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Critiques de Cédric Ferrand (86)
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Et si le diable le permet

« Et puis c'est quoi « une histoire de Cthulhu » ? […] Si c'est l'écriture d'histoires dans la perspective du « matérialisme cosmique » lovecraftien, à mon avis, nous n'en sommes pas sortis avant longtemps »



(Ou comme le dirait le Félix de l'Auberge entre les mondes de Jean-Luc Marcastel : «ça tombe bien, car, bof, moi le lovecrade »)



Tatadadam, tatatadam.

Un roman qui commence comme un Indiana Jones (vous aviez reconnu le générique hein ?) avec un jeune premier débrouillard et un poil vantard, une enquête de disparition menée dans l'exotique et dangereuse contrée qu'est le Montréal francophone avec la compagne féminine qui dépote (pour la parité) (comme la suppléante des élections municipales) (ouf nous sommes rassurées) , et les années 30 en toile de fond pour le poli lustré et classieux d'une histoire à l'ancienne. Bref ça pourrait sembler classique au possible et pourtant ça marche, et pas qu'un peu. Pourtant nos héros ont plus joué à se connaître qu'à vivre moult aventures, mais pas de temps mort ni d'ennui, ça défile très vite et on aimerait même lire la suite de leurs péripéties (comme le promet la dernière page) dans la foulée.



Après Wastburg et Sovok, assurément à ce jour, mon bouquin préféré de Cédric Ferrand qui semble changer de thème à chaque volume. Et ça, quelque part c'est fort non, de pouvoir faire voyager ses lecteurs dans de multiples univers ?!
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Et si le diable le permet

Hors donc, j'ai lu « Et si le Diable le permet » de Cédric Ferrand aux Moutons Electriques. C'est un livre qu'on m'a vendu comme étant une histoire pulp, aussi m'attendais-je (sot que je suis) à un truc avec des nazis-sectataires poursuivant les héros en leur tirant dessus à l'aide de Mauser, à des camions Citroën couvert de poussière bâche au vent, à des monstres venus des étoiles à la grandeur cataclysmique, voir à deux ou trois pyramides fouillées à la recherche d'un trésor impie.

Bref. Que dalle ou presque.

Ai je été déçu pour autant?Non (à part par les nombreuses coquilles maisbonpassons).



Explication en trois points 



1 : « Je reviendrai à Montréal ». (Merci Robert)

J'ai fait une excellente excursion dans la ville de Montréal. Sous couvert de son histoire, l'auteur nous promène dans la ville et livre une poésie chantante des lieux, étoffant son discours de détails et d'anecdotes amusantes, sympathiques. On y apprend plein de choses pour peu qu'on prenne le temps de lire et de faire deux ou trois recherches rapides en même temps. On évoque la ville et elle réside derrière les lignes comme un des héros principal. On la sent vivre, grandir, prendre la maturité au cours de cette délicate année 1930. On apprend sa césure, sa population mixe et ce qui lui est arrivée par le passé. C'est magique. J'ai eu l'impression d'arpenter les rues avec Sachem, de me rendre à l'hospice avec Oxiline ou de grimper à leurs côtés le pont du havre. C'est bien simple : à la fin du bouquin j'avais mal aux guibolles. Surtout, on découvre un Montréal différent de celui que nous offrirait un guide touristique. On voit sa face sombre, son côté rustique, proche de gens, moins paillettes que ce que montre un tour opérateur. De surcroît (bon je peux me tromper, mais j'en doute) on sent l'amour que porte l'auteur pour cette cité. C'est doux, sans concession mais franc, Juste sans être cassant. Et ça donne envie.



2 : De l'art de fraterniser.

Je ne dévoile rien, c'est dans la 4ème de couverture : Sachem (le héros) retrouve sa demi-sœur qu'il ne connaît pas ou prou et est obligé de lui demander de l'accompagner dans sa mission.

On suit donc les avancées de ces deux presque adultes qui tâtonnent, se cherchent, s'affrontent par peur, n'osent pas, se découvrent, s'agacent, montrent leurs différences pour mieux trouver leur ressemblance. C'est une vraie quête initiatique, un pèlerinage entre deux êtres que presque tout oppose et qui sont forcés de vivre ensemble par un simple lien du sang. C'est bon, car rappelle que lorsque tout diffère on peut encore outrepasser nos différences pour s'apprendre et se comprendre. Et cette relation naissante grandit au milieu d'un univers crasse auquel Sachem va peu à peu s'ouvrir. Belle vision.





3 : Lovecraferrand

Si le roman ne se prête pas forcément à un univers Lovecraftien, les nouvelles permettant une montée plus rapide de l'horreur indicible, une angoisse plus présente et moins distillée ; l'auteur réussit la prouesse de faire monter la mayonnaise tout au long de son volume. C'est assez singulier car il faut vraiment se laisser porter par le texte, mais à travers l'histoire on sent petit à petit l'ambiance s’appesantir, les traits d'esprits se font plus rares, les images sombres plus fortes jusqu'au final. Tout y est, de l'ancien mythe éthéré qu'on effleure à peine pour laisser son imagination se perdre sur les tenants et aboutissants de « l'indicible », à la légende contée au coin du feu jusqu'au point d'orgue, sa pesanteur, sa crasse et ses révélations qui laissent sur notre faim... sans qu'il ne soit possible d'en décrire plus sans gâcher le scénario.





J'ai apprécié. J'ai voyagé. J'ai rêvé (pas trop, pour ne pas attirer de sombres trucs-machins venus d'ailleurs) et je me suis régalé. Surtout, surtout, j'ai été surpris. Et, on ne le répète pas assez, mais lorsque l'auteur arrive à vous étonner non pas par un twist final, un cliffangher bien travaillé, mais grâce à un développement rigoureux et tourbillonnaire qui vous emporte, le contrat est rempli.



Au final je résumerai le commentaire à ceci : c'est vraiment un très chouette livre.
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Et si le diable le permet

J'avais hâte de lire ce dernier roman de Cédric Ferrand après l'excellent "Wastburg" et sa fantasy qui rote ^^



Mais là, je me retrouve avec un roman qui me vends un hommage au pulpe, qui se déroule à Montréal (au revoir manoir hanté remplis de vilains nazis-sectataire ^^) et qui sent fort le grand poulpe...



Donc du coup la description de la ville est très chouette et permets de s'approprier l'histoire, les deux personnages sont également très fun mais il manque un quelque chose que je n'ai pas réussi à saisir.



Ou plutôt, par rapport à mon attente, j'ai un chouette roman introduisant deux personnages, une ville et un lien avec l'autre endormi tentaculaire Mais pas de pulp, pas de vrai roman noir...



Bref c'est entre deux à chaque fois et du coup je n'arrive pas à ne pas apprécier la lecture mais pas non plus à la recommander.
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Et si le diable le permet

En Résumé : Je dois bien admettre que je ressors de ma lecture de ce petit pulp Lovecraftien un peu déçu, l’ensemble n’ayant jamais réussi à complètement me captiver, m’entraîner. Le gros point fort de ce récit vient de la toile de fond que construit Cédric Ferrand, une ville de Montréal qui en devient limite un personnage du récit à travers un travail historique et social ponctué d’anecdote qui rendent l’ensemble très intéressant à découvrir. On a limite envie de se promener dans cette ville, le tout présenté à travers un rythme assez lent qui permet une vraie immersion. Sauf que voilà autant le rythme posé est un avantage pour l’univers, autant il dessert pour moi l’intrigue qui s’avère mollassonne et parait clairement trainer en longueur. Surtout que cet effet de lenteur vient autant de la mise en place de l’univers, mais principalement du côté pas très futé de notre héros qui est aussi perspicace et fin qu’un éléphant dans une cristallerie j’ai trouvé. Les interrogatoires sont tellement direct que ne pas le considérer comme un flic ou un mec louche ne tient que par le besoin du récit. Finalement nos héros ont plus de chance que de jugeote quand même. Concernant les personnages ils n’ont jamais réussi à me toucher, ayant du mal à sortir des archétypes dans lesquels ils se figent, tombant ainsi parfois dans la caricature. Concernant la conclusion, je l’ai vu arriver dès le premier quart du roman, ce qui est quand même dommage. Au final un roman qui brosse une jolie image de la ville de Montréal de l’époque, mais qui a peiné à m’emporter dans son récit malgré une plume soignée et efficace.





Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Et si le diable le permet

Si vous appréciez ce qu'on appelle la « crapule fantasy », alors vous avez certainement déjà entendu vanter les mérites du « Wastburg » de Cédric Ferrand. Son second roman, « Sovok », avait lui aussi rencontré un accueil favorable, la vision de ce Moscou futuriste en pleine déliquescence ayant saisi plus d'un lecteur. Après deux ouvrages aussi atypiques, c'est sans aucune appréhension, et même avec une certaine impatience, que je me suis lancée dans la lecture de la dernière parution de l'auteur, premier tome des aventures d'un certain Sachem Blight et de sa demi-sœur Oxiline. Seulement, voilà, la sauce n'a pas pris... Sans aller jusqu'à proposer du resucée de ses précédents textes, je m'attendais au moins à retrouver ici un peu du mordant et de l’excentricité de l'auteur. Et bien non. Honnêtement si je n'avais pas vu le nom sur la couverture, jamais je n'aurais pensé qu'il puisse s'agir de Cédric Ferrand tant le roman souffre de maladresses qui étaient totalement absentes de ses précédentes œuvres. Mais commençons par planter le décor avant de rentrer dans le vif du sujet : nous sommes en 1930, à Montréal, où Sachem Blight, un aventurier spécialisé dans le sauvetage de fils et filles de bonne famille, se voit confier une nouvelle mission. A priori rien de bien sorcier : le fils d'un riche entrepreneur local a disparu après une brouille avec son père qui décide d'embaucher l'enquêteur pour aller le récupérer dans le quartier francophone de la ville. Seulement les choses tournent très vite très mal. D'abord, pas moyen de remettre la main sur le jeune homme, et ce en dépit des témoignages recueillis et des diverses pistes étudiées. Ensuite, Sachem Blight apprend l'existence d'une demi-sœur dont, faute de pouvoir payer l'onéreuse école, il se retrouve à assumer la responsabilité. Et puis il y a la ville de Montréal dans laquelle le héros peine à se fondre et qui semble agiter par de curieux courants.



Le plus gros atout du roman réside incontestablement dans son décor qui, une fois n'est pas coutume, n'a rien de commun. Il faut bien avouer que des récits mettant en scène le Montréal des années 30, ça ne coure pas franchement les librairies ! L'auteur prend d'ailleurs beaucoup de plaisir à nous faire découvrir la ville, s'attardant sur ses monuments les plus emblématiques ou nous amusant de quelques anecdotes croustillantes. Le contexte de l'époque est lui aussi abordé sous différents aspects, du spectre de la crise de 29 qui plane toujours sur le pays (jusqu'à rendre les banquiers un poil parano...) aux tensions opposant les communistes aux socialistes et aux libéraux, sans oublier la question du droit des femmes ou encore le statut des peuples autochtones. Pour ce qui est du décor, donc, qualité et originalité sont au rendez-vous. Là où le bât-blesse, en revanche, c'est au niveau de l'intrigue. L'enquête de notre aventurier se divise rapidement en une multitude de branches qui donnent au récit un aspect brouillon et empêchent de véritablement cerner les enjeux des personnages. On peine par conséquent à se passionner pour cette investigation décousue qui bascule dans les derniers chapitres dans le bazar le plus complet jusqu'à une réunion de famille prévisible et assez saugrenue. La forme n'est pas particulièrement soignée non plus, l'ouvrage possédant de trop nombreuses coquilles (dont vous apprendrez ironiquement l'origine de l'expression dans ce livre...). Les protagonistes, enfin, peinent eux aussi à convaincre et à susciter l'intérêt du lecteur. Sachem Blight n'est pas un personnage particulièrement sympathique et se laisse porter par les événements davantage qu'il ne cherche à les anticiper. Sa sœur, Oxiline, fait preuve d'un peu plus de fantaisie mais reste pour le moment trop dans l'ombre de son frère pour que l'on puisse réellement s'y attacher.



Cette première « étrange aventure de Sachem Blight et Oxiline » se révèle donc fort décevante, la curiosité éveillée par la période et le lieu mis en scène ne parvenant pas à supplanter l'ennui éprouvé à la lecture d'une intrigue tout sauf trépidante. Dommage, car j'avais vraiment adoré les précédents romans de l'auteur.
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Et si le diable le permet

Cédric Ferrand nous emmène dans le Montréal des années 1930, qu'il rend tangible et qu'il mélange avec un univers à la Lovecraft, le tout servi par une belle écriture et des personnages attachants !
Lien : https://leschroniquesduchron..
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Et si le diable le permet

Et si le Diable le permet souffre de la comparaison avec les deux romans précédents de l’auteur, qui avaient mis la barre très haut.
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Et si le diable le permet

UNE ÉTRANGE AVENTURE DE SACHEM BLIGHT ET OXILINE







Montréal, 1930. Sachem Blight a beau être canadien (de Toronto) et avoir bourlingué de par le vaste monde en quête du frisson de l’aventure, c’est une destination fort exotique pour lui – une ville entre deux mondes, où les communautés anglophone et francophone ne se mêlent guère et, plus qu’à leur tour, se méprisent. En cela, c’est un terrain de jeu qui vaut bien les confins de la Perse ou de l’Afrique noire.







Mais Sachem Blight, en cette époque troublée qui suit de peu le krach de Wall Street, l’année précédente seulement, ne crache pas sur le travail. Son truc, c’est de retrouver les gosses de riches qui, pour une raison ou une autre, devant souvent à la naïveté, se rebellent contre leur ascendance et prennent la poudre d’escampette pour vivre par eux-mêmes, et ne tardent guère à le regretter. Cette fois, c’est le fils de l’architecte du tout nouveau pont dit « du Havre », à Montréal, chantier colossal sur le point d’être achevé, qui s’est fait la malle – ça change un peu des princesses enlevées, mais pas forcément tant que cela.







Toutefois, mettre la main sur le fugitif s’annonce ardu, dans cette ville qui est un monde en elle-même. Sachem Blight aurait bien besoin d’aide – surtout pour s’entretenir avec ces Canadiens français qui ne parlent même pas le « français de France ». Ça tombe bien : par une improbable coïncidence (sinon, ça ne serait pas drôle), la demi-sœur de Sachem, Oxiline, végète dans une institution religieuse pour jeunes filles, et il est bien temps de sortir l’adolescente de sa réclusion quasi monastique. D’autant qu’elle s’y connaît probablement bien davantage en joual – le sociolecte du français québécois propre à Montréal.







Et notre duo de choc de mener sa petite enquête – qui s’avère bien vite fort étrange ; il y a bien plus, là dedans, que la disparition d’un jeune homme de bonne famille ; quelque chose qui sent la secte… et peut-être bien pire encore.







UN ÉCRIVAIN DERRIÈRE L’ÉCRAN (OU CTHULHU OR NOT CTHULHU)







Troisième roman de Cédric Ferrand aux Moutons Électriques, Et si le diable le permet témoigne plus que jamais de la double casquette de l’auteur, à la fois écrivain et rôliste. Mais peut-être d’une manière un peu différente ? Wastburg et Sovok étaient deux (doubles) projets spécifiques à l’auteur – que le jeu de rôle ait précédé le roman, ou l’inverse. Dans Et si le diable le permet, Cédric Ferrand se réfère cette fois à un titre qui lui est extérieur, et pas des moindres : ni plus ni moins que le fameux L’Appel de Cthulhu, un des jeux de rôle les plus pratiqués depuis sa création en 1981 par Sandy Petersen.







L’Appel de Cthulhu, bien sûr, est censé émuler les récits d’horreur cosmique de Lovecraft et de ceux qui ont manié le « Mythe de Cthulhu » dans sa foulée. Même à s’en tenir au seul champ littéraire, les notions de « lovecraftien » ou de « cthulhien » sont déjà assez compliquées, impliquant de se poser plusieurs questions : qu’est-ce qu’un récit lovecraftien ? Le « Mythe de Cthulhu » est-il une notion pertinente ? « Lovecraftien » et « cthulhien », est-ce la même chose ? Pouvez-vous me prouver que la réédition des horreurs de Brian Lumley ne relève pas du crime contre l’humanité ? Etc. Or, d’une certaine manière, la question se complique encore quand on évoque le jeu de rôle – car L’Appel de Cthulhu, sur ces bases communes, a constitué peu à peu sa propre mythologie, ses propres codes… et ses propres clichés. Je vous renvoie à ce propos à ce que Tristan Lhomme pouvait en dire en guise de « préface » au chouette Musée de Lhomme, il vous en parlera avec bien plus de compétence que moi.







Or on retrouve ledit Tristan Lhomme en exergue de Et si le diable le permet – avec cette citation frappée au coin du bon sens :







Et puis, c’est quoi "une histoire de Cthulhu" ? Si c’est le jeu littéraire qui consiste à inventer des dieux qui sentent le poisson et des livres rédigés avant l’invention de l’écriture, c’est mort depuis… hum… Brian Lumley ? Si c’est l’écriture d’histoires dans la perspective du "matérialisme cosmique" lovecraftien, à mon avis, nous n’en sommes pas sortis avant longtemps.







L’auteur lui-même avait présenté son roman comme étant « un pulp lovecraftien » ; mais est-ce bien le cas ?  Ce n’est pas garanti. La citation de Tristan Lhomme, aussi bienvenue soit-elle, est peut-être un peu ambiguë à cet égard (et en même temps très à propos), parce qu'elle pourrait laisser supposer que le roman qui suit relèverait de la lovecrafterie pour orthodoxe à poil dur – la version Joshi-compatible, et qui a sans doute ma préférence ; or ce n’est probablement pas cela que nous trouverons dans Et si le diable le permet.







D’autant que cette optique narrative ne se marie pas forcément très bien avec la mise en avant du caractère pulp – au sens zeppelins, nazis et dynamite – qui est une autre tendance de la littérature « lovecraftienne » ainsi que des jeux de rôle « lovecraftiens », même en empruntant au moins autant à Indiana Jones et compagnie qu’aux austères contes macabres du gentleman de Providence, pas exactement porté sur l’action trépidante de manière générale. Mais, Et si le diable le permet, est-ce un pulp, alors ? Eh bien… probablement guère plus. Le roman relève sans doute de la fiction populaire, mais pas dans ce registre – ou pas vraiment.







Non : si Et si le diable le permet doit (?) être envisagé comme « un pulp lovecraftien », c’est au regard de la pratique rôlistique de L’Appel de Cthulhu. Sans être à proprement parler la novélisation d’une partie effectivement jouée, le roman de Cédric Ferrand abonde en clins d’œil et autres sourires de connivence à l’adresse du public rôliste ou, précise éventuellement l’auteur, de ceux qui ont joué en leur temps et considèrent qu’ils ne peuvent plus le faire. C’est une dimension essentielle du roman, à mes yeux du moins.



LES INVESTIGATEURS ET LE GARDIEN DES ARCANES







Et ça vaut aussi bien pour les « investigateurs » que pour le « Gardien des Arcanes ».







Les PJ, dans ce roman, sont donc Sachem Blight et sa demi-sœur Oxiline – et ils sont tous deux très réussis, foncièrement attachants. Le premier, le « héros » de l’aventure, a donc beaucoup voyagé, sur tous les continents ; en cela, il peut rappeler bien des « investigateurs historiques », dans les fameuses grosses campagnes élaborées par Chaosium, etc., comme Les Masques de Nyarlathotep, qui font voyager les PJ vers les destinations les plus exotiques ; pour autant, s’il a déjà entrevu des choses « bizarres », il ne s’est jamais vraiment frotté au surnaturel à proprement parler – et encore moins au « Mythe de Cthulhu ». Par ailleurs, cette expérience étonnante pour un trentenaire ne l’a guère mûri pour autant. En fait, Sachem Blight, globalement compétent dans sa partie, ne se montre pas pour autant toujours très futé : ses préjugés et ses obsessions peuvent l’égarer, à l’occasion, et, surtout, sa tendance à se bagarrer pour un rien lui nuit pas mal – le laissant plus qu’à son tour sonné sur le trottoir, et dans l’impossibilité de revenir fouiner dans cet endroit crucial pour son enquête... dont il vient tout juste d’être expulsé manu militari. Même avec ses atours de bourlingueur et sa façade de gros dur, le personnage a quelque chose d’un peu loser qui contribue à le rendre plus attachant encore.







Oxiline, dans les seize ans, n’est pas en reste. La jeune fille a végété bien trop longtemps dans une institution religieuse étouffante, sans contact avec son père (celui de Sachem) et guère plus avec sa mère, folle au dernier degré (dit-on). Elle a hâte de sortir de sa réclusion – que son demi-frère vienne l’en tirer, c’est la plus grande des bénédictions, et elle se montre très reconnaissante envers celui qu’elle appelle affectueusement « Rusty ». Mais, contrairement à ce dernier, elle n’a aucune expérience du vaste monde, qu’elle entend bien découvrir au plus tôt. Qu’elle n’en sache rien, tour à tour, lui sert, en lui permettant d’envisager les choses un peu différemment, ou la dessert – et méchamment, car ce monde est hostile. Bien plus futée que son enquêteur de demi-frère, bien plus passionnée en même temps, elle a un don pour trouver les pistes les plus fructueuses – et tout autant pour mettre les pieds dans le plat, car c’est peu ou prou la même chose. Elle aussi a donc sa maladresse – qui, là encore mais d’une manière subtilement différente, contribue à la rendre attachante.







Mais ce sont bien des investigateurs de L’Appel de Cthulhu : autant dire qu’ils ne comprennent pas grand-chose à l’intrigue à laquelle ils se trouvent mêlés, longtemps du moins, et ce en dépit de la multiplication, tout autour d’eux, des panneaux clignotants : « L’ENTITÉ INDICIBLE EST PAR-LÀ ». En chemin, ils s'égarent dans mille rencontres « optionnelles » pas exactement utiles dans la perspective de leur enquête, l’un comme l’autre. Et, bien sûr, Sachem, plus qu’à son tour, ne trouve rien de mieux à faire que de jouer des poings, pour un résultat parfaitement navrant (et joliment cocasse) – et ce alors même que Montréal en 1930 n’a pas grand-chose à voir avec la proverbiale taverne où débutent, par une bagarre le cas échéant, tant d’aventures donjonneuses… Un atavisme ?







Le Gardien des Arcanes (l’écrivain ?) n’est toutefois pas épargné, et Cédric Ferrand s’amuse visiblement beaucoup, là encore, à parsemer ce roman d’easter eggs rôlistiques qui sentent le vécu. À plusieurs reprises, nous l’entrevoyons en Gardien/Démiurge déployant son complot plus que tordu à grands renforts de ricanements sataniques surjoués. Mais nous ne le voyons tout aussi souvent, voire bien plus… désespérer que les investigateurs passent sans cesse au travers des mailles de son filet pervers et, pire encore, sans même s’en rendre compte ! Peut-être est-ce pour cela, alors, qu’il se replie si souvent sur l’Accessoire Ultime : le guide Baedeker de Montréal…







C’est une dimension importante du roman – je dirais même essentielle. Il contient beaucoup de choses qui ne parleront peut-être qu’aux rôlistes, ou qui leur parleront plus particulièrement disons, mais pas uniquement ceux ayant beaucoup pratiqué L’Appel de Cthulhu d’ailleurs, même si ces derniers constituent tout de même une cible de choix. Ce qui n’est pas sans poser problème – car ce sous-texte follement fun risque d’échapper à des lecteurs non-rôlistes. Pour autant, Et si le diable le permet n’est pas réservé à la seule Population Dégénérée Qui Jette Des Dés Bizarres, et je suppose qu’on peut le lire avec plaisir sans cette expérience particulière – reste qu’une dimension non négligeable du roman risque alors de passer peu ou prou à la trappe, je tends à le croire.







DU BON USAGE DU BAEDEKER...







Or cela a son impact sur la narration. Et si le diable le permet, tout pulp qu’il prétende être, est certes un roman relativement court, et enjoué par ailleurs, mais il adopte un rythme en fait assez lent, plutôt surprenant pour le coup, et ce jusqu’à sa toute fin ou presque. Dans les retours que j’ai pu lire çà et là, c’est une dimension souvent pointée du doigt, et souvent pour y voir un écueil du roman. Je n’en suis pas persuadé pour ma part, car Cédric Ferrand sait raconter une histoire, et joue là encore des codes du jeu de rôle L’Appel de Cthulhu d’une manière assez délicieuse.







C’est tout particulièrement vrai en ce qui concerne le côté « guide Baedeker » d’Et si le diable le permet. L’utilisation de cet ancêtre du Guide du routard, etc., est un trait récurrent de la conception de cadres de jeu dans L’Appel de Cthulhu – et le terme revient souvent dans les critiques, pouvant se voir accoler des connotations positives, mais, au moins aussi souvent et peut-être davantage, ayant des relents de reproche. Le Baedeker est bien une ressource privilégiée des suppléments intitulés Les Secrets de… (New York, Marrakech, tous deux immondes, plus intéressants sont San Francisco, le Kenya, je ne sais pas ce qu'il en est de Lyon, etc.). La « baedekerisation », dès lors, désigne souvent des suppléments un peu fainéants, se contentant de lister des choses aussi narrativement inutiles que les horaires d’ouverture des bureaux de poste ou le coût d’un billet de tramway dans telle ou telle ville, sans véritable apport ludique.







Mais le terme figure également dans le roman, dès le début (et je suis d'autant plus enclin à y voir un clin d’œil appuyé), quand Sachem Blight déplore que le monde « extérieur » perde ainsi de son cachet, à être toujours un peu plus connu et codifié – avec par ailleurs le risque (mais c’est la raison même de son métier d’enquêteur), pour des gens un peu trop crédules, de penser qu’en 1930 l’on peut vivre à Lhassa comme on vivrait à Toronto : pour Sachem Blight, ça n’est certainement pas le cas. Et, pour le coup, il est difficile, ici, de ne pas penser à l’exotisme éventuellement light et assurément « baedekerisé » des campagnes telles que Les Masques de Nyarlathotep, encore que la « baedekerisation » puisse en fait concerner de manière plus frontale des destinations un peu moins exotiques, néanmoins étrangères (l’exemple le plus éloquent étant probablement la bien trop décevante à mon goût campagne Terreur sur l’Orient-Express).







Reste que le Baedeker est un outil de choix pour qui conçoit ou maîtrise des scénarios ambitieux de L’Appel de Cthulhu – et Cédric Ferrand s’amuse beaucoup avec. Son roman est ainsi parsemé d’anecdotes sur Montréal, ville qu’il connaît bien pour y vivre depuis longtemps, mais sans doute bien exotique pour un lecteur français lambda. Il a pu faire la remarque que ses précédents romans, Wastburg et Sovok, traitaient d’une certaine manière de Montréal, mais sur un mode « déguisé ». Et si le diable le permet ne s’embarrasse pas de cette pudeur, et constitue, en même temps qu’un roman, un guide édifiant des particularités de la métropole québécoise et de ses environs. Au-delà de la seule visite de bâtiments de caractère, on y apprend donc plein de choses, du plus terrible (comme l’explosion de Halifax, en 1917) au plus trivial, avec énormément de choses entre les deux, incluant, liste non exhaustive, aussi bien des notations gastronomiques que l’évocation de figures historiques (dont par exemple Adrien Arcand, nazillon canadien dont l’auteur a pu dire qu’il était d’une certaine manière à l’origine du projet du roman), la construction du « Pont du Havre » qui fournit son motif au récit, ou l’histoire par le menu de l’établissement catholique pour jeunes filles où s’ennuie Oxiline, sans même parler des légendes indiennes locales (forcément) ou du résultat des élections municipales. Avec parfois des aperçus plus globaux, cependant – les financiers qui se défenestrent à Montréal comme à New York, ou les physiciens et chimistes qui se tapent mutuellement dessus, ce qui n’a sans doute pas lieu qu’à McGill.







Mais c’est bien un roman – comme cela pourrait être un bon scénario : l’érudition façon Baedeker ne tombe paradoxalement jamais comme autant de cheveux sur la soupe, mais s’intègre avec fluidité dans le récit. « Objectivement », bon nombre de ces anecdotes sont « inutiles » au regard de la résolution du scéna… du roman, mais peu importe, car elles s’insèrent avec naturel, donc, sont souvent intéressantes voire passionnantes, parfois amusantes également, et, enfin, contribuent et pas qu’un peu à l’ambiance de l’aventure – ce qui est au moins aussi essentiel, et probablement davantage, que la seule mécanique du « whodunit », etc. C’est donc le bon usage du Baedeker.



… ET DES COMPÉTENCES LINGUISTIQUES







Dans un registre sans doute assez proche et pourtant différent, Cédric Ferrand use, avec succès, d’un autre outil d’ambiance aussi bien que narratif, consistant en, disons, des « jeux linguistiques ». Ils occupent une place non négligeable dans le roman, car nous sommes très vite confrontés aux insuffisances d’un Sachem Blight incapable de vraiment s’entretenir avec les Canadiens francophones de Montréal. Son mauvais français ne lui permet pas de comprendre un traître mot au joual employé par les autochtones – et c’est ici qu’Oxiline s’avère tout particulièrement utile, d’ailleurs.







Le roman appuie sur la coupure entre les communautés anglophone et francophone de la métropole – et, dit comme ça, effectivement, il y avait déjà de ça dans Wastburg, ce qui m’avait très certainement échappé à l’époque. Mais le roman évoque ces difficultés sur un ton assez léger, limite badin, même si jamais acide, et encore moins méprisant : la dimension politique sous-jacente est là, et traitée avec sérieux. Reste que Cédric Ferrand manie bien ce thème, et d’une manière qui s’avère aussi drôle que pertinente.







Ainsi d’abord du mauvais français de Sachem Bligh. Canadien anglophone, de Toronto, il a sans doute roulé sa bosse un peu partout, mais ça n’en a pas fait de lui un linguiste. Et son français consiste en transpositions littérales d’expressions anglaises – ce qui est souvent très drôle. D’où moult quiproquos et une incompréhension fondamentale, qu’à un second niveau le joual vient compliquer davantage encore. Heureusement, Oxiline est là – maîtrisant aussi bien « le français de France » que celui du Québec, et celui, plus spécifique encore, de Montréal.







Ce qui nous vaut des dialogues très colorés, très fleuris, souvent drôles – mais ils le sont parce que Cédric Ferrand prend soin d’y injecter un certain naturel, toujours. Pour un « Français de France », ça a sans doute quelque chose d’argotique, qui participe de l’amusement, mais demeure la certitude, au fond, d’une langue à part entière, avec ses codes : à l’évidence, on peut oublier ici les pseudo-imitateurs franchouilles qui parodient lourdement l’accent québécois, warf warf, on peut oublier tout autant les « câlisse » et les « tabarnak », re-warf warf, car cela va bien au-delà, et c’est autrement pertinent.







Par ailleurs, cela illustre les merveilles de la contextualisation – car ces dialogues, heureusement sans envahissantes notes explicatives, demeurent parfaitement compréhensibles alors même qu’ils emploient un vocabulaire totalement inconnu de la grande majorité des lecteurs français (dont bien sûr votre serviteur).







UN SOUCI DE RYTHME







Mais, même si j’ai beaucoup apprécié Et si le diable le permet au regard de son abondant contenu anecdotique et de ses jeux linguistiques, le fait est que le roman souffre sans doute d’un problème de rythme, qui y est lié. Maints lecteurs l’ont souligné, que ces anecdotes, etc., n’enchantaient pas autant que moi, et c’est sans doute bien légitime. Au fond, l’intrigue peut paraître assez secondaire dans ce roman, comme un prétexte à ce contenu tout autre – ce qui ne me gêne pas vraiment, mais pourra assurément écarter bien des lecteurs.







Ce problème de rythme est probablement indéniable. Mais, pour ma part, il est surtout ennuyeux à la toute fin du roman, qui m’a fait l’effet d’être fâcheusement précipitée. Jusqu’alors, le roman prend vraiment son temps, il est une balade avant que d’être une aventure, au rythme de la marche et non du sprint, et si l’enquête s’enrichit parfois de découvertes inattendues, « objectivement », bon nombre de scènes « ne servent à rien » dans l’optique la plus utilitariste du récit. Pas un problème pour moi, car cela participe de l’ambiance. La fin, c’est autre chose… Car Cédric Ferrand nous balance tout en dix pages, en donnant limite l’impression d’expédier le bouzin, comme s’il était bien temps de passer à autre chose.







Et là, je n’ose guère poursuivre dans ma lecture « rôlistique » du roman. J'imagine qu'on pourrait y voir un Gardien aux abois et consterné par l'incompréhension des investigateurs quant à ce qui se passe, dès lors contraint de tout lâcher en mode didactique sur cinq minutes de confrontation ultime qui foire de toute façon, mais, euh, là, ça serait sans doute pousser le bouchon un peu trop loin… De même
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Et si le diable le permet

Le postulat de base de l'histoire est intéressant, mais j'ai été assez déçue de la tournure prise par l'histoire ; je trouve que cela manquait de rebondissements vraiment inattendus et la fin me paraît trop rapide, limite bâclée. Cependant, j'ai apprécié l'écriture et la relation développée entre les deux protagonistes principaux (même si le caractère et les réactions des personnages me semblent parfois étranges). Malgré tout, c'était assez sympa à lire.
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Mon Almérique à moi

Cédric Ferrand paraît plus intéressé par les histoires de famille de ses personnages et par la toile de fond (l’histoire du Québec) qui les abrite que par la question de la portée (morale ou pas) ou de l’utilisation desdits pouvoirs. Mais pourquoi se pencher sur leur fonctionnement après tout, puisqu’il est question de réalisme magique ? Et ce parti pris tombe à pic : c’est exactement ce qu’il fallait à cette histoire !
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Mon Almérique à moi

Il y a de la belle humeur, de la fantaisie, de l’ironie dans "Mon Almérique à moi". Et de la politique, de l’histoire, des observations sociales, et bien des délinquants. Bref, on s’amuse !
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Mon Almérique à moi

J'ai trouvé ce livre vraiment bon dans l'ensemble. C'est très différent de la littérature auquel je suis habitué. C’est écrit à la première personne, au départ on dirait un hommage au grand-père du narrateur, mais plus l’histoire avance et plus l’histoire se recentre sur le narrateur.



On y parle d’ambiguïté de genre, d’évènement célèbre le tout relié au narrateur. C’est très agréable a lire, captivant par moment, j’ai beaucoup ce style où l’on voit le narrateur évolué tout au long du roman, dans sa pensée et ses actions.

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Sovok

Sovok : adj. Arg. Qui désigne les individus et les idées qui sont profondément imprégnés de réminiscences nostalgiques de l’ex-URSS. Il est clair qu’avec ce roman de Cédric Ferrand, on en a notre comptant, de réminiscences soviétiques. Ça suinte la rouille léniniste et ça crisse entre la faucille et le marteau : avis aux amateurs ! Au passage, nous retrouvons ici le format souple des Moutons électriques, le même que pour Wastburg, c'est bien vu pour harmoniser nos bibliothèques...





Quelques lignes techniques sur les ambulances miteuses stockées dans une église en délabrement et nous voilà reparti dans le style décalé et gouailleur de Cédric Ferrand : les comparaisons volontairement grand-guignolesques s’enchaînent sans crier gare. Avec ses expressions bien à lui, l’auteur fouille dès le départ les bas-fonds de la société russe (et surtout moscovite) après une déchéance économique et politique ; ce quotidien construit de bouts de ficelle, de coups de bas et de coups de main, entre dépannages divers et dure loi du « tout se paye », est une des marques de fabrique de l’auteur.

Dans tout ce fatras, nous suivons la semaine catastrophique de Méhoudar, qui vient tout juste de décrocher un stage de nuit dans la société d’ambulances, Blijni. Affecté à l’équipe de de Manya et Vinkenti, duo truculent s’il en est, Méhoudar doit rapidement s’adapter afin de répondre aux différents besoins des blessés, des rues encrassés aux hôpitaux submergés. Le fait que Méhoudar est un juif, peu pratiquant, tout frais débarqué du Birobidjan, permet des allusions croustillantes et des comparaisons fines entre les confessions religieuses, mais c’est loin d’être le cœur du récit : il s’agit, le plus souvent, de s’amuser ou de s’apitoyer sur la nécessaire habitude de s’appuyer sur des bouts de ficelle ou des coups fumeux. On ne pourrait citer toutes les bonnes idées induites par ce roman, rien que la « blague » récurrente sur La Pravda (« La vérité » en russe), qui ment comme elle s’imprime, vaut le coup d’œil.



Dès la quatrième de couverture, la trame chronologique est difficile à cerner ; à mon avis, c’est une volonté de l’auteur de se placer dans le temps de façon plutôt floue (même si des indices parsemés et une connaissance de l'univers précisent que nous sommes vers 2025). Un fort aspect steampunk est annoncé, mais il est finalement très léger. Or, c’est vrai que nous retrouvons dans ces pages une tendance « Do It Yourself », puisque les Moscovites sont amenés à se débrouiller seul pour bidouiller, réparer, troquer tout ce qui leur passe sous le nez ; tout cela donne un bon côté punk malgré tout à cette histoire.

De plus, nous sommes dans une Russie post-soviétisme qui en a gardé de lourds travers tout en revenant à organisation plus primaire, comme si la société était partie en déliquescence et que le développement était désormais complètement atrophié : donc, rétro-futurisme certes, mais pas tellement parce que le futur est arrivé plus tôt dans le passé, surtout parce que le futur se dirige vers le passé (vive les phrases cryptiques !). Dans tous les cas, cette Russie n’est pas une vision autre du passé, mais bien une anticipation de ce qu’elle pourrait devenir.



Après Wastburg, l’auteur confirme son aptitude à traiter de la déliquescence de la vie, des sociétés. Le caractère urbain de ses histoires aide beaucoup dans cette optique, puisque la ville est bien souvent le creuset des inégalités et des complots de toutes sortes. Pour cela (et pour rester un petit peu dans la comparaison entre ces deux romans passionnants), Sovok s’appuie sur une trame narrative relativement simple : composer les chapitres en suivant les jours de la semaine où Méhoudar s’est fait recruter en tant qu’ambulancier urgentiste, les heures de nuit rythmant les différents paragraphes. Sans aller jusqu’à répéter le récit sous forme de nouvelles quasi indépendantes les unes des autres comme dans Wastburg, Cédric Ferrand renouvelle son écriture sur des bases malgré tout connues et c’est rassurant pour le lecteur, et ce, au point de voir dans ce récit une tout autre optique narrative. Ainsi, autant dans Wastburg, le récit avait une fin conclusive plutôt prononcée et surtout amenée tout au long du roman (le lecteur était curieux de connaître la suite de la destinée de cette ville frontière, mais le besoin se concrétisait peut-être davantage en une relecture que l’attente d’une suite), autant dans Sovok, le lecteur peut ressentir l’impression de lire une vaste et captivante introduction dont la « conclusion » est une ouverture maîtrisée vers des événements tout aussi captivants. Et tout cela n’est pas pour rien, puisque Sovok est issu de l’univers de jeu de rôle éponyme. À défaut de suite à ses deux ouvrages, nous attendons donc d’autres « mises en roman » d’univers de jeux de rôle qu’il fait vivre, comme Brumaire, Vermine et bien d’autres…





Sovok se révèle donc une lecture très fraîche, avec le style propre à Cédric Ferrand qui ne déçoit pas avec ce deuxième roman dans la même veine que Wastburg d’un point de vue de la forme mais radicalement éloigné du point de vue du fond. Encore plus que dans la cité fantasy précédente, Sovok incite fortement le lecteur à vouloir revenir dès que possible dans cette Moscou en proie aux foudres du post-soviétisme déliquescent.





[Bien davantage de contenus (images, liens et critique plus longue) sur https://bibliocosme.wordpress.com/2015/02/06/sovok/]



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Sovok

Excellent univers pour roman moyen.

L'univers présenté est passionnant --Moscou dans un futur en retard sur le nôtre, pour reprendre la quatrième de couverture-- mais on ne peut pas en dire autant sur les personnages ou les histoires.

On sent la volonté de faire une espèce d'Urgences dans cet univers délabré mais il n'y a que l'ossature, il n'y a pas le cœur. Difficile de se sentir réellement concerné avec des personnages unidimensionnels (l'ex-militaire, le représentant du personnel, l'ex-médecin, le patron véreux...) qui n'évolueront pas vraiment. Je comprends la volonté de présenter des cas médicaux banals pour le ton et le développement de l'univers mais il n'y a pas assez de force dans l'écriture pour se dégager de cette banalité.

On a donc des histoires indépendantes (ce qui est "réaliste") quelque fois amusantes et deux histoires de plus grande envergure. Les personnages n'étant que de simples citoyens, jamais ils n'auront d'emprise sur ces dernières. Encore une fois, oui, c'est logique. Mais encore une fois, l'écriture est en manque pour sublimer cette incapacité.

L'auteur étant rôliste, j'imagine très bien que c'est un de compte-rendu de parties d'une campagne inachevée.
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Sovok

Méhoudar est une jeune homme Juif, d'appartenance et non de croyance, venant de Birobidjan ville et centre administratif de l'Oblast autonome juif, en Sibérie a quelques 6000 km à l'Est de Moscou, juste en frontière avec la Chine. C'est dire l'esprit d'appartenance Russe qui anime notre jeune Méhoudar. Celui-ci fraîchement arrivé à Moscou reçoit une proposition d'emploi, il se présente à la Blijni, société privée Russe d'ambulance. Après un entretien d'embauche, le boss, lui demande de faire quelques jours gratuit à l'essai...



La suite sur le blog :
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Sovok

Dans cette Russie rétro-futuriste, on suit la semaine de trois employés de Blijni lors de leurs interventions nocturnes à bord de leur Jigouli – leur ambulance volante. Il y a d’abord Méhoudar, le nouveau stagiaire, non payé. C’est un jeu homme juif qui vient d’une région autonome près de la frontière chinoise. Il rejoint le duo aguerri formé de Vinkenti, le pilote, syndicaliste, inquiet pour l’avenir et Manya, pas très ouverte et qui tente de faire au mieux avec le peu de matériel à sa disposition.



Le roman suit leur quotidien et cette dure concurrence qu’ils subissent pour obtenir des interventions si possible qui rapportent, tandis qu’une compagnie européenne menace la survie de leur emploi. Allant d’une intervention à une autre, on découvre un pays en plein décadence, qui sombre progressivement tant d’un point de vue économique que politique. Un pays où les habitants d’un immeuble en feu se cotisent pour l’intervention des pompiers et où chacun a le droit à l’électricité à tour de rôle.



Les descriptions et les multiples petits détails donnent l’impression qu’on embarque avec l’équipe à bord de la Jigouli. L’ambiance sombre et prenante et l’univers futuriste décadent bien maitrisé de l’auteur sont les points forts de ce roman. Un petit bémol, même si j’ai apprécié la succession de scènes et de rencontre, j’aurais aimé une intrigue principale en fil rouge un peu plus présente.



C’était pour moi une première avec cet auteur et cette maison d’Edition. Je ne regrette pas, c’est une jolie découverte.


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Sovok

Après Wastburg , l'auteur quitte le médiéval pour le futur fantastique. On est happé, par l'histoire au timing très bien construit et découpé, l'intrigue existe, tient, les personnages désabusés et combatifs détonnent, et on referme l'ouvrage avec un pincement au coeur : c'est si court ...



(Mention spéciale à la couverture: illustration magnifique, au livre lui-même, très bel objet. Mais gros grrrr quant aux fautes énormes qui y figurent. C'est quoi cette génération d'éditeurs à la J'aiLu, il n'y a plus de relecteurs dans ce monde consumériste et pressé ? Dommage d'égrener l'histoire de si énervantes bévues. Un peu de respect pour l'auteur et ses lecteurs que diable !!!)
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Sovok

Avec Sovok, Cedric Ferrand propose à nouveau un roman « tranche de vie ». Après s’être attelé à la ville de Wastburg et à ses habitants pas très recommandables, il nous fait vivre ici une semaine complète auprès de trois ambulanciers, au cœur d’une Russie rétro-futuriste qui n’a rien à envier à Wastburg… Car dans cette version de Moscou imaginée par l’auteur, la corruption est une véritable institution, et la santé n’est rien moins qu’une marchandise comme les autres. Ainsi, chacun y va de ses magouilles et de ses combines, et s’arrange avec la morale pour garder la tête haute et améliorer un peu son quotidien pourri, souvent au détriment des autres et de l’intérêt général. Un roman noir et désenchanté, qui m’a dérangé du fait de sa proximité avec la réalité, mais qui reste une lecture de qualité et un petit ovni littéraire.
Lien : http://lecturestrollesques.b..
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Sovok

La lecture de Sovok s'avère agréable et visuelle. Elle nous plonge dans un univers rétrofuturiste savamment décrit, à la limite du burlesque. Si l'intrigue aurait pu être plus soignée, il n'en reste pas moins qu'on prend grand plaisir à suivre les aventures de ce trio improbable.
Lien : http://ledragongalactique.bl..
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Sovok

Avec Sovok, Cédric Ferrand offre de passionnantes tranches de vie moscovites, teintées d'une légère nostalgie qui sied tout à fait à ce rétro-futurisme glacial. Le portrait de la cité est grandiose, les personnages complexes à souhait et on ferme le roman avec le seul regret : qu'il soit si court ! Excellent !
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