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Citations de Cécile Guilbert (54)


Les réanimateurs ne m'auraient-ils pas appelée s'il s'était passé quelque chose ?
J'aime penser qu'ils peuvent eux aussi m'appeler à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit s'il arrivait quoi que ce soit.
Quelque chose de vraiment important qu'il faudrait que je sache tout de suite. Quelque chose de vraiment nécessaire.
De vital.
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Longtemps, mon existence a été si romanesque que j’ai préféré la vivre au lieu de l’écrire.
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Qu'est-ce que s'éveiller? mourir à la nuit.
Qu'est-ce que guérir? mourir à la maladie.
Qu'est-ce que revivre? mourir à la mort.
Riens que des miracles!
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Le destin coupe-t-il donc l'humanité en deux? entre naufragés et rescapés? mourants et survivants? Je le savais sans le savoir, l'avais déjà lu quelque part à moins qu'on ne me l'eût dit, mais c'est ce jour-là que j'ai compris que Blaise avait d'ores et déjà changé de camp.
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Sans l'esprit qui le transcende et la parole qui filtre l'âme, le corps n'est-il pas un paquet d'organes fort décevant?
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Un ancien hymne védique dit que, maître de toute chose, de la mort et de la fièvre, de ce qui respire et ne respire pas, le Souffle veille debout parmi ceux qui dorment.
Il dit qu'il est le soleil, la lune, et qu'en rugissant il traverse les plantes qu'il parfume : alors se réjouissent toutes les choses fécondées qui sont à la surface de la terre, les herbes qui germent et renaissent.
Tout en lui a ses assises, et l'univers est sous son contrôle, où nul n'a jamais entendu dire qu'il soit endormi parmi les dormeurs.
Infatigable, dans le Souffle est ce qui fut, et ce qui sera.
Ses pouvoirs l'ont fait entrer dans le passé, le présent, le futur, comme un père entre chez son fils.
Tel un enbryon, il faut se lier au Souffle pour vivre.
Mais je retiens aujourd'hui le mien.
Comme ma vie.
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Ne désire pas avec trop de force une chose, les dieux jaloux te l'interdiraient.
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On dit parfois que les choses se produisent de manière irréelle au cinéma, mais c'est plutôt dans la vie que les choses vous arrivent de manière irréelle.
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Cécile Guilbert
Préserver la vie à tout prix s’effectue au détriment de l’humanité elle-même. Ceux qui s’apprêtent à prendre des risques sont conspués. Nos gouvernements sont dans la logique de la biopolitique, et réduisent la vie à ces seuls paramètres. Pour moi philosophiquement ça n’a pas de sens, je suis attaché à l’art de vivre : créer dans sa propre existence des formes de vie, à partir du moment où on nous interdit de les créer, on se retrouve réduit à du bétail.
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Il faut craindre le public cultivé comme la peste. Bien davantage que la cohorte chaque jour plus nombreuse des illettrés. Car l’ignorance crasse mais claire de ces derniers, dépourvue des prétentions de ceux qui croient tout connaître et n’avoir plus grand-chose à apprendre quand l’expérience prouve chaque jour le contraire, possède au moins les mérites de l’innocence.
Engeance particulièrement redoutable, le critique « professionnel » incarne à merveille cette (im)posture de surplomb où l’ignorance travestie par le masque du savoir dissimule sous l’empathie la pulsion basique du meurtre.
C’est ainsi que mutiler à mort l’art sous couvert de la culture est aujourd’hui l’une de ces opérations quotidiennes et multiples qui nous submergent et nous empoisonnent, au même titre que la pollution de l’air, l’infection des aliments ou la falsification des statistiques.
Confronté de son temps à semblables manoeuvres de « jivarisation » quoique sous des formes très différentes, Artaud, lui, n’hésitait pas à utiliser le terme bazooka d’« envoûtement ». Mais il est vrai qu’il n’avait peur de rien quand beaucoup ont encore peur de lui. La preuve ? L’indifférence générale qui accueille aujourd’hui la réédition de son Van Gogh le suicidé de la société [5].

Si les livres capitaux pouvaient dangereusement osciller sur les tables des libraires comme des grenades dégoupillées, nul doute que ce volume fiévreux flanquerait à coup sûr par terre les piles voisines. Et s’il était possible que de tels livres se métamorphosassent illico en torches, celui-ci suffirait sans doute pour foutre le feu à toute la boutique.
Fruit de l’étrange délire d’une raison comme toujours extralucide et paranoïaque (la paranoïa des « hautes natures », dit Artaud), ce brûlant brûlot offre un curieux dispositif : un texte sans titre, suivi de deux pages de post-scriptum, puis d’un autre texte intitulé « le suicidé de la société » auquel s’ajoute un second post-scriptum...
Mais quelle importance ? Prenez-le, lisez-le, et voici qu’aussitôt ses phrases rouge sang grondent et se lèvent comme des insurrections, tels les étendards de l’armée sans âge de ces « suicidés de la société » qui ont pour nom Baudelaire, Poe, Nerval, Nietzsche, Kierkegaard, Hôlderlin, Lautréamont, Van Gogh bien sûr, et Artaud lui-même — chacun ayant incarné à sa façon une « funèbre et révoltante histoire de garrotté d’un mauvais esprit ».

Là, justement, les esprits dits forts s’affolent. Qu’est-ce que ces histoires d’« opérations d’alchimie sombre », de « grandes passes d’envoûtement globaux » et de « vampirisme » peuvent bien vouloir dire ?
Eh bien, qu’une lutte à mort a lieu, entre par exemple un ordre social « tout entier basé sur l’accomplissement d’une primitive injustice » et « les investigations de certaines lucidités supérieures ». Entre les médecins, via « les conciliabules puants des familles », et les prétendus « malades ». Entre « l’humanité de singe lâche et de chien mouillé » et « le timbre supra-humain, perpétuellement supra-humain » que ces corps singuliers font sonner. C’est-à-dire entre deux délires dont le plus délirant n’est pas celui qu’on croit. En d’autres termes une « scission humaine de fond » a lieu : celle d’un corps particulier, d’une vie ne recoupant pas exactement l’existence générique et punie pour cette raison d’être même.
On l’aura compris, Artaud n’écrit pas sur Van Gogh : il est Van Gogh. Et s’il semble comparer le docteur Gachet d’Auvers-sur-Oise avec les docteurs Ferdière ou Latrémolière de Rodez, ce n’est évidemment pas aux fins d’historiciser son propre cas et celui du peintre mais bien pour faire sentir à travers le temps l’incarnation d’un tropisme identique :

« Il y a dans tout psychiatre vivant un répugnant et sordide atavisme qui lui fait voir dans chaque artiste, dans tout génie, devant lui, un ennemi. »

Van Gogh, Vieux souliers aux lacets Manet, Lola de Valence, 1862.
automne 1886.
Ce qui fascine Artaud chez Van Gogh ? Son génie à « passionner la nature et les objets ». Sa révélation de l’Etre par les moyens de la « pure peinture » — l’Etre saisi en « pure énigme » qui « vient en avant de la toile fixe » et dont Artaud pointe l’« oubli » en le désignant comme

« cette force d’inertie dont tout le monde parle à mots couverts et qui n’est jamais devenue si obscure que depuis que toute la terre et la vie présente se sont mêlées de l’élucider ».
On pense évidemment à Heidegger, lequel n’a médité un tableau qu’une seule fois dans son oeuvre et comme par hasard un tableau signé Van Gogh [6].
Là, il faut lire (boire, ai-je envie de dire) les extraordinaires phrases d’Artaud comme autant de pépites en prise directe avec le geste du peintre,

« avec la couleur saisie comme telle que pressée hors du tube, avec l’empreinte, comme l’un après l’autre des poils du pinceau dans la couleur, avec la touche de la peinture peinte, comme distincte de son propre soleil, avec l’i, la virgule, le point de la pointe du pinceau comme vrillée à même la couleur, chahutée, et qui gicle en flammèches »...
La peinture est un opéra sensible, une musique « remise à même la vue, l’ouïe, le tact, l’arôme ». Mais elle est aussi la révélation la plus vraie de la nature, ne serait-ce que parce que le motif ouvre la porte d’une réalité permanente possible. Artaud insiste beaucoup là-dessus :

« Van Gogh est peintre parce qu’il a recollecté la nature, qu’il l’a comme retranspirée et fait suer, qu’il a fait gicler en faisceaux sur ses toiles, en gerbes comme monumentales de couleurs, le séculaire concassement d’éléments, l’épouvantable pression élémentaire d’apostrophes, de stries, de virgules, de barres dont on ne peut plus croire après lui que les aspects naturels ne soient faits. »
Tiré à trois mille exemplaires en 1947, Van Gogh le suicidé de la société obtint le prix Sainte-Beuve de l’essai en janvier 1948. Deux mois plus tard, son auteur était retrouvé mort au pied de son lit.
La légende veut qu’il l’ait rédigé en état de choc, après avoir visité l’exposition du Hollandais qui se déroulait à l’Orangerie au début de l’année 1947.
Comment ne pas songer à Proust qui, un an avant sa mort, en 1921, sortit de sa réclusion pour aller voir l’exposition Vermeer du Jeu de Paume et rédigea à son retour l’épisode célèbre de la mort de son double Bergotte, défaillant comme lui devant « le petit pan de mur jaune » ?

« Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, martelait l’interné de Sainte-Anne, de Ville-Évrard, de Rodez et d’Ivry, que pour sortir en fait de l’enfer. »

Gageons qu’Artaud a enfin atteint le Paradis.
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Cécile Guilbert
Au bonheur des mots parfaits


Qui aime sa langue et ses mots sera toujours assuré de trouver dans n’importe quel dictionnaire de quoi dissiper des après-midi entiers d’ennui et de pluie. D’ailleurs, qui ne s’est trouvé, cherchant la définition d’un vocable dans l’un de ces gros volumes, renvoyé d’une lettre à l’autre, d’une page à l’autre et ainsi de suite jusqu’à y épuiser des heures ? « Courir le dictionnaire comme d’autres ont couru les mers », recommandait Michel Leiris, l’auteur de Souple mantique et simples tics de glottes et de Langage tangage ou Ce que les mots me disent. À ce propos, peu importe la nature dudit dico que les Allemands dénomment fort justement Wörterbuch, soit « livre des mots ». Il suffit qu’il soit imprimé en codex car il semblerait que ses homologues numériques favorisent moins ce genre de vagabondage à l’écran. Quoi qu’il en soit, purement alphabétique, étymologique ou analogique, de citations ou de locutions, d’épithètes ou de synonymes, chaque dictionnaire est une somme, un monde, un univers parfait où l’on est toujours certain d’apprendre quelque chose quand il ne s’agit pas d’infléchir ce que l’on croit savoir ou le compléter. Et puis il y a les dictionnaires spécialisés, infinis dans leurs thèmes à partir de noms propres ou communs. Mais aussi les « amoureux », signés par certains auteurs sur leurs sujets de prédilection ainsi que le vérifie la célèbre collection des éditions Plon. Il existe aussi certains dictionnaires très singuliers d’écrivains, véritables œuvres non de lexicographie mais de pensée critique dont les plus beaux fleurons sont le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert et Le Dictionnaire du Diable d’Ambrose Bierce. Enfin, participant à la fois de cette dernière catégorie –c’est-à-dire d’une réflexivité poussée sur les outils langagiers par ses artisans mêmes– et du comblement d’un vide conceptuel, il y aura désormais l’entreprise très originale (et à ma connaissance sans équivalent dans aucun autre idiome) dirigée par l’essayiste et romancière Belinda Cannone accompagnée de Christian Doumet, laquelle a consistéà faire plancher une centaine d’écrivains français sur le Dictionnaire des mots manquants (2016), le Dictionnaire des mots en trop (2017) et le Dictionnaire des mots parfaits1 qui parachève en beauté cette trilogie insolite.

Si le premier procédait de la frustration en se penchant sur moult lacunes lexicales plus ou moins irritantes pour qui se mêle d’écrire tandis que le deuxième explorait les aversions et les inimitiés que d’aucuns entretiennent avec certains mots, le troisième, tout entier tourné vers les chéris, les favoris, les aimés (ceux que l’allemand, encore lui, désigne par le joli terme de Lieblingswörter), ne diffère des précédents qu’en apparence. Car au fond, si ce travail se révèle si intéressant en chacun de ses opus, c’est que son principe unitaire consiste chaque fois à faire entrer le lecteur dans la subjectivité, l’affectivité, l’intimité d’un écrivain s’exprimant à travers un commentaire ou une méditation singulière sur le mot qu’il a choisi. Certains se retrouvant dans plusieurs volumes –comme, outre les maîtres d’œuvre, Béatrice Commengé, J.-M. Delacomptée, J.-P. Domecq, Renaud Ego, Cécile Ladjali et d’autres– se dessinent à travers leurs gloses des sortes d’autoportraits tout à fait captivants ainsi qu’une œuvre collective qui constitue, selon les justes mots des préfaciers, un véritable « panorama de la littérature contemporaine dans ses ateliers secrets ». C’est pourquoi, s’agissant du Dictionnaire des mots parfaits, ces derniers ne s’avèrent pas forcément précieux ou sophistiqués (à l’inverse de ceux élus par Roland Barthes dans sa liste de « Mots rares, mots chéris » retrouvée après sa mort dans ses archives).

Si « air », « or », « nu » ou « été » suggèrent dans leur brièveté une perfection renvoyant à leurs référents, d’autres ouvrent l’imaginaire par les seules portes de l’incongruité onomastique comme « saperlipopette » ou « rhododendron », tandis que la légèreté s’invite dans « bulle », « aigrette » et « pampille ». On mesure alors la part éminemment ludique et rieuse qu’engagent de tels choix forcément « épatants », le mot d’élection de Lucile Bordes, laquelle m’enchante en écrivant justement à son sujet que « les mots parfaits sont en p, t, k. Pas la peine de faire genre, ni semblant, c’est comme ça. Pas de mots parfaits sans explosives. J’aime que ça pète. (…) Le mot parfait ? Un truc qui mitraille. »
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Cécile Guilbert
Gloire aux vieux mots gâteux !


Qui utilise des mots rares dans sa prose s’expose aux reproches d’être pédant, précieux, d’étaler sa culture et de piétiner de sa supériorité tous ceux qui sont moins lexicalement ou culturellement dotés. Je me souviens, adolescente, avoir tenu un répertoire comportant les définitions de tous les mots dont j’ignorais le sens. Des mots vieillis ou inusités mais pas que. Des mots glanés à travers mes lectures que j’épinglais par ordre alphabétique comme on classe des fleurs marcescentes (à vos dicos !) dans un herbier. Comme on épingle des ailes nitescentes (rebelote !) de papillons sur une plaque de liège. Ces métaphores disent assez à quelles délicatesses subtiles, à quelles sources d’éclat et de beauté s’abreuve l’art d’écrire quand il se pique de précision. Qui détient ce sceptre s’arroge déjà une bonne partie du royaume. Nul hasard à ce que les pépites recueillies dans les romans du génial écrivain et de l’entomologiste émérite que fut Nabokov aient fourni le plus fort contingent d’entrées à mon vieux répertoire. Je me souviens aussi de mes premiers livres où j’avais voulu faire reluire quelques-uns de mes trésors. Mais là, haro sur le baudet –relire le début de cette chronique… Depuis, je fais attention, j’évite d’utiliser des mots trop littérairesou trop abscons. Et je me pose des questions. Jusqu’où dois-je aller dans la simplification de mon vocabulaire pour être comprise du plus grand nombre ? Est-ce que ce « plus grand nombre » vaut le coup que je m’autocensure et me limite ? Mon plaisir d’écrire doit-il être sourd et aveugle au plaisir de lire que les éditeurs situent de plus en plus dans les parages d’un assez faible étiage de langage ?

L’expérience enseigne que tout usage d’un lexique soutenu ou recours à des références culturelles pointues provoque deux genres de lecteurs : des vexés râlant d’être pris en flagrant délit d’ignorance et des réjouis qui se félicitent d’avoir l’occasion d’apprendre quelque chose. Appartient bien sûr à la seconde catégorie cet homme de bonne volonté qui, à l’occasion d’agacements exprimés dans le courrier des lecteurs par deux de ses congénères, a envoyé un message aux chroniqueurs de LaCroix pour leur dire haut et fort que « ce n’est pas en nivelant par le bas que nous pouvons progresser et si nécessaire un dictionnaire peut nous tirer d’affaire », concluant par un tonitruant : « Surtout continuez tous à nous rafraîchir de mots peu usités ou qui tombent dans l’oubli. Quel régal ! » Me trouver d’accord avec vous évidemment m’arrange, cher monsieur, raison pour laquelle j’imagine que la récente frasque verbale de Kim Jong-un vous a comme moi mis en joie. Car plaisamment qualifié par le grand bébé Trump de « Rocket Man », expression tirée d’une bluette d’Elton John (« I’m not the man they think I am at home/ Oh no no no I’m a rocket man... »), le gros bébé Kim a répliqué en le traitant pour la seconde fois en quatre mois de « dotard », de « mentally deranged US dotard », traduction de l’Agence de presse nord-coréenne qui a provoqué la ruée massive des journalistes et des staffs gouvernementaux sur leurs dicos en ligne.

Ce mot inconnu au bataillon (prononcez “DOE-turd”) était censé traduire le coréen neukdari signifiant « idiot sénile, vieux fou », engeance fort répandue dans la dynastie des Kim mais dont on ignore s’il est d’un usage courant, bien qu’il ait déjà servi à conspuer Lee Myung-bak, prédécesseur de l’ancienne présidente sud-coréenne. Dotard, en revanche, traduit en français par « gâteux », a connu un pic de popularité avéré vers 1600 et 1800 avant de sombrer dans les oubliettes de l’anglais. Utilisé pour la première fois au XIVesiècle par Chaucer dans ses Contes de Canterbury au sens d’« imbécile », employé plusieurs fois par Shakespeare dans une acception qui le relie au verbe français « radoter », il désigne dans le dictionnaire d’Oxford une « vieille personne devenue faible ou sénile ». Notez alors l’ample gamme d’inflexions nuancées s’engouffrant dans la corne d’abondance d’une définition où la vieille ganache affaiblie, le barbon, le birbe, ou même le vieux babilan se trouvent augmentés des ratiocinations, des radotages idiots qui sont le propre du dotard. Gloire donc aux dictionnaires antédiluviens encombrant les étagères poussiéreuses des officiels nord-coréens auxquels il doit sa résurrection inespérée. Et même s’il arrive que des mots plaisants à retrouver soient de vieux gâteux, longue vie à eux !
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Cécile Guilbert
La pandémie attaque-t-elle votre joie de vivre ?

Non, elle aurait plutôt tendance à renforcer le désir de cultiver et d’entretenir tout ce qui la nourrit : les plaisirs d’amour et ceux de l’amitié, le culte de la beauté, celui du présent et du passé : bref, tout ce qui appartient à « l’autre monde », qui est bien entendu d’ordre spirituel.
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Cécile Guilbert
S’il y a belle lurette que la beauté n’est plus une préoccupation de l’art, il reste heureusement des artistes vivants qui la cultivent, loin des diktats consuméristes.
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Cécile Guilbert
Il me semble au contraire très sain que « des » femmes ne soient pas d’accord avec « lesfemmes »
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Cécile Guilbert
Pourquoi les censeurs vous passionnent-ils plus que la censure ?

Pour les raisons psychologiques dont je viens de parler, dont je suis curieuse. Un peu comme – toutes proportions gardées –Flaubert l’était de la bêtise et Nabokov de ce qu’il appelait le « pochlost », c’est-à-dire le philistinisme-conformisme que nous avons évoqué au début. Car autant la censure « à l’ancienne » renvoie toujours à des questions législatives et réglementaires (alors que la censure et l’autocensure contemporaines obéissent à des mécanismes plus insidieux), autant le caractère du censeur interroge l’existence qui y correspond.

La liberté étant la valeur la plus précieuse, il est fascinant de constater quelle somme de passions négatives – et d’ignorance – est mobilisée dans ces affaires pour la contrer. À ce propos, nul besoin de remonter au procureur Pinard faisant interdire Madame Bovary et des poèmes des Fleurs du mal, quand aujourd’hui des militants du Cran, de la LDNA ou de la Brigade anti-négrophobie peuvent s’ériger en néo-inquisiteurs culturels.
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Cécile Guilbert
« La liberté est la valeur la plus précieuse »
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Cécile Guilbert
Être conformiste, c’est toujours prendre le parti de la doxa, de l’opinion dominante et donc des dominants du moment. Or, il est toujours dommageable de ne pas penser par soi-même et au besoin contre soi-même. Même si elle s’ignore, la condition d’esclave fait plus de peine que celle d’individu libre, non ?
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Cécile Guilbert
« Lolita » occupe une place unique dans l’histoire de la littérature du XXe siècle. Comme d’ailleurs dans celle de son auteur. Car si ce douzième livre (le troisième écrit en anglais) lui apporte enfin sécurité matérielle et gloire universelle, c’est celui qui lui a coûté le plus d’efforts (cinq ans de travail acharné), le plus de découragement (sa femme a dû sauver le manuscrit de l’incinérateur), le plus de tracas éditoriaux.

C’est aussi le seul de ses romans dont le manuscrit reste introuvable et qu’il ait entrepris de traduire lui-même en russe en 1967 : signes flagrants d’un désir de dissimuler sa genèse comme du statut-charnière occupé par cette œuvre dans son extraordinaire mue linguistique.


"Amour morbide et dégénéré"

Par ailleurs, sa célèbre nymphette n’est pas seulement devenue (comme Don Juan, Harpagon et Quasimodo en leur temps) le seul archétype littéraire du siècle : près de soixante ans après sa parution, alors que plus de cinquante millions d’exemplaires s’en sont vendus à travers le monde, « Lolita » demeure scandaleuse. Déjà, en 1992, un traducteur chinois avait cru bon devoir remplacer son titre par « Amour morbide et dégénéré ». Et cela fait plusieurs années que les plus grands éditeurs occidentaux affirment en chœur qu’il serait impossible de publier ce roman aujourd’hui.

« Contrairement à la plupart des livres controversés,écrivait encore récemment Charles McGrath,éminent critique du "New York Times", la lame de "Lolita"ne semble pas s’être émoussée avec le temps. Là où Ulysse ou l’Amant de Lady Chatterley, par exemple, ont désormais un air familier, inoffensif, voire même charmant, le chef-d’œuvre de Nabokov est encore plus dérangeant qu’il ne l’était jadis. »

Réaction propre au puritanisme américain ? à la bien-pensance régressive qui sévit désormais partout ? à la montée du thème des abus sexuels commis sur les enfants dans l’actualité et l’opinion ? Sans doute pas. Car les symptômes de refoulement déchaînés par ce roman virtuose et magnétique remontent à sa naissance.

En effet, dès son achèvement en 1953, la « bombe à retardement » prévue par Nabokov (qui envisagea un temps une publication anonyme) bute sur le refus des cinq plus grands éditeurs américains. Motifs invoqués ? « Insensée perversité » et « pornographie pure ». Et si Maurice Girodias, éditeur parisien d’ouvrages sulfureux, accepte de la publier en anglais l’année suivante, c’est parce qu’il y lit - à tort, bien sûr - une apologie bienvenue de la pédophilie qui (dixit Nabokov) « pourrait mener à une transformation des attitudes sociales vis-à-vis du genre d’amours décrits. »

Aussitôt interdit en France (la censure ne sera levée qu’en 1958, date de sa publication aux Etats-Unis), « Lolita » le sera aussi en Angleterre. Entre-temps, les critiques s’empoignent avec violence. Si Graham Greene l’élit comme un des trois meilleurs romans de l’année, John Gordon déclare dans le « Sunday Express » que c’est « le livre le plus immonde » qu’il ait jamais lu.

Même réaction des prestigieux Evelyn Waugh et Edmund Wilson qui ne cachent pas leur répulsion. Tout comme Emile Henriot qui le juge « dégoûtant » et « déplaisant ». Ce qui n’empêche pas l’immense succès du livre, best-seller immédiat percutant de plein fouet une société de consommation privilégiant l’adolescence comme catégorie sociologique majeure.


"Cloaque de montres pourrissants"

Néanmoins, Nabokov a beau multiplier mises en garde et mises au point, flanquer l’édition américaine d’une postface où il explique que « Lolita » diffère des livres licencieux et « ne contient aucune leçon morale », rien à faire, malentendus et méprises ne cesseront plus. L’identification problématique de son narrateur à son créateur non plus. Preuve que ce grand roman d’amour scandaleux - qui est aussi une satire sociale, un polar atypique, une métaphore de la confrontation entre la vieille Europe et la jeune Amérique, une réflexion sur la puissance du destin et beaucoup d’autres choses encore - demeure à ce jour l’un des meilleurs test-baromètre des capacités de lecture d’un individu.

Ayant toujours conçu l’art romanesque comme celui de « composer des énigmes aux solutions élégantes » et ses romans comme des « crystogrammes étincelants », Nabokov a eu raison d’affirmer (à propos de l’effroi initial des éditeurs envers « Lolita ») que « leur refus se fondait non pas sur ma façon de traiter le thème, mais sur le thème lui-même ». Le « thème » ? Aveuglant, il s’agit bien sûr de la liaison d’un homme mûr avec sa belle-fille aussi impubère qu’impudique et le cortège de turpitudes qu’accompagne cette passion pédophile doublée d’inceste.

Car le fameux Humbert Humbert, « l’étranger dont le sourire tranquille d’enfant sage dissimule un cloaque de monstres pourrissants », après avoir imaginé toutes sortes de stratagèmes pour se débarrasser de sa mère, n’hésite pas à se masturber sur le corps de la fillette à son insu, lui mentir et la droguer pour abuser d’elle. Devenu « techniquement » son amant (mais coup de théâtre scandaleux, c’est une Lolita même pas vierge qui fait le premier pas !), il l’enlève, multiplie les chantages, lui impose actes sexuels et silence en la menaçant de l’abandonner, ne lui donne de l’argent de poche qu’en échange de certaines caresses, monnaie coïts et fellations contre promesses pas toujours tenues de cadeaux, tente de se caresser à côté d’elle au spectacle d’autres fillettes, etc.


La féérie des nymphettes

Or s’il suscite à maintes reprises la révolte du lecteur, ce diable de narrateur tour à tour odieux, tendre, sentimental, cynique, amoureux, calculateur, « candide comme seul un pervers peut l’être », réussit la prouesse d’emporter son adhésion par son « traitement » littéraire à mille lieues de la pornographie courante (« une copulation de poncifs », dira Nabokov) et sans prononcer le moindre mot cru.

De l’envoûter par les mille diaprures, nuances et détails d’un génie poétique subtil et lyrique, capable de « gazer » les scènes sexuelles les plus explicites. Comme de rendre (presque) acceptable son odyssée criminelle. C’est pourquoi, ainsi que l’a très justement écrit Martin Amis, « Lolita » est un roman qui « saisit le lecteur comme une drogue euphorisante, plus puissante que toutes celles jamais découvertes ou conçues. A l’image du narrateur, il est à la fois irrésistible et impardonnable. » A l’image de l’art lui-même que Nabokov a toujours identifié à une féérie, c’est-à-dire une duperie. Comme seule la nature est capable d’en produire.

Car quoi de plus féérique qu’une « nymphette », cette créature « élue », dotée de « caractéristiques mystérieuses » comme « cette grâce trouble, ce charme élusif et changeant, insidieux, bouleversant même » ? Sans cesse confondue avec l’ensorcellement même de l’art, Lolita est à l’image de la nymphe désignant chez le papillon le stade intermédiaire entre la larve et l’imago : état fragile, transitoire, certes, mais surtout merveille de la nature. Et que seul l’esthète est capable de repérer. Car comme l’écrit le narrateur,

il faut être un artiste doublé d’un fou, un de ces êtres infiniment mélancoliques, aux reins ruisselants d’un poison subtil, à la moelle perpétuellement embrasée par une flamme supra-voluptueuse (oh, cette torture sous le masque !), pour discerner aussitôt, à des signes ineffables – la courbe féline d’une pommette, la finesse d’une jambe duveteuse, et cent autres indices que le désespoir et la honte et des larmes de tendresse me retiennent d’énumérer…
Aussi, « Lolita » doit être lue de bout en bout comme une féérie éminemment ludique, une production de délectation esthétique. Humbert Humbertn’est-il pas un « vampire de conte de fées » ? Le rayon fillettes du magasin où il fait des emplettes pour Lolita « un lieu féérique » ? Cette dernière « une proie enchantée » ? Leur intimité « le pays de merveilles » ? Leur voyage « un périple enchanté » ? Et « Les Chasseurs enchantés » le nom de l’auberge où se déroule la première scène majeure du livre mais aussi celui de la pièce dans laquelle joue Lolita, écrite par ce Clare Quilty qu’Humbert Humbert tuera ?

Autre difficulté qui rend difficile le décollement identificatoire de Nabokov à son narrateur et alimente les malentendus ? La figure de l’adorable enfant aux charmes impubères qui traverse toute son œuvre et sa biographie : de son premier amour transposé dans « Machenka » à la nouvelle « l’Enchanteur » qui constitue « la première petite palpitation » de « Lolita ». En passant par la Colette réelle d’« Autres rivages » et de sa traduction en russe du chef-d’œuvre de Lewis Caroll.

Après 1955, il y aura encore « Ada », Armande dans « la Transparence des Choses », puis les Dolly et Bel de « Regarde, regarde les arlequins ». Jusqu’au posthume « Original de Laura » où cette dernière, prénommée comme la nymphette de Pétrarque, fait résonner l’écho assourdi de Lolita comme roman et personnage. Nympholâtre, Nabokov ? Assurément. Mais pas criminel. Même s’il est vrai qu’ « un style imagé est la marque du bon assassin. »

Cécile Guilbert
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Cécile Guilbert
Avec quel livre pourriez-vous passer le reste de votre vie ?
Ada ou l’Ardeur, de Nabokov, un chef-d’œuvre absolu sur l’amour et l’art, d’une beauté et d’une intelligence inépuisables, qui contient aussi un petit essai sur le temps particulièrement libérateur.
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Depuis la 5eme génération comment réagissent les attaques Ténébre sur les pokémons Acier ?

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