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Critiques de David Van Reybrouck (146)
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Le fléau

Dernièrement un ami babeliote avait posé la question sur l'importance de la couverture d'un livre. A ce propos, ce livre je l'ai acheté sans rien savoir, uniquement

attiré par cette peinture de couverture, une voiture qui s'éloigne dans la brousse.

Eh bien l'attirance de la couverture a terriblement servi, vu que je suis tombée sur une pépite.

L'histoire en bref est simple mais en faites compliquée. L'auteur, un scientifique belge, se rend lui-même en Afrique du Sud, à Pretoria, pour exhumer une improbable affaire de plagiat qui a opposé, il y a de cela trois-quarts de siècle, deux vieux bonhommes morts depuis plusieurs dizaine d'années, et portant qui plus est sur l'espèce animale la moins spectaculaire de toute l'Afrique, les termites. Vous vous dites, elle plaisante j'espère, non, non, c'est vrai. Donc celui qui a plagié est le Prix Nobel de Littérature 1911, le belge Maurice Maeterlinck, celui qu'il plagia, Eugène Marais, écrivain sud-africain, spécialiste des grands singes et des termites, né en 1871 près de Pretoria. Au départ aucun des bonhommes, ni les termites ne m'intéressent, et le plagiat encore moins. Pourtant une fois la lecture entamée, je n'arrive plus à m'en détacher ! Comment partant d'un matériel aussi douteux et incolore peut-on en faire un livre aussi passionnant ? Ce livre érudit, intelligent, plein d'humour et de réflexions m'a happée et m'a littéralement terrassée, en m'apprenant en passant, beaucoup de choses passionnantes sur une multitude de sujets divers, par commencer sur l'Afrique du Sud , "les grands auteurs " qui cachent de grandes faiblesses ("Toute réputation repose sur une distorsion de la vérité"), l' importance de la connaissance de l'entomologie en politique (“il s'agit de formes de sociétés bien organisées “) dont bénéficia aussi la Littérature , dont "Le meilleur des mondes" d' Aldoux Huxley.....

Un livre où le sujet du départ n'est qu'une toile de fonds pour en arriver à des questions et réflexions cruciales sur les préjudices et les injustices qui pourrissent notre monde. Ici, la pauvreté et le racisme dont tant de Noirs souffrent encore, un aperçu lucide de la bêtise humaine sans limite, intemporel à travers l'histoire de l'Afrique du Sud où les Hollandais, puis les Britanniques ( oui, oui, ceux- là même qui viennent de voter pour Boris le guignol !) ont pris leurs aises, pillant le pays, et n'accordant aucun droit de vivre à ses habitants naturels, jusqu'à récemment. Mais des siècles d'injustice ne se réparent pas en quelques décennies, surtout que la haine raciale perdure. La croûte est enlevée, la blessure désinfectée, mais il faut attendre que le tissu soit réparé.

Quelques réflexions mineurs aussi sur la superficialité des connaissances de nos sociétés où l'homme a la facilité et le culot d'accuser sans preuve, dans le cas présent de plagiat, sans avoir examiné auparavant de manière approfondie la charge de la preuve, et l'arrogance des experts occidentaux qui détiennent le monopole de la décision sur la valeur des découvertes scientifiques dans le monde, source de rancoeur pour un chercheur non occidentale qui s'y sent dépendant et impuissant.....



Un livre très bien écrit, à l'humour subtil , foisonnant de rencontres fortuites et intéressantes, comme je les adore. Un vrai cadeau du ciel, vu que je l'ai acheté au pif ! Un gros coup de coeur !

Euh oui j'oubliais, à propos, les termites sont-ils un Fléau ? 😄



“Mais comme toujours , c'est le voyage qui compte, davantage que le but.”

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Odes

Attiré par le nom de l'auteur du Fléau , mon grand coup de coeur de l'année 2019 , j'ai acheté ce livre sans hésiter et sans en savoir grand chose. Au prime à bord ces chroniques publiées à divers dates dans un quotidien où il aborde des sujets très divers, semblent trés intéressantes. Mais le ton malheureusement prend souvent la tournure « odes à ma personne », un brin de narcissisme qui m'a un peu refroidie. Pourtant il y a ici de nombreux beaux moments à partager, comme dans l'ode au printemps ce bois de Hal près de Bruxelles où il y pousse, sous les bouleaux encore frêles, un tapis bleu-mauve de jacinthes sauvages qui ondule à l'infini. La photo qui y correspond est magnifique , on dirait le ciel au-dessus et au-dessous des arbres. Ou l'ode à la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaeker, que j'apprécie aussi beaucoup, où il parle de “Work/Travail/Arbeid” un spectacle de danse appelé ici “exposition “qui a lieu dans un musée, et dont le cycle dure 9 jours, l'exposition entière durant neuf semaines. “La première exposition de danse au monde qui dure toute une saison, tandis que la lumière change lentement. Les interprètes – sept danseurs, six musiciens et un chef d'orchestre – donnaient la représentation même quand il n'y avait personne.”Ou l'ode à l'amour silencieux”, délicieux dialogue le temps d'un voyage en train.....



Difficile aussi de reconnaître dans la forme et dans le fond de certaines odes l'auteur du Fléau. Dans « l'ode à la jalousie » par exemple, il écrit , “« Tu as tout pour devenir une grande philosophe”, lui ai-je dit, car la perversion, l'évitement créatif de la norme publique par des adultes consentants, est souvent un signe d'intelligence.” , parlant d'une de ses amies polygame et bisexuelle, qui pratique le SM et est jalouse de « son esclave »qui flirte avec une connaissance à elle....Le lien direct ici entre perversion et intelligence me semble bien étrange .



Bien que partageant une grande partie des passions et goûts artistiques de van Reybrouck , j'ai fini par me lasser de toutes ces odes où est omniprésent ce monsieur qui sait tout , connaît tout et critique et fait la contre moral aux nombreux maux de nos sociétés plus qu'évidents sans vraiment grande originalité, exhibant par ce biais un esprit de tolérance dans l'air du temps . Un homme qui ne craint rien, ose regretter, prend la défaite comme le début d'une victoire, dans l'amitié ne prend pas l'âge en considération, .......waouh quel personnalité ! D'un homme si cultivé , ayant autant de talent et ayant fait le tour du monde , je me serais attendue à plus d'humilité, ce qui en est loin le cas ici. Et je ne sais pas si c'est dû a la traduction mais même la prose ne m'a pas emballée. Mais j'ai adoré les illustrations «  sous-bock » de Tzenko correspondant à chaque ode. Bref un avis très mitigé, mais j'ai déjà deux de ses livres achetés à lire, donc j'ai intérêt à passer outre cette petite déception .



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Congo, une histoire

Le livre de David Van Reybrouck fera date. Déjà couronné par le prix AKO (le Goncourt néerlandais) et le prix Médicis de l’essai, cette histoire monumentale du Congo de la préhistoire à nos jours dépoussière l’encyclopédisme. À la différence de ces cathédrales empesées qui croulent sous leur propre poids et que personne ne lit, telles L’Histoire générale de l’Afrique éditée par l’UNESCO ou The Cambridge History of Africa, il réussit à brosser l’histoire d’un pays-continent en mobilisant tous les champs de la connaissance (politique, économique, ethnologique, artistique, etc.) sans jamais ennuyer.

La gageure a été relevée par un homme-caméléon : philosophe de formation, titulaire d’une thèse en archéologie, journaliste, dramaturge, David Van Reybrouck écrit un livre qui lui ressemble. Pendant près de sept ans, il a lu tout ce qui a été écrit sur l’ancienne colonie belge, comme en témoigne son imposante bibliographie – éclairée par une « justification des sources » qui permet de la hiérarchiser. Surtout, il a sillonné sans relâche ce vaste pays, à la recherche des témoins de son histoire. Car la caractéristique du livre est la place donnée au témoignage des gens ordinaires, des petites gens, dont le point de vue s’exprime rarement dans l’histoire officielle. C’est ce qui en fait l’originalité, c’est ce qui en fait aussi le sel, tant D. Van Reybrouck a eu la chance de croiser des personnalités qui, chacune à leur façon, livrent un témoignage éclairant sur les étapes de l’histoire congolaise : la colonisation belge, les affres de l’indépendance, la dictature mobutiste, l’avènement de la troisième république…

Cette fresque ne se réduit pas pour autant à un simple exercice de history from below. Il ne s’agit pas seulement de raconter l’histoire du Congo par en bas ou par le petit bout de la lorgnette, mais de faire résonner la petite histoire avec la grande, comme Alain Corbin le fait pour la France du xixe siècle. Le résultat est une étonnante réussite, qui ne verse ni dans la repentance postcoloniale, ni dans l’afro-pessimisme. Le Congo tel qu’il transpire de ce voyage est, comme la splendide couverture qui l’introduit, un pays digne et sombre : les errements de la colonisation belge ont leur part de responsabilité dans son retard, mais les Congolais ont aussi la leur.

L’histoire du Congo de D. Van Reybrouck est une histoire subjective et se revendique comme telle. Contrairement à la règle qui considère le « je » haïssable et oblige l’auteur à s’omettre de son œuvre, D. Van Reybrouck évoque au fil des pages le processus de son écriture. Une telle démarche était déjà celle de Daniel Mendelssohn dans Les Disparus (Paris, Flammarion, 2007) ou Laurent Binet dans HHhH (Paris, Grasset, 2010), sans parler des romans « non fictionnels » de Jean Rolin ou d’Emmanuel Carrère. À la frontière de la littérature, du reportage et des sciences humaines, ces œuvres définissent une nouvelle relation à l’écriture. Plus personnelle, plus modeste, plus moderne. En un mot plus captivante.
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Congo, une histoire

Il fallait oser, oser de la part d’un écrivain, raconter toute l’histoire du Congo, cet immense territoire composé de peuples différents, de langues différentes. Ce récit de près de 700 pages nous détaille tout, nous relate l’odyssée de Stanley le long du fleuve Congo, les ambitions du roi Léopold II, la création de l’ Etat indépendant du Congo dont il devient le souverain, la cession de ce royaume personnel à la Belgique, la colonisation, les réalisations économiques mais l’absence de considération pour la population dont on ne pourra s’occuper que progressivement, sans brûler les étapes, la proclamation de l’indépendance et son échec immédiat car non préparé, le hold-up économique fait par la Belgique, les troubles, les luttes d’influence, tout y passe et nous fait comprendre le Congo actuel à travers son histoire.

Ce territoire regorge de richesses attise l’intérêt de ses voisins, Rwanda et Ouganda après l’avoir été des Belges, Anglais et Français et avant celui des Chinois.

David Van Reybrouck pour réaliser ce projet, à recherché et interrogé quantité de témoins parfois humbles mais qui donnent de la vie au récit.

Je m’y retrouve mieux pour comprendre la situation politique actuelle de ce pays car tous les intervenants d’aujourd’hui y trouvent place, alors que le livre date d’il y a quelques années.

La lecture me fut facile, le livre est entrecoupé de nombreuses anecdotes et réflexions de l’auteur.

Je l’ai aimé quoique étant parfois réticent devant certains points de vue de l’auteur. Je ne suis pas de ceux qui jugent méprisa le le rôle de Léopold II, je crois qu’il est encore trop tôt pour en juger sereinement, certaines critiques sur les colons m’ont parfois paru manquer de nuance. Des historiens se penchent encore sur ces questions.



Tout ceci m’a fait longuement hésiter avant de lui attribuer les étoiles données.

Ma première option lui en donnait trois, à cause de ce qui précède. Ceci avant de devoir reconnaître que c’eût été injuste, que le livre mérite d’être connu et lu, et ce d’autant plus que mon plaisir de lecture fut constant.
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Congo, une histoire

David Van Reybrouck rassemble en 857 pages l’histoire d’un pays, depuis la préhistoire jusqu’aux années 2008, date de parution de cette somme.

Ce n’est pas un roman, pourtant il fait parler, au cours de ses voyages au Congo de petites gens, ou de journalistes, ou de vieux, très vieux Congolais dont l’un se souvient encore de l’arrivée de Stanley ! Le résultat est que ce livre important se lit comme un roman.

C’est extrêmement bien documenté bien que n’étant pas à proprement parler un livre d’histoire (presque 160 pages entre les remerciements, la justification des sources, la bibliographie impressionnante et les notes) par les livres, donc, des pages et des pages de noms d’auteurs consultés, ainsi que par ses fréquentes visites dans les différentes parties du pays, pas seulement la capitale, et, dans la capitale, les « bas-quartiers ».

« Congo, une histoire » fait résonner les petits et les grands, et comme l’auteur a étudié la philosophie, il analyse chaque événement avec un œil original et mesuré.

C’est le point de vue d’un journaliste/ écrivain/ philosophe/historien.

C’est toute une somme, un travail colossal, et une vision proche de la réalité.



Après une lecture fractionnée, et que j’ai repris, relu chaque fois avec autant de plaisir, en le refermant j’ai soupiré et désiré que de tels livres soient écrits sur d’autres pays d’Afrique par exemple, dont l’histoire est si peu connue et se résume pour l’Occident aux deux mots ; esclavage et colonialisme, soit le passé dont la rengaine répétitive constitue un affront de plus porté à un ensemble complexe.

En le refermant, je regrette de ne plus voir sur ma table la couverture de cet homme si sérieux, pensif et inquiet.



Revenons tout de même avec David Van Reybrouck sur le passé : d’après lui c’est l’appropriation personnelle du Roi Léopold II qui a causé le plus de tort, « une immonde saloperie ». Son ambition a pourtant trouvé dans les faits une résonance : L’ivoire ( pianos, dominos, boules de billard) ne rapporte plus , mais chance : il y a du caoutchouc, et l’exploitation des hommes se fait sauvage. Puis il y aura de l’or, diamant, tungstène, cobalt, le miracle bien connu. Chance après chance. Et aucun Congolais n’en profite ou presque, seul le Roi. ( qui a aboli l’esclavage)

Après la mort du Roi en 1908, la colonie réellement dite de l’Etat belge commence, jusqu’en 1960, provoquée plus par le nationalisme que par l’appât du gain.



Détaillant l’exploitation et le travail forcé non rémunéré que l’on connaît, l’auteur pose parallèlement le bilan positif de cette période :

14 000 kilomètres de voies ferrées, 140 000 kilomètres de routes, 40 aéroports ou aérodromes, des centrales hydro- électriques= une industrie moderne, ainsi que 300 hôpitaux pour les autochtones, et un taux d’alphabétisation très élevé : Toutes ces réalisations dépassent par leur ampleur les autres colonies africaines.

Juillet 1960 l’Indépendance est enfin proclamée.

Il était prévisible que ce changement inévitable allait causer des remous, mais personne ne pouvait prévoir la grave mutinerie dans l’armée, la fuite massive des Belges restés sur place, une invasion de l’armée belge, puis de l’ONU, le soutien politique soviétique, et les sécessions dont celle du Katanga( diamants), crise constitutionnelle majeure.

Jusqu’au 17 janvier 1961, où Lumumba, premier ministre de Kasavubu, est torturé, après avoir été dérouté vers le Katanga de Moise Tshombe et assassiné.

.Mobutu, (dont la femme Marie Antoinette a refusé d’africaniser son prénom)l’homme à la toque en léopard, après son coup d’Etat en 1965, instaure la loi d’airain du parti unique : pendaison publique des opposants, baptême de son pays Zaire, droit de cuisage ( les droits de l’homme en Europe remontent à 1990, et encore remarque Reybrouck) organisation du match de foot du siècle Mohamed Ali/ Foreman, rapprochement avec la Chine, invitation à Kinshasa des astronautes retour de la Lune, barrage sur le fleuve, dépenses faramineuses qui endetteront le pays pour longtemps.

Jean Désiré Kabila, puis son fils Joseph, les élections, le coup d’Etat de 1997, la guerre ouverte puis larvée qui l’a suivie durant des années, l’ingérence du Rwanda et de l’Ouganda pour piller les matières premières, la présence et l’aide de la Chine.



David Van Reybrouck termine son livre brillant par « la bière et la prière », la vie comme elle va, ambiancée par les rivalités de producteurs de bière, celle des chanteurs Mpiana et Werrasson, les danses et la « récréation », la volonté absolue des Congolais de profiter de ce qui se présente.



Que mes amis belges, qui en savent bien plus que moi, pauvre française, me pardonnent si ce que j’ai compris du livre de Reybrouck est faussé, et, si ce qu’il dit est contraire à l’histoire, là, je me tais-.

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Zinc

Passionnant !

Cet essai se lit comme un roman. Il s'attache à un minuscule territoire coincé entre trois frontières, celles de la Belgique, des Pays-Bas et de l'Allemagne. Minuscule territoire d'abord l'objet de convoitise tant de la Belgique que des Pays-Bas, et que faute d'accord, on déclare provisoirement État neutre. S'il est minuscule, il comporte une richesse, sa mine de zinc qui fournira l'Europe toute entière. Territoire de langue allemande, durant les deux guerres mondiales, il sera annexé par l'Allemagne.

Tout nous est conté au travers de la vie d'un de ses habitants, personnage réel.

J'ai beaucoup appris, et j'ai été conquis !

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Odes

Voilà le genre de gars que j’aimerais connaitre et côtoyer dans la vraie vie.



David et moi, nous parlerions de tout et de de rien, de musique, de peinture, d’art plastique, de littérature. Du courage politique, de la fraternité, de l’échec, du risque, de l’amour silencieux.



Il m’expliquerait les chorégraphies d’Anna Teresa De Keersmaeker (j’avoue ne rien piger à ce qu’elle fait) ou les œuvres de William Kentridge, me lirait les poésies de Sony Labou Tansi, un poète africain totalement oublié, me raconterait sa rencontre avec Kofi Annan. Ensemble, on affronterait les éléments sur la Cambrian Way, sans prendre aucune photo, promis.

Peut-être même que, lorsque je lui rendrais visite, on écouterait Arvo Part ou la voix mélancolique de Wendy Rene, tout en sirotant le jus de pomme-carotte-gingembre qu’il m’aurait préparé.



Et puis on se disputerait sur le besoin de paroles de l’hymne européen, sur la nécessité de leaders politiques qui soient aussi des leaders spirituels, sur son refus d’avoir des enfants, … Il s’énerverait, je bouderais et puis petit à petit, on écouterait ce que l’un et l’autre veut dire pour ensuite faire un pas vers l’autre.



En fait, David Van Reybrouck aurait très bien pu être un ami : nous avons habité le même quartier (mais je ne l’ai jamais croisé), nous pratiquons tous les deux le yoga (apparemment pas au même endroit : mon yoga est beaucoup moins sportif – inutile d’enfiler un soutien-gorge de sport pour assister à mon cours – et plus contemplatif), nous voyageons souvent en train vers Paris, nous fréquentons les mêmes lieux (communs ?), … Mais voilà je me contenterai d’une amitié potentielle, une amitié fictionnelle, ce n’est peut-être pas plus mal. Car, tout comme son ami Konstantin, je suis une adepte de l’amour et de l’amitié silencieux.



PS : je ne connais absolument pas ce monsieur, et donc sa réaction d’énervement est purement imaginaire. Si ça tombe, ce gars est d’une douceur et d’une patience exemplaires.



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Congo, une histoire

A travers ce livre fleuve de 600 pages très denses, David Van Reybrouck évoque l'histoire du Congo de la préhistoire à nos jours. Ce récit se base sur une documentation assez exhaustive. L'auteur a lu tout ce qu'on avait écrit sur le sujet et fonde ses analyses sur un important corpus scientifique. Il y ajoute, et c'est une des originalités du livre, de nombreux témoignages, anciens et oubliés ou recueillis au cours de ses nombreux voyages sur place. Cette volonté de faire parler des voix africaines donne une épaisseur humaine à l'ouvrage. C'est d'ailleurs ce qui frappe d'emblée à la lecture de ce Congo; Van Reybrouck propose une approche humaniste de l'histoire de ce pays continent, à mille lieues des textes froids que nous donnent trop souvent à lire les historiens.



On est frappé au fil des pages par la malédiction qui semble poursuivre un Congo dont l'histoire se confond avec celle d'entreprises successives d'accaparement des richesses. Un peu comme si, de génération en génération, les maîtres du pays s'étaient transmis un droit de pillage; marchands d'esclaves, barons du caoutchouc rouge sous Léopold II, entreprises coloniales, Mobutistes, militaires Rwandais, Kabilistes, et Chinois, vendeurs de bière et religieux illuminés, tous sont passés au guichet et finalement, l'Eldorado a profité à chacun d'entre eux au détriment du peuple congolais.



En prenant le parti d'exploiter tous les témoignages disponibles, Van Reybrouck met aussi en lumière la petite histoire, celle d'anonymes comme Jamais Kolonga, le premier noir à avoir invité une femme blanche à danser, qui devint présentateur de la radio télévision nationale du Congo ou celle de ce boy qui avait accompagné son patron en Europe et en était revenu avec la première bicyclette du Congo, ou encore plus tôt, celle de ce jeune garçon confronté à l'étrange tribu des Batambatamba, mot formé d'une onomatopée rappelant le bruit des coups de feu tirés par les esclavagistes. Presque chaque chapitre commence par un de ces destins individuels qui certes en valent bien d'autres mais qui ont le mérite de donner une image saisissante de la vie.



Les critiques de l'ouvrage se sont d'ailleurs focalisées sur les inexactitudes prétendues ou réelles qui naissent de la prise en compte de ces voix du passé, sources par définition fragiles et sujettes à caution. Je ne m'attarderai pas sur les remarques idéologiquement marquées, l'extrême gauche regrettant l'une ou l'autre critique de Lumumba, ou l'un ou l'autre fait à mettre au crédit de Mobutu, les anciens coloniaux niant les errements du système colonial etc. C'était attendu et tout discours mesuré concernant ces sujets conduit presque naturellement à des polémiques dans lesquelles l'esprit critique abdique. En revanche, en tant qu'historien, j'ai été ébranlé par certains reproches scientifiques ou prétendus tels. En entendant des historiens sérieux et reconnus critiquer la validité d'un témoignage ou mettre en doute l'authenticité de tel détail relaté par un des informateurs de Van Reybrouck, j'ai repensé à mes bons maîtres. Obnubilés par la vérification des sources, plus sensibles à la mise au jour d'une erreur infime qu'à la construction d'une analyse percutante, ils avaient la fâcheuse habitude de ne voir que des arbres lorsqu'on leur présentait des forêts époustouflantes. Je pense sincèrement que la méthode de Van Reybrouck a permis de faire émerger la dimension humaine du récit historique. Et au fond, que le type qui dit avoir volé le sabre du Roi Baudouin l'ait réellement fait ou pas, on s'en fiche comme de colin tampon, cela ne change rien aux grandes mouvements de l'histoire. Ce dialogue constant entre anecdotes révélatrices de la vie quotidienne et événements majeurs a le mérite de donner au lecteur une peinture multidimensionnelle des phénomènes à l'oeuvre et partant il permet de comprendre ce qu'un simple relevé chronologique des faits et de leur causes ne parviendra jamais à mettre tout à fait en lumière; le mouvement de la vie.
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Le fléau

Ce récit est un objet littéraire étonnant et passionnant ! Au début des années 2000, son auteur nous entraîne en Afrique du Sud à la recherche de preuves d'un prétendu plagiat qui aurait été commis en 1926 par un célèbre écrivain Belge, Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature en 1911, au détriment d'un journaliste, poète et naturaliste Sud-Africain peu connu, Eugène Marais, dans un ouvrage portant, je vous le donne en mille, sur les termites! À travers ses recherches David van Reybrouck se passionne pour la vie d'Eugène Marais, qui était Afrikaner, mais aussi pour l'histoire tourmentée de l'Afrique du Sud. C'est foisonnant, érudit, instructif, rafraîchissant !
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Nous colonisons l'avenir

L'historien David Van Reybrouck a décidé, pour une conférence en décembre 2021, de parler ... de l'avenir en traitant du changement climatique.



Il compare le traitement actuel de la planète à la colonisation qu'il a très bien traitée dans ses livres Congo, une histoire et Revolusi : L'Indonésie et la naissance du monde moderne.



Il propose plusieurs pistes de réflection et d'action pour agir concrètement, tant au niveau individuel que collectif.
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Odes

J'ai sauté sur ce nouveau livre de David Van Reybrouck car j'ai remarqué le portrait de Bowie en cosmonaute - intrigant. Mais j'ai aussi acheté ce livre de cet auteur belge (traduit du flamand par Isabelle Rosselin) car j'avais adoré son tout petit livre intitulé Zinc, sur l'incroyable confetti de terre libre qui se trouvait autrefois à la croisée des frontières françaises, belges et allemandes (prussiennes pour être plus exact) et qu'aucune puissance n'a réclamé durant près d'un siècle, une histoire d'utopie européenne, disparue après la première guerre mondiale. J'avais aussi bien aimé son roman Le Fléau, sur le plagiat, l'Afrique du Sud, Maeterlinck et deux trois autres sujets dont quelques pages très intelligentes sur les gothiques - hé oui. J'ai aussi mis six mois à lire son gros livre sur le Congo, une histoire dramatique, un travail de recherche colossal - c'est que Van Reybrouck prend son temps.

Avec Odes, on est dans le journal intime transformé en chapitres avec des thèmes précis : l'Ode à la déconnexion (difficile aujourd'hui de faire quoi que se soit sans regarder sans arrêt son natel), l'Ode à Anne Teresa De Keersmaeker (qui vous donnera l'envie d'aller voir ses chorégraphies), l'Ode au printemps ou encore l'Ode à David Bowie ou la plus belle chanson des Doors.

Vous l'aurez compris, ce livre est riche en réflexion, sur l'art, la morale, l'état du monde, notre relation à la religion, à l'autre. Il ne manque pas d'humour ni d'expériences ni d'arguments et nous parle du suicide avec le même sérieux et - paradoxalement - la même légèreté qu'il nous parlera de son admiration pour Sony Labou Tansi ou Modiano ou de la plus belle chanson d'amour des Doors tiens, sans oublier son emballement sincère lorsqu'il va voir les septante mètres de la Tapisserie de Bayeux !

Odes est le livre idéal pour s'échapper hors du monde tout en y restant présent car la lecture n'est pas une fuite comme on le pensera à tord - la lecture c'est "faire fuir". Avec le bon livre entre vos mains, la lecture aide à faire fuir le trop de réel, bouter la bêtise, chasser la médiocrité, bousculer nos certitudes, refouler la facilité de penser, assaillir les frontières et briser la mer gelée en nous. Et il me semble que c'est ce que fait Odes, qui à sa façon célèbre la vie (intellectuelle), même si l'auteur se la pète un peu parfois - personne n'est parfait.
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Congo, une histoire

Le livre de David van Reybrouck, archéologue, journaliste écrivain et homme de théâtre, couvre une période très large, allant de la Préhistoire aux premiers chasseurs d’esclaves. On suit avec beaucoup d’intérêt les péripéties du voyage de Stanley missionné par le roi plus qu’ambitieux Léopold II puis la décolonisation, l’arrivée de Mobutu et de Kabila.

Quatre-vingt-dix mille ans d’Histoire, c’est le défi que tient ce livre.

L’histoire d’un immense territoire africain , traversé par un fleuve du même nom, le deuxième plus long d’Afrique.

Un pays où l’espérance de vie est encore très faible, à cause toujours de la mortalité infantile.

Neuf pays voisins, chacun de ces pays ayant dix à quatorze voisins, voilà le puzzle africain qui apparaît dans toute sa complexité.

Des personnages hauts en couleurs, dont le pittoresque marchand d’esclaves Tippo Tip, peu connu en Europe, descendant d’une famille afro-arabe de Zanzibar, et qui va devenir au XIX ème siècle l’homme le plus puissant de l’est du Congo.

Un récit captivant, un concentré d’Histoire qui se lit comme un roman d’aventures..

Et surtout, comme le dit l’auteur, se souvenir que : « Le Congo n’a pas à attendre Stanley pour entrer dans l’Histoire. »….

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Congo, une histoire

Congo, une histoire.

Une fiction, un conte, ou la véritable histoire avec un grand H ?

L’histoire du Congo, immense pays d’Afrique noire, raconté par un blanc ?

Raconté par un blanc, de surcroit belge ?

La Belgique le pays colonisateur qui était au moins 20 fois plus petit ?

Le Congo, pays dont le sous-sol regorge de matière première qui influence l’économie mondiale ?

C’est bien de tout cela dont il s’agit ici. Un tour de force réalisé par mon compatriote David Van Reybrouck.

Même en tant que citoyen belge, je réalisais en fait que je connaissais peu de chose du Congo.

Ce livre permet vraiment de voyager au fil du temps à travers l’immensité du Congo.

Avec brio, l’auteur nous plonge dans l’histoire du pays, depuis la préhistoire jusque dans les années 2000.

Et pourtant le travail est compliqué. L’histoire du Congo, comme beaucoup de pays d’Afrique est compliquée à saisir tellement il y a d’éléments à prendre en compte.

J’ai vraiment apprécié la franchise de l’auteur. Lors d’un de ces nombreux voyages au Congo, il a réussi à entrer en contact avec un chef de la rebellion. Il rencontre l’homme dans un village. Il est protégé par des gardes du corps, des soldats-enfants d’à peine 14 ans armé de fusils mitrailleurs. C’est la guerre civile. Le chef est sans pitié, il est responsable de nombreux massacres. L’auteur le sait. Mais, après avoir parlé avec le chef, il doute. Il ne sait plus bien qui a tort de qui a raison tant le conflit est confu. Il le reconnait, il est trop dans l’histoire présente, réelle, qu’il ne sait que penser. Je trouve cela très courageux de pouvoir se dire à un moment donné : je ne sais quoi pensé tellement les événements me paraissent confus. C’est bien plus noble que d’avoir des jugements à l’emporte-pièce.

Ce livre permet d’avoir un point de vue global sur l’histoire du Congo. Cela peut paraitre banal et simple mais c’est tout le contraire et c’est écrit avec beaucoup de talent.



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Congo, une histoire

Un livre passionnant reprenant l'histoire du Congo depuis le début.

Ou comment, on passe de sociétés traditionnelles vivant de chasse et de cueillette ayant une mythologie et une vision holistique du monde à un super-état ingouvernable où le niveau de vie est un des plus faible du monde.

L'auteur nous explique avec brio les différentes étapes du processus historique de l'exploitation coloniale militaro-religieuse, avec destruction des valeurs, acculturation, exploitation économique, tortures... jusqu'a l'indépendance avec Patrice Lumumba, la Cia, la dictature de Mobutu...

A lire pour comprendre le processus colonial et la difficulté de le dépasser.

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Zinc

Il fut un temps où l'Europe, l'union européenne donc, était une utopie ; maintenant c'est, au mieux, un constat, au pire, une catastrophe, allez savoir. En tout cas, "utopie" est probablement le dernier mot qui vient à l'esprit quand on entend ceux d'union européenne (le premier étant peut-être "administration"?). Heureusement, David Van Reybrouck vient nous rafraichir l'esprit et raviver l'espoir d'une union utopique entre nations avec ce très beau texte, fruit d'une enquête menée pendant quelques années dans le village de Moresnet-Neutre (le nom changera à de multiples occasions), nommé ainsi en 1816 après un compromis consistant en une absence de compromis entre la Prusse et les Pays-Bas, délimitant des frontières "provisoires" et laissant un triangle dit neutre, n'appartenant ni à l'un, ni à l'autre... et 2016 marque précisément le bicentenaire de cette curiosité du droit international, curiosité située aujourd'hui aux frontières de la Belgique, de l'Allemagne et des Pays-Bas. C'est que pendant près de cent ans, les habitants de ce petit pays sans douane, ni langue officielle, ni monnaie d'ailleurs, vont vivre une véritable utopie réalisée. Des hommes et des femmes viennent s'y cacher, et la population augmente subitement en quelques décennies. Mais le rêve se termine avec les grandes guerres du début du vingtième siècle. Certains habitants se retrouvent alors dans l'armée allemande, d'autre sous le drapeau belge, parfois des frères se retrouvent face à face dans les tranchées - Le cauchemar commence, et s'achèvera bien après la seconde guerre mondiale. Pour nous exposer cela, Van Reybrouck a pu se pencher sur le destin d'Emil Rixen, né en 1903 dans ce curieux mais très attachant petit pays neutre et libre de tout nationalisme ; Emil changera, bien malgré lui, cinq fois de nationalité pour mourir en 1971 (l'année de naissance de David Van Reybrouck justement, et la mienne au passage), et c'est travers ce destin particulier que cet essai - qui se lit d'ailleurs comme un roman tant il est passionnant - nous invite à réfléchir sur la fin d'une utopie européenne et le retour de la territorialité et des frontières, symboles de la résurgence des nationalismes ; reste quand même le souvenir de cet endroit extraordinaire, maintenant conservé grâce au travail méticuleux de l'auteur belge, travail dont le seul souvenir ravive peut-être en nous des envies et des rêves d'utopie - c'est à espérer. Excellent texte.
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Congo, une histoire

Je ne vais pas être long car l'histoire du Congo est complexe; elle présente énormément de facettes et toutes sont traitées avec passion et de manière passionnante par David Van Reybrouck. Je l'ai acheté un peu par hasard et je l'ai commencé dans le magasin même en me disant qu'au pire, je le lirai en plusieurs fois. Je ne l'ai finalement pas lâché. On apprend énormément de choses et jamais l'auteur ne joue la carte du manichéisme ce qui, à mes yeux, est extrêmement important dans ce genre d'exercice. L'histoire du Congo est une histoire très dure qui s'apparente souvent à un viol mais David Van Reybrouck évite l'écueil de la pitié et de l'apitoiement. "Congo" donne un éclairage fascinant sur l'importance du pays et on comprend mieux les tenants et les aboutissants de la convoitise dont il a toujours fait l'objet. Cerise sur le gâteau, ça se lit tout seul; bref, je comprends que ce livre soit bardé de prix. Ce livre serait presque indispensable, je le recommande vivement.
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Congo, une histoire

Un matériau captivant, un traitement qui hésite entre raté et détestable.



Publié en 2010 aux Pays-Bas et en 2012 en France dans une traduction d’Isabelle Rosselin, le gros livre (600 pages de texte et 60 pages de notes et de bibliographie) de David Van Reybrouck m’a beaucoup déçu, et un peu fâché par moments.



Le sujet n’est évidemment pas en cause : l’histoire du Congo (« Kinshasa»), plus vaste Etat, de loin, de l’Afrique subsaharienne, est résolument passionnante, et la place pour un ouvrage de vulgarisation historique de cette ampleur était pleinement justifiée, même si l’auteur feint d’emblée d’ignorer que certains auteurs ont aussi récemment mis en scène des pans significatifs de cet arrière-plan pour le grand public (Jo Nesbö, par exemple, dans son « Léopard » de 2009, traite abondamment, sans nuire au fil de son enquête policière, des horreurs du Congo de 1900, propriété privée du roi des Belges Léopold II, et plus directement, Patrick Deville dans son « Equatoria » de 2009 également, musarde avec poésie et finesse autour du pays, traitant aussi bien de la course entre Stanley et Brazza que de l’imbroglio des Grands Lacs, et des appétits rwandais et ougandais).



Le matériau assemblé et présenté est ainsi d’une très grande richesse, et les sources consultées, détaillées dans la bibliographie, approchent sans doute l’exhaustivité. Même le passionné d’histoire africaine y trouvera donc certainement des éléments nouveaux et intéressants (citons au passage, par exemple, le rôle de l’anthropologie coloniale dans le renforcement et l’exacerbation du fait tribal, qui devient dominant uniquement avec les brutales classifications entreprises entre 1890 et 1920).



En revanche, le mode d’approche retenu, la position de narration et certains partis pris de nature presque « idéologique » m’ont posé de réels problèmes, et créé in fine cette grosse déception de lecture.



Le mode d’approche retenu (ou plutôt, mis en avant, car l’utilisation des sources « classiques », historiques ou journalistiques, reste largement prédominant) consistait à privilégier, autant que possible, faisant en effet ainsi œuvre relativement originale, les témoignages directs de participants aux événements, même aux plus anciens, en cherchant donc des « seconds couteaux » ou d’humbles inconnus ayant vécu les situations décrites. Cela conduit bien à quelques très belles pages, mais hélas, cela conduit surtout à de terribles accumulations de répétitions. Raconter, c’est aussi choisir, et David Van Reybrouck s’y refuse trop souvent, n’hésitant donc pas à assener deux, trois ou quatre témoignages quasi identiques sur un même élément. La visée n’étant pas une étude scientifique (pour laquelle un ou quatre témoignages ne changent rien et resteraient de toute façon un nombre insuffisant), la qualité du récit historique y perd singulièrement.



La position de narration est curieuse (les extraits des diverses sources, en dehors des témoignages oraux recueillis, sont enchaînés les uns aux autres, les paraphrases éventuelles (difficilement évitables dans un travail de cette nature) se font donc naturellement sans guillemets, mais les attributions sont renvoyées (quand elles le sont bien) aux notes en fin d’ouvrage. De ce fait, en de très nombreuses occasions, l’auteur semble exposer et prendre à son compte, sans nous faire part d’un doute et sans nous donner d’éléments de discernement, parfois à vingt ou trente lignes d’écart, des positions parfaitement incompatibles. Les parties consacrées à la sécession du Katanga ou au génocide rwandais et à ses suites, tout particulièrement, accumulent ce type d’effets a priori involontaires, rendant la compréhension de plus en plus délicate, et donnant in fine l’impression d’une accumulation disparate de matériau documentaire mal maîtrisé, sans mise en perspective ou possibilité critique.



Certains partis pris, enfin, jamais assumés comme tels, laissent pour le moins songeur… Je n’en citerai que trois. Le premier, manifeste, est la sympathie affichée pour la sécession katangaise, qui ne serait donc, après tout, si l’on suit le sous-texte de l’auteur, que la tentative bien raisonnable de Moïse Tschombé (et des multinationales minières qui le soutenaient) de maintenir un petit état oligarchique blanc au lieu de donner comme prévu aux Noirs congolais les richesses du sous-sol qui leur appartenaient. Le second est relativement insidieux, mais apparaît à la longue : sur une centaine d’années d’histoire, pas un leader, politique, religieux, militaire ou économique noir congolais ne mérite au fond d’autre considération que, dans le meilleur des cas, une condescendante sympathie amusée, et, dans le pire des cas, une légitime horreur face à un fou sanguinaire, en passant par le cas médian, celui d’un idiot assez aisément corruptible. Le troisième, peut-être le plus fort au fond, laisse une impression particulièrement désagréable, lorsque l’auteur suggère à longueur de chapitre, mais sans le dire clairement, que le Congo était chaotique et sanglant avant la colonisation, injuste, abusif, mais bien difficile à gouverner pendant la colonisation, et à nouveau chaotique et sanglant après la colonisation… laissant ainsi au lecteur le soin de tirer une conclusion « naturelle », superficielle malgré les 600 pages de soutien apparent, et totalement erronée.



La déception finalement ressentie est donc à la hauteur de l’ambition initiale : un propos dense, mais qui s’écroule sous le poids de ses sources, ne parvenant pas à en extraire une ligne narrative historique, ni bien entendu les éléments de poésie méditative, historique et géopolitique, qui rendent précieux les écrits des meilleurs écrivains voyageurs. Et un arrière-goût idéologique fort désagréable, même s’il est relativement dissimulé.

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Revolusi : L'Indonésie et la naissance du mon..

Ouvrage qui me semble hyper détaillé pour la profané que je suis

J ai trouvé les comparaisons entre les classes sociales et les différentes classes de confort sur les bateaux un peu lourdes et moralisatrices : comparaison assez banale et enfoncement de portes ouvertes

Aujourd'hui encore ,les nantis voyagent en business class ou en première sans que personne ne s ‘en offusque

Cela reste lisible cependant

« de la colonisation de l Indonésie et des péripéties ayant mené à l indépendance «

 J ai appris plein de choses

Et Lu en parallèle à l ouvrage d Amitav Ghosh « the glass palace « roman éblouissant sur la destitution et l exil de la famille royale birmane et les horreurs perpétrées par les colons britanniques dans la région

Lu également en parallèle les 4 volumes de l auteur indonésien TOER (buru quartet )qui évoque la genèse de l indépendance de l Indonésie sous forme romancée



C était mon trip dans le sud est asiatique
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Congo, une histoire

Son passé colonial, la Belgique en parle bien peu. Il faut dire que l’indépendance s’est passée avec une belle cérémonie bien propre de passation de pouvoir : on a fait les choses dans les règles. Certes, tout n’a pas été parfait, il y a eu des méfaits et du racisme, mais sûrement pas pire qu’ailleurs, et d’autres pays ont depuis utilisé leur influence pour se partager les richesses du Congo, donc comme on s’est séparé bons amis, pourquoi remuer le passé ? La question semble si bien réglée que la proposition de l’O.N.U. du début de cette année, qui demande à la Belgique de présenter ses excuses officielles pour son passé colonial, a été reçue dans l’indifférence générale.



Il resterait pourtant de nombreuses questions à clarifier : le comportement des colons sur place, que ce soit sous Léopold II ou sous le gouvernement belge, le pillage des ressources naturelles, l’ingérence étrangère qui n’en finit plus, …



Totalement novice dans ce sujet, le livre de Van Reybrouck me paraissait une bonne entrée en matière : une bonne brique de 700 pages qui retrace l’histoire du Congo du début de la colonisation à nos jours. J’ai découvert l’auteur lors du dernier salon du livre de Bruxelles, et son point de vue semblait assez équilibré et nuancé, ce qui était plutôt une bonne nouvelle, tant les sujets sensibles sont nombreux.



J’ai pris ce livre plus comme un reportage que comme un livre d’histoire au sens strict. Les événements politiques sont en effet complétés par des témoignages des « gens d’en bas » : témoignages de congolais, journaux intimes de colons, enquêtes sur le terrain, … Cette méthode implique forcément une certaine dose de parti pris (les témoignages engagent le lecteur à accepter une certain vision de la situation), mais d’un autre côté, c’est sans doute la seule qui nous permet d’avaler autant d’informations sans jamais avoir la sensation d’être noyé de dates ou de faits historiques.



Évidemment, de nombreux sujets méritent des livres dédiées à eux seuls : l’assassinat de Lumumba, le génocide des Tutsis, … Mais la mission est remplie pour ce livre, qui m’a appris énormément de choses sans jamais m’ennuyer.
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Contre les élections

La "démocratie" représentative élective présente de nombreux défauts :

– La durée limitée des mandats encourage les élus à prendre des mesures à court terme qui ont l'apparence de l'efficacité plutôt des mesures à long termes à l'efficacité réelle.

– La fin du mandat d'un élu est gaspillé car il fait campagne pour sa prochaine réélection.

– L'élection était considéré par Aristote et Montesquieu non comme un processus démocratique mais oligarchique, car il ne peut conduire qu'à favoriser les classes sociales les plus élevées. Ce processus a été choisi par ceux qui ont écrit la constitution dans la plupart des pays européens, c'est à dire la bourgeoisie. Faire de la politique demande du temps, de l'argent et de l'éducation, tout ce qui est hors de portée des pauvres. Aujourd'hui on constate bien qu'être politicien n'est pas être au service du peuple, mais au service de soi-même, car il s'agit d'une carrière professionnelle comme une autre, un moyen pour l'individu d'acquérir de l'avancement après être sorti des grandes écoles, créant une caste à part qui, quelque soit leur parti, contrôle tous les pouvoirs et n'ont aucune raison de prendre des mesures qui iraient contre leurs intérêts personnels.

– De fait, les élus, souvent juristes, avocats, entrepreneurs, ou banquiers, ne sont pas représentatifs de leurs électeurs, donc peu légitimes mais aussi peu efficaces pour régler les problèmes des autres classes sociales dont ils ignorent l'existence ou se fichent complètement.

– Le pouvoir réel du peuple se limitant au vote, il redevient impuissant une fois l'élection passée.

– L'élection ne permet pas de sélectionner "le meilleur" candidat ; que faire quand tous sont aussi mauvais ?

– L'élection d'un candidat, d'un parti, ne permet pas aux électeur d'exprimer leur pensée de manière nuancée ; être forcé d'accepter tout un paquet d'idées, plutôt que sélectionner précisément celles que l'on souhaite, nuit à l'efficacité du régime.

– Ce régime est facilement corruptible

Elle n'est plus adaptée à la société du 21ème siècle :

– Elle n'a jamais été conçu pour supporter des partis politiques. L'assemblée était censée être un espace de débat pour se mettre d'accord, or les partis ont pour effet de fanatiser leurs propres membres autour de quelques idées fixes, sans pouvoir en débattre avec les partis adverses, transformant l'assemblée en espace de clivages plutôt que de débats, et empêchant les partis de faire évoluer leurs propres idées.

– Le battage médiatique, qui fait une montagne de quelque chose d'insignifiant et cherche plus le spectacle que l'information, mène les élus à se prêter au jeu et à se donner en spectacle en vue d'améliorer leur image pour la prochaine élection ; les politiciens se décrédibilisent chaque fois qu'ils ouvrent la bouche. Ils prennent des mesures spectacles pour nourrir le spectacle médiatique dans un but électoral, donc qu'on élise les "meilleurs" ou pas, l'inefficacité et la préférence aux intérêts personnels s'enracinent dans le paysage politique.



(Et à titre personnel je rajouterai que quand les grands médias, dont certains rachetés par des groupes financiers, diffusent le même genre de propagande libérale et influencent à la fois l'électeur et l'élu, on a un nouveau problème.)



Mon résumé est grossier et j'en ai sûrement oublié ; le procès de la procédure électorale est chargé ; sa légitimité est douteuse et son efficacité aussi, non seulement aujourd'hui, dans la pratique, mais aussi sur le papier, avant même son existence. La croyance selon laquelle démocratie=élections est devenu un dogme ; on y réfléchie plus, on nous l'enseigne depuis tout petit ; un dogme qui se montre dangereux lorsqu'on l'exporte par la force dans des pays déstabilisés où il va amplifier les conflits.

Plus personne ne croit que voter change quoi que ce soit, mais beaucoup le font encore. L'école nous apprend que l'on a "des droits et des devoirs" ; évidement, élire un aristocrate au service des riches fait partie des devoirs.



En solution à ces problèmes, l'auteur se penche sur la démocratie représentative par tirage au sort, qui a été utilisé avec succès à Athènes et à Florence pendant deux siècles consécutifs chacune. Quand on parle de tirage au sort, les gens ne veulent pas en entendre parler, ils croient qu'on va tirer le président au hasard ; ce n'est pas du tout ça. Il s'agit de réunir des centaines ou des milliers de citoyens pris au hasard, de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population, en les rémunérant pour que les pauvres participent aussi, et en leur offrant un espace qui leur permet de débattre et de délibérer. Ce système offre à chacun les mêmes chances de peser sur la politique de son pays, et des mandats courts permettent de faire tourner une grande partie de la population ; les femmes participeraient autant que les hommes, et les nombreux pauvres pèseraient plus que les quelques riches. Je crois que ça pourrait même être le ciment d'une nouvelle cohésion sociale, plus efficace que le service militaire et moins malsain.

Seuls les postes nécessitant des compétences spécifiques seraient sujets à élection. La population serait plus investie dans la politique puisque elle y participerait vraiment. Ce régime serait plus légitime vis-à-vis du peuple, et moins corruptible. Quant à la compétence des sélectionnés, des expériences grandeur nature au Canada, en Islande, en Irlande, au Pays-Bas, montrent que celle-ci s'acquiert en débattant sur les sujets en question et qu'au besoin on peut former les jurés auprès de spécialistes. Lorsqu'on traite les gens en adultes capables de réflexion, au lieu d'une masse bête à laquelle il faut mentir pour son bien, ils se comportent en adultes qui réfléchissent et produisent des résultats concrets. Le tirage au sort est aujourd'hui utilisé pour sélectionner les jurés d'assises sans que cela pose problème ; pourquoi ne pas faire de même pour écrire et voter les lois ? Il ne s'agirait pas de copier le régime d'Athènes au Ve siècle avant notre ère, mais de s'en inspirer pour créer quelque chose d'adapté à notre besoin actuel de participation à notre propre démocratie. Des modèles qui utilisent la tirage au sort et qui fonctionnent, on pourrait en imaginer des dizaines ; la phase délicate serait plutôt la transition d'un modèle à l'autre, mais l'élection pourrait coexister avec le tirage au sort ou la participation volontaire.



Pour citer l'auteur lorsqu'il se résume brièvement :

« – Il faut prendre conscience que les raisons invoquées aujourd’hui contre des citoyens tirés au sort sont souvent identiques à celles avancées autrefois contre le droit de vote pour les agriculteurs, les ouvriers ou les femmes. A l’époque aussi, ceux qui s’y opposaient prétendaient que c’en serait vraiment fini de la démocratie.

– Un Parlement élu dispose sans aucun doute de plus de compétences techniques que s’il était tiré au sort. En revanche, chacun est le spécialiste de sa propre vie. A quoi bon avoir un Parlement composé de juristes très qualifiés, si peu d’entre eux connaissent encore le prix du pain ? Avec le tirage au sort, on obtient un meilleur échantillon de la société au sein du corps législatif.

– Les élus ne sont pas toujours compétents non plus. Sinon, pourquoi auraient-ils des assistants, des chercheurs et des bureaux d’études à leur disposition? Comment se fait-il que les ministres puissent du jour au lendemain changer de ministère? Ne serait-ce pas uniquement parce qu’ils sont entourés d’une équipe professionnelle qui leur offre ses compétences techniques?

– Une représentation nationale tirée au sort ne serait pas laissée à elle-même : elle pourrait inviter des spécialistes, compter sur des modérateurs et se renseigner auprès des citoyens. De plus, elle se verrait accorder un certain temps pour se familiariser avec son travail et une administration pour se documenter.

– Comme les citoyens tirés au sort n’ont pas à se préoccuper du fonctionnement d’un parti, à mener campagne et à intervenir dans les médias, ils disposent de plus de temps que leurs collègues élus dans l’autre chambre législative. Ils peuvent se consacrer pleinement à leurs travaux législatifs : acquérir une bonne connaissance des dossiers, entendre des spécialistes, délibérer entre eux. [...]

- Les jurys de citoyens tirés au sort pour se prononcer lors d’un procès montrent que, généralement, les gens prennent leur tâche très au sérieux. La crainte qu’un hémicycle se comporte de manière imprudente et irresponsable n’est pas fondée. Si nous sommes d’accord pour que douze personnes décident en leur âme et conscience de la liberté ou de l’incarcération d’un concitoyen, nous pouvons être convaincus qu’un plus grand nombre d’entre eux souhaite servir l’intérêt de la communauté de manière responsable et en soit capable.

– Toutes les expériences de forums de citoyens témoignent du dévouement et de l’approche constructive des participants tirés au sort et souvent de la finesse de leurs recommandations. Faut-il en déduire qu’elles ne présentent aucune faiblesse ? Bien sûr que non, mais un système de représentants élus a aussi ses faiblesses. Ses lois aussi ont parfois des défauts.

- Pourquoi acceptons-nous que des lobbys, des groupes de réflexion et toutes sortes de groupes d’intérêt exercent une influence sur la politique, alors que nous hésitons ne serait-ce qu’à donner voix au chapitre aux citoyens ordinaires, qui sont tout compte fait les premiers concernés ?

– En outre, une chambre composée de citoyens tirés au sort ne serait pas la seule. Durant cette phase de la démocratie, la législation serait justement le fruit d’une collaboration entre les représentants élus et ceux tirés au sort. Des pitres au pouvoir ? Si l’on veut, mais ils ne l’exerceraient pas seuls. »
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