dans la baleine peut se cacher un Jonas et un Jonas il y en a bien un dans cette histoire, c’est le prénom d’un inuit rencontré lors de son premier voyage et dont le souvenir ne l’a jamais quitté !



Jens Erik Carl Rasmussen, un peintre tourmenté, habité par des fantômes et des ombres.

Un artiste qui ne voulait pas peindre la face obscure de l’être humain.

Un homme qui s’ouvre à une autre culture, le premier à peindre les Inuits dont il avait su capter l’intensité métaphysique et spirituelle ainsi que leur lien indéfectible avec la nature.

Un homme et ses rencontres, balancé entre révélations et visions, fasciné par l’inlandsis, la toile blanche de Dieu.

Le dernier voyage, une toile blanche traversée par une traînée de bleu cobalt, l’inlandsis aveuglant, étincelant et ses reflets bleutés…



Carsten Jensen encore une fois a su m’emporter, son travail très documenté, sa collaboration avec les descendants de la famille de Rasmussen, ses amis et les habitants de Marstal sur l’île d’Aero, dont il est originaire, permettent une immersion complète dans la vie quotidienne et artistique de ce peintre danois du 19ème siècle. De plus la structure narrative agrémentée par de nombreux retours en arrière entraîne le lecteur dans le travail introspectif de l’artiste. Les nombreuses anecdotes et les détails historiques riches d’enseignements comme la vie des colonies groenlandaises régies par des pasteurs déclassées pour ivrognerie, l’évocation de l’installation du premier missionnaire du Groenland Hans Egede, ne font que rendre le récit plus fascinant et attractif.



Une réussite. Un roman passionnant, un portrait réaliste à la fois saisissant et troublant.

Le dernier voyage, paru en 2014 et traduit par Alain Gnaedig, est une dense et magnifique biographie romancée.





Né à Ærøskøbingen en1841, Jens Erik Carl Rasmussen fut avant tout un peintre de marines et de vues du Groënland. Il fut l’élève de l’architecte, Hans Holm, du peintre animalier Johan Didrik Frisch, de Christian Vilhelm Nielsen puis du peintre paysagiste Carl Frederic Aagaard lorsqu’il rentre à l’Académie de Copenhague de 1862 à 1866. Il se fit connaître à l' Exposition du Printemps de Charlottenborg en 1863, il exposa par la suite à Vienne en 1873 et à Munich en 1879. Il signa ses toiles toujours par ses initiales JECR. A Aero, son île natale, il réalisa un tableau d’autel dans l’Église de Marstal, une commande intitulé Jésus au lac de Tibériade conjurant la tempête dont les modèles sont tous originaires de cette île, encore une histoire de cette histoire !

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Nous, les noyés

Nous, les noyés de Carsten Jensen est le premier roman traduit en français de cet auteur, un gros gros merci aux deux traducteurs Hélène Hervieu et Alain Gnaedig.



Nous, les noyés ou nous, les marins de Marstal.

Une bonne pêche sur l'étal d'un libraire, c'était le dernier exemplaire!



« A Marstal, tous les chemins, toutes les rues étaient des rues principales. Toutes descendaient vers l'océan. La Chine se trouvait dans les jardins derrière nos maisons. A travers les fenêtres de nos salons aux plafonds bas, nous pouvions apercevoir les côtes du Maroc .»



Marstal, port danois dont la renommée des marins n'est plus à faire (l'auteur en est originaire).



A Marstal, l'océan est une promesse de nouveaux horizons...

Un appel à la liberté?

« C'était infiniment vaste, l'océan. Cela pouvait vous mener partout, et pourtant cela vous enchaînait. »

Une chose est sûre, les marins de Marstal ne peuvent y résister.



Les équipages et leurs matelots, de sacrés couillus!

Du capitaine au second en passant par le moussaillon, chacun à sa place et toujours là.

« Un capitaine se devait de connaître le coeur des hommes aussi bien que la voilure. »



Des moments de rêve, des moments d'horreur.

Des tempêtes et des naufrages ou des alizés favorables...

Des guerres, des deuils.



Après cet extraordinaire voyage maritime autour du monde, des mers chaudes du Pacifique Sud aux eaux froides de l'Atlantique Nord, il est temps de découvrir ce que nous réserve le coffre de marin de Carsten Jensen: des bottes, une garcette, un môle, la tête réduite de James Cook, une cane en os de requins...l'étoile polaire.

Une vraie malle aux trésors!



Un roman d'aventures, un roman historique mais aussi un roman sur la filiation, la transmission à travers les principaux protagonistes de ce récit.



Un personnage phare, Albert Madsen, fils de l'excentrique Laurids Madsen, le marin qui est monté au ciel et a vu le cul de Saint-Pierre, nous entraîne dans un maelström de respirations à travers trois générations ( de 1848 à 1945, de la guerre des Duchés aux Première et Seconde Guerre mondiales).



Ici à Marstal, tout est affaire d'hommes:

« C'était la promesse de devenir un homme qui poussait un garçon à prendre la mer. »

Albert Madsen est le représentant de cette communauté de marins.

Il en est le symbole, son fils adoptif Kned Erik en sera le digne héritier.

Albert traverse ce récit, ces visions prémonitoires contées à Knud Erik quand il était enfant se réaliseront: « Ses rêves annonçaient la guerre. ».



Et les femmes? Elles sont d'abord des épouses de marins avant d'en être des mères. Elles sont rivées à leur île, pilier de la famille en attendant le retour souvent incertain de leur époux;

« Nous dîmes au revoir à nos mères. Toute notre vie, elles avaient été là, mais ne nous ne les avions encore jamais vues. Elles étaient penchées au-dessus des bassines et des casseroles, le visage rouge et gonflé par la chaleur et l'humidité. Elles faisaient tourner toute la maison pendant que nos pères étaient en mer. »



L'occasion pour l'auteur de peindre un formidable portrait de femmes, celui de Klara Frees, une veuve, compagne de fin de vie de Albert, et de suivre son évolution et son ascension sociale quand le temps de la marine à voile est désormais révolu.



Marstal, un port d'Aero, île sur la Baltique, île blanche, île phare, l'île aux trésors où « La voilure est l'abécédaire des marins ».

Des marins aux vies tumultueuses, comme celle par exemple du Tueur de Goéland.

Des surnoms attribués par l'équipage pour révéler l'histoire du marin:

« Le surnom est notre vrai baptême. Avec le surnom, nous déclarons que personne ne s' appartient. »



Nous, les noyés ou l'épopée des hommes qui ne savaient pas dire non à l'océan.

Nous, les noyés ou la saga de Marstal.

Une lecture captivante et intense.

Un auteur qui a le vent en poupe et qui semble très prometteur.

Un pavé de mille pages dans lequel j'ai nagé avec plaisir sans jamais coulé!

Une immersion totale que je conseille vivement.

Un gros coup de coeur. Un magnifique roman.

Souhaitons que les autres romans de Carsten Jensen soient vite traduits.

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Nous, les noyés

Quel livre ! Mais, quel livre !



Voici conter l’histoire de Marstal, ville portuaire danoise protégée par son môle, de tous ses enfants destinés à la mer, ses bateaux au long cours pour les hommes, l’attente du retour pour les familles.



Sur plusieurs générations, voici une incroyable épopée de marins, aventurière et dramatique.

Le «nous» est la voix de toute une ville, le « clochemerle » qui raconte, observe et accompagne, explique et cancane, propage des rumeurs et reconstitue une époque, celle de la marine à voile, des transhumances aux quatre coins du globe, des innombrables pertes humaines dans un métier à haut risque, et du courage des femmes trop souvent seules ou veuves.



Trois personnages accompagnent un siècle de changement de société et d’évolution du métier avec la disparition de la marine à voiles, en trois parties narratives. En 1848, Lauritz, le marin, participe à la guerre contre les Allemands, puis son fils Albert fait l’expérience de la découverte du monde sur toutes les mers. Enfin Knud Erik navigue dans l’enfer de la seconde guerre mondiale.



J’ai lu avidement, avec un grand plaisir, dégustant un roman dense, vibrant de dramaturgie, extrêmement visuel, où la mer est omniprésente. Les hommes, scellés à leur passion et à leur destin, tournent souvent le dos au quotidien des familles qui s’inscrit dans l’éducation des enfants sans figure paternel, dans le courage et la solitude, dans les soucis matériels et l’indigence des sentiments.



Bon vent, les lecteurs. Un livre sur un combat incessant de vie et de mort, portant haut les idées de devoir, de choix et d’engagement.

Un magnifique coup de cœur.

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La première pierre

Encore une bonne surprise due aux éditons Phebus, que je remercie, et à l'opération Masse Critique Babelio. J'avais choisi La Première Pierre comme roman d'aventure se déroulant en Afghanistan, pays qui, malgré ses souffrances, continue de me fasciner. C'est ce qu'il est, mais bien plus...

A la lecture des premières pages, j'ai bien failli rejeter ce pavé de plus de 700 pages : la mission de la troisième section de bidas danois en Afghanistan, constituée pour la plupart de jeunes élevés aux jeux vidéos dans la croyance de leur toute puissance narcissique, et confrontée aux horreurs de la guerre, n'avait rien pour m'attirer... rien d'héroïque, rien de romanesque, rien que du sang, de la merde et du plomb, filmés par une webcam permanente... déception anticipée d'un de ces romans journalistiques échos de ce qu'on peut voir sur les écrans tv ?...

Et pourtant... je me suis accroché, principalement en raison du style de Carsten Jensen -a priori fidèlement traduit par NIls C. Ahl-, à la fois direct et puissant : l'évocation pudique des émotions, la profondeur de réflexion, sont soutenues par des chapitres courts et la virilité de phrases sèches.

Au final, passé la froideur des 40 premières pages, l'intrigue se noue, les personnages se dévoilent ; j'ai alors pu apprécier la suite du roman pour ce que j'aime dans le roman d'aventure : confrontés aux conditions les plus dures, aux trahisons, à leurs névroses et aux usages d'un autre bout du monde, les hommes -et les femmes- se révèlent, dans ce qu'ils ont de meilleur et de pire ; et dans leur sang et leurs tripes, Carsten Jensen nous accompagne dans une longue -mais passionnante- réflexion sur la souffrance et le désir, sur la vie et la mort, sur l'empathie et l'amour, la différence, la cruauté et le fanatisme...

Sans retrouver les larmes/armes de "Pour qui sonne le glas", j'ai été presque autant touché par ce roman, y ai retrouvé une partie de la force et de l'émotion brute d'Hemingway. Bravo donc à Carsten Jensen, que j'ai été heureux de découvrir, et aux Editions Phébus pour cet excellent choix d'édition.

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La première pierre

Œuvre du danois Carsten Jensen La Première Pierre dont son précédent roman, Nous les noyés était déjà sorti en France il y a quelques années est un roman de guerre qui nous fait suivre les pas de jeunes militaires danois en Afghanistan.



Ces soldats se sont en fait volontaires pour l’Afghanistan dans le cadre d’un programme de coalition internationale mené par l’OTAN…



Qui sont ils ces jeunes gens (garçons et filles) en fait? A vrai dire, toute une génération biberonnée aux jeux vidéo, animée de bonnes intentions et surtout persuadés d’être les héros que toute la patrie attend ..



Hélas, trois fois hélas, ils vont vite déchanter et vont se trouver plongés dans la réalité des combats et dans l’enfer d’un conflit dont ils ne comprennent ni les tenants ni les aboutissants.



Mais très vite, essayer de comprendre cette situation qui leur échappe n ’est plus là l'essentiel, ce qui compte surtout, c’est de survivre par tous les moyens dans cette guerre ou se mélange amitié, trahison, lâcheté, et la force de liens d'amitiés.



À mi-chemin entre le témoignage journalistique et le roman d’aventures métaphysique à la Joseph Conrad, cette première pierre fait penser à l’excellent film des sœurs Coulin "Voir du pays "sauf qu’ici ce n’est pas l’après-guerre mais le pendant qui nous est raconté.



Un livre prenant et intelligent sur les paradoxes liées aux guerres, qui vient de se voir décerner le Prix du meilleur roman scandinave par le magazine et qui sera adapté au cinéma par le producteur de Millenium. Toutes des bonnes raisons pour se plonger dans cet éprouvante mais captivante Première pierre
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Nous, les noyés

Vi, de druknede

Traduction : Hélène Hervieu & Alain Gnaedig



ISBN : 9782264053312



Une fresque. Dans toute sa gloire et à la gloire des pêcheurs danois. Jensen nous raconte l'histoire d'une petite ville côtière, Marstal, dont le destin repose sur la pêche en mer, ceci du milieu du XIXème siècle à l'après-Seconde guerre mondiale. Comme fil rouge, parmi les personnages récurrents secondaires, les membres de la famille Madsen, de Laurids, "l'Homme qui monta au ciel", surnom reçu lors d'une bataille navale avec les Allemands, et en revint tellement secoué qu'il finit par s'embarquer pour Java et ne plus donner signe de vie, jusqu'à Knud Erik qui, lui, verra la capitulation des nazis et cherchera, au contraire de Laurids et non sans peine, à mener une vie équilibrée, en passant par la prodigieuse figure d'Albert, fils de Laurids et père en quelque sorte adoptif de Knud Erik. En arrière-fond, la volonté intransigeante d'une femme, Klara Friis, tombée amoureuse d'Albert mais hantée par les hommes que lui a pris la mer et qui rêve, pour se venger, de dépouiller peu à peu Marstal de sa flotte de chalutiers.



Tenter de résumer cette histoire, qui s'étire sur près de mille pages en édition de poche, est chose impossible. On songe, c'est vrai, un peu au Melville de "Moby Dick" avec une pointe d'aventures et quelques trognes digne de "L'Île au Trésor" de Stevenson En ce qui concerne les passages relatifs à la seconde vie de Laurids, c'est même carrément Conrad et "La Folie Almayer" qui viennent à l'esprit. C'est vous dire que "Nous, Les Noyés" ne baigne pas précisément dans une atmosphère sereine ! A la fin de l'ouvrage, Jensen cite ses sources, qui sont nombreuses mais sa part à lui est loin d'être minime. Si "Nous, Les Noyés" a quelque chose de fou, d'atroce et d'implacable, si ce roman fait montre aussi d' un humour constant et si la cohérence des événements relatés ne part pas à vau-l'eau sous des longueurs à notre avis inutiles et des retournements de caractères - plus que de situations - un peu déroutants, c'est bien à l'écrivain que nous en sommes redevables.



Carsten Jensen possède au plus haut degré l'art du portrait. Il vous campe des silhouettes folles, blessées, incroyables, comme par exemple l'ignoble instituteur Isager, un sadique de la plus belle eau qui apprend le minimum à ses élèves et toujours à coups de garcette. Sous le rude climat danois, au plus près d'un océan aux lames glaciales qui, malgré ses dangers, représente le seul avenir, la seule richesse possibles de ceux qui le craignent, la vie s'entête à résister à tout et à tous : ni les naufrages, ni les guerres, ni la fuite de certains (ou leur suicide), pas plus que les menées destructrices de Klara Friis n'auront raison de Marstal. La preuve : si la pêche aujourd'hui n'est peut-être plus ce qu'elle était, la ville s'est reconvertie dans le chauffage solaire et possède la centrale de ce type la plus importante du Danemark.



Cependant, si les récits marins et les épopées qui mêlent atrocités réalistes, descriptions plus ou moins laborieuses et poésie humoristique ne vous attirent pas, mieux vaut pour vous éviter ce "Nous, les Noyés." Malgré les nombreux prix qu'a reçu ce livre mi-roman, mi-récit, vous risqueriez de vous lasser - ou de vous endormir. Les personnages dans leur majorité restent pourtant attachants - y compris certains "méchants" - et l'on se prend à suivre les mille et une péripéties de leurs existences. Par contre, ce qui est curieux, c'est qu'on oublie vite l'ensemble. Sont-ce les longueurs ? L'air de wagons attachés de guingois l'un derrière l'autre que donne au lecteur certains chapitres ? Autre chose ? Un souffle que l'on cherche en vain ? ... Je ne saurais le dire mais enfin, vous voilà prévenus. Et puis, ce n'est qu'une opinion personnelle : "Moby Dick"ne me séduit pas et pourtant, voyez tous ceux qui crient au chef-d'oeuvre en parlant du livre de Melville.



En résumé, ce sont les vacances et vous flânez : si vous aimez le Danemark, la pêche, les bateaux et les belles et longues histoires sauce scandinave, ne vous laissez pas décourager par mes remarques, emportez "Nous, Les Noyés" sur la plage et lisez-le avant de revenir nous donner votre avis. Bonne lecture ! ;o)
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Nous, les noyés

Je ne sais où commencer. Non que ce livre me laisse indifférente, loin de là, mais il semble tant se suffire à lui-même, dire tout ce qu’il y a à dire que je ne sais comment aborder cette critique. Ce livre est comme ce beau deux-mâts des jours lointains de la marine à voile encerclé par un tourbillon marin, sur la couverture du livre.

L’histoire, centrée autour du village côtier de Marstal au Danemark, s’étend sur près d’un siècle, de l’essor de la marine à voile au long cours à sa disparition, de 1848 à 1945, d’une guerre (contre la Prusse) à l’autre (la Seconde Guerre Mondiale, bien sûr), comme un effet de miroir. Ce livre est tout, de ces livres qui ont pris dix ans de la vie de leur auteur comme il me semble l’avoir lu quelque part. Une chronique historique des grandes heures de la marine à voile, la vie de personnages complexes, une réflexion sur la société, une recherche littéraire avec une narration polyphonique (dont notamment une narration à la première personne du pluriel, emploi déroutant mais très bien maîtrisé du « nous »)…

Je me suis attachée aux personnages principaux, Albert Madsen puis Knut Erik, mais c’est surtout la description de la fascination pour la mer que je retiendrai de ce livre. Je crois bien que je n’ai jamais vu une description qui me paraît aussi juste, qui rend compte à la fois de la fascination et de la répulsion pour la mer et pour la vie en mer. « À peine les marins étaient-ils revenus, le corps meurtri par leurs éternelles luttes contre la mer, qu’ils en redemandaient et repartaient sur le pied de guerre, jamais rassasiés de ces coups de fouet qui pleuvaient de tous côtés, de la tempête, des vagues, du froid, de la mauvaise nourriture, de l’hygiène épouvantable, de la grossièreté de leur langage entre eux, de la violence qui s’abattait, comme par hasard, sur les plus faibles. » (p. 503, Chapitre 3, “Le Marin”, Partie III). Cette ambivalence est très bien rendue tout au long du livre, par des phrases belles qui font mouche. Un grand coup de chapeau au traducteur, d’ailleurs, car les phrases coulent, les images sont parlantes, et l’on sent que le traducteur a fait un véritable travail sur la langue pour rendre en français, sans lourdeur, le style poétique original.

C’est un livre comme j’en ai rarement lu, peut-être un des plus beaux livres sur la condition de marin, sur son ambiguïté, entre fascination et résignation, fatalisme et désir, peur et courage. Il peut, je pense, intéresser des lecteurs qui n’ont pas d’attirance particulière pour la mer, car la vie sur un bateau est un miroir qui amplifie les travers de la vie à terre, mais comme ce sont surtout les descriptions maritimes que j’ai aimé dans ce livre, je le conseillerais avant tout à ceux qui ont déjà mis les pieds sur un bateau, ou qui ont le rêve insistant et inexplicable de le faire un jour.
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Nous, les noyés

Ma curiosité m'a entraînée à la découverte de cet auteur danois.

Partant en vacances au Danemark, j'ai trouvé que ce livre serait un compagnon de voyage agréable. Commençant sa lecture, je me suis aperçue qu'il nous parlait d'une ile : Æro, île où j'avais prévu de faire étape à Marstal .... coïncidence dans les premières pages, l'île est située par rapport au Danemark ... et je découvre la plan de Marstal !

Il nous parle d'une histoire commençant en 1848 ... historique .... la guerre sur un bateau militaire....ce n'est pas mon truc !



Les pages se déroulent et on vit près d'un siècle durant les aventures des uns et des autres, ce qu'ils ont vécu, comment ils ont souffert .... c'est passionnant !

Apprendre un nouveau langage, celui où les boulets de canon s'appellent des petits pois, peut être mais il n'y a pas que ça dans ce pavé .....

Découvrir les rues de Marstal autrement, se souvenir .... j'ai dormi dans la Prinsegade ... j'ai arpenté dans tous les sens la Kirkestrade et la Havnegade ... faut dire que c'est les deux principales rues du village .... j'ai découvert avec émotion le chantier naval enfin plutôt ce qu'il en reste, de nos jours, un musée un peu décadent .... j'ai regardé avec émotion le môle qui protège le port ... et bien sûr je suis allée errer sur Erikshale ... la plage certes mais le jour de ma présence, le vent soufflait si fort, les vagues étaient déferlantes .... la température avait du mal à se rappeler que l'on était en juillet ... maintenant des cabanes de plage ornent toute la côte ... elles rivalisent les unes sur les autres dans la décoration et la couleur ... les plus belles d'Æro, c'et sûr... du monde même peut être !



Un souffle violent souffle dans ce livre comme le vent qui décoiffait fortement lors de ma visite .... l'histoire d'une petite ville, sur une petite île, dans un petit pays .... le tout sur un temps long, un siècle à suivre les aventures des uns et des autres, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils n'ont pas fait .... passionnant ....

Et puis se rendre compte que cette mer dans laquelle je me suis baignée est le linceul de tant d'hommes, de femmes et d'enfants, peuple sous marin qui nous accompagne lors de nos baignades ... le peuple des noyés



Comme il est agréable, dérangeant, de comparer ce qu'a été Marstal et ce qu'est devenu cette ville aujourd'hui !!!!

Je n'ai pas vu le nid de cigogne sur le toit de la maison ...

Mais en 2019, la première cigogne est arrivée sur l'île de Bornholm le 19 février 2019, le 1 février 2018, elles étaient signalées sur Copenhague ....
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Nous, les noyés

Voici la raison de mon silence sur mon blog, je suis restée plongée (jeu de mot trop facile !) dans ce roman pendant deux semaines.

J’ai trouvé ce livre dans un lieu que j’aime la « droguerie marine à Saint-Servan (à côté de Saint-Malo) ce livre était pour le blog de la vareuse lié à la Droguerie leur coup cœur de l’année 2010.

L’auteur revisite la fin du 19° et la moitié 20° siècle du point de vue de la communauté des gens de la mer de Marstal. Au début, lors des temps anciens de la voile (1848), c’est un peu lent pour moi, mais peu à peu, j’ai été captivée par ce roman et j’avoue avoir très envie d’aller visiter Marstal et sa région. La dureté de la vie sur un bateau est telle, que cela forge une mentalité particulière : sans la cohésion de tous et l’acceptation d’un chef incontesté, un bateau est menacé. Autrefois la survie en mer était très problématiques tant les conditions étaient dures : l’humidité, le froid, les tempêtes, le risque de se perdre. Si, de plus, le capitaine ne savait pas se faire respecter de ses hommes, alors, tout l’équipage allait à une perte certaine.

J’ai beaucoup aimé le personnage d’Albert qui croit en l’unité et dans la solidarité et qui veut appliquer ce qu’il a appris de mieux sur les bateaux à l’organisation de la communauté.

J’ai aimé aussi la tragique condition des femmes qui pleurent leur père, leur mari et leurs fils... Je comprends celle qui fera tout ce qu’elle peut pour que la mer n’attire plus les garçons.

L’auteur a su donner vie à une région et à un pays, c’est je crois le premier auteur danois que je lis, je suis contente d’avoir commencé par ce livre car il rend compte du fondement de leur civilisation basée avant tout sur l’amour de la mer et de la navigation.

Les rapports entres les hommes sont finement analysés, la difficulté du sentiment amoureux également. Les hommes et les femmes vivaient vraiment dans deux mondes complètement séparés, pour les uns la dureté qui commençait dès l’école (mais était tellement pire à bord des navires), et pour les autres la survie du quotidien dans l’angoisse de l’attente.




Lien : http://luocine.over-blog.com/
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La première pierre

Un excellentissime roman de guerre. Danois. Des jeunes militaires danois volontaires en Afghanistan. Confrontés à l'incompréhensible, à l'indicible, à l'absurde. Et puis... Suspens. 768 pages. Pas une de trop. Construit comme un thriller. Une écriture sobre et efficace. Des personnages fouillés, notamment sur le plan psychologique. Et où il est question curieusement de jeux vidéos et d'un jeune homme rivé à l'oeilleton de sa caméra. Une grande lecture. Puissante et dérangeante parfois mais qui nous pousse dans less retranchements de notre vile humanité. Un grand grand coup de coeur.
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Nous, les noyés

conseillé par un ami danois, Nous, les noyés m'a beaucoup plu. L'histoire d'un village danois de 1848, guerre avec les allemands jusqu'à la deuxième guerre mondiale, de la marine à voile qui faisait le tout du monde à la guerre maritime pendant le second conflit mondial, c'est une fresque qui rappelle que la mer est terriblement dangereuse. A ne pas emporter en croisière, sauf si vous aimez les émotions fortes ! C'est un gros livre de mille pages qui se lit très bien (pourquoi les marins écrivent-ils de si longs livres ? )
Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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La première pierre

Ce gros roman puissant plonge le lecteur dans la guerre incessante qui sévit en Afghanistan. Il décrit une guerre à la fois très contemporaine avec drones, avions de chasse, missiles et moyenâgeuse avec des atrocités d'une extrême barbarie venues du fond des âges et perpétrées au nom de la religion où des traditions tribales. Adam, Jakob, Mads, Lasse, Nikolaj, Daniel, Viktor et d'autres encore, dont une femme Hannah, sont les soldats d'une section commandée par Rasmus Schrøder. qui fait partie du contingent danois commandé lui, par Ove Steffensen, intégré à la force internationale qui tente de rétablir la paix dans ce pays de tous temps déchiré, par la guerre civile, par l'invasion de la Russie, par la prise de pouvoir des talibans, et la traque d'Al Qaïda. Les trois cent premières pages sont un récit détaillé, presque un reportage littéraire, sur les missions, les difficultés, que rencontrent ces hommes et cette femme. Avec précision l'auteur révèle les personnalités et les motivations de ces soldats, des officiers, ainsi que celles de Lukas Møller leur pasteur aumônier. Il montre la complexité de l'intervention de la force internationale , qui doit traquer des ennemis qui connaissent mieux le terrain, souvent truffé de mines, épargner les populations, négocier avec les seigneurs de guerre au comportement imprévisible, avec les autorités locales, avec les milices privées qui agissent pour leurs intérêts personnelles. C'est une succession de moments plus saisissant les uns que les autres. L'auteur nous fait partager les peurs, les désarrois des soldats par exemple lorsque Adam tue son premier ennemi, où lorsqu'ils apprennent des événements dramatiques dans leurs familles au Danemark. C'est passionnant!

A l'occasion d'une intervention de la troisième section danoise, le livre bascule dans le roman. Il en devient encore plus fort, haletant, bouleversant. Ils vont connaître, la trahison, les assauts meurtriers, le comportement diabolique de leurs ennemis, les conversions forcées, les prises d'otages, la fuite à travers les déserts et les montagnes, les villages dévastés. Les personnages sont placés devant des décisions de vie où de mort pour eux-même où pour leurs collègues de combat. On tremble pour eux, notamment pour Hannah où pour Lukas. L'intensité monte encore, et l'intrigue se complique, lorsque l'agent des renseignements danois d'origine afghane, Khyber, arrive en Afghanistan pour leur porter assistance. Le lecteur ne se pose plus qu'une question: " vont-ils s'en sortir? ". C'est une succession de scènes plus prenantes les unes que les autres, qui montre certainement fidèlement l'imbroglio qui règne dans ce pays, dans lequel les populations civiles, surtout les femmes et les enfants souffrent des affrontements permanents, et dans lequel également, les armées d'intervention internationales perdent des hommes, et détruisent ceux qui en reviennent. La première pierre de Garsten Jensen fait parti des livres que l'on n'oublie pas.
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Nous, les noyés

Une formidable épopée que l'on ne peux plus lâcher une fois commencée. Une saga maritime a travers le siècle, faite de naufrages, de vagues, de palmiers, de trahisons, de femmes. Un pur bonheur de lecture !
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Le dernier voyage

Carl Rasmussen est tiraillé entre sa formation académique et les profondes transformations que connait la peinture au XIXème siècle. Paralysé dans sa vie d’homme et d’artiste, il trouve un temps le salut au Groenland : le bleu envoûtant des icebergs et la culture inuit vont révolutionner sa peinture. Le dernier voyage n'est pas une biographie, mais l'auteur explore habilement la psychologie supposée des personnages. Le roman n'est certes pas très joyeux, car le personnage est profondément désabusé, mais on se laisse subjuguer par la beauté du Groenland et la quête du peintre. Les considérations sur les débats qui agitent le monde de la peinture sont passionnantes.
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Nous, les noyés

Ce livre a tout d’une histoire de marin classique, avec une inclinaison légèrement moraliste et naturaliste. Jensen suit divers personnages du village danois de Marstal aux XIXe et XXe siècles, chacun avec une perspective narrative différente. La mer est ce qui lie les personnages entre eux, et tous les genres littéraires maritimes sont abordés, à commencer par une description un peu hilarante d'une bataille navale. Personnellement, j'ai trouvé la recherche d'Albert Madsen pour son père excentrique la plus convaincante. Vous remarquerez également que Jensen utilise des références aux écrivains classiques des 19e et 20e siècles : Stevenson, Conrad, etc. Et que des thèmes plus importants sont régulièrement abordés, comme le sens de la vie, si le bien et le mal existent vraiment, ce qu'est exactement un homme, et ainsi de suite, sans que cela soit vraiment exploré. Ce livre a un peu plus à offrir qu'une lecture de vacances ordinaire, mais pas beaucoup plus que cela.
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Nous, les noyés

La terre de Danemark est une espèce d'accident entre la mer Baltique et la mer du Nord. Marstal est un port situé dans un espèce de labyrinthe qui la protège un peu de son embarrassant voisin... L’Allemagne.

L'histoire débute par une scène de guerre navale. Le conflit entre le Danemark et la Prusse qui a commencé en 1848.

Puis vient un chapitre, nommé LA GARCETTE. Un instituteur sadique qui martyrise des enfants. Le lecteur désabusé se demande s'il est tombé dans un recueil de nouvelles et ne parvient pas à établir le lien.

Mais tout s'éclaire vite, l'auteur jette sur le papier la vie des ces marins, de ces hommes durs au mal, préparés au pire.

Presque trois semaines pour venir à bout de cette brique de mille pages. Des passages hallucinants.



Qu'est ce qui est venu en premier ? La roue ou la barque ? Que préférions-nous surmonter ? Le poids des charges que nous étions incapables de supporter, ou bien le piège mortel de l'eau, les lointains horizons de l'océan ?

Alors ces hommes que nous décrit l’auteur, ceux-là qui, petits garçons entendaient en s'endormant chaque soir un orchestre sous leurs fenêtres qui jouait toujours la même mélodie. Le bruit de l'océan qui les appelait.

Les femmes elles, n'entendaient pas la même chanson. Elle n'arrivaient pas à l'entendre. Ou bien elles ne voulaient pas. Leur sort serait d'être veuve ou au mieux d'attendre ce marin parti en mer pendant des années avant un retour de quelques semaines où des enfants apeurés verrait un étranger hirsute qu'il devrait appeler papa.



Un marathon !
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La première pierre

Cela commence comme un classique (bon) roman de guerre, . Basés à à Camp Price, dans le désert d'Afghanistan, paysage aussi splendide qu'inhospitalier, les soldats danois de la troisième section sont gonflés à bloc, sûrs de leur probité. Ils traînent les histoires personnelles qui les ont amenés ici. ils s'ennuient souvent, sont envoyés en patrouille, se livrent à des attaques protégées par la force aérienne. Il croient fraterniser avec la population. Ils sont convaincus de leur mission, même si parfois des loupés et des "dommages collatéraux" génèrent des états d'âme.



Et puis, il y a l'ignoble trahison, et la troisième section pète un câble, se soustrait à l'autorité, est prête à tout pour livrer sa vengeance. Et là, il s'avère que la guerre, c'est beaucoup plus compliqué. Les ennemis sont complexes : ces humains qui ont vécu toute leur existence entière dans un pays en guerre, cruel et imprévisible. Ils défient toute compréhension avec leurs croyances, leurs divergences et leurs fidélités; les relations des populations locales avec les talibans, le rôle des chefs de guerre sont insaisissables pour l'observateur occidental naïf. Et s'en mêlent l'armée américaine, les soldats britanniques, les milices, les sociétés mercenaires, les renseignements danois, les technologies de pointe … Cela devient une sacrée débandade, une marche forcée obsessionnelle où il faut sauver sa peau coûte que coûte.



Et justement, cela coûte très cher. Il n'y a plus aucun repère, plus de bien ni de mal, plus de vrai ni de faux, plus de civilisation ni de barbarie, plus d'amis ou d'ennemis reconnaissables. Ils n'ont plus aucune certitude, le monde n'est plus que questions et danger.Ils n'ont d'autre option que d'avancer dans cette vertigineuse descente aux enfers, guidés par le radar de la survie, ballottés dans une cascade de choix de Sophie. On assiste à une effroyable escalade de la violence (Jensen ne lésine pas, il faut bien le savoir), de non-sens, une absolue perte de contrôle. La guerre n'est plus une stratégie sérieuse qui répond à des lois, c'est une immense manipulation, un jeu vidéo géant, dont nul ne connaît plus les limites.



Ce roman est terrible car il est parfaitement maîtrisé, contrôlé, s'appuyant sur quarante ans d'expérience de l'auteur en Afghanistan. C'est un triller parfait sans relâche, sans temps mort, sans concession au politiquement correct, avec une écriture, dense, implacable, chirurgicale (âmes sensibles s'abstenir). Chaque personnage se déploie, dans l'enchevêtrement de ses contradictions, et je me suis curieusement totalement identifiée à ces personnages pourtant si différents de moi, aux aspirations et à la vie si étrangères à la mienne qui voient s'écrouler leur monde fantasmatique au profit de la réalité de la guerre dans cette espèce de tourbillon de folie et de violence où les circonstances les entraînent. Ils sont médusés, annihilés. Ils n’abandonnent pas leurs illusions , ce sont leurs illusions qui les abandonnent. Il est ridicule de dire qu'ils ne rentreront pas indemnes : en fait ils ne rentreront pas, ils abandonneront derrière eux leur peau originelle. Ce monde est si terrible qu'il n'existe que peu de mots pour le décrire - cependant Carsten Jensen a réussi à en faire ce roman impitoyable dont on sort un peu dévasté par sa propre ignorance, son impuissance et le caractère dérisoire de ses propres petits problèmes.
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La première pierre

Je suis navré car pour le moment, je n'ai réussi à lire que cent pages de ce pavé, gagné lors de l'opération "Masse critique" de septembre.

C'est un roman qui a un côté "documentaire" et "reportage" pour le moment, là où j'en suis dans la lecture. C'est un roman très axé sur la psychologie des personnages. J'avais du mal à rentrer dedans mais cela commence à aller un peu mieux. C'est évidemment terrible, puisque l'on est en pleine guerre. La description des blessures ou des corps est extrêmement réaliste. Ce n'est pas le genre de lecture que je préfère. Néanmoins, c'est intéressant.
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La première pierre

J'oserais dire que je ressors de cette lecture avec un mauvais goût de cendres dans la bouche , car finalement, tout n'est que cendres dans cette "Première pierre" : l'Afghanistan, les talibans destructeurs du patrimoine, doublés de sauvages exterminateurs ; les Danois, qui, sous prétexte d' oeuvres humanitaires, se livrent eux aussi aux pires exactions en même temps qu'ils deviennent traîtres à leur mission et à leurs camarades ; le pire visage de la guerre, en somme.

Si Carsten Jensen voulait nous prouver que l'Homme est la pire espèce vivante sur notre planète, c'est réussi.

Ce gros pavé de presque 800 pages se lit comme une chronique romancée et tient en haleine jusqu'au bout ; une fois la première pierre lancée, il faut aller jusqu'à la conclusion pour mesurer tout l'impact meurtrier- dans le sens large du terme- des guerres à prétexte ethnique.
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Nous, les noyés

Ce pavé de 1000 pages nous emmène sur les traces des marins à voile du village danois de Marstal, sur trois générations. La première moitié du roman nous fait parcourir le monde avec Laurids, le marin sauvé par ses bottes, puis avec Albert, fils qui cherche son père à travers l'océan Pacifique. Ces deux personnages nous font vivre la vie quotidienne des marins à la fin du 19e siècle, que ce soit en mer ou dans leur village / île.

Le roman s'essouffle un peu avec le retour sur terre d'Albert. Le lecteur a le sentiment d'arriver à l'aboutissement d'un récit, mais nous ne sommes qu'à la moitié du volume ! On poursuit ensuite la saga avec Klara et Knud Eric, dont la vie est assez différente (le progrès et la guerre sont passés par là).

En résumé, on avance lentement dans le récit, il faut du temps et de la constance pour aller au bout, mais c'est un régal de découverte et d'aventure, et on ressent un pincement d'émotion quand disparait la tradition de la marine à voile. Ce roman lui rend un bel hommage.
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