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Critiques de Dave Gibbons (151)
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Doctor Who Classics, tome 1

Avant dernière lecture pour ce mois de novembre spéciale Doctor Who, après des lectures sur le onzième docteur, j'enchaine avec le quatrième pour rejoindre mon visionnage des classics avant de lire le fameux Shada je recommence cette BD, je l'avais déjà lu mais sans accrocher, maintenant que je connais le jeu de Tom Baker c'est franchement cool, dans les deux dernières aventures le duo avec K9 est vraiment très bien retranscrite. Du très bon.
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Watchmen (Intégrale)

Watchmen est une œuvre ayant une excellente réputation dans le monde du comic book. Considérée comme étant l’une des meilleures histoires, j’avais énormément d’attentes, mais aussi quelques craintes avant de commencer la lecture. J’accorde énormément d’importance à la partie graphique d’un comics (aussi bien le style de dessins que la colorimétrie). Ma première surprise fut donc d’apprécier la qualité des dessins et le travail de la couleur que je trouve impressionnant pour un récit datant de 1986-1987.



J’ai été très facilement plongé dans l’histoire, il faut dire que le scénario aide à rentrer rapidement dans le vif du sujet. La qualité d’écriture des personnages est sensationnelle. De nombreux flash-back permettent d’approfondir les protagonistes et de mettre en place des éléments qui donneront de la consistance aux relations qui les unissent. Je me suis surpris à ressentir de l’attachement pour des personnages et même une profonde empathie pour certains d’entre eux. Je pourrais écrire des pages entières sur ce comics tellement il y a de choses à en dire…



Cette œuvre est absolument indispensable et constitue l’une des meilleures histoires que j’ai pu lire dans ma vie. Je ne le conseillerais pas à tout le monde pour autant car le ton général est très mature et conviendra davantage à un public adulte, ou à un lectorat ayant un certain nombre de lectures de comics à son actif.
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Watchmen (Intégrale)

Le chef-d'œuvre d'Alan Moore surprend par sa capacité à dilater le temps. Ainsi une scène de rue anodine avec un marchand de journaux et un lecteur de BD, répétitive, permet d'abord prendre le pouls de cette société dystopique. Cependant elle contient un élément clé du mystère. Et elle deviendra essentielle lors du dénouement. Plus de 450 planches à l'atmosphère travaillée, aux dialogues saisissants, aux cadres cinématographiques. Mais c'est surtout les personnages, désillusionnés, rigides, abjects, ou aveugles qui marqueront. Alan Moore n'a pas besoin d'une longue série pour créer une mythologie humaine, inversée de celle des super-héros classiques. L'œuvre permet de s'interroger sur les déviances de tels comportements : pourquoi mettre un masque et faire régner la justice ? Les motivations sont aussi diverses que les personnages, et loin d'être nobles...
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Watchmen (Intégrale)

Faisons le point sur juin 2021. Il a été pour moi un mois assez complexe, entre surmenage, remises en question, mais aussi accalmies voire instants tout simplement magnifiques. J'essaie de prendre soin de moi tout en ébauchant des projets plus grands que le blog ; c'est pourquoi une surcharge de travail risque définitivement de me mettre HS. J'ai décidé d'arrêter les « mois à défi » et de manière générale que j'annoncerai de chroniquer tel ou tel livre. Il n'y aura donc pas de « Quoi de neuf » pour l'année prochaine et vous m'en voyez le premier désolé. Désormais, tous les articles paraîtront (du moins sur mon blog) le samedi à 19h sans exception, sauf que les traditionnels billets pour Noël, le Nouvel An et la date anniversaire du blog. Cela nous fera donc 55 articles par an. Moins de quantité, plus de qualité, c'est ce que dirait mon grand ami Arthur Aïoutz quand je débarque dans sa boîte de prod naissante avec 259 projets qui marchent plus ou moins bien.

(Et je vous dis ça alors que cet article sort un dimanche à 20h15... Les bonnes résolutions commencent bien.)

Assez parlé de moi. Ce qui nous amène ici, c'est toujours la passion de l'Imaginaire, l'envie d'explorer les sommets et les tréfonds de mondes nouveaux, la soif de nouveaux territoires non pas à conquérir mais à contempler. Quoi de mieux pour ça que les histoires de super-héros ? Qui peuvent prendre absolument tous les tons, du plus jovial au plus… névrosé.

En effet, c'est bien d'une super-science pessimiste dont nous allons parler aujourd'hui. Je ne pensais pas avoir un mot à dire sur le comic Watchmen. Grosse référence de chez DC même si déconnectée de l'univers des autres superslips (enfin… jusqu'à récemment), je pensais n'y trouver qu'une des premières déconstructions du mythe super-héroïque, avec un intérêt certes historique, mais guère plus ; un machin déjà critiqué et analysé en long et en large par des gens bien plus talentueux que moi, et que je ne pourrai peut-être même pas apprécier à sa juste valeur. Soyons clairs : finalement, j'ai très envie d'en parler. Je ne vais pas développer cela dit de point de vue très original mais avant tout une présentation exhaustive. Cette critique, même si elle part dans tous les sens (Marc Ang-Cho va me faire un procès pour tout analyser à sa place !), n'a qu'un seul but et une seule prétention : VOUS DONNER ENVIE DE LIRE WATCHMEN !



Qualité scénaristique



Super-héros et réalisme



Le comic d'Alan Moore et Dave Gibbons imagine donc l'impact réel que pourraient avoir les super-héros sur le monde. Serviraient-ils forcément le Bien ? Et leur patrie ? Quelle serait leur éthique ? Amélioreraient-ils forcément le monde ? C'est donc un univers bien plus sombre et réaliste que d'ordinaire pour le genre qui vient se dessiner ici. Si comme moi ce qui vous intéresse le plus chez les super-héros sont justement leurs implications morales et géopolitiques (« un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », comme diraient tous les élèves de mon ancienne prof de philo exaspérée de ne jamais trouver d'autres citations), Watchmen est pour vous puisqu'il s'intéresse non seulement au rôle que pourraient avoir les super-héros mais aussi celui qu'ils auraient pu avoir.

En effet, dès la première page, des différences subtiles se font sentir avec l'époque de parution du comic : dans la forme d'une voiture, le nombre anormal de dirigeables dans le ciel, ou encore les modes vestimentaires des keupons. On apprend en effet par la suite que grâce à un être surpuissant, le Dr Manhattan, les étasuniens ont remporté la guerre du Vietnam et Nixon est resté au pouvoir (au point qu'on lui a même décerné une plaque sur la Lune !). C'est donc une Amérique plus impérialiste que jamais qui apparaît devant nous, dans une guerre froide de plus en plus tiédasse. Avec les circonstances auxquelles on pouvait s'attendre : omniprésence des réactionnaires, paranoïa, refus d'investir de l'argent dans les services publics (et donc les villes se délabrent)… Les agressions se font de plus en plus nombreuses, les gens restent cloîtrés chez eux ou dans leurs opinions de comptoir. le milieu progressiste, timide, ne s'exprime qu'au travers du Nova Express (vraisemblablement un magazine musical), concurrencé par le très droitier New Frontiersman.

Une autre conséquence de la présence de super-héros est que certains se sont retirés du métier pour profiter de leurs pouvoirs en se lançant dans le business. Ainsi un prodige d'intelligence, Ozymandias, a-t-il monopolisé tous les domaines de la société : transports, parfums, télévision, développement personnel… Ce que j'apprécie tout particulièrement, c'est que dès 1985 Alan Moore avait compris que la voiture électrique était possible… et que c'était une belle cochonnerie 😛

Enfin, les super-humains sont le plus souvent impopulaires, et parfois à raison. Au point que la presse comics s'est finalement tournée vers les histoires de pirates. Des histoires souvent moins morales, et sous la plume de l'un de leurs scénaristes les plus talentueux terriblement plus sanglantes et plus glauques, illustrant la perte de repères d'une époque plus déboussolée que jamais (et punaise, je me mets à parler comme le 20 heures…).



Les personnages



C'est donc dans ces années 80 qui feraient passer Saturday Night Fever pour un gentil film de famille qu'évoluent différents super-héros, certains ayant pris leur retraite à la suite d'une loi restreignant leur activité en 1977, certains continuant de se faire tolérer car ayant prêté allégeance au gouvernement étasunien. Les six (ou plutôt cinq) que nous suivons ne forment jamais d'équipe formelle, mais se font surnommer par les auteurs les Watchmen par analogie avec une équipe de super-héros ayant bel et bien existé dans ce monde, les Minutemen (on appréciera la polysémie du terme watch, désignant à la fois le fait de voir, se rapportant à l'observation de la société, et la montre, se rapportant au compte à rebours). Ils sont tous des personnages particulièrement soignés et humains, même lorsqu'ils se comportent comme de parfaites ordures :

- Rorsach est un détective masqué connu pour sa violence et la justice qu'il fait lui-même (de façon évidemment très expéditive). C'est un mélange entre Batman et le Punisher. Un évènement traumatisant de son enfance l'a également encouragé à devenir sexiste et puritain. Persuadé de l'existence des valeurs de l'Amérique, il pense que les États-Unis sont en plein délitement, et ce ne sont pas les gangs et les violeurs du coin de la rue qui lui feront dire le contraire. Pourtant, on notera chez lui un sens moral particulièrement élevé, le tout avec une justesse inespérée qu'Alan Moore décrit ainsi lors de la préparation du scénario : « En vérité, pour présenter ce personnage équitablement, il va me falloir décrire ses idées comme tout à fait logiques et venues du fond du coeur, de peur qu'il se transforme en parodie des idées de droite vues par un type de gauche. Selon le point de vue sous lequel on se place, [il] est soit la seule force incorruptible qui existe dans un monde aux valeurs morales en pleine érosion, soit un sociopathe dangereux et quasiment psychotique qui tue sans compassion ni souci des fioritures légales ».

- le Hibou est le super-héros le plus normal, et, il faut bien le dire, mon préféré (en grande partie parce que je voue une haute affection à ces nobles créatures). Deuxième du nom, il a pris sa retraite en 1975 même s'il a gardé une grande nostalgie de son métier qui consistait en partie à être inventeur. Il s'agit d'un quadragénaire simple et sensible, le genre de mec droit qui va pas fourrer son nez n'importe où par l'appât du gain. Mention spéciale à Archie, la « Hiboumobile », un vaisseau au design tout à fait particulier et dont le fonctionnement parvient à rester réaliste.

- Ozymandias est donc celui qui a fait fortune. Libertarien de gauche, il s'est imposé comme une des grandes figures progressistes encore en vogue. Un homme cultivé et voulant à tout prix le bien de l'Humanité… mais est-ce que la philanthropie peut suffire ?

- le Spectre Soyeux est elle aussi la deuxième de sa lignée, forcée par sa mère à endosser à son tour la casquette (ou, en l'occurrence, la jupette). Condamnée à être une héroïne femme (et donc forcément sexy), elle a vu la loi de 1977 comme une bénédiction car lui offrant enfin un semblant de vie normale. Ce qui n'empêche pas sa mère de continuer de projeter ses fantasmes en elle ; elles forment un duo fascinant, l'une à la poursuite des rêves de gloire qu'elle n'atteindra jamais et espérant donc que quelqu'un de son sang les accomplisse à sa place, l'autre qui les refuse car trop consciente de ce qu'ils impliquent.

- Il faut enfin ajouter qu'elle vit en couple avec le Dr Manhattan, transformé en quasi-dieu suite à une expérience de physique qui a mal tourné. Ses capacités lui permettent de percevoir le monde des particules, l'avenir, se dédoubler, convertir n'importe quelle matière en une autre, connaître toutes les informations dont il a besoin… Mais son point faible est que sa toute-puissance l'a rendu presque complètement imperméable au monde des humains. Si on pourrait à raison considérer que ce personnage est un gros « ta gueule, c'est quantique », en revanche on appréciera sa psychologie nuancée qui l'empêche d'être un simple deus ex machina : un équivalent de Spock ou Data… en plus mélancolique.

- Enfin, vient se greffer à tous ces joyeux drilles une figure solitaire et particulièrement malveillante, le Comédien. Un être ayant les mêmes inspirations que Rorsach, mais avec le Joker en plus. Se laissant guider par ses pulsions et son nationalisme extrême, le Comédien est une sorte de Rambo grotesque, cruel et ricanant. Pourtant, malgré le fait qu'il soit une enflure ++, il n'en demeure pas moins quelqu'un de solitaire, d'isolé, et qui contrairement à Rorsach désire la compagnie de ses semblables, ne serait-ce qu'au travers de leur destruction.

À ces protagonistes viennent se greffer encore d'autres super-héros, mais surtout des personnages secondaires particulièrement travaillés, des gens « de la vie de tous les jours » ; ils sont campés avec un naturalisme particulièrement précis, sans pour autant sombrer dans le cynisme un seul instant : on découvre ainsi la vie des années 80, les vendeurs de kiosque grincheux mais ayant bon coeur, les religieux un peu timbrés, la communauté LGBT se heurtant à des tabous allant bien au-delà de leur simple appartenance sexuelle et sous tension permanente, forcée d'un côté à se taire par les conservateurs, mais d'un autre, les libéraux se disent que ça ferait quand même un bon business… Moore finira d'ailleurs par écrire : « Pour le meilleur et pour le pire, les humanoïdes ordinaires, non télépathes, dépourvus de mutations et privés du don de double vue qui traînent sur un des coins de rue anonymes de Watchmen en sont venus à  me sembler plus précieux et plus intéressants que ceux qui soulèvent des rivières et déplacent des planètes. Je souhaite aux super-héros tout le bien imaginable entre les mains de ceux qui guideront leur vol dans le futur, mais, pour ma part, je suis impatient de revenir sur cette Terre ». Résultat des courses : on se retrouve avec un nombre de persos très élevé mais qui restent admirablement bien campés, ce qui je pense nous permet une comparaison avec un autre grand maître de l'Imaginaire : Guy Gavriel Kay.



L'intrigue



L'histoire commence avec l'assassinat du Comédien. Rorsach décide d'enquêter, en dépit de la police qui le traque. S'ensuit un long jeu de flash-backs et de retours au présent, entrecoupé à la fin de chaque épisode par un appendice constitué de documents venant approfondir l'univers. Vous l'aurez compris, non seulement il s'agit d'une narration à multiples personnages, mais en plus elle est non-linéaire. Pourtant, avec le nombre relativement peu élevé mais bien dosé d'affrontements et le fait que personne ou quasiment ne fasse juste de la figuration, tout reste parfaitement fluide contrairement à de gros gloubi-boulgas épiques qui partent dans tous les sens (Civil War). Cette richesse permet de cumuler différents registres et thématiques : polar noir, drame familial, exploration spatiale, guerre du Vietnam… La diversité déjà élevée n'en devient que plus grande.

Et il me faudrait encore vous citer les multiples références culturelles plus ou moins explicites, le sense of wonder / sense of doom, l'ironie dramatique modelant le récit et lui conférant un certain humour (très) noir, la symbolique omniprésente… le tout avec des fusils de Tcheckov qui tirent dans tous les sens et une fin glaçante de maîtrise. On pourrait relire ça cinq fois qu'on y trouverait encore des détails qui nous échappent !

Reste que rien n'est parfait, et qu'un point mineur m'a quand même fait tiquer sur la fin : l'univers, qui se voulait jusque-là réaliste (ou, dans le cas du Dr Manhattan, au moins pseudo-réaliste) laisse d'un coup apparaître le surnaturel avec la médiumnie. Alors, pourquoi pas essayer d'y donner des explications scientifiques ? D'accord, la chose que l'on veut faire grâce à elle n'est pas réaliste, mais c'est justement parce que le personnage qui l'orchestre ne veut pas qu'elle soit réaliste ; seulement son fonctionnement ne l'est pas non plus. Et une fois qu'elle a joué son rôle, on n'en entend plus parler ; on ne saura rien de plus sur les mystérieux pouvoirs psychiques qui auraient pu façonner des dizaines d'autres super-héros.



Qualité graphique



Concernant le dessin, il s'agit peut-être de ce qui m'a le plus rebuté : la ligne de Gibbons est claire, nette, presque rigide, comme bon nombre de récits super-héroïques de l'époque, sans la palette de couleurs particulièrement large qui leur permet aujourd'hui de produire des cases de toute beauté (rassurez-vous, les dessins sont quand même beaucoup moins statiques que les comic books des débuts). Mais elle a aussi ses avantages : elle arrive à être en tous temps lisible, sachant faire un dosage très équilibré entre épure et amour du détail. Et c'est sans compter la couleur qui dose intelligemment les différentes teintes dominantes, quitte à parfois prendre une palette réduite mais très contrastée. Les clair-obscurs du néo-noir, les teintes sombres, les dégradés, tout cela nous offre par moments des planches absolument sublimes (je pense notamment à la page 18).

Les deux auteurs ont également opté pour une narration recourant très souvent au gaufrier, cette technique consistant à faire des cases ayant toutes les mêmes dimensions. L'héroïsme est ici ou bien discret ou bien aux abonnés absents, inutile donc de faire des cadrages grandiloquents ; et cela retranscrit tout à fait bien l'ambiance anxiogène et enfermée du monde dans lequel vivent les personnages.



Qualité littéraire



Enfin, et c'est très certainement la raison pour laquelle on l'a parfois qualifié de « roman graphique », Watchmen ne se repose pas que sur l'image. En effet, un des reproches que l'on a longtemps faits à la bande dessinée était qu'il s'agissait d'une littérature diminuée, à laquelle on mettait des images pour pallier le manque de style des auteurs. D'une part, c'est faux (n'importe qui bossant dans le cinéma vous dira qu'on peut communiquer autant voire plus de choses et de subtilités dans une image que dans des mots), mais surtout cela n'empêche pas les auteurs de faire un usage virtuose (et pas forcément pédant) de la langue quand ils en ont l'occasion. Je pense bien sûr au parler désuet de Tintin, à la grandiloquence parodique d'Achille Talon… mais surtout à de Capes et de Crocs, hommage à la culture populaire du XVIIe siècle que vous devez absolument lire, ne serait-ce que pour la réplique culte du personnage voulant en jeter un autre « dans l'espace pour qu'on ne l'y entendît point crier »…

Et dans Watchmen, Alan Moore va montrer qu'il n'est pas seulement un grand scénariste mais aussi un grand écrivain (par contre, pour sa fresque ésotérique de 1800 pages, je crois qu'il va falloir attendre un peu — je suis fou, d'accord, mais un fou raisonnable). Il va en effet s'amuser à reprendre, en-dehors du récit principal, différents styles d'écriture, fournissant un travail d'imitation exemplaire de tout ce qui lui tombe sous la main : fausse autobiographie, introduction de traité géopolitique, critique journalistique, brèves de presse… Il y a même ce qui pourrait sembler un pastiche extrêmement réussi de mon journal-nanar favori, Valeurs actuelles, hallucinant de bêtise humaine.

Alors, c'est bien joli, mais depuis la mort de Diderot, on sait qu'il faut une petite plus-value : l'art ne se limite pas à de l'imitation, où est le génie ? Probablement dans cette mise en abyme relatant une histoire de pirates. Si le ton mélodramatique use et abuse des effets de roman de gare, ce récit qui semble n'avoir aucun rapport avec celui principal annonce en fait le destin fatal d'un des personnages, que je vous ferais le plaisir de ne pas vous spoiler.



Fond politique



Mais enfin et avant tout, Watchmen est plus qu'un simple divertissement. C'est un cri d'alarme politique. Il vient nous rappeler différentes choses : comment aurait pu tourner la guerre froide, comment nous pourrions lutter pour changer le monde, mais aussi que l'enfer peut très bien être pavé de bonnes intentions. le pouvoir corrompt : pouvoir politique, bien sûr, mais aussi le super-pouvoir, si l'on n'y prend pas garde. La chute, que l'on ne devine vraiment qu'à la dernière case, vient ébranler toutes les révélations finales. On peut l'interpréter comme une critique de la logique utilitaire / pragmatique que certains prônent pour lutter contre le Mal (comme j'avais déjà pu en parler dans une analyse de Block 109). Et ça fait très, très mal.

Il est intéressant de noter qu'Alan Moore est un anarchiste ; on aurait donc pu s'attendre à une oeuvre clamant à chaque page qu'elle rejette en bloc toute forme d'autorité, voire à une critique bas-du-front en mode : « ouais les super-héros ils sont plus puissants que les gens normals donc c'est des méchants ». Et pourtant, il parvient miraculeusement à maintenir une grande subtilité, sans jamais de prosélytisme. Preuve en est qu'on peut lire et apprécier la BD sans jamais se douter de ses convictions politiques, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne donnent pas un cap au récit, bien au contraire.



Conclusion



J'espère avoir été suffisamment clair : si vous aimez les histoires de pirate, lisez Watchmen ; si vous aimez le pulp kitschouille avec des méchants qui cachent leur base dans des endroits incongrus, lisez Watchmen ; si vous aimez les polars noirs, les grands questionnements métaphysiques ou tout simplement les séries avec plein de personnages qui interagissent entre eux de manière plus ou moins heureuse, lisez aussi Watchmen. Il ne s'agit cela dit, en raison de la noirceur de son ton et de sa violence graphique, pas d'un livre s'adressant à tous les publics. Mais quel tour de force ! On a là un grand livre, aussi bien dans son humanité que sa monstruosité, qui laisse ébranlé longtemps après sa fermeture. Un ouvrage à vous procurer d'urgence pour votre culture…



(PS : le nombre de caractères étant ici restreint, je vous invite à aller sur mon blog où je parle du film)
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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Watchmen (Intégrale)

Ai-je vraiment besoin de présenter "Watchmen", la célèbre bande dessinée super-héroïque, écrite par Alan Moore, dans les années 1980 et aujourd'hui considérée-à juste titre-, comme un monument du genre super-héroïque ? Ou, de telles oeuvres, se passent-elles de présentations ?

Si je me pose cette question, c'est que l'on peut qualifier "Watchmen", comme une oeuvre qui, dans son genre, est un monument : c'est un modèle du genre qui a inspiré et inspirera encore et, en plus, ce qui ne gâte rien, en plus d'inspirer, tout simplement, c'est bien conçu et je crois pouvoir dire que peu de comics book super-héroïques, sont aussi subtils, intelligents, bien écrits, bien rythmés et surprenants de bout en bout (bien que les comics book, soient loin d'être un genre particulièrement bête, contrairement à ce qu'aime dire les snobs).

C'est tout simplement très bien écrit, avec des personnages fouillés et complexes, passionnant de bout en bout, surprenant (je crois que peu de gens, aurait pu en deviner la fin...) et très intelligent, avec énormément de réflexions subtiles, sur plein de sujets, depuis la place de l'homme dans le monde, l'importance de la vie jusqu'au sujet les plus terre à terre, sur les relations géopolitiques.

Je crois qu'on peut qualifier "Watchmen", d'oeuvre-somme, d'oeuvre complète, une oeuvre qui semble être une source de réflexion assez inépuisable sur beaucoup, beaucoup de sujets.

Le dessin (sans être la principale qualité de l'oeuvre), est excellent ; Dave Gibbons, le dessinateur, sait dessiner ses personnages, de manière précise et élégante ; je remarque, en particulier, le travail des ombres.

Les personnages, sont comme je l'ai dit, tous fouillés et complexes ; les plus importants, sont uniques en leur genre ; je ne me souviens d'avoir trouver des personnages, qui leur ressemblent vraiment dans toute la littérature ; je peux trouver certaines similitudes, certes, mais ils ont tous quelque chose qui les rend unique.

La fin est excellente ; elle surprend, est forte, dramatique et ambiguë.

Je ne peux que relever l'excellent travail d'écriture, qui permet, à Alan Moore, de maintenir son lecteur en haleine, durant tout "Watchmen", de le surprendre continuellement, de le pousser à s'interroger, jusqu'à la dernière minute, tout en développant un propos intéressant, intelligent, profond, qui pousse le lecteur à réfléchir, à s'interroger. Tant de questions, sont posées par cette oeuvre !...

Une oeuvre-somme, passionnante, inépuisable.
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Watchmen (Intégrale)

S’attaquer au monstre protéiforme qu’est The Watchmen s’apparente à tenter l’ascension du K2 en espadrille et moi je préfère les tongs. J’ai 2200 signes (un peu moins maintenant) pour accoucher d’un post crédible sur le roman graphique de Alan Moore. Je pourrais pousser un aaargh orgasmique en étirant les a jusqu’à la jauge souhaitée mais bon... Nous sommes d’accord... Le point positif est le zéro pression, The Watchmen possède une telle aura, une telle puissance narrative, que ma chronique aura autant d’impact et de visibilité qu’une bouteille d’eau minérale dans le cellier de Gérard Depardieu.



Alan Moore s’empare d’une des rares figures mythologiques des Etats Unis : le super-héros. Il en pervertit assurément le sens of wonder. Moore a le génie de montrer la grandeur et le ridicule de ces hommes et femmes qui se griment pour délivrer une justice parallèle et hors de tout cadre juridique. Il a également la force de ne pas verser dans l’outrance et la parodie, The Watchmen n’a rien d’un The boys, c’est une œuvre sérieuse, poignante, non dénuée d’ironie et une tragédie, on pourrait se perdre sans fin en analyse sémiologique, sociologique et plein de truc en « gique » et on aurait tort.



The Watchmen, avant tout, c’est du plaisir, à l’état brut. Une joie enfantine devant le sens du rythme, le découpage, la densité romanesque, la cohérence de la dystopie créée par Alan Moore et sa profondeur. The watchmen rappelle ce principe fondamental : il est bon de surveiller les surveillants. Et la spirale n’arrête pas de s’enrouler, de s’entre-dévorer : surveiller les surveillants des surveillants des surveillants, etc.



Un livre fondamental qui enfonce les digues rassurantes des genres littéraires. Un chef-d’œuvre, une assertion que l’on peut énoncer, pour une fois, sans galvaudage.



(Re)lire The Watchmen est l’assurance d’une expérience déroutante, haletante, émouvante, profonde, propre à épuiser un registre solide de qualificatifs laudateurs.
Lien : https://micmacbibliotheque.b..
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Watchmen (Intégrale)

Une somme ! J'ai tardivement découvert les comics, et je le regrette ! Prêt d'une collègue que je remercie vivement au passage. Univers très coloré dans les images - pas ce que j'ai préféré - mais que de noirceur dans le propos ! Une uchronie avec un accident nucléaire pour point de départ d'un récit qui narre la marche inexorable du monde vers sa fin ... pas vraiment le point de départ réel d'ailleurs, puisque le premier chapitre s'ouvre sur le meurtre du Comédien, que va tenter de résoudre Rorschach, bientôt aidé du Hibou et de quelques autres. Des super-héros masqués qui ne sont que des hommes et des femmes faillibles, seul le Dr Manhattan, héros et arme absolue de l'Amérique dans un contexte de guerre froide, étant doté de super-pouvoirs.

Il y a la réflexion sur le sens de la vie, en 12 chapitres et 12 cadrans d'une horloge sur laquelle le sang coule jusqu'à la submerger. Réflexion qui évite tout simplisme, tout manichéisme, tant les personnages sont traversés par des sentiments contraires, ambivalents, pétris de contradictions.

Il y a un travail exceptionnel sur le graphisme, la narration, la mise en image. A tel point qu'une ou plutôt des relectures semblent indispensables afin de saisir toute la subtilité des planches de ce monument. Rien n'est laissé au hasard, chaque détail de chaque vignette a son importance, fait sens. Les récits s'entremêlent, entre présent et passé, dévoilant des éléments du passé des protagonistes qui éclairent le lecteur sur les relations qu'ils entretiennent, leur place dans un monde corrompu et violent qui court à sa perte.

Et les dernières planches en forme de happy end ... mais en est-ce vraiment un ? Et à quel prix ?!?

Première lecture de 2021 - la seconde en incluant le cycle 5 des aventures de Carmen McCallum en 4 tomes - et premier coup de cœur !
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Un vrai chef d’œuvre... et un sacré pavé pour une bande dessinée, plus de 400 pages !

Il s𠆚git d’une incroyable dystopie, très noire et passionnante avec des héros masqués plus cabossés les uns que les autres . Les supers héros sont un prétexte à une analyse de notre société , très critique, très fine, politique et philosophique.

C𠆞st vraiment très réussi : lecture totalement indispensable
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Watchmen (Intégrale)

C’est marrant la mémoire, quand même !



J’étais persuadé que le film Watchmen collait presque à la virgule près à la BD d’Alan Moore et Dave Gibbons. En relisant cette dernière, je suis surpris de voir que j’avais oublié les différences, ne conservant que le film en mémoire.



Bon, je ne vais pas faire long vu que mon ressenti colle à celui d’une majorité de lecteurs Babelio : ce comics est une tuerie. Peut-être le meilleur de tous. Rares sont les fois où je me suis retrouvé si choqué, dans le bon sens du terme, par un récit tous formats confondus.

Tout y est parfait : l’uchronie et la dramatisation de la guerre froide (on est un peu avant la perestroïka), le pathétique de ces super héros désespérément humains bien au-delà de ce que Marvel avait pu proposer, les nombreuses scènes de citoyens lambda inquiets des événements et lançant des propos de comptoir (le vendeur de journaux).

Et bien sûr l’énigme du meurtre du Comédien et les extraordinaires héros de l’histoire. Rorschach le détective tellement désabusé qu’il en est devenu ultraviolent – faisant passer le Punisher de Marvel pour un Bisounours, Le Dr Manhattan qui est l’un des rares êtres « cosmiques » que l’on m’ait présentés qui soit vraiment éloigné des émotions humaines, la vie pathétique du Hibou qui renaît grâce au Spectre Soyeux, elle-même refaisant le plein d’émotions humaines après ses années au contact froid de Manhattan. Et le machiavélique Ozymandias qui offre la « moins pire solution » au risque de la destruction de l’humanité par elle-même.



Ce comics est un choc permanent. On ne peut passer à côté.

J’va me repasser le film, tiens.

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Watchmen (Intégrale)

Qui custodiet ipsos custodes ? Qui garde les gardiens ? C'est une des questions, et pas la moindre, que pose ce livre qui s'affirme avec le temps comme un des chefs-d'oeuvre de la bande dessinée. Conçu extérieurement comme un comics américain de super-héros, il en épouse artificiellement les codes pour mieux les détourner et se pose comme un ouvrage très structuré, d'où est bannie la moindre superficialité. Ici, on parle d'ailleurs de héros costumés ; aucun ne possède de super-pouvoirs (sauf un !) et, dans l'imaginaire collectif, ils sont vus comme des étrangetés, au mieux tolérées, mais plus souvent contraintes à la mise en parenthèse de leurs activités. D'ailleurs, eux-mêmes le reconnaissent, les méchants masqués se font rares et justifient par leur absence leur propre reconversion. Détail hilarant, dans ce monde-là, les histoires de super-héros n'ont jamais fait recette et les jeunes américains lisent des comics mettant en scène des histoires...de pirates.



Le récit met en avant une légère distorsion de notre histoire. Les U.S.A ont gagné au Vietnam, Nixon est réélu pour la cinquième fois et les valeurs de droite triomphent sans partage sur l'ensemble du monde libre. Par contre, la planète est à un ongle d'un conflit majeur, l'U.R.S.S jouant la carte d'une escalade nucléaire pour compenser sa propre infériorité militaire.

Au moment où l'histoire commence, un des anciens héros costumés, une montagne de muscles misogyne et fascisante, est assassiné chez lui. Parallèlement au travail de la police, une enquête est menée par un de ses anciens collègues, un ultra-conservateur cinglé et en voie de clochardisation. Celui-ci sera amené à reprendre contact avec ses collègues pour dévoiler peu à peu une vérité étrange qui nous laissera tous perplexe.



Le travail du dessin, l'agencement des cases, la dissémination visuelle d'indices tout au long du récit font de cette bande dessinée un ouvrage très plaisant à lire et qui donne matière à réflexion, jusqu'au personnage du docteur Manhattan, individu omniscient et omnipotent, mais dont le désintérêt pour lui-même et pour le reste de l'humanité va croissant. Qui custodiet ipsos custodes ? Personne, je crois...
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Watching the Watchmen

Qui custodiet ipsos custodes ? Qui garde les gardiens ? C'est une des questions, et pas la moindre, que pose ce livre qui s'affirme avec le temps comme un des chefs-d'oeuvre de la bande dessinée. Conçu extérieurement comme un comics américain de super-héros, il en épouse artificiellement les codes pour mieux les détourner et se pose comme un ouvrage très structuré, d'où est bannie la moindre superficialité. Ici, on parle d'ailleurs de héros costumés ; aucun ne possède de super-pouvoirs (sauf un !) et, dans l'imaginaire collectif, ils sont vus comme des étrangetés, au mieux tolérées, mais plus souvent contraintes à la mise en parenthèse de leurs activités. D'ailleurs, eux-mêmes le reconnaissent, les méchants masqués se font rares et justifient par leur absence leur propre reconversion. Détail hilarant, dans ce monde-là, les histoires de super-héros n'ont jamais fait recette et les jeunes américains lisent des comics mettant en scène des histoires...de pirates.



Le récit met en avant une légère distorsion de notre histoire. Les U.S.A ont gagné au Vietnam, Nixon est réélu pour la cinquième fois et les valeurs de droite triomphent sans partage sur l'ensemble du monde libre. Par contre, la planète est à un ongle d'un conflit majeur, l'U.R.S.S jouant la carte d'une escalade nucléaire pour compenser sa propre infériorité militaire.

Au moment où l'histoire commence, un des anciens héros costumés, une montagne de muscles misogyne et fascisante, est assassiné chez lui. Parallèlement au travail de la police, une enquête est menée par un de ses anciens collègues, un ultra-conservateur cinglé et en voie de clochardisation. Celui-ci sera amené à reprendre contact avec ses collègues pour dévoiler peu à peu une vérité étrange qui nous laissera tous perplexe.



Le travail du dessin, l'agencement des cases, la dissémination visuelle d'indices tout au long du récit font de cette bande dessinée un ouvrage très plaisant à lire et qui donne matière à réflexion, jusqu'au personnage du docteur Manhattan, individu omniscient et omnipotent, mais dont le désintérêt pour lui-même et pour le reste de l'humanité va croissant. Qui custodiet ipsos custodes ? Eh bien personne, je crois...
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Watchmen (Intégrale)

Entrez dans un comics avec vue sur les coulisses, le ridicule et l’impuissance des super-héros ! Les « super » héros de Moore sont vieux, fatigués, alcooliques, bedonnants, psychopathes, corrompus, et j’en passe !



A l’aide d’un scénario complexe et intelligent, cette parodie profonde sur les super-héros place un miroir devant les héros américains.



Le Comédien, le Hibou, Ozymandias, Dr. Manhattan et le fantastiquement névrosé Rorschach parviendront-ils à éviter une guerre nucléaire alors que minuit, l’heure fatidique, approche ? Moore vous le fera découvrir en temps réel pour vous mettre KO à la fin de ce chef-d’œuvre !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Martha Washington, Tome 1 : Le rêve américain

En 1995, Martha Washington nait dans le Green, un énorme ghetto-prison qui rassemble les populations miséreuses et qui n’offre que très peu de portes de sortie. La PAX, force armée du président Rexall, est l’une d’elles. (Sur)vivant avec sa mère et ses deux frères dans un minuscule appartement, Martha démontre vite de sérieuses aptitudes pour l’informatique et se met à rêver d’un avenir plus rose … jusqu’au jour où elle se fait rattraper par la violence et la misère qui règne dans son quartier. Obligée d’ôter la vie d’autrui pour s’en sortir, elle sombre dans une sorte de léthargie qui l’amène à séjourner dans un asile pendant plusieurs années. Puis un jour, elle parvient à s’enfuir et décide de rejoindre les troupes de la PAX …



Née de l’union du scénariste de Batman – Dark Knight et du dessinateur de Watchmen, cette saga qui a déjà été partiellement publiée en version française par différents éditeurs, dont Zenda et Dark Horse France, est maintenant rééditée en trois tomes par les éditions Delcourt. Ce premier volet reprend les quatre épisodes de la série Give Me Liberty et raconte les déboires de cette femme courageuse qui a vu le jour dans un monde qui ne lui laissait que très peu d’espoir, mais qui parvient malgré tout à surmonter une à une toutes les épreuves.



C’est un remake fort sombre du rêve américain que Frank Miller livre à travers l’histoire de Martha Washington. Si le parcours surprenant de cette afro-américaine n’est pas des plus subtils et que les personnages sont plutôt manichéens, la noirceur et le cynisme de la vision de Miller ne manquent pas d’intérêt. À travers l’évolution de son héroïne, il dépeint une Amérique en perdition, où violence et manipulations politiques sont légions, souvent au détriment de minorités soigneusement mises à l’écart. L’auteur ne manque pas de livrer une critique acerbe des Etats-Unis en abordant le libéralisme, le racisme, l’environnement, la guerre et la politique. Si plusieurs idées développées au sein de ce monde alternatif s’avèrent originales, l’approche trop directe et souvent caricaturale des sujets font que, dans l’ensemble, le scénario manque de finesse. Le procédé narratif de Miller, consistant à entrecouper son histoire de faux articles, demeure cependant efficace et procure une touche de réalisme à ce futur ultra-pessimiste. Si le trait fin et détaillé de Dave Gibbons accompagne parfaitement le ton du récit, la colorisation a un peu plus de mal à séduire vingt ans après.



Même si ce n’est probablement pas l’œuvre la plus aboutie de ces deux grands noms du comics, son côté avant-gardiste justifie probablement à lui seul la lecture.
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Futura, Tome 1 : La suite des aventures de ..

Les dessins couverture de JY Mitton sont magnifique, la qualité et l'esthétique du comics sont superbes. On est heureux de voir des titres malheureusement disparus renaitre, bravo à Organic Comix.

Par contre le contenu est moyen , parfois faible.

C'est dommage avec une si belle couverture....
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Watchmen (Intégrale)

Des supers héros qui n'ont de supers que leur costumes, des super vilains qui veulent également leur noms et costumes. Et tout ça pour quoi, quel est le sens de ce spectacle? C'est justement le Comédien, ancien membre des Watchmen qui se fait assassiner. Son ancien comparse mène l'enquête jusqu'à rassembler de vieux amis, qui finiront par découvrir le complot caché derrière ce meurtre.

Au fil de l'histoire, ils se questionnent sur leur activité, ce qu'ils défendaient vraiment et comment ils se sont construits avec dépression, angoisse et psychose. Autant de parcours semés de remises en questions.



C'est une remise en question globale des super héros que proposent les auteurs, leur autorité, leur champ d'action, et la façon dont ils servent... qui d'ailleurs? Alan Moore a un don pour faire exploser les statu quo de la morale, pari audacieux à la limite de l'irrévérence pour être publier chez DC. Mais l'irrévérence est le dernier de ses soucis, heureusement.



On aime chercher les références au fil des pages; le jeu de mot sur "watch" qui veut dire "surveiller" et "horloge", cette dernière introduisant chaque chapitre, ou encore Ozymandias qui lève les bras au ciel reproduisant l'heure fatidique de la fin du monde. Le chapitre de la symétrie qui est un palindrome du gaufrier, jusque dans les couleurs dominantes des premières et dernières cases, ou encore le caméo de "l'Enola Gay et ses petites bombes". Il y en a tant d'autres... Cette profondeur de la frome n'est pas sans rappeler "V pour vendetta".



Aujourd'hui Watchmen dispose de 3 suites pour aller plus loin:

- la série du même nom qui se passe 30 ans après

- Doomsday Clock, qui se passe quelques mois après

- la série The Boys, qui si elle n'est pas une suite scénaristique, interroge sur le pouvoir des super héros, posant toujours la même question:

"Who watch the watchmen?"



Je vous recommande cette lecture pour ce qu'elle bouscule, pour ce qu'elle a de riche, pour ce qu'elle peut vous apporter, en particulier en cette période où l'on a ressorti les super héros du placard sous divers média (films, séries,...). Il faut bien faire le spectacle...





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Kingsman : Services Secrets, tome 1

Tout est bon dans ces pages, du plaisir pour les yeux avec quelques cases parfois impressionnantes.




Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Watchmen (Intégrale)

Dans le style c'est un monument. Une histoire de super héros sans super pouvoirs sauf pour le docteur Manhattan. Des personnages ambigus, brisés, perturbés, c'est sans doute l'une des premières fois que le comics accouche d'une histoire aussi étrange avec des personnages à la psychologie poussée.

Sombre et à lire absolument.

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Watchmen (Intégrale)

Lorsque j’ai découvert Watchmen, j’ai été littéralement submergé par une émotion nouvelle que j’avais rarement ressentie à la lecture d’un comics. Je découvrais une véritable merveille sur le sens de la vie dans le chaos du monde.



Il faut dire que dès sa sortie en 1986, cette œuvre avait bouleversé le monde de la bande dessinée en remportant successivement la plupart des prix et récompenses. Le succès a été tout de suite au rendez-vous. Les critiques ont été élogieuses. Il faut comprendre que ce n’est pas une œuvre comme les autres. Elle a un côté innovateur et sophistiqué qui la place loin devant les autres. C’est une œuvre qui fait référence. Le monde du comics a changé après Watchmen en devenant un peu plus mature.



Tout d’abord, on observe un style narratif incomparable avec une lecture sur plusieurs niveaux ! Que dire également de ces cases d'une sidérante beauté visuelle! Et pour couronner le tout, nous avons droit à un scénario intelligent et maîtrisé! Cette BD révèle une véritable personnalité artistique. C'est un style hors du commun qui pousse la qualité de cette histoire à un très haut niveau. A côté de cette BD, l'autre Monument Amour du comics Batman - Dark Knight fait vraiment pâle figure.



Chaque case est à étudier avec parcimonie car il y a des détails qui paraissent insignifiants à première vue et qui se révèlent importants pour la compréhension de l'histoire. Une œuvre d'art sensorielle où l'auteur capture le secret des êtres au coin d'un regard. On pénètre dans l'intimité de ces supers héros avec un certain parti pris mais qui peut varier selon la perspective d'un personnage à l'autre. Les rapports entre eux sont complexes et évolutifs.



Cela plaît à un public qui va au-delà du super héros caricatural. Sur fond d'une actualité inquiétante à l'époque de la guerre froide, cette intrigue a un final tout à fait étonnant. Les auteurs ont imaginé une uchronie où Nixon aurait encore gardé le pouvoir car la guerre du Viêt-Nam aurait été gagnée par les Etats-Unis.



Cette fine équipe qui compose les gardiens est constituée des personnages suivants :

- Rorschach (Walter Kovacs, le justicier psychotique au masque évoquant les tâches d’encre du fameux test)

- Le Spectre soyeux II (Laurel Jane Juspeczyk, dite Jupiter, fille du premier Spectre et seconde compagne du Dr Manhattan).

- Le Hibou II (Dan Dreiberg, successeur "adoubé" par le premier Hibou, Hollis Mason).

- Ozymandias (Adrian Veidt, alias "homme le plus intelligent du monde" et athlète émérite)

- Le Comédien (Edward Morgan Blake alias le psychopathe désabusé de la bande)

- Docteur Manhattan (Jon Osterman alias « Dieu existe et il est américain »)



Un film en 2009 réalisé par Zack Snyder est venu couronnée l’adaptation de ce roman graphique hors norme. Il a bénéficié en règle générale de très bonnes critiques en provenance de la Presse. Cependant, le public qui s’attendait à voir de gentils super-héros à la façon 4 fantastiques a été plutôt dérouté. Le comédien qui est assassiné au début est un véritable salopard. Le Dr Manhattan alias l’homme bleu est plutôt froid… Un mauvais bouche à oreille a alors commencé à fonctionner. On pensait que les néophytes allaient s’intéresser à cette bd. C’est vrai que les fans n’ont pas été déçus car la version cinématographique est assez fidèle au comics. Et dire que les gardiens ont été réputé inadaptable au cinéma !



Le thème principal est la fin du monde. Il faut dire que l’horloge de l’apocalypse avance de minutes en minutes. Minuit sur l'horloge représentait une catastrophe mondiale, la fin de la civilisation telle qu'on la connaît. J’ai adoré cette référence à ce qui existe réellement. A noter que depuis le 22 janvier 2015, l'horloge affiche minuit moins trois (23:57).



Il faut bien avouer que cette œuvre n’est pas à la portée de tout le monde de par son approche. Il faut le savoir et l’accepter. Les lecteurs de la bd à papa ou à grand-papa peuvent oublier car ce n’est pas leur code ou leur registre à moins de transcender. Il faut «parvenir» à aimer en décortiquant certains critères purement objectifs. Cela ne sera pas facile pour le lecteur qui doit disposer de beaucoup de patience. Le nirvana est tout au bout du chemin ! Un plaisir total garanti pour ce que je qualifie de culte tant son apport a été riche pour un renouvellement de la BD. Si seulement toutes les BD procuraient un tant soit peu cette perfection !



Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 5/5 - Note Globale: 4.5/5
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ABC Warriors : Mek Files, tome 1

Ce tome comprend les épisodes des ABC Warriors parus les progs (numéros) du magazine hebdomadaire britannique 2000 AD suivants : 119 à 139, 555 à 566, 573 à 581, en 1979, puis en 1988. Tous les scénarios ont été écrits par Pat Mills. Aux dessins, se succèdent Brett Ewins, Carlos Ezquerra, Dave Gibbons, Brendan McCarthy, Kevin O'Neill. L'histoire intitulée The Black Hole (21 épisodes) a été dessinée par SMS et Simon Bisley. Pour bien comprendre qui sont Hammerstein et Ro-Jaws, il vaut mieux avoir lu Ro-Busters: The Complete Nuts and Bolts Vol. I & Ro-Busters: The Complete Nuts and Bolts Vol. II , car Pat Mills n'est pas adepte des résumés en cours d'histoire. Du coup pour pouvoir saisir quelques références, le lecteur a intérêt à avoir lu les épisodes des Ro-Busters.



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- ABC Warriors: Meknificent Seven - Hammerstein emmène plusieurs ex ABC Warriors sur le site de la dernière bataille contre les Volgans. Lors de la guerre contre les Volgans, 100 millions de robots ont trouvé la mort. Hammerstein était alors le commandant d'une unité d'ABC Warriors : A pour Atomique, B pour Bactériologique et C pour Chimique. Il se battait aux côtés de Joe Pineapples et Happy Shrapnel, 2 autres ABC Warriors. Le récit se déroule ensuite pendant la guerre contre les volgans, dans les années 2080. Hammerstein a attiré sur lui l'attention du colonel Lash, un militaire humain, qui lui assigne des missions. La première s'avère être un test qu'il accomplit avec Happy Shrapnel et Joe Pineapples. Hammerstein ayant fait ses preuves, le colonel (qui reste dans l'anonymat) lui confie d'autres missions qui consistent à recruter d'autres Guerriers ABC, un par un.



Hammerstein et ses 2 compagnons doivent commencer par recruter Mongrol, un robot qui ne reconnaît que la force et qui se bat pour retrouver Lara, une jeune fille qui l'a reconstruit alors qu'il n'était plus qu'une tête sans corps. La recrue potentielle suivante sort de l'ordinaire puisqu'il s'agit de Deadlock, le grand sorcier de l'ordre des chevaliers martiaux. À cette occasion, Hammerstein explique à ses compagnons ce qu'est cet ordre et comment ces chevaliers se battent avec la puissance de leur esprit. La recrue suivante est en train de perpétrer un massacre d'innocents : il s'agit d'un gradé dans l'armée robotique des Volgans, appelé Blackblood. Il ne reste plus qu'à recruter le robot indestructible Steelhorn qui prend le nom de The Mess, après un petit accident. Le colonel Lash se révèle alors aux 7 ABC Warriors et leur indique leur mission : se rendre sur Mars qui a été terraformée et colonisée, pour éviter le massacre des civils dans la guerre que se livrent les entreprises minières.



ABC Warriors est une série qui a passé l'épreuve du temps, avec des changements réguliers dans la composition de l'équipe de robots, avec des illustrateurs de niveau différents, mais souvent très bons, et même excellents, et toujours le même créateur pour guider leur destinée, à savoir Pat Mills. En 2013, ils sont même retournés sur Mars : ABC Warriors: Return to Mars , illustré par Clint Langley. Dans ce premier tome de l'intégrale, le lecteur assiste donc à la constitution de l'équipe, pratiquement un robot à la fois. Pat Mills commence par un épisode prologue (dessiné par Kevin O'Neill) pour rappeler que ces robots ont servi dans les guerres Volgan et que nombre d'entre n'en sont jamais revenus. L'invasion des Volgans s'est fait en deux temps, ayant débuté en 1999 en Angleterre, avant de s'étendre des décennies plus tard aux États-Unis. Il s'agit d'un événement que l'on retrouve dans d'autres séries de 2000 AD, mais qui a été extirpé de la continuité de Judge Dredd. Tout commence avec Invasion! . Le début de la série ABC Warriors revient donc en arrière par rapport à Ro-Busters avec cette mission rassemblant progressivement les ABC Warriors et dont le titre évoque le film Les Sept Mercenaires (1960, The Magnificent Seven) de John Sturges.



Pat Mills utilise une approche un peu déroutante pour caractériser ses robots. Il s'agit donc d'êtres mécaniques dotés d'une programmation qui leur permet de formuler des pensées indépendantes. De ce fait en fonction des spécificités de leur programmation, de leur spécialisation dans la guerre, de leur morphologie (les caractéristiques physiques de leur corps), ils acquièrent des expériences différentes, ce qui induit le développement d'une forme de personnalité propre à chaque robot. Le scénariste insiste bien sur le fait qu'aux yeux des humains, il ne s'agit que d'objets dont la fonction première est d'être sur le champ de bataille à la place des êtres humains. Le lecteur retrouve donc parfois comme un écho déformé des thèmes que Mills a pu aborder dans la série Charley's War dessinée par Joe Colquhoun. À partir de ce postulat, il écrit des histoires mêlant science-fiction et guerre. Il s'amuse bien avec les différents robots, leur donnant à chacun une histoire personnelle et des capacités de plus en plus étranges.



Le lecteur garde à l'esprit que la personnalité et les capacités spécifiques de chaque robot découlent de la manière dont il a été fabriqué et programmé. Il ressent très vite une forme d'empathie pour la grosse brute qu'est Mongrol, apitoyé par son attachement à Laura, consterné par son manque de capacité de réflexion. Il sourit quand il comprend que Deadlock fait partie d'un ordre dont la mission a amené les robots qui le composent à développer des capacités surnaturelles. Mills s'amuse à pousser la logique jusqu'au bout, en estimant que l'obstination de ces robots particuliers a pu leur permettre d'acquérir des capacités mentales inaccessibles aux êtres humains normaux, a pu leur permettre de faire de l'art du tarot divinatoire une véritable science. Le scénariste fait se rejoindre la plus haute technologie et la magie ou la sorcellerie, dans un raisonnement logique. Dans un autre ordre d'idée, le lecteur éprouve des difficultés à concilier le dégoût qu'il peut éprouver à l'encontre de Blackblood, de sa fourberie et de sa cruauté, et du fait que ce robot ait développé ses caractéristiques du fait de sa programmation, quasiment sans volonté propre.



En parallèle, le lecteur ressent la maîtrise que Pat Mills a des récits de guerre. Il ne porte pas aux nues la valeur guerrière, le courage dans la bataille, la virilité à triompher de son adversaire. Comme à son habitude, il met en avant le coût en vie humaine, l'inhumanité de régler ses problèmes par des conflits de grande envergure. Il met donc en scène des soldats sacrifiés par leur commandement, des individus littéralement formatés pour tuer sur les champs de bataille, des personnes à l'esprit simple embrigadées et endoctrinées pour donner la mort au nom d'individus qui ne mettent jamais les pieds sur un champ de bataille. Il met également en scène les populations devant survivre dans des villes dévastées par la guerre, les civils pris au milieu d'un conflit ouvert (le massacre de Bougainville), les populations indigènes qui voient arriver des colons qui se battent sur leur territoire, ou encore les profiteurs que sont les marchands d'arme. Le lecteur apprécie la conscience politique de Pat Mills qui transforme un récit de guerre en une analyse décillée du prix à payer par les individus pris dans le conflit, civils comme militaires.



Bien sûr, ces épisodes sont dans la continuité graphique des épisodes des Ro-Busters puisqu'il s'agit pour partie des mêmes artistes. Cependant le lecteur ressent une évolution dans les pages. Il ne s'agit plus uniquement de pages parfois un peu appliquées avec des cases aux angles aigus pour en augmenter l'agressivité. Dans le prologue, les dessins de Kevin O'Neill laissent déjà transparaître son humour grinçant, en particulier dans les coups massifs portés par les robots, et les dommages occasionnés. Les dessins de Brendan McCarthy sont encore assez sages par rapport à ce qu'il fera dans la suite de sa carrière, mais le lecteur découvre déjà quelques cases surréalistes que ce soit Happy Shrapnel en robe ou le masque à maille métallique d'Old Horney. Ses dessins gagnent en psychédélisme pour les épisodes 127 et 128, consacrés à Steelhorn, dans lesquels McCarthy se lâche plus.



Mick McMahon n'a pas encore complètement versé dans l'exagération des formes et les contours anguleux qui seront sa marque de fabrique, mais le langage corporel des humains est déjà grotesque et le lecteur voit la souffrance et l'angoisse dans les postures des civils du massacre de Bougainville. Il donne des corps de plus en plus mécaniques aux guerriers ABC au fur et à mesure des épisodes qu'il dessine, les éloignant de tout semblant d'humanité, de vraies machines. Dave Gibbons n'a pas encore atteint sa complète maturité et ses dessins précis sont encore un peu chargés à la lecture. Pour l'épilogue, le lecteur retrouve Kevin O'Neill le temps de 3 pages. Des angles inattendus commencent à apparaître dans les contours des formes, conférant une dimension monstrueuse et outrageuse à tout ce qu'il dessine.



Cette histoire des ABC Warriors permet au lecteur de découvrir comment s'est constitué l'équipe, et de faire connaissance avec la majorité des Guerriers ABC. L'intrigue reste un peu trop linéaire et éparpillée au gré de l'inspiration du moment. Les artistes appartiennent tous au haut du panier, mais ils sont encore en phase de transition entre les conventions graphiques établies du magazine 2000 AD, et leur personnalité graphique définitive. Loin d'être une lecture pesante et obligatoire pour découvrir ce pan de l'histoire des comics britanniques, cette histoire se découvre avec plaisir et recèle à chaque épisode des moments poignants. 4 étoiles.



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- ABC Warriors: The black hole (progs 555 à 566, 573 à 581, 1988) - Pendant la période classique de l'histoire de Terra, l'empereur Zalinn a fait construire un trou noir / blanc sur la planète elle-même. Cette installation a permis aux humains de se rendre partout dans l'univers et de conquérir planète après planète. Plusieurs villes se sont bâties autour et à proximité du bypass trou noir, dont Necropolis la ville mausolée, et Agartha, la ville éternelle. Mais comme toute civilisation, celle-ci a fini par décliner quand un empereur (Thano, troisième du nom) a accepté les mariages inter-races, entre humains et extraterrestres. Il faudra attendre l'ascension de Tomas de Torquemada pour que la race humaine regagne de sa pureté, freiné dans son élan par Nemesis le sorcier. Dans les affrontements qui s'en sont suivi, le fils de Nemesis a détruit le poste de contrôle du trou noir, déclenchant une contamination par les radiations de milliers de planète à travers la galaxie. Afin de réparer les dégâts, Nemesis a dépêché les ABC Warriors : Hammerstein, Joe Pineapples, Ro-Jaws, Blackblood, Mongrol et Mek-Quake. Ils doivent traverser un labyrinthe de conduites appelées les déchets du temps pour atteindre le poste de contrôle au cœur du trou noir.



Joe Pineapples, Hammerstein et Blackblood ont pris place sur le dos de Mek-Quake (ayant une forme de tank avec une tête sur un long cou), et Mongrol porte Ro-Jaws sur son épaule. Hammerstein constate qu'ils ne sont que 6, Deadlock étant resté sur Mars. Alors qu'ils progressent ainsi en volant dans un tunnel, ils sont attaqués par un gang de psycho-bikers dont une femme s'appelant Terri. Alors qu'ils se fraient un chemin en tuant les psycho-bikers sur leur chemin, ils sont observés par une silhouette encapuchonnée, se tenant un peu à l'écart. Il s'agit de Deadlock revenu pour les aider, afin de préserver l'existence de la galaxie. Alors qu'ils continuent de s'enfoncer dans les tunnels, ils se heurtent aux Mekaniks, les gardiens des tunnels de maintenance du trou noir / blanc.



Attention ! la série passe en hyper-espace. Il s'est donc écoulé près de 10 ans entre la parution de The Meknificent Seven et cette nouvelle histoire, et ça se voit. Pour commencer, le lecteur doit s'accrocher : en moins de 2 pages, Pat Mills effectue un résumé hypercompressé de la situation, du développement de ce trou noir / blanc, de l'existence de Tomas de Torquemada et du lien qui unit Nemesis the Warlock aux ABC Warriors. Si l'attention du lecteur faiblit ne serait-ce qu'une seconde pendant ces 2 pages, il perd complètement pied et doit recommencer depuis la première case. En outre, les ABC Warriors ont croisé la route de Nemesis dans sa propre série, voir The Complete Nemesis the Warlock: Bk. 2 . En fait, le lecteur est censé être déjà accoutumé aux ABC Warriors, parce que la présentation très orientée qu'en fait Deadlock ne suffit pas à comprendre ce que sont ces personnages. Ensuite, il doit disposer d'un peu de références concernant Nemesis et son histoire, car il y sera fait allusion dans le dernier tiers du récit, en particulier pour l'ennemi Monade. Enfin, il vaut mieux que le lecteur soit aussi familier de ce mode de transport lié au trou noir / blanc (apparu également dans la série Nemesis), et à Terra, car les rappels sont plus que succincts et guère explicatifs.



Il est possible que le lecteur ait été attiré par l'association de Simon Bisley avec Pat Mills, les auteurs de Sláine: The Horned God , l'aventure la plus connue (à juste titre) de ce barbare, leur collaboration suivante après la présente histoire. En outre, Pat Mills ne tarit pas déloge sur SMS, l'autre artiste ayant dessiné 8 des 21 épisodes de cette histoire. Celle-ci est en noir & blanc du début à la fin, le lecteur ne retrouve donc pas les peintures de Bisley. Par contre, ça décoiffe dès la première page, avec une approche outrée et non conventionnelle. Le major Savard regarde le lecteur droit dans les yeux, sans raison apparente, en second plan des individus sont en train de se tirer dessus dont 2 avec ce qui semble être un casque de footballeur américain sur la tête.la représentation du trou noir / blanc est tellement géométrique qu'elle en devient abstraite. Le représentation d'Arghata n'a pas de logique, autre qu'un impact esthétique. Thano le troisième a pris une pose lascive sur trône métallique en forme de squelette d'extraterrestre… et ce n'est que la première page. Dans la deuxième page, Torquemada prend la parole devant un bouquet de micros avec un air dément, Nemesis dresse son épée ensanglantée comme un pénis monumental, les 6 ABC Warriors défient le lecteur droit dans les yeux. Celui-ci a l'impression de plonger dans un numéro de Métal Hurlant illustré par un artiste spécialisé dans la science-fiction métallique et déviante.



Simon Bisley ne fait pas montre de beaucoup de patience pour les décors. La majeure partie des cases dispose d'un fond blanc uni, ou alors d'un fond noir uni, le plus souvent sans aucune trace d'un élément de décor. De temps à autre, il se souvient le temps d'une case que le récit est censé se dérouler dans des tunnels, et il rétablit une sorte de perspective avec 3 traits, ou une porte. Il s'investit un peu plus quand il faut dessiner un accessoire indispensable à l'action, comme la presse à robot avec déchiqueteur, ou les parois d'un tunnel, ou encore les bécanes métalliques des psycho-bikers ou de Deadlock. Pour ces accessoires de décors là, le lecteur peut alors contempler des formes torturées, mélange de courbes sensuelles et d'angles agressifs, rutilant de partout. La bécane de Deadlock défie l'entendement avec un ski à la place de la roue avant, mais une vraie roue à l'arrière, et une crinière sur la figure de proue aux dents acérées. C'est un fantasme de Hell's angel de l'espace, cyberpunk avant l'heure.



Le lecteur se délecte tout autant des différents accessoires des personnages, à commencer par la carapace métallique des robots, aux formes sensuelles et froides. Il découvre l'accoutrement de barbare baroque de Deadlock, avec cape finement brodée et déchiquetée, épée trop longue à la lame bifide et ébréchée, coutelas dans un fourreau richement décoré, épaulettes métalliques décoratives et énormes, etc. Bisley refuse de se laisser contraindre par la vraisemblance ou la praticité, il transforme les personnages en des fantasmes barbares et technologiques, pleins de fougue et de morgue. En dernière page du premier épisode, le lecteur découvre un dessin d'Hammerstein en pleine page se tenant sur un monticule de cadavre, étranglant un ennemi à ses pieds d'une main, et défouraillant avec une énorme arme à feu de l'autre main. Dans l'épisode suivant, il en prend plein les mirettes avec un portrait en pied de Joe Pineappales tenant un fusil au canon démesurément long et ajustant son tir. 2 épisodes plus loin, il voit Terri en pleine action, une femme bodybuildée comme une Miss Univers, qui se croit un robot dans un corps d'être humain, s'en prendre à un Mekanik. Dans ce même épisode, il voit Deadlock prendre la pose comme Conan, avec la main gauche appuyée sur le pommeau de son épée. Vers la fin, le lecteur voit la créature de l'esprit créer par les robots se tenir sur sa monture dans la même posture que le Death Dealer de Frank Frazetta. Les dessins de Bisley irradient une flamboyance et une outrecuidance terribles, montrant des personnages vivant intensément l'instant présent, totalement impliqués dans leurs actions.



Simon Bisley tire donc cette aventure des ABC Warriors dans une représentation fantasmée, métal-punk en diable, exsudant la testostérone et l'exultation de la chair, paradoxe extraordinaire car il s'agit de personnages faits de métal et de câbles. Cette glorification de l'étrangeté provocante est tempérée par des cases grotesques ou incongrues au dernier point, comme celle ne contenant qu'une paire de plateform-boots, un escarpin, un pin's Peace & Love et un tibia. Par contraste, SMS donne l'impression de moins exister, de réaliser des pages moins intenses. Mais en fait il n'en est rien. Il rapproche la narration visuelle d'une représentation plus figurative. Il réintroduit des décors en arrière-plan. Il représente des figurants humains normaux. Toutefois le lecteur s'aperçoit que ses décors présentent une qualité monumentale qui inscrit ces péripéties dans une autre forme onirique. Il s'inspire des escaliers sans fin de Maurits Cornelis Escher pour une page démentielle. Il s'avère également très dérangeant pour les séquences d'horreur corporelle, avec une qualité de la chair torturée qui donne l'impression de pouvoir la toucher. À sa manière, il continue de dessiner les robots comme des vraies créatures métalliques, sans lien avec l'humanité, donnant l'impression de singer leurs créateurs, sans aucune possibilité de leur ressembler.



Avec cette histoire, les ABC Warriors pénètrent dans un monde visuel beaucoup plus radical que celui de leurs aventures précédentes. Ils affrontent également des péripéties qui ont gagné en conceptualisation. A priori, l'intrigue est très basique : parcourir les tunnels de maintenance du trou noir / blanc, affronter les robots et les humains qui y vivent, gagner la salle de contrôle, rétablir le fonctionnement des commandes. Dans l'exécution de cette mission, ils passent par des étapes d'affrontements physiques magnifiés par Bisley jusqu'à l'absurde, mais aussi par des étapes incongrues jusqu'à l'absurde. Le lecteur se retrouve face à une humaine (Terri) qui se prend pour un robot, à un nouveau traître dans l'équipe des ABC Warriors (différent de Blackblood), au plus grand robot du monde qui est réduit à effectuer des tâches balayage à cause de comptables qui appliquent des réductions budgétaires, à l'utilisation du tarot divinatoire par des robots, à un robot qui lit aussi bien les romans de Barbara Cartland (1901-2000) que Le choix de Sophie (1979) de William Styron, à une citation de Tacite, à des masques vénitiens etc. Arrivé à la fin, il a bien bénéficié d'une résolution en bonne et due forme contre le méchant (Le monade), mais il frise aussi l'indigestion du fait de l'hétéroclisme des thèmes développés à vitesse grand V.



La lecture de cette histoire des ABC Warriors est à réserver aux lecteurs aventureux, capables d'appr
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Watchmen, tome 12

Cette édition est une belle occasion pour (re)découvrir cette immense série.

Une œuvre à posséder dans toutes bonnes bibliothèques !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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