AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (534)


CHANSON DEVANT LA GUERITE


Fille de l’air, rêverie,
compagnonne du soldat,
le jour est long sous la pluie ;
tu reviens, le jour s’en va.

Compagnonne, compagnonne,
entends tousser les chevaux ;
la soupe n’était pas bonne,
le rata n’était pas chaud.

Ceux que j’aime, est-ce qu’ils m’aiment ?
Est-ce qu’ils pensent à moi ?
Ça ranimerait quand même,
ça serait bon par ce froid.

Une surtout, dans sa chambre,
allant prendre mon portait,
et, ayant été le prendre,
longtemps le regarderait...

Je sors le sien de ma poche,
te voilà, ma grande amour !...
Mais gare si on approche,
j’en serai pour mes vingt jours.
Commenter  J’apprécie          10
Dimanche soir


On commence à danser, les filles
rient, les gros souliers vont battant
la mesure,
et l’accordéon assis sur la table
presse et distend tout à tour
ses soufflets aigres.

C’est l’heure où le soleil se couche,
la lune est ronde, l’air est bleu ;
on dirait qu’une poussière d’étoiles
monte des champs avec la nuit.

Les cloches du dimanche ont sonné ce matin,
les cloches se sont tues,
mais il y a comme un souvenir qui reste d’elles
dans le balancement des arbres du jardin ;

et les gens sur le seuil de leurs maisons regardent,
heureux de voir grandir la lune
à la cime des peupliers.
Commenter  J’apprécie          10
Ils commençaient une nouvelle nuit, et le pire moment de la journée était toujours pour eux ces commencements de la nuit.
Commenter  J’apprécie          10
-Rimbaud-

Les poètes "maudits". L'épithète n'est qu'à moitié juste, car comme Vigny le fait remarquer:
-Le poète a une malédiction sur sa vie et une bénédiction sur son nom-

Le cas de Rimbaud me semble illustrer remarquablement cette pensée, mais il est vrai de dire que cette bénédiction coûte cher. Rimbaud l'a payée de sa vie. (...)
Et le voilà qui meurt, mais il faut mourir pour ressusciter. Et, lui, ce n'est pas d'un coup, c'est lentement, c'est progressivement qu'il ressuscite, en marge des célébrités, des gros tirages et des Académies, - dans un esprit, puis dans un autre, mais enfin aujourd'hui il est -debout- Lui aussi, sera né dans l'étable entre l'âne et le boeuf, lui aussi, aura été crucifié; lui aussi, sera venu pour apporter, non la paix, mais la guerre: une espèce de sourd ferment qu'il répand dans les consciences des jeunes hommes qui le lisent, et c'est toujours un adolescent qui parle à des adolescents. (p. 48)
Commenter  J’apprécie          10
Il regarde avec cruauté et attention la beauté de ce corps qui est déjà toute niée. Il a vieilli, il est usé, ce corps ; il est comme détruit lui-même. Les seins pendent mollement, fatigués d'avoir servi. Il y a des taches noires à ses bras ; des plaques rouges sur son ventre. Elle ne bouge pas, elle est comme jetée là, toute défaite, toute dénouée ; et c'est qu'elle est morte, c'est ce qu'il se dit ; elle est morte pour moi. Ce n'est pas elle, ce n'est plus elle. Et une triste odeur qui monte de sa ruine à elle, l'insulte alors, réveillant sa colère ; c'est pourquoi il n'a pas pu s'empêcher :
-- Adrienne !

(C. F. RAMUZ, "Adam et Eve", 1932)
Commenter  J’apprécie          10
J'étreindrai la langue et, la terrassant, lui ferai rendre gorge et jusqu'à son dernier secret, et jusqu'à ses richesses profondes, afin qu'elle me découvre son intérieur et qu'elle m'obéisse et me suive rampante, par la crainte, et parce que je l'ai connue intimement et fouillée. Alors, m'obéissant, tout me sera donné, le ciel, la mer, et les espaces de la terre -- et tout le coeur de l'homme.

(C. F. RAMUZ, "Journal", 9 décembre 1904)
Commenter  J’apprécie          10
[EXTRAIT DU DOSSIER DE PRESSE]
[…] A lire cette version intégrale, on vérifie ce que l'on savait déjà du "Journal" . Les événements du temps y figurent à peine (même dans les "Choses écrites pendant la guerre"), on n'y trouve ni portraits ni anecdotes (la présence d'autrui est réduite à la portion congrue) et guère de confidences: hormis les derniers moments de son père ou l'enterrement de son ami Fernand Chavannes, l'auteur choisit de taire ce qui le touche de près, si l'on en juge par les notes elliptiques sur son amour de 1907-1908 pour la jeune Valaisanne Ludivine. Quant à sa famille, il n'en est presque jamais question - à l'exception notable de "M. Paul" (son petit-fils Guido Olivieri), qui remplit le Journal des années 1940. Un portrait de l'homme se dessine néanmoins en filigrane à travers son goût déclaré pour la marche, sa sensibilité au retour du printemps et à tout ce qui éclôt, son amour du soleil et de la chaleur (même s'il est souvent malade en été), son désir inassouvi de l'Italie et sa détestation de l'Allemagne, son attirance pour la musique aussi bien que pour la peinture, ses nombreuses lectures (parmi lesquelles celle de Nietzsche dans l'original), son besoin de contemplation, sa recherche de la solitude et d'une vie réglée propices à l'écriture, le soin avec lequel il tient ses archives tout en se livrant à plusieurs autodafés de papiers. Et aussi son acharnement au travail, ses doutes incessants sur la valeur de ce qu'il fait (un de ses mots récurrents est "dégoût"), ses perpétuels soucis d'argent qui nourrissent une anxiété native, enfin son stoïcisme devant l'échec et la maladie résumé par la formule d'acceptation Amor fati. Mais c'est bien l'écrivain qui prend ici toute la place. Un écrivain volontariste, qu'on voit très tôt enfermé à sa table de travail et se servant de son Journal comme d'un espace pour réfléchir à ce qui lui importe par-dessus tout: la quête, qu'il pressent longue et n'entend pas forcer (car il croit au "génie de la patience"), d'un ton propre qui traduise sa vision du monde - "Ce magnifique grand style paysan dont j'ai tant rêvé" qu'il cite quelques mois avant sa mort. Une quête de soi qu'on suit à travers mille et un projets ébauchés, abandonnés et repris, parallèlement à l'œuvre publiée, remise sur le métier à chaque nouvelle édition ou traduction. Sa méthode de travail? Ecrire d'abord au crayon puis à l'encre, tout récrire sitôt après le premier jet, donner le texte à la copie et le corriger derechef, une ou plusieurs fois… Ce souci de la perfection explique le nombre d'inédits, achevés ou non, retrouvés dans ses archives. […]Un mot sur l'édition critique de ce Journal éclairé par une longue préface de Daniel Maggetti. Le manuscrit est restitué dans sa version première, avec indication des passages déjà publiés. Présenté par années, le texte est accompagné de deux types d'annotations: en pied de page figure tout ce qui est utile à sa compréhension, tandis que les variantes et notes génétiques sont reportées à la fin de chaque année. Deux lectures, directe ou savante, sont ainsi possibles. […]

Isabelle Martin, "Le Temps" (8.10.2005)
Commenter  J’apprécie          10
Tout à coup, la ligne du pâturage, qui s’affaisse dans son milieu, se met à tracer dans rien du tout sa courbe creuse. Et on voit qu’on est arrivé parce qu’un immense trou s’ouvre brusquement devant vous, étant de forme ovale, étant comme une vaste corbeille aux parois verticales, sur laquelle il faut se pencher, parce qu’on est soi-même à près de deux mille mètres et c’est cinq ou six cents mètres plus bas qu’est son fond.
On se penche, on avance un peu la tête.
Un peu de froid vous est soufflé à la figure.
Commenter  J’apprécie          10
7 avril 1897 - C'est un grand plaisir pour moi de prendre la plume et de me décrire à moi-même la situation de mes sentiments et de mes pensées, de faire le plan de ma vie chaque jour, de dresser la carte des pays que je parcours en imagination, pour moi seul, car j'éprouve une étrange coquetterie à cacher mon monde intérieur à ceux qui m'entourent. Comme les héros des tragédies classiques j'ai besoin d'un confident - ce confident, ce sont ces quelques notes fugitives ; mon journal devrait être quotidien. Malheureusement, une paresse innée, les mille petits incidents de mon existence monotone m'empêchent souvent d'écouter la voix de mes bonnes intentions et d'exécuter mes projets. Je suis du reste sans excuse, je l'avoue. Mais je suis faible, je résiste mal à mes impulsions bonnes ou mauvaises.

1149 - [Œuvres complètes, t. 20, Journal, p. 27]
Commenter  J’apprécie          10
La pensée remonte les fleuves, titre tiré d'une page de son journal, veut faire découvrir Ramuz philosophe, essayiste, politique. Sa voix, d'une extraordinaire présence, est combien nécessaire dans notre Europe qui se cherche au travers de nations inquiètes d'une fusion nécessaire risquant de déboucher sur un confusionnisme mortel.

Commenter  J’apprécie          10
— Oh ! disait Isabelle, c'est drôle, c'est la première fois qu'Augustin me refuse quelque chose. Et pourtant, je sais y faire. Je lui ai dit : “C'est pour le printemps. C'est le printemps qui va venir, Augustin.” Il a haussé les épaules. Il a mauvaise mine : ils sont comme ça cinq ou six à avoir mauvaise mine dans le village, tu sais pourquoi. Et, moi, j'avais beau lui dire : “Ne trouves-tu pas pourtant que c'est à nous de commencer, à nous, les femmes, oui, à nous de nous faire belles ? ça encouragera le beau temps.” Il m'a dit : “Tais-toi ! tu ne sais pas ce que tu dis.” Et je lui disais : “Voyons, Augustin, viens ici.” Je lui disais : “Est-ce que c'est encore non ?” Je lui ai donné, pour commencer, un baiser sur le bout du nez en attendant qu'il dise oui et que ce soit le tour du bon ; mais, le bon, il n'est pas venu... Tant pis !
Commenter  J’apprécie          00
Est-ce qu'elle lui parle avec des mots véritables ou si c'est en dedans qu'elle lui parle, parce qu'il y a beaucoup de façons de parler ?
Mais il faut essayer encore et une dernière fois essayer : alors elle lui parle avec son pied qui va chercher le sien, avec sa main impatiente, avec son corps gourmand de lui ; il ne semble pas comprendre.
Commenter  J’apprécie          00
Eux, le vieux et la vieille, ils étaient usés. Eux, il était dans la nature qu'ils fussent déshabitués de parler, parce que le sang se refroidit et puis qu'à force d'avoir dit, on finit par n'avoir plus rien à dire.
Commenter  J’apprécie          00
Anzévui a ôté le livre de dessus ses genoux parce que c'était un gros livre et que le poids le fatiguait. Il y avait dedans tout le passé, tout le présent, tout l'avenir : ça fait lourd. C'était au mois de février ; c'était même déjà le 25 février. Métrailler avait pris congé d'Anzévui : c'était le temps où, dans les pays plus favorisés, les premières fleurs s'ouvrent et il y en a même, de ces pays, où la vigne pleure déjà. Là-bas, où est le fils Revaz, sur ces murs tournés au midi, peut-être qu'il fait un beau soleil et il y a des grappes jaunes ou violettes qui pendent dans les fentes de la pierre. Il fait bleu au-dessous de vous, il fait bleu en face de vous, il fait bleu au-dessus de vous : il y a trois espèces de bleu. C'est l'eau, la montagne et le ciel. Dans ce premier printemps, pensait-il, quand le ciel enfin s'est fendu en deux ; et il y a dans l'angle d'un mur, bien à l'abri, un petit pêcher de plein vent qui est comme un peu de ouate rose, celle qu'il y a sous les boucles d'oreilles qu'on achète à sa bonne amie ; moi, je n'en ai plus, ça ne fait rien. Mais est-ce que ce sera pour eux là-bas comme pour nous ? est-ce que ça s'éteindra pour eux aussi en une seule fois, tout à coup ? Parce qu'à présent ils sont au moins dans le soleil et s'en réjouissent ; dans la lumière et en pleine lumière ; dans les couleurs, dans toute espèce de couleur ; nous, c'est noir et gris ; nous, pendant six mois, c'est noir et gris ; pour nous, du milieu d'octobre au milieu d'avril, rien ne change (il levait la tête) : ni en haut, ni en bas, et dans le milieu non plus. Ça baissera, avec une pauvre lumière ; il n'y aura plus de lumière du tout ; il n'y aura plus rien nulle part ; et, regardant les maisons du village, il n'y aura plus eux, pensait-il, il n'y aura plus moi, il n'y aura plus nous.
Commenter  J’apprécie          00
Arlettaz parlait, parlait tout le temps... Se désolait au sujet de son champ, se reprochait de l'avoir vendu, puis n'y pensait plus, pensant à sa fille ; puis s'adressant aux sapins qui bordaient la route, il leur disait : «Je suis seul.» Puis c'était aux corbeaux qu'il tenait un discours, il leur disait : «Je suis tout seul dans la vie.» Et maintenant on ne savait plus à qui il s'adressait, parce que les corbeaux étaient rentrés dans l'épaisseur des bois. «Oh ! c'est pas gai, disait-il, mais heureusement que ça tire à sa fin. Bonjour, disait-il, ou bien si c'est bonne nuit. Bonjour, les lampes !»
Car elles venaient d'apparaître dans le lointain aux fenêtres de Saint-Martin d'En Bas : «Et qui êtes-vous ? disait-il, mais vous vous éteindrez bientôt, voilà tout, toutes, c'est comme nous.»
Commenter  J’apprécie          00
Alors les larmes s'étaient mises à couler des yeux du vieux Métrailler, bien qu'il les gardât grands ouverts, et il ne faisait pas bouger ses paupières d'où l'eau suintait, avec difficulté, comme la résine de l'arbre.
Commenter  J’apprécie          00
« J'ai trop aimé le monde ; je vois bien que je l'ai trop aimé. A présent qu'il va s'en aller. Je me suis trop attaché à lui, comme je vois, à présent qu'il se détache de moi. Je l'ai aimé tout entier, malgré lui. Je l'ai aimé malgré ses imperfections, tout entier, - à cause de ses imperfections, ayant vu que c'était par elles seulement que la perfection existait ; et il était bon parce que mauvais. »
Commenter  J’apprécie          00
...et de permettre par là même de se créer après une journée de travail une occasion de distraction où chacun oublie ce qu'il a été pour devenir momentanément ce qu'il convient qu'il soit.
Commenter  J’apprécie          00
Le mot bourgeois a d'ailleurs ici un sens assez particulier: il faut entendre un homme qui défend coûte que coûte ses droits, même ceux qu'il a usurpés.
Commenter  J’apprécie          00
De nouveau, il laissait au-dessous de lui les chalets sous leurs toits qui semblaient posés à même le sol d'où il se trouvait; il a passé plus haut que les troupeaux pas encore éveillés dans les fonds, et là se tiennent aussi les hommes; il a passé plus haut que les troupeaux et que les hommes; de plus en plus, il les a laissés s'enfoncer au-dessous de lui, -étant seul, de plus en plus seul; étant seul à présent comme il n'avait jamais été.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Charles-Ferdinand Ramuz (1141)Voir plus

Quiz Voir plus

Aimé Pache, peintre vaudois de Charles-Ferdinand Ramuz

Ce roman, paru en 1911 à Paris chez Fayard et à Lausanne chez Payot, est dédié à un peintre : ...

Alexandre Cingria
René Auberjonois
Cuno Amiet
Ferdinand Hodler

15 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : Aimé Pache, peintre Vaudois de Charles Ferdinand RamuzCréer un quiz sur cet auteur

{* *}