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Citations de Colson Whitehead (741)


De Mabel, pas une trace. Personne avant elle n’avait réussi à s’échapper du domaine Randall. Les fugitifs étaient toujours rattrapés et capturés, trahis par des amis, ou simplement incapables de déchiffrer les étoiles et s’enfonçant ainsi plus avant dans le labyrinthe de la servitude. À leur retour, ils étaient massivement suppliciés avant d’être autorisés à mourir, et ceux qu’ils laissaient derrière eux étaient contraints d’assister à leur longue et sinistre agonie.
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Si les nègres étaient censés jouir de leur liberté, ils ne seraient pas enchaînés. Si le Peau-Rouge était censé conserver sa terre, elle serait encore à lui. Et si le Blanc n'avait pas été destiné à s'emparer de ce nouveau monde, il ne le posséderait pas...
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ÉCHAPPÉE de chez son maître légal mais non légitime il y a quinze mois de cela, une jeune esclave nommée CORA ; de taille ordinaire, de teint brun sombre ; a une marque de blessure en forme d’étoile sur la tempe ; dotée d’un caractère fougueux et de méthodes sournoises. Répond possiblement au nom de BESSIE. Vue pour la dernière fois dans l’Indiana parmi les hors-la-loi de la ferme de John Valentine.
Elle a cessé de fuir.
Récompense toujours non réclamée.
ELLE N’A JAMAIS APPARTENU À PERSONNE
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Parfois, une illusion utile vaut mieux qu'une vérité inutile.
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dans la grande lignée des romans retraçant le long chemin vers la liberté des esclaves à partir des états américains esclavagistes mais surtout de la violence sur laquelle s'est construit les Etats-Unis d'Amérique : " Si les nègres étaient censés jouir de leur liberté, ils ne seraient pas enchaînés. Si le Peau-Rouge était censé conserver sa terre, elle serait encore à lui. Et si le Blanc n'avait pas été destiné à s'emparer de ce nouveau monde, il ne le posséderait pas".
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De Mabel, pas une trace. Personne avant elle n’avait réussi à s’échapper du domaine Randall. Les fugitifs étaient toujours rattrapés et capturés, trahis par des amis, ou simplement incapables de déchiffrer les étoiles et s’enfonçant ainsi plus avant dans le labyrinthe de la servitude. À leur retour, ils étaient massivement suppliciés avant d’être autorisés à mourir, et ceux qu’ils laissaient derrière eux étaient contraints d’assister à leur longue et sinistre agonie.
Une semaine plus tard, le tristement célèbre chasseur d’esclaves Ridgeway se rendit sur la plantation. Il surgit à cheval avec ses acolytes, cinq hommes à la mine patibulaire, sous la conduite d’un effrayant éclaireur indien qui arborait un collier d’oreilles racornies. Ridgeway mesurait un mètre quatre-vingt-dix, il avait le visage carré et la nuque épaisse d’un marteau. Il conservait en toutes circonstances un tempérament serein mais parvenait à installer une atmosphère menaçante, tel un front d’orage qui paraît d’abord lointain mais éclate soudain avec une violence fracassante.
L’audience accordée à Ridgeway dura une demi-heure. Il prit des notes dans un petit carnet ; à en croire les domestiques, c’était un homme d’une intense concentration, au langage précieux et fleuri. Il ne revint que deux ans plus tard, peu avant la mort du vieux Randall, pour s’excuser en personne de son échec. L’Indien n’était plus là, remplacé par un jeune cavalier aux longs cheveux noirs qui arborait un semblable collier de trophées sur son gilet de daim. Ridgeway était dans les parages pour rendre visite à un planteur voisin et lui apporter comme preuve de leur capture les têtes de deux fugitifs dans un sac en cuir. Franchir la frontière de l’État était un crime passible de la peine de mort en Géorgie ; parfois, un maître préférait faire un exemple plutôt que récupérer son bien.
Le chasseur d’esclaves fit part de certaines rumeurs : un nouveau tronçon du chemin de fer clandestin était prétendument opérationnel dans le sud de l’Etat, aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Le vieux Randall se gaussa. Les sympathisants seraient éradiqués, soumis au supplice du goudron et des plumes, assura Ridgeway à son hôte. Ou selon toute autre méthode conforme aux coutumes locales. Ridgeway réitéra ses excuses avant de prendre congé, et bientôt sa meute galopa vers la route du comté et une nouvelle mission. Il n’y avait jamais de terme à leur travail, à ce flux d’esclaves qu’il fallait débusquer de leurs terriers pour les remettre à la justice de l’homme blanc.
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Les frères Randall. Depuis qu’il était tout petit, il suffisait pour apaiser James d’une friandise en provenance de la cuisine d’Alice, la pomme à la cannelle qui coupait court à toute crise ou colère. Son frère cadet, Terrance, était d’une autre espèce. La cuisinière gardait une bosse derrière l’oreille, souvenir d’un jour où Maître Terrance avait exprimé son mécontentement face à l’un de ses bouillons. À l’époque, il avait dix ans. Les signes étaient visibles depuis qu’il savait marcher, et à mesure qu’il cheminait vers l’âge d’homme et assumait ses responsabilités il avait perfectionné les aspects les plus répugnants de sa personnalité. James avait le caractère d’un mollusque marin, se repliant sur ses appétits personnels, mais Terrance imposait son moindre caprice, passager ou enraciné, à tous ceux qui étaient en son pouvoir. Comme c’était son droit.
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Mark Spitz et le reste de l’Unité Oméga avaient déjà ratissé la moitié du 135 Duane Street à partir du toit, en progressant à un rythme somme toute productif. Jusqu’ici, RAS. À peine quelques signes de désordre. Un tiroir-caisse forcé au 18e, des restes de bouffe de traiteur qui pourrissaient sur des bureaux épars : de l’argent obsolète, un ultime déjeuner. Comme dans la plupart des entreprises qu’ils ratissaient, les bureaux avaient fermé leurs portes avant que la situation dégénère. Les fauteuils étaient sagement rangés contre les bureaux, tels que les avaient disposés les agents de ménage lors de leur dernier jour de travail, de l’ultime soirée normale du monde ; seuls quelques-uns, de traviole face aux portes, trahissaient la panique de l’évacuation.
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Il avait toujours voulu vivre à New York. Son oncle Lloyd habitait Lafayette Street, en plein centre-ville, et dans les longs intervalles entre deux visites il rêvait tout éveillé de loger dans son appartement. Quand ses parents le traînaient jusqu’à la ville pour l’expo annuelle prévue de longue date ou le-succès-de-Broadway-qui-donne-la-pêche, ils faisaient généralement un saut chez l’oncle Lloyd pour dire bonjour. Ces après-midi étaient immortalisés par une série de photos prises par des inconnus. En cette ère de polyvalence numérique, ses parents faisaient de la résistance et labouraient la glèbe d’enclaves esseulées : une cafetière qui ne donnait pas d’heure, des dictionnaires en papier, un appareil photo qui se contentait de prendre des photos. L’appareil familial ne transmettait pas leurs coordonnées à un quelconque satellite. Il ne leur permettait pas de réserver un billet d’avion pour une station balnéaire avec accès facile à la forêt équatoriale par la navette de l’hôtel. Aucun espoir de vidéo, fût-elle en basse définition. Cet appareil était si rétrograde que le moindre énergumène titubant embauché par son père parmi les passants était capable de l’utiliser sans tâtonner, malgré toute la vacuité bovine de son regard de touriste ou toute la misère indigène qui lui tordait les vertèbres. La famille posait sur les marches du musée ou sous la marquise scintillante, tandis que l’affiche hurlait par-dessus leur épaule gauche. La composition était immuable. Le garçon au milieu, les mains parentales plaquées sur ses épaules, année après année. Il ne souriait pas sur toutes les photos, seulement sur le pourcentage prélevé pour l’album de famille. Et puis le taxi jusque chez l’oncle, et l’ascenseur après filtrage par le portier de l’immeuble. L’oncle Lloyd, nonchalamment appuyé au chambranle, les accueillait d’un « Bienvenue dans mon petit bungalow » lourd de sous-entendus interlopes.
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Une idée l'effleura de son ombre : cette gare n'était pas la tête de ligne mais son terminus. La construction n'avait pas débuté sous la maison mais à l'autre bout du trou noir. Comme si en ce monde il n'y avait pas de lieu où s'enfuir, seulement des lieux à fuir.
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C'était la peur qui motivait ces gens, plus encore que l'argent du coton. L'ombre de la main noire qui rendrait tôt ou tard ce qu'on lui avait donné. Un soir, il lui vint à l'esprit qu'elle était l'un de ces monstres vengeurs qu'ils craignaient tant : elle avait tué un jeune Blanc. Elle était bien capable de tuer à nouveau l'un d'entre eux. Et à cause de cette crainte, ils avaient érigé un nouvel échafaudage d'oppression sur les cruelles fondations établies des siècles plus tôt. C'était du coton à longue soie que le maître avait commandé pour ses plants, mais parmi ses semences se trouvaient aussi celles de la violence et de la mort, et leur moisson mûrissait vite. Les Blancs avaient raison d'avoir peur. Un jour, le système s'effondrerait dans le sang.
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Elle avait été évaluée et réévaluée, s’éveillant chaque jour sur le plateau d’une nouvelle balance. Connais ta valeur et tu connaîtras ta place dans l’ordre des choses.
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C’est comme ça qu’agissent les tribus européennes, disait-elle. Ce qu’elles ne peuvent pas contrôler, elles le détruisent.
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C’est comme ça qu’agissent les tribus européennes, disait-elle. Ce qu’elles ne peuvent pas contrôler, elles le détruisent.
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« C’était bien contre la tombe que luttaient les fugitifs, car telle était leur destination si ces hommes l’emportaient et les ramenaient à leur maître. » (p. 59)
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« Aucune chaîne ne rattachait les malheurs de Cora à sa personne ou à ses actes. Elle avait la peau noire et c’est comme ça que le monde traitait les Noirs. Ni plus ni moins. » (p. 206)
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Lila Mae sait de quoi il s’agit. Dans le fond noir et poussiéreux de la gaine, le trio d’amortisseurs hélicoïdaux s’éloigne d’elle, dix étages plus bas. Inutile de poursuivre. Juste avant d’ouvrir les yeux, elle essaie d’imaginer l’expression du gardien. Elle tombe très loin du compte, sauf pour l’arc de la bouche, mais il ne compte pas dans la mesure où elle l’a déjà vu quand il lui a ouvert la porte de l’immeuble. Les yeux du gardien sont deux fentes noires indistinctes qui se fondent dans son regard indéchiffrable. Il retrousse les lèvres si haut qu’on a l’impression qu’elles vont être aspirées par ses narines. « Je vais être obligée de vous sanctionner pour défaut de limiteur de vitesse », dit Lila Mae. La porte s’ouvre doucement sur son rail. À cette hauteur et si près du local machinerie, la vibration du moteur au ralenti est stable . Totale.
« Mais vous y avez même pas jeté un coup d’œil. Vous l’avez même pas regardé », s’insurge le gardien. Il n’en revient pas, et la stupéfaction pique ses joues de minuscules taches de sang.
« Je vais être obligée de vous sanctionner pour défaut de limiteur de vitesse », répète Lila Mae en retirant les petites vis de la plaque de verre qui protège le tableau d’inspection sur la paroi antérieure gauche de l’ascenseur. Sur le manche de son tournevis, on peut lire : PROPRIÉTÉ DU SERVICE DES INSPECTEURS DES ASCENSEURS. « Il accroche à peu près tous les six mètres. » Elle retire la fiche d’inspection qui se trouve sous la vitre. « Je peux aller chercher mon manuel dans la voiture si vous voulez. Vous pourrez vérifier la réglementation par vous-même, conclut-elle.
– J’ai pas envie de regarder dans le foutu manuel », s’énerve le gardien. Il se frotte les doigts avec le pouce tandis que Lila Ma signe la fiche et la replace sous la plaque de verre. « Je sais ce que dit le manuel. Je veux juste que vous alliez voir ce putain de truc vous-même. Il marche au poil. Vous êtes pas montée là-haut.
– Ça ne changerait rien », dit Lila Mae qui ouvre le registre des inspections et inscrit ses initiales au bas de la colonne identité. (…)
« Me dites pas que vous êtes un de ces inspecteurs vaudous ? À ce qui paraît vous auriez pas besoin de voir les ascenseurs pour savoir ce qu’ils ont ? (…) «
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Colson Whitehead

Le livre est une réflexion sur les fondements sombres de l’Amérique. Ce que résume fort bien Ridgeway, le chasseur d’esclaves brutal et cynique : “… moi, je préfère l’esprit américain, celui qui nous a fait venir de l’ancien monde pour conquérir, bâtir et civiliser. Et détruire ce qui doit être détruit. Pour élever les races inférieures. Faute de les élever, les subjuguer. Faute de les subjuguer, les exterminer. C’est notre destinée par décret divin : l’impératif américain. (p. 290).

L’écriture est celle d’un récit, d’une histoire contée calmement avec un certain détachement, on se croirait presque à une veillée, mais la réalité contée est dure, et la violence inouïe de l’esclavage dans le Sud souvent rendue par la compression extrême du style : "Peu après que l’on eut appris que Cora était devenue une femme, Edward, Pot et deux cueilleurs de la moitié sud, l’entraînèrent derrière le fumoir. Si d’aventure quelqu’un les vit ou les entendit faire, nul en tout cas n’intervint. Les femmes de Hob la recousirent. (p. 34)"
Manque d’intimité et de vie personnelle, promiscuité : chacun sait qu’elle a ses premières menstrues, viol collectif et brutal par des congénères, aucune solidarité : personne n’intervient, banalité du mal, perte de la valeur solidarité, l’exclusion sociale (le quartier de Hob est, dans la plantation, le quartier des exclus de la société noire où les conditions de vie et d’hygiène sont pires que dans les autres quartiers). Et d’où vient l’habileté des femmes âgées reléguées à Hob, sinon d’une connaissance traditionnelle de l’excision et de l’infibulation ?

À propos du tunnel et de sa signification symbolique : “… ceux qui avaient déblayé des millions de tonnes de roche, qui avaient trimé dans le ventre de la terre pour la délivrance d’esclaves comme elle. (…) Les chefs de gare, chefs de trains, sympathisants. Qui est-on quand on a achevé quelque chose d’aussi magnifique – et qu’on l’a par ailleurs traversé en le construisant, jusqu’à atteindre l’autre côté ? A un bout, il y a qui on était avant la clandestinité, avant de descendre sous terre, et à l’autre, c’est une personne nouvelle qui émerge à la lumière. Le monde du dessus doit être tellement ordinaire comparé au miracle en dessous, le miracle qu’on a créé avec sa sueur, avec son sang. Le triomphe secret qu’on garde dans son coeur. (p. 395)”
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Les livres d’histoire et les documentaires culturels s’acharnent à vous offrir des « faits » sur New York. Comme quoi Canal Street fut jadis un canal. Et Bryant Park un réservoir. Tout ça, c’est de l’esbroufe. Je suis allé à Canal Street, et la seule fois que j’y ai vu couler une rivière c’était parce que les canalisations avaient sauté. N’écoutez pas ce que les gens vous racontent sur le New York d’antan : si vous n’avez pas vu la chose de vos propres yeux, elle ne fait pas partie de votre New York, et elle pourrait aussi bien être dans le New Jersey. À part l’histoire des Hollandais achetant Manhattan pour vingt-quatre dollars : il y a, il y aura toujours des gens pour se vanter d’avoir « flairé l’occase ». (« Les portes de la ville »)
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Colson Whitehead


« Dans la mort, le Noir devenait un être humain. Alors seulement il était l’égal du blanc. »
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