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Critiques de David Vann (1629)
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Sukkwan Island

Un an sur une île déserte au large de l’Alaska. Un an pour vivre de chasse et pêche. Un an pour retisser des liens distendus. Un an de complicité, de retour à la nature, de travail acharné, de bons moments partagés.

Sur le papier, l’idée de cette année père-fils sur cette île avait tout pour séduire un adolescent amateur d’aventures.

Oui, mais voilà…Dès le départ, tout va mal. La cabane est vétuste, son père est mal préparé et Roy aimerait retrouver sa mère, sa sœur et la civilisation. Pourtant, il s’accroche. Pour ne pas décevoir son père et surtout pour ne pas l’abandonner seul sur cette île inhospitalière. Parce qu’il sait bien que son père va mal. Toutes les nuits, il l’entend pleurer, geindre, gémir. Cela le met mal à l’aise mais renforce aussi l’idée qu’il ne peut pas fuir. Roy a peur mais il reste. Il reste… jusqu’au drame…



Une île déserte, un père, un adolescent, la perspective d’un hiver rigoureux et…une tension palpable, presque suffocante.

Le père ne va pas bien. Il a quitté son cabinet de dentiste après un deuxième divorce et considère que c’est sa dernière chance de reprendre sa vie en main.

Le fils est inquiet, partagé entre l’envie de rentrer chez lui et la peur d’abandonner un père qui va mal, qui pourrait être tenté par le suicide.

Inexpérimentés, ils essaient de se préparer pour la neige et le froid mais l’alchimie ne prend pas. Ils restent des inconnus l’un pour l’autre. Et l’ambiance est de plus en plus oppressante.

Et puis soudain, tout bascule dans un retournement de situation qu’on ne voit pas venir.

Récit d’une descente aux enfers, Sukkwan Island est un roman dérangeant, glaçant, qui se dévore avec une fascination morbide, le souffle court, la poitrine oppressée. Une lecture dure dont on ne ressort pas indemne. Âmes sensibles, s’abstenir.

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Komodo

« Peut-être que la famille est un immense sac à merde qui se balance dans le vent, et qu’on s’en sert de piñata avant de reculer pour ne pas être éclaboussé quand elle éclate ».

Il parait que David Vann s’inspire de l’histoire de sa famille lorsqu’il écrit ses romans. Eh bien alors, je le plains.



La première partie de ce roman est un condensé de négativité, de plongée (sans jeu de mots) dans l’univers étouffant de l’amertume et de la jalousie.

Tracy, la narratrice, s’est octroyé juste quelques malheureux jours de vacances en compagnie de sa mère afin de rejoindre son frère Roy en Indonésie, dans ces îles paradisiaques où celui-ci fait un stage de moniteur de plongée.

« Malheureux », c’est bien le mot : « Ce voyage censé nous rapprocher tous les trois me pousse à croire qu’on ferait mieux de se noyer ».

En effet, le bonheur est loin, très loin et ce n’est pas en s’immergeant dans les couleurs éclatantes de l’univers sous-marin, avec les raies manta majestueuses, les requins tranquilles et les petits poissons magnifiques que Tracy trouvera la paix.

Confrontation avec le frère, jalousie, colère, envie de meurtre, tout cela sous les yeux de la mère impuissante. J’ai été agacée par cette noirceur continuelle, par l’agressivité de Tracy à chaque moment, même en plongée, vis-à-vis de son frère et des autres personnes. La description de l’univers sous-marin ne me passionne pas outre mesure, et j’ai compris que jamais je ne m’aventurerais dans cette exploration, rebutée en plus par tout ce vocabulaire technique propre à la plongée.



La deuxième partie nous emmène à la suite de Tracy dans son appartement à San Francisco. Elle y retrouve ses deux gamins de 5 ans et son mari égoïste et indisponible. Et c’est là que je comprends combien cette femme est malheureuse : de solitude, de fatigue. Elle est malade d’être mère et d’assumer cela toute seule. David Vann adopte résolument le ton et les pensées intimes d’une mère débordée, à la limite de l’acte ultime. L’atmosphère extrêmement oppressante est décrite à la perfection.



Bref, je quitte avec soulagement cette histoire avec quand même une petite note d’espoir pour cette femme.

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Sukkwan Island

Un père et son fils de 13 décide de jouer les Robinson et de partir vivre un an en Alaska, sur une ile déserte où le père vient d'acheter une cabane. On est début juin , ils ont deux gros mois pour se préparer à l'hiver.

Pour autant, Roy, le fils , s'inquiète: Son père, qui pleure la nuit, n'a pas tout anticipé. Loin de là.



Je suis un peu gêné pour exprimer mon sentiment, mais je vais quand même essayer d'être honnête.

Un ado vivant en Californie avec sa mère et sa soeur accepte d'accompagner son père, dentiste en plein coeur de l'Alaska. Pour un an , école à domicile , aucun loisir , aucun contact .Mouais.

Le père, lui , il ne part quasiment qu'avec trois vivres, "sa bite et son couteau".

La bite, elle n'est pas fiable : Deux divorces , des maitresses, des putes : Ce n'est pas ce qu'une épouse attend de cet organe . Enfin , je dis ça de là où je suis.

Reste le couteau. Quand on voit comment il galère à faire deux planches, on ne sent pas le gars qui passe son week end chez Brico dépot. Activité peu compatible avec les putes sans doute.

Et ce gars là, il propose d'amener son fils sur une ile déserte au climat hostile . Et tout le monde est d'accord . On a peine à y croire et cela biaise un peu la lecture.



Et pourtant, l'auteur s'appuie sur son expérience , ce que j'ai appris en lisant ici d'excellentes critiques. Certes dans la vraie vie , l'ado met un terme rapide à l'expérience, ce qui aurait du sens ici . Il n'empêche que l'auteur n'a pas inventé cette histoire ex nihilo.



Alors, on est obligé de reconnaitre son talent de conteur d'histoire où devant la tragédie, il reste sobre et nous fait royalement plonger dans l'abime qui habite le père. Il n'y a pas trop d'apitoiement, la nature est belle, la vie sauvage bien relatée et les relations père fils tellement bien amenées que l'issue semble inéluctable .

Je comprends très bien que l'on puisse fondre et rester devant sans voix devant un tel livre.

Personnellement, le père est tellement hors des clous que son sort m'a laissé de marbre dès l'incohérence du personnage avéré. Ça prend deux pages .

Dans le même style , j'ai préféré le Into the wild dont la trame m'a paru plus crédible. Sans aussi suis je influencé par la sublime d'Eddy Vedder qui porte la bande originale du film.

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Un poisson sur la lune

David Vann convoque les fantômes du passé, ceux de son histoire familiale et du drame qui le hante depuis que son père James a fait le choix de se suicider. En réalité, cette question "du choix" est sujet à réflexion car l'acte de se supprimer est "le choix" le plus radical que l'on puisse faire à son endroit. James avait-il le choix ? qu'est ce qui l'a poussé à commettre l'irréparable, à appuyer sur la détente de son Magnum ? "Un poisson sur la lune" est un livre sublime, l'hommage d'un fils qui tente de comprendre ce geste qui a fait basculer la vie de toute une famille. David Vann raconte avec une écriture d'une densité, d'une sensibilité rare, le cheminement de l'âme en souffrance de son père, cet exil vers ce néant où tout s'arrête enfin. James n'était pas croyant. Il détestait les bondieuseries. Il n'espérait rien d'autre que d'interrompre le fil de sa douleur psychique. La thématique de la souffrance psychique est abordée avec une acuité saisissante et un courage que je salue car il faut pouvoir écrire sur le suicide d'un père.. James était dépressif, il a décompensé (était-il psychotique ? bipolaire ?) et David Vann raconte les quinze derniers jours de la vie de son père, de la mise en place du traitement par le médecin, au basculement fatal vers une pulsion de mort inarrêtable. Sommes nous des êtres perpétuellement en sursis ? James était dentiste, il était endetté, il avait trompé sa femme et provoqué un second divorce. Il ne se remettait pas de cette rupture. Mais là encore, ces éléments qui peuvent expliquer son geste en apparence, ne sont sans doute que la face émergée de l'iceberg de souffrance psychique ressenti par James. On ne peut réduire la portée d'un suicide à un faisceau d'éléments, fussent-ils avérés. David Vann explore, fouille, questionne le fil ténu qui nous retient à la vie. C'est sombre, violent, dérangeant. Nous sommes en apnée avec James, nous manquons d'oxygène et nous n'avons plus qu'une envie, celle de remonter à la surface et de remercier qui l'on voudra d'être en vie. David Vann signe un livre d'une puissance émotionnelle et d'évocation rare sur la maladie psychique et ces conséquences sur le patient lui-même ainsi que sur ces proches. Nous assistons aux dernières convulsions d'une âme en perdition. Le lien se délite peu à peu et ce qui le retient à la vie est bientôt, et de façon implacable, rongé jusqu'au point où poursuivre celle-ci semble impensable et plus effrayante que la mort elle-même. Vertigineux.
Lien : https://thedude524.com/2019/..
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Sukkwan Island

Into the wild. C’est à ce film que j’ai pensé après quelques pages.

L’Alaska, l’idéal romantique du retour à la nature, dans le dénuement, au milieu de nulle part dans un environnement inhospitalier, le détachement d’avec le monde « civilisé ». Ce n’est pas un grand spoiler que de révéler que, comme dans Into the wild, ça finira mal.

Reprenons au début. Jim a raté beaucoup de choses dans sa vie (son mariage, sa carrière, ses relations sociales et ses déclarations d’impôt). Il décide de repartir du bon pied et s’achète une cabane sur une île isolée d’Alaska. Il convainc son fils de 13 ans, Roy, d’y vivre avec lui pendant un an.

Oui mais…

…mais Jim ne connaît pas vraiment son fils, qu’il n’a pas vu grandir, et les retrouvailles sont loin d’être évidentes…

…mais Roy a accepté davantage pour faire plaisir à son père que parce qu’il en a réellement envie…

…mais Jim a moins d’esprit pratique et de sens des réalités qu’un boy-scout partant camper un week-end dans les forêts ardennaises…

…mais Roy ne s’attendait pas à devoir encaisser l’humeur changeante de son père, euphorique le jour et pleurnichard la nuit…

…mais Jim ne s’était pas rendu compte de sa propre incapacité catastrophique à gérer leur survie à tous les deux…

…mais Roy ne s’imaginait pas devoir grandir aussi vite…

…et aucun des deux n’aurait cru qu’un coup fusil changerait leur destin à jamais…

Amateurs de romans sombres, d’ambiances malsaines voire glauques, de tension à couper au couteau, de sensations de fatalité et de gâchis absurde mais dramatique, ceci est pour vous.

Si vous avez le cafard ou si vous n’aimez que les happy ends, évitez Sukkwan Island, vous ne vous en remettriez pas.

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Sukkwan Island

Je crois qu'il est bon, lorsque tel est le cas, d'expliquer ce que furent les ressorts qui poussèrent tel ou tel écrivain à écrire un livre, en l'occurrence un roman iconoclaste, dérangeant, déstabilisant, troublant, noir... très noir.

David Vann, comme les protagonistes de son ouvrage, est né sur une île de l'Alaska, terre et mer qu'il vénère.

Très souvent il s'en allait pêcher avec son père.

Puis toujours comme les protagonistes de son histoire, ses parents divorcèrent.

Il partit vivre en Californie avec sa mère.

Son père, avec insistance, lui proposa de venir passer une année avec lui.

David refusa, préférant rester avec sa mère en Californie.

Deux semaines plus tard... son père se suicida.

Lorsque vous débutez le roman, vous ne vous étonnez donc pas d'avoir alors affaire à un fils de treize ans, Roy et à son père Jim, d'un âge non précisé, instable, dépressif, divorcé de la mère du jeune homme... qui vit en Californie... et qui est venu passer une année avec ce père fragile et dangereux sur une petite île inhabitée de l'Alaska.

C'est du copier-coller autobiographique... sauf que l'enfant a accepté dans le roman ce que le fils a refusé dans la vraie vie.

Introspection ? Analyse ? Catharsis ? Quête de sens ? Recherche de résilience ?

Débute alors, dans la première partie un huis clos à la Stephen King, où le père pourrait être un Jack Torrance version David Vann, et Roy un Danny un peu plus ado et pas doté d'une "extralucidité fantastique".

Tous les ingrédients du frisson, du suspense, de la menace, de la peur, du drame annoncé sont réunis.

Deux êtres qui n'ont, a priori, rien à faire ensemble, se retrouvent sur une île déserte.

L'adulte est plus immature que son fils.

Le fils n'a pas encore les armes ( aucun jeu de mots... ) pour servir de père à cet homme-enfant... qui a mal anticipé leur séjour... la radio ne marche pas, ils sont insuffisamment outillés, le père est un bricoleur du dimanche... à peine arrivés, un ours saccage et dévore le peu qu'ils ont.

Roy n'a pas les armes pour faire face à cet homme qui passe ses nuis à sangloter, à geindre, à se plaindre et à se raconter à ce gamin de treize ans.

Roy n'a pas les armes pour empêcher ce père de chuter d'une falaise... surtout lorsque cette chute ressemble davantage à un saut qu'à une glissade...

Roy n'a pas les armes pour empêcher ce père qu'il surprend au retour d'une promenade d'appuyer sur la détente d'un pistolet dont le canon est collé à sa tempe... pistolet qu'il donne à son fils avant de s'enfuir...

Je ne vous en dis pas plus... ce serait dévoiler ce qui ne doit pas l'être.

Si la tension, le noir sont omniprésents, il ne faut pas faire l'impasse sur l'hommage rendu à la nature, belle, sauvage, indifférente... car "intemporelle".

La faune, la flore... tout est prétexte pour l'auteur à témoigner son amour, son admiration et son respect à ce sur quoi vit l'homme, ce qui lui permet de vivre, parfois au péril de sa vie... mais une nature qui pourrait fort bien se passer, elle, de cette présence nuisible qu'est l'homme.

Le père est un raté qui fuit sa vie, une vie à laquelle il n'arrive pas à faire face. C'est un manipulateur dépourvu de remords, un menteur, un rêveur qui rêve une vie qui a peu à voir avec le réel. C'est un infidèle qui ne peut se passer des femmes, y compris des prostituées.

Et pourtant ce pleutre de la pire espèce est désespérément en quête d'amour.

Tout comme son fils Roy venu sur cette île pour retrouver les souvenirs de son enfance ( pour rappel, il est né comme l'auteur en Alaska ), une enfance qui a débuté dans les décors grandioses de ces paysages sauvages et préservés.

Une enfance heureuse jusqu'à ce que son père ne la gâche.

Il est venu sur cette île pour comprendre ce père "inconnu", pour l'aider et s'en faire aimer.

En dehors du fait qu'il faut éviter de lire ce genre de bouquin dans une période de "bas", ce qui a retenu mon attention, c'est la dichotomie entre le souci du détail apporté par l'auteur à tout ce qui a trait à la nature... aux arbres, aux plantes, aux rivières, à la terre, aux animaux... poissons, oiseaux etc... aux objets... j'avais par moments l'impression de lire un mode d'emploi quand il s'agissait de monter une ligne, de fabriquer des planches, un abri pour stocker la nourriture... et l'absence totale d'identification physique des personnages.

L'auteur ne nous les décrit jamais... jamais.

Sont-ils grands, moyens, petits, minces, gros, beaux, moches, quelconques ?... la couleur de leurs yeux ne nous est pas divulguée... pas davantage celle de leurs cheveux...

Ils peuvent saigner, se fouler une cheville, avoir chaud ou froid, faim ou soif, avoir envie d'aller au fond de la cabane du pêcheur, éprouver le besoin de se masturber, avoir envie de faire l'amour, être propres ou puer... c'est tout ce que David Vann consent à nous livrer de leur image... juste des corps qui éprouvent et qui sont éprouvés.

En revanche, beaucoup nous sont confiées des 60 000 idées qui traversent leur esprit chaque vingt-quatre heures de leur vie.

Une césure donc entre le fatras de leur cerveau et ce corps impérieux, despotique et si misérable au final.

J'ai aimé ce divorce sans consentement mutuel entre le corps et l'esprit.

Pour conclure, une lecture éprouvante que je ne regrette pas.

Une plaie qui n'en finit pas de puruler, et les dernières lignes qui vous feront penser ( si vous l'avez lu ) à un roman très connu de Jack London.
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Komodo

David Vann a l'art de créer le malaise dans ses romans et les histoires de famille sont le socle de son imaginaire. Les histoires de famille avec lui finissent mal en général...

Père névrosé dans Sukkwan Island, couple à la dérive dans Désolation, famille toxique dans Impurs, initiation à une chasse meurtrière dans Goat Mountain, père suicidaire dans un Poisson sur la lune...

David Vann, dans ses romans, en partie autobiographiques, revient sur son histoire familiale, sur le suicide de son père qui l'a profondément marqué.

Dans ce roman, là encore, c'est une histoire de famille, plus précisément un règlement de compte entre frère et sœur. Tracy, mère de jeunes jumeaux est train de se faire cannibaliser par ses enfants dictateurs tandis que son mari un latino beau gosse et coureur de jupons ne lui est d'aucun recours. Elle pense qu'une petite semaine de vacances avec sa mère, en Indonésie, dans un centre de plongée lui fera le plus grand bien pour décompresser. Elle doit y retrouver son frère Roy, qu elle n'a pas vu depuis longtemps. Celui-ci fait un stage pour obtenir son diplôme de plongée. Mais ce voyage sera

loin d'être salutaire pour Tracy, de vieilles rancœurs remontent à la surface au contact de son frère à qui elle reproche vivement son divorce et d'avoir été un piètre mari. Elle lui en veut d'avoir sabordé un mariage parfait selon elle, alors qu'elle se débat dans les ruines du sien.

La semaine de plongée se transforme vite en bataille rangée entre frère et sœur, sur le bateau et dans les immensités sous marines. La deuxième spécificité de David Vann c'est son amour de la nature qui est omniprésente dans ses romans . La, en particulier, nous assistons à de magnifiques descriptions de la faune sous marine, raies, requins... dans des paysages grandioses, un rien inquiétant parfois.

Avec les profondeurs marines, les courants traitres, les requins qui viennent vous frôler, la tension monte d'un cran et cela va être le lieu des affrontements de Tracy et Roy jusqu'à un point de non retour. Laissant le lecteur comme les plongeurs, suffocant, en tachycardie, exsangue, sursautant à l idée qu 'un requin pointe son nez.

A travers le personnage de Tracy, l' auteur souligne la difficulté d' être mère et de garder sa personnalité, son travail, de ne pas être réduite qu'à des tâches ménagères rebutantes ,car on voit que Tracy s'enfonce dans une spirale dont elle ne voit pas le fond et elle perd pied, sans aide ni compréhension ni paroles de réconfort de la part de ses proches . Un travail extérieur aurait été une soupape de décompression, un moyen d'exister autrement qu' en temps que mère.

J' ai beaucoup aimé ce dernier roman de David Vann, fidèle à ses thèmes de prédilection, les problèmes familiaux et une belle et âpre nature.

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Aquarium

L'aquarium, où glissent des poissons mandarins, des poissons grenouilles à trois taches... Où se cachent les secrets, le manque. D'où émergent les désirs, l'espoir.



Un palais de miroirs reflétant les songes de Caitlin , adolescente solitaire de Seattle, liée de façon fusionnelle à sa mère, qui l'a élevée seule, dans des conditions précaires. Un abri aquatique , lieu de rencontre . Celle d'un vieil homme avec qui partager , échanger.



Mais tout s'emballe... Son nouvel ami appartient au dur passé de sa mère dont elle ne lui a jamais parlé. La rage accumulée pendant des années, la folie, la douleur , le refus de pardonner submergent tout. Irrémédiablement ?



C'est un roman bouleversant, les propos , le vécu sont violents, à peine supportables, mais l'écriture poétique, intense est comme un baume au coeur, un courant doux qui nous entraîne au coeur des tourments humains, dans le grand aquarium mouvementé de la vie de ses personnages.



Un livre atypique, puissant, dérangeant , et une toute jeune fille magnifique, Caitlin, généreuse, persévérante, assoiffée d'amour. A lire!
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Sukkwan Island

J'ai rarement été aussi indifférent envers une lecture. Un simulacre de critique envers les pères démissionnaires, une carence complète de style, des personnages creux et une intrigue engourdie dans un tragique de mauvais téléfilm...

La 4ème de couverture annonçait un cauchemar, un suspense insoutenable, mais tout est si conformiste et inconsistant que, selon moi, l'unique qualité de ce livre est de démontrer qu'il ne suffit pas de surprendre pour captiver.
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L'obscure clarté de l'air

L'obscure clarté de l'air est rien moins qu'une revisite du mythe de Médée par un David Vann qui se fait tragédien.



Bien qu'aimant beaucoup l'Histoire, je ne me suis jamais attardée sur la mythologie grecque, très vaste et très complexe.

J'avais bien sûr déjà entendu parler de Jason et les Argonautes, de la fameuse Toison d'or, mais sans avoir jamais eu la curiosité d'en savoir plus.

Ma surprise fut donc grande, dès les premières pages, de découvrir que j'allais enfin faire connaissance avec Médée, petite-fille d'Helios, prêtresse de la déesse Hécate et amoureuse de Jason.

On sait que les récits mythologiques sont empreints de violence, on est donc loin ici d'une histoire d'amour à l'eau de rose.



Médée est une femme puissante, volontaire, une meurtrière prête à tout pour se venger et obtenir ce qu'elle veut, fut-ce en versant le sang de ceux qu'elle aime.



Elle s'enfuit de son royaume de Colchide en compagnie de Jason venu dérober la Toison d'or au roi Éétès dans le but de récupérer le trône de Iolcos, usurpé par son oncle.

Afin de retarder au maximum la flotte de son père lancée à leur poursuite, elle n'hésite pas à tuer son propre frère et à en lancer les morceaux un à un dans la mer.

Médée méprise les hommes de pouvoir et la royauté, se dit elle-même "née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n'être jamais effacée".

Trahie par Jason une fois parvenus à Iolcos, sa vengeance sera terrible.

Elle commettra un crime épouvantable à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui, le complexe de Médée.



C'est une femme féroce mais tellement humaine en même temps, qui met une détermination farouche dans la poursuite de son destin.

Une femme qui veut secouer le joug de l'esclavage dont elle et les siens sont victimes durant leur périple, qui se veut maîtresse de son avenir, respectée et libre.

Un récit dur, fort, mais captivant par sa dimension mythique et historique.

Une plume incisive, percutante qui se met au diapason de la tragédie.

Une lecture belle et difficile à la fois, bien loin de l'Alaska auquel David Vann nous avait habitués.

C'était ambitieux et, à mon sens, c'est réussi !
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Goat Mountain

La lecture est décidément une passion bien surprenante...

Il suffit de peu de choses pour se laisser embarquer, captiver, interpeller et ce, parfois, à contre-pied de l'avis des autres lecteurs.



Les opinions sont partagées concernant Goat Mountain et je le comprends aisément.

On est plongé d'entrée de jeu dans une atmosphère oppressante, rude, implacable.

Comment admettre en effet qu'un gosse de 11 ans puisse être à ce point fasciné par les armes qu'il parvient à donner la mort sans rien ressentir ?

Homme ou gibier, aucune différence...

On lui a appris à chasser, à viser, à tirer, il s'exécute et ne comprend pas pourquoi son père et son grand-père, initiateurs de ce rituel, se braquent, s'offusquent.

Devenu adulte et narrateur, il relate et analyse.

Peut-il se trouver des excuses ?

Peut-on lui en vouloir d'avoir agi par instinct, d'avoir obéi à une pulsion ancestrale trouvant ses racines dans la Bible ?



Face à lui, deux hommes.

Son père, effrayé, tiraillé entre la peur, le dégoût et le lien paternel, et son grand-père, le patriarche admiré, craint, faisant figure de démiurge et donc détenteur du jugement suprême.

Quelle place est laissée à Tom, l'ami de toujours, impliqué malgré lui dans quelque chose qui le dépasse, dans un huis-clos familial qui l'effraie et le scandalise ?



David Vann signe ici un roman terrible dans tous les sens du terme.

Un parcours initiatique d'une brutalité suffocante.

D'autant plus violent qu'il s'en prend à la nature elle-même, profannant ce décor grandiose en répendant le sang.

L'importance de l'arme pour le gamin qui, même dans les moments calmes ne s'en sépare jamais, est effrayante.

Sa carabine, toujours dans ses mains, comme son alter-ego.

Et pourtant, on sent comme une dramatique innocence chez lui, une terrible erreur d'interprétation.



Dans un style particulier fait de phrases nominales, sans verbes, qui ajoute à l'ambiance oppressante, cassante, David Vann nous propose une réelle réflexion sur la vraie nature humaine et son côté obscur.

Il établit un parrallèle avec l'histoire sainte que seuls quelques initiés, sans doute, pourront apprécier mais qui n'est pas tout à fait dénué de sens.

En cette période pascale plus précisément, le lien entre morts et vivants interpelle indiscutablement.



Roman totalement immersif, Goat Mountain met mal à l'aise tant le récit est criant de réalisme.

Impossible de s'attacher à de tels personnages et des scènes parfois écoeurantes.



C'est pourtant cette capacité à absorber le lecteur, à le sidérer, qui fait de ce livre un bon livre.

N'en déduisez pas pour autant que je suis fascinée par la cruauté, mais j'avoue avoir été totalement immergée dans l'ambiance oppressante dont la montagne grandiose se fait le sombre écrin.



Avec moi, David Vann a atteint son but, je ne peux donc que m'incliner et lui décerner 4 étoiles.

Le style seul me fait émettre quelques réserves.
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Sukkwan Island

Original et surprenant, voici un court roman qui ne laisse pas indifférent et qu’on n’oublie pas. Jim et son fils Roy, treize ans, s’installent pour passer une année seuls dans une cabane posée sur « une île isolée au sud-est de l’Alaska, au large du détroit de Tlevak dans le parc national de South Prince of Wales ». Tout près de nulle part et à proximité de…rien. Ca fait rêver, non, une année en tête à tête avec son fils face à la nature somptueuse ?

« Tandis qu’ils survolaient les lieux, Roy observait le reflet de l’avion jaune qui se détachait sur celui, plus grand, des montagnes vert sombre et du ciel bleu. Il vit la cime des arbres se rapprocher de chaque côté de l’appareil, et quand ils amerrirent des gerbes d’eau giclèrent de toute part. Le père de Roy sortit la tête par la fenêtre latérale, sourire aux lèvres, impatient. L’espace d’un instant, Roy eut la sensation de débarquer sur une terre féerique, un endroit irréel. »

On admire le paysage idyllique, comme un jeune saumon on frétille de plaisir en s’imaginant respirer cette nature resplendissante, mais, soyons clairs, on se doute très vite que le temps va se gâter.

On sent que les difficultés vont aller crescendo, que l’hiver, en Alaska, arrive très vite et qu’il sévit longtemps. On comprend que le père n’a pas l’expérience des trappeurs qui ont fait la légende de ces contrées, certes magnifiques par beau temps, mais le plus souvent sauvages et inhospitalières. Il improvise un peu, beaucoup, beaucoup trop. Sa santé mentale ne semble pas tout à fait au beau fixe. Son fils s’inquiète, il regrette d’avoir cédé au caprice de son père, il n’a qu’une envie, celle de rentrer chez sa mère le plus vite possible et on ne peut lui donner tort. On tremble à chacun de leurs pas dans la forêt. Ils se perdent dans la brume et échappent de peu à la mort. Finalement, pêche et chasse sont bonnes, les provisions de viande et de poisson vont pouvoir être fumées et stockées à l’abri des ours. L’hydravion qui s’est posé quelques minutes leur a laissé une nouvelle radio en état de marche, des outils et des provisions supplémentaires. Alors même si la tempête fait rage pendant plusieurs jours, le lecteur commence à souffler. La peur s’éloigne …

Erreur fatale ! En bas de page, de façon anodine, en quatorze petits mots que vous lisez sans en comprendre tout de suite le sens, vous voici électrocuté. Ce n’est pas possible, j’ai mal compris, je tourne la page et oh, mon Dieu, c’est pourtant vrai, les quatorze mots formaient bien une phrase, j’avais bien lu et bien compris.

Tout vient de basculer, vous êtes ahuri, sidéré. Je n’en dis pas plus. Les pages suivantes défilent jusqu’à la fin à un rythme plus que soutenu. C’est inoubliable et, ce qui ne gâte rien, bien écrit dans un style agréable fait de phrases courtes avec de belles descriptions de paysages et d’émotions.

« Il sut alors que Roy l’avait aimé et que cela aurait dû lui suffire. Il n’avait simplement rien compris à temps. »

PS. Message personnel à mon fils (il lit peu, débordé, vous savez ce que c’est, donc peu de risques qu’il ait lu ce roman) : « Dis donc, Christophe, quand est-ce qu’on se fait une semaine d’immersion nature : Amazonie, Laponie, Islande ? Dis-moi. » Je sais déjà ce qu’il va me répondre : « Ca va bien se passer ».

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Impurs

Que dire de ce livre " impurs" qui est pour le moins déstabilisant. Faire connaissance avec Galen, sa mère, sa tante et sa cousine n'apporte à aucun moment un instant de plaisir . Entrer dans cette famille, c'est entrer dans une sorte d'enfer, je me suis pourtant surprise au milieu du livre, une fois habituée à ce climat malsain, à avoir envie de retrouver Galen pour connaître l'évolution de leur relation. David Vann plante, une fois de plus, un décor loin des contes de fées,

mais dans "impurs", il n'a pas réussi à capter mon attention jusqu'à la fin qui, soit dit en passant, est d'une cruauté particulière. Il y a trop de longueurs. David Vann aurait pu économiser une bonne cinquantaine de pages même si je comprends bien que les descriptions autour et dans le hangar sont faites pour renforcer l'horreur. Loin d'être son meilleur livre pour moi et bien que je ne sois pas vraiment conquise il faut reconnaître que David Vann a une plume particulière et qu'il sait camper des atmosphères hors du commun.
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L'obscure clarté de l'air

Fidèle lectrice de David Vann, je sais depuis longtemps qu’en ouvrant un de ses livres, je ne m’embarque pas dans une aventure où la vie est belle, parsemée de bons sentiments et autres mièvreries littéraires. J’ai l’habitude d’être malmenée sous la plume d’un auteur que je considère comme l’un des meilleurs de la littérature américaine.



Cette fois ci, ma souffrance a été d’une toute autre nature, en découvrant qu’il me proposait le mythe de Médée, sorte de femme fatale de la mythologie grecque.

Ignorant absolument tout du sujet, j’ai dû dans un premier temps aller glaner sur Wikipédia quelques précieux renseignements pour appréhender plus sereinement ma lecture.

Pas à pas, laborieusement, j’ai découvert cette femme descendante du soleil, mais adorant l’obscurité dans ce qu’elle a, à la fois de terrible et de fascinant.



Ce qui m’a frappé dans ce livre est la profusion des détails fournis par l’auteur. L’écriture est minutieuse et violente. Rien ne nous est épargné dans la description des meurtres, des tortures et du sang versé. Certaines scènes m’ont paru insoutenables, me laissant à la limite de la nausée.

Une souffrance, oui, cette lecture me fut douloureuse, mais, n’est- ce pas le propre des grands livres et des grands écrivains d’emmener le lecteur au-delà de là où il pense être capable d’aller ? Je ne peux que regretter mes lacunes qui ne m’ont pas permis d’apprécier pleinement un roman qui m’a cependant beaucoup appris et dont je ressors avec la curiosité d’approfondir mes connaissances pour reprendre dans quelques temps cette « Obscure clarté de l’air » et en goûter pleinement la mortelle saveur.

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Sukkwan Island

Sukkwan island est un court roman noir nous narrant une inéluctable descente aux enfers d'un père et son fils, vivant dans le huis-clos de la nature sauvage de l'Alaska.

Mon attention avait été attirée par les commentaires unanimes relevant le caractère dérangeant ou nauséeux du livre, pas recommandé les jours de grisaille et interdit aux dépressifs... Je ne peux qu'effectivement confirmer que ce livre ne fera pas naître de vocation pour partir vivre dans une cabane au fond des bois...

Ce livre secoue sur le moment, et à coup sûr vous laissera une trace.
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Sukkwan Island

Sukkwan Island est la promesse d’un nouveau départ pour Jim et son fils de treize ans, Roy. C’est également l’occasion pour ce père de famille divorcé de faire le point sur sa vie et de renouer avec son fils un lien brisé depuis longtemps… Ils ont décidé de passer ensemble une année sur cette petite île coupée du monde, située au sud de l’Alaska et que l’on ne peut rejoindre qu’en bateau ou en hydravion.



Mais dès le début, quelque chose cloche dans ce projet fou… Malgré l’enthousiasme un brin forcé de ce père, le manque flagrant d’organisation, l’absence du matériel adéquat pour aménager leur parcelle et certaines initiatives désastreuses laissent présager le pire… Dans un cadre majestueux et néanmoins hostile, ce père et son fils vont découvrir à leurs dépens que le danger n’est pas toujours tapi où on l’attend…





Après avoir dévoré « Désolations », « Impurs » et « Dernier jour sur terre », je m’en doutais déjà, mais « Sukkwan Island » me le confirme : David Vann est fou ! ou peut-être dépressif… A moins qu’il n’aime pas les hommes ? Toujours est-il que, si vous chercher de la lumière dans ses romans, passez votre chemin, vous n’en trouverez pas une once ! Ne règnent en maîtres que le désespoir, la folie et à quelques occasions la perversité ! Espérons que ce ne soit pas contagieux…





Bref, avec ce premier roman de l’auteur traduit en France, couronné du prix Médicis étranger en 2010, je me suis encore pris une belle claque ! C’est confirmé, David Vann n’a pas son pareil pour peindre les tréfonds de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus noir et de plus torturé. Tout y est : une nature hostile et dangereuse, une île pour décor qui se transforme très vite en huis-clos oppressant, un looser dépressif pour nous tirer vers le fond. Alors, si avec ça vous ne sombrez pas, chapeau !



Enfin, j’ai l’air de critiquer, mais en fait (et c’est peut-être du masochisme) je suis fan de cet auteur. J’aime son écriture percutante et ciselée, sa capacité à nous bousculer et à nous surprendre et son obstination à repousser les limites et à aller toujours plus loin. C’est brut, prenant et on en redemande ! Et il paraît que « Goat mountain » est encore pire…
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Goat Mountain

On peut dire que David Vann a trouvé un filon depuis "Sukkwan Island"...Et que depuis il creuse, creuse, creuse toujours au même endroit.

Des relations familiales biscornues et violentes, des êtres écorchés ou dérangés, sans moralité sociale ou sans inhibition, et, pour le meilleur de ses livres, des paysages grandioses aux conditions de vie extrême.



"Nous étions toujours occupés à tuer quelque chose, c'était comme si nous avions été mis ici-bas pour tuer".



Homme ou gibier, quelle différence pour un jeune garçon de 11 ans, dans une famille de chasseurs? Le braconnier était dans sa lunette de visée, il a tiré, touché et il a aimé cela.

Ce dernier roman démarre en fanfare! La partie de chasse à peine entamée en est à jamais plombée... Et qui devra porter le chapeau, de l'enfant ou des trois adultes?



Un monde d'hommes taiseux, frustres, insensibles, un cercle familial masculin sans tendresse, une suspicion collective sourde en huit-clos, un crescendo dans la bestialité...

Rincée par la noirceur des êtres, je reste impressionnée par le talent descriptif de l'auteur. Grace à lui, on voit, on ressent, on observe et on réagit.



Roman initiatique, réflexion sur l'éducation, sur la violence des pulsions, de l'animalité de l'individu.

Il n'empêche, je crains de ne plus faire, dorénavant, le voyage dans l'univers de David Vann.

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Goat Mountain

Depuis plusieurs années, un jeune garçon accompagne son père, son grand-père et un ami de la famille lors de l’ouverture de la chasse. L’année de ses onze ans, il aura enfin le droit de tirer son premier cerf. Mais alors que son père l’invite à observer un braconnier dans le viseur de son arme, le garçon commet l’impensable et n’en ressent aucune honte. « Chacun de nous ressentant une sorte d’élan. Aucune action anodine. Chacun de nos pas, un nouveau pas vers une fin. Je le savais depuis que j’étais en mesure d’avoir des souvenirs. » (p. 15) La chasse continue, encombrée d’un cadavre, et les trois hommes s’affrontent, chacun avec sa propre idée de ce qu’il faut faire. Le père peut-il encore protéger le fils face à un aïeul qui cite des règles immémoriales et contre un troisième homme qui pense aux conséquences sociales de l’acte de mort. « Tu es mon fils. Je suis ici pour t’aider. J’essaie de comprendre ce que tu peux bien être, et j’essaie de t’empêcher de le devenir. » (p. 209) Ce sombre récit est porté par l’enfant devenu adulte, comme une introspection a posteriori, probablement trop tardive, mais néanmoins nécessaire. Sur les terres familiales de Goat Mountain, le garçon a tout appris de la vie en apprenant la mort, au cours d’une initiation brutale et sauvage.



Attention, texte dense et étouffant ! Impurs présentait déjà une jeune personne flirtant avec trop de plaisir avec la violence et la mort. Sukkwan Island et Désolations montraient les violences que l’on s’inflige au sein des familles. Avec Goat Mountain, la boucle est refermée, ainsi que l’annonce l’auteur en postface. « Ce roman consume les derniers éléments qui, à l’origine, m’ont poussé à écrire : les récits sur ma famille et sa violence. Il revient également sur mes ancêtres cherokees, et leurs interrogations lorsqu’ils furent mis face à l’idée de Jésus. » (p. 249) Sur une terre nord-américaine qui a bien changé depuis la découverte du Nouveau Monde, les récits de la Bible se mêlent au folklore américain et ce mélange culturel interroge l’être humain. « Je me fiche bien de Jésus, mais l’Ancien Testament est un recueil d’histoires d’un temps ancestral, des ombres ataviques parmi lesquelles j’erre sans cesse dans l’espoir d’y trouver une confirmation. » (p. 86) En faisant de l’enfant un tueur naturel, le texte questionne le rapport de l’homme à la mort et au meurtre. « Ce qui est instinctif porte soudain le poids d’une conséquence, notre nature animale trahie par la conscience. » (p. 150) Le narrateur est obsédé par la figure de Caïn, le premier assassin dont l’offrande refusée a été remplacée par un sacrifice païen. Les réflexions métaphysiques et religieuses du narrateur sont finalement profondément humaines : dans un monde et une civilisation en décrépitude, sur des terres vidées de leurs grands troupeaux, l’homme expérimente l’enfer de son vivant, toujours en quête de réponse et de sens. « Dans ce que nous considérons comme inviolable, quelle quantité n’est qu’aléatoire, sans aucun fondement ? » (p. 112)



Dans ce roman, David Vann fait montre d’un style extrêmement percutant, où les phrases ne manquent pas leur cible. Avec une économie de mots et une écriture resserrée qui sait tout dire en ne nommant pas tout, l’auteur porte son texte à un degré de précision que n’avaient pas ses précédents romans. Fluide et obsédante, la narration place le lecteur en lieu et place de l’action : il est impossible d’être un simple spectateur, de ne pas sentir le sang, de ne pas entendre les chairs se déchirer et les cœurs battre au rythme fou des pulsations cosmiques. Et ce constat du narrateur peut devenir celui du lecteur, s’il se laisse prendre au piège du texte. « Une partie de moi-même n’aspirait qu’à tuer, constamment et indéfiniment. » (p. 21)



Profondément ancré dans le courant du nature writing, ce roman époustouflant pourrait également s’inscrire dans ce que j’ai déjà appelé l’human nature writing, l’homme étant sans cesse exclu et partie prenante de la nature. Goat Mountain est un récit âpre, barbare et infanticide : lecteurs qui entrez ici, abandonnez toute innocence.

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Sukkwan Island

"Sukkwan Island", de David Vann, est le recit d'un père et de son fils, Jim et Roy, volontairement isolés sur une île sauvage en Alaska. Loin de la civilisation.



L'excursion qui devait renforcer leurs liens se transforme en un cauchemar brutal. L'auteur nous entraîne dans une descente aux enfers, révélant les fissures dans la relation père-fils et explorant les recoins les plus sombres de l'âme humaine.



Le roman de David Vann plonge le lecteur dans la psychologie humaine avec une intensité implacable des sentiment mêlés d'égoïsme et de culpabilité.



La description détaillée de l'environnement inhospitalier de Sukkwan Island sert de toile de fond à l'exploration des thèmes universels tels que la solitude, la survie et la désintégration des liens familiaux. David Vann utilise la nature sauvage comme un miroir de l'âme, où la frontière entre la civilisation et la sauvagerie devient floue.



La structure narrative, souvent non linéaire, renforce le sentiment d'isolement et d'urgence. En effet, les flashbacks, éclairant le passé complexe de Jim, ajoutent des dimensions tragiques à l'histoire.



L'auteur évite habilement les stéréotypes, présentant des personnages nuancés et captivants, mais néanmoins troublants, Jim particulièrement, oscillant entre irresponsabilité, égoïste, empathie et sentiment de culpabilité. de même que la brutalité des événements est contrecarrée par une certaine beauté sauvage de l'Alaska, créant un contraste saisissant qui amplifie l'impact émotionnel.



"Sukkwan Island" est une oeuvre parfaitement réussie, qui défie les conventions narratives et explore les côtés les plus sombres de l'humanité : une méditation puissante sur la fragilité des liens familiaux et la lutte pour la survie dans des circonstances extrêmes.



Cependant, la brutalité dépeinte peut sembler effrayante et l'absence de résolution claire de Jim, qui fait le sel du récit, laisse une empreinte durable, mais peut revêtir, pour certains, une frustration.



La prose de Vann est crue et incisive, parfois jusqu'à l'inconfort, mais cela contribue à l'authenticité du roman.



"Sukkwan Island" offre une lecture psychologie, a priori facile, mais sujette à quantités de réflexions : je retiens essentiellement les sentiments de responsabilité et de culpabilité. Sa puissance émotionnelle et sa capacité à évoquer une réflexion profonde en font une oeuvre très intéressante à la condition d'être disposé à plonger dans les eaux troubles et tumultueuses de la condition humaine.



je recommande vivement ce roman passionnant et captivant.



Bonne lecture.



Michel.
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Goat Mountain (BD)

J'ai rarement vu une partie de chasse aussi cruelle dans le genre partie de chasse qui se termine mal. Je suis ressorti de cette lecture avec beaucoup de dégoût sur la nature humaine. Nous avons un gosse de 11 ans qui tue volontairement un homme et des adultes qui tentent de lui faire la morale sur la nature de son geste.



Oui, on aura droit à une exploration de la violence et de la punition comme une espèce de rite de passage avec une grande tension palpable. Bref, le milieu des chasseurs répond à certaines règles qui semblent être parfois en marge. Les personnages sont d'ailleurs fortement antipathiques et il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.



Un mot sur le dessin pour dire qu'il est tout de même assez magnifique avec ses nuances de couleurs. C'est un crayonné tout à fait abouti. Le trait est lisible et expressif ce qui rend la lecture assez agréable dans son ensemble.



C'est tiré d'un roman de David Vann dont j'ignore tout. Je ne peux dire si l'adaptation est réussie ou pas. Mon propos sera d'ailleurs tout autre.



En effet, je n'ai pas trop aimé cette lecture non pas que cette BD n'a pas les qualités intrinsèques adéquates. La sauvagerie ne me passionne sans doute pas tout comme la chasse à l'homme. Oui, il est question d'une violence latente qui se manifeste d'un coup.



Maintenant, un public en quête de réponse sur le parcours initiatique d'un jeune garçon abandonné par ses instincts sauvages pourra sans doute y trouver son compte. Bref, une lecture qui ne laisse pas indifférent !
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