Citations de Cesare Battisti (69)
Les gens ont voté à droite dans l’espoir que les choses allaient changer mais c’est exactement pareil qu’avant, les Arabes et les Noirs nous enlèvent le pain de la bouche et vendent de la drogue à la sortie de nos écoles.
Il n’y a rien de plus écœurant que la panique d’un matamore réduit à l’impuissance. C’est le visage désossé, c’est la grimace du despote qui feint de ne pas comprendre pourquoi, c’est le dégueulis nauséabond et la terreur du bourreau livré à ses victimes. C’est la bête bornée qui, prise au piège, cherche lâchement à se faire passer pour innocente. Un relent de merde. Un spectacle que je ne conseillerais pas à mon pire ennemi.
Les pleurs sont bons, ils nous libèrent de nos fautes et nous permettent d'accuser le destin.
Un détenu ne représente aucun pays en particulier , il n'est que la conscience du regard qu'il a sur la réalité, et celle-ci est faite de portes fermées.
Janaïna et moi, ça n'a jamais été une histoire tranquille. Nous étions possédés par la force du désordre. L'inconnu, l'imprévisible, était-ce bien cela qui nous projetait l'un contre l'autre comme de petites choses épuisées dans un tourbillon d'été? C'est pourquoi le souvenir me revient par morceaux brisés, éclats de lumière dans la tempête.
Vu d'ici, le temps passant, je ne peux pas jurer de la fidélité des mes souvenirs. Les murs, les barreaux, l'air alourdi par la peine filtrent et ternissent notre passé.
A chaque fois qu'il entamait un nouvel épisode, il avait le sentiment que ce n'était pas le contenu qui importait, mais bien la forme des mots. Autant de notes produites par un instrument étranger comme lui, pouvant tout aussi bien accompagner n'import quelle autre chanson. Mentir n'aurait eu aucun sens. Il se limita donc à raconter des événements possibles, mélangeant passé et avenir pour bâtir là-dessus un présent inédit. Des histoires pas très différentes, au fond, de celles qui arrivent généralement aux vivants avant d'être remaniées par les morts dans les manuels scolaires.
La prison, vous êtes en plein dedans mais vous n’y croyez pas encore. Les événements qui vous y amènent se déroulent à une vitesse telle que la pensée reste à la traîne. La tête refuse d’accepter, elle vous laisse le temps de passer du cauchemar à la dure réalité, en limitant les dégâts du choc. La prison est aussi comme le vélo. Une fois qu’on sait en faire, on n’oublie pas, même vingt-cinq ans après. On remonte et on pédale comme si c’était hier. (p. 101)
On n’est jamais au bout, il reste toujours un arrêt et, quand on s’y attend le moins, le train fait demi-tour. Puis il repart. Mais à chaque tentative, on perd des morceaux en chemin et, à un moment donné, quand on regarde autour de soi, il ne reste plus personne.
Un trou d’air est comme un trou de mémoire : on y tombe et, avec la conscience, on se libère du poids du passé. On perd le sens des responsabilités. Plus rien n’a d’importance. Advienne que pourra, même de sombrer dans l’eau glacée d’un hiver italien. Il fait si froid là-dehors.
À tous ces magnifiques perdants qui n'ont pas bradé leur mémoire pour pourrir dans un fauteuil.
Les femmes ont un sens formidable du mensonge.
La botanique aide à mieux connaître le genre humain. Il y a des fleurs qui malgré les règles des pépinières succombent à l’invasion des parasites, d’autres au contraire qui attaquent même le chiendent.
Celui qui croit qu’il suffit de deux bouteilles pour faire dire à un clochard ce qu’il ne veut pas dire n’a jamais eu le courage d’en regarder un dans les yeux.
Il n’avait jamais cru, comme tant d’autres morveux, que les étoiles étaient des enfants attendant de naître, comme il n’avait jamais accepté le modernisme qui prônait la modestie dans le plaisir et la prudence dans le risque. Il avait toujours senti le pouvoir s’étendre sur lui comme un filet. Et ainsi il se souvenait de son père qui, dans sa jeunesse, s’occupait de politique et avait été ce qu’on appelle un libre penseur. Qui sait, c’est peut-être aussi pour ça qu’il préférait l’éphémère d’une chambre d’hôtel au douillet asphyxiant d’un domicile fixe.
On dit que la campagne est une amie, une mère. Mes couilles, pensait Jean Pain qui la sentait hostile, silencieuse et noire comme la mort qui salive autour de toi dans l’attente de te cueillir.
Les filles sont un peu trop grasses mais elles savent mieux sourire que nos poupées Barbie.
Ces gens, il faudrait les éliminer à la naissance. À quoi ça sert de les mettre en prison ? De toute façon les juges les libèrent tout de suite et ils recommencent à empoisonner le monde.
Le travail c’est le meilleur antidote contre les idées noires. Les problèmes ne ressurgissent qu’après, quand il n’y a plus rien à faire. On se sent alors comme un type qui vient de sortir de prison et ne sait que faire d’une liberté tant désirée.
Le travail est une déchéance, une répugnante invention pour aliéner les hommes. Cette phrase, je l’ai entendu répéter jusqu’à la nausée par tous les révolutionnaires fils à papa et par un philosophe qui trimait comme un forçat pour se frayer un chemin à coups de théories soporifiques. Se mettre à travailler, c’est une dure décision à prendre, une expérience qu’il faut faire au moins une fois dans sa vie.