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Critiques de Dermot Bolger (144)
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Une arche de lumière

Dans ce livre, on retrouve Eva Fitzgerald un des personnages du célèbre roman de Bolger Toute la famille sur la jetée du paradis.

On suit son parcours de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à sa mort. On ne peut qu'admirer la résilience d'Eva malgré les nombreux drames qui ont marqué sa vie. Ce livre confirme les talents de romancier de Bolger même si certains chapitres ne me semblent pas nécessaires.
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Une illusion passagère

La prostitution est au cœur de ce roman, comme un levier, un révélateur de la nature humaine. En effet, Dermot Bolger nous livre ici un récit court au ton incisif et désabusé, marqué par l'amertume du personnage principal qui s'interroge sur le caractère illusoire de toute son existence.

C'est bien écrit (moi qui n'aime pas les romans courts habituellement, je n'ai pas eu l'impression que le texte avait été amputé) et c'est dérangeant aussi car l'introspection du personnage principal sur l'utilité de son métier, ses liens avec les membres de sa famille, etc nous renvoient à nos propres existences et à nos propres doutes.
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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Les critiques lues sur Babélio sont intéressantes et elles donnent souvent l'envie de découvrir le livre chroniqué. Malheureusement comme on ne peut pas tout lire il faut faire des choix 😥. C'est ainsi que j'ai choisi "toute la famille sur la jetée du Paradis"...Une très belle découverte !



L'histoire qui nous est racontée est inspirée d'une histoire réelle. L'auteur Dermot Bolger a rencontré Sheila Fitzgeral ( le personnage d'Eva dans le roman). Elle avait près de quatre-vingt dix ans lorsqu'elle lui a raconté l'histoire de sa famille.



Le roman se déroule d'août 1915 à septembre 1946.

- Irlande : Les Goold Verschoyle sont des aristocrates protestants. Le couple a cinq enfants, trois garçons et deux filles. L'auteur choisit trois d'entre eux pour nous raconter leur histoire.

- Eva, rêveuse aimant la nature et le dessin, épousera Freddie Fitzgerald. Mariage pas très heureux. deux enfants et des problèmes financiers.

- Art, fasciné par la révolution russe, embrassera le communisme. Parti en Russie il y travaillera, se mariera. De retour en Irlande sur ordre du NKVD il n'aura de cesse de vouloir convaincre les ouvriers irlandais de choisir le communisme s'attirant plus de difficultés (fasciste, IRA, gouvernement) que de résultats. Fidèle à son engagement il ne remettra jamais en cause les choix de Staline.

- Brendam, admirateur de son frère, opte aussi pour le communisme. Après un séjour à Moscou, retour à Londres comme agent de liaison au NKVD, guerre d'Espagne, puis trahi direction le goulag.



L'histoire de cette famille s'insère dans la grande Histoire :

- celle de l’Irlande. Les évènements 1916 insurrection de Pâques, 1921 le traité de Londres, la guerre civile (1922/1923), la très grande pauvreté des Irlandais catholiques, l’emprise de certains prêtres catholiques sur leurs ouailles.

- Celle de l'Europe les deux guerres mondiales (mort de jeunes irlandais partis se battre en France (1915) le Blitz..),

- la Révolutions russe et ses conséquences (Lénine, Staline, propagande, goulag),

- la guerre d'Espagne.



Malgré leurs choix de vie différents les Goold Verschoyle resteront liés par le souvenir de leur enfance heureuse "sur la jetée du Paradis", auprès de leurs parents, cousins et amis.
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Une illusion passagère



Je lis aussi la nuit et je crois que ce récit d’un petit fonctionnaire falot a induit un de mes rêves à l'opposé de sa vie.

Tandis que l’échec de Martin nous est conté par Dermot Bolger dans “Une illusion passagère” : sa femme lui annonce qu’ils ont convenu de ne plus dormir ensemble alors qu’il ne se rappelle plus avoir participé à un tel accord, j’ai fait un rêve positif comme jamais, réalisant au delà de toutes mes aspirations, en une sorte d’illusion, un projet professionnel brillant. (De l’utilité de la lecture !)



Dans le genre huis clos en chambre d'hôtel en Asie, le film “Lost in translation” avait cette sorte de langueur, mais c’était au Japon.

Nous sommes en Chine et Martin fait un retour pessimiste sur sa vie de telle manière que le massage par une femme qui ne parle pas sa langue va être une révélation.



Je ressors de la lecture de ce roman avec une indicible sensation à l'écoute de ce quinqua qui se penche avec amertume sur sa vie à l’approche de la retraite.

Je garde une sorte de mélange d’impressions que j’avais ressenties lors de la lecture de “L’étranger” et de “La métamorphose” qui m’avaient mis mal à l’aise comme je l’ai été dans cette “illusion passagère” produite par un massage avant la plongée dans la fin de la vie active.

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Une arche de lumière

A 45 ans, l'irlandaise Eva, fatiguée d'une vie trop fade, quitte son lieutenant colonel de mari pour se consacrer à son école de peinture et à sa famille, son fils Francis qui assume clandestinement à Londres son homosexualité et sa fille Hazel dont la vie de couple bat de l'aile au Kenya.



Ce qui est beau, c'est la deuxième partie du livre, la force de cette femme qui, malgré les épreuves, vivant de rien dans sa cabane, va poursuivre sa passion pour la poésie, ses combats pour la nature et les animaux.



Ce n'est pas mon genre de livre mais c'est sans doute un bon livre dans le genre.

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Le ruisseau de cristal

Le ruisseau de cristal a été une lecture assez difficile, si ce n'est carrément éprouvante, tant sur la forme que sur le fond.

Le texte, en trois grandes parties qui se font écho, est très déstructuré, avec des changements de points de vue et même d'époques d'un paragraphe à l'autre sans aucune transition. Je me suis sentie perdue en lisant les première pages et je me suis demandée dans quoi j'avais bien pu m'embarquer. Mais il suffit de faire confiance à l'auteur et se laisser porter par le texte, et petit à petit les éléments prennent place et tout devient compréhensible (ou presque...).

Quant à l'histoire en elle-même, ou plutôt les histoires car on suit plusieurs récits ayant tous eu lieu au même endroit (au bord du fameux ruisseau du titre) mais pas tout à fait à la même époque, ces histoires sont toutes marquées par une atmosphère dérangeante, des relations amoureuses malsaines qui ne font que souligner la solitude profonde des personnages qui semblent hantés par des fantômes plus présents que les vivants.

Malgré la difficulté du texte et son âpreté, j'ai beaucoup aimé le ruisseau de cristal qui m'a beaucoup touchée.
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Une seconde vie

Toute fin d’année 1991, Dublin.

Sean se sent libéré des soucis de son quotidien, il se regarde sereinement dans l’ambulance qui emmène son corps et n’en éprouve aucune peine. Il remarque les infinis détails de cette scène qui fait suite à son accident, des ballons de fête à une fenêtre, le crâne dégarni d’un gardien du Jardin botanique. S’éloignant de ce lieu, il se sent happé par une lumière, une chaleur réconfortante, des visages bienveillants si longtemps perdus. Seul un visage inamical détonne parmi eux, un jeune homme dont la physionomie échappe à ses souvenirs. Et puis c’est la dégringolade vers son corps qui reprend vie, le cœur reprenant soudainement ses battements.

Dans les rêves qui suivent, des évènements de sa vie se bousculent et l’envie de connaître sa mère biologique surgit, comme un appel.



A Coventry, Elisabeth, se réveille en sursaut, persuadée d’avoir entendu le bruit d’un accident. Sa raison la quitte peu à peu, ses trois filles s’inquiètent de ses errances en pleine nuit car c’est dehors qu’elle sait qu’elle le rencontrera, dans une rue, une nuit, comme dans les rêves qui viennent la prévenir depuis une dizaine d’années. Le trou béant laissé par son premier-né abandonné sous la contrainte, son petit garçon aux yeux bleus, crie l’urgence d’être enfin comblé par cette rencontre tant désirée. Pour elle, le temps n’est pas toujours un allié pour guérir les peines.



Pourquoi Sean, photographe, ne veut-il être que d’un côté de l’objectif d’un appareil photo ? Est-ce dû au fait d’avoir été un enfant adopté ? Cette adoption, révélée le jour de ses onze ans, a-t-elle été ressentie inconsciemment comme un vol d’identité ?

Depuis son accident, il peine à reprendre sa vie, cette vie qu’il ne ressent plus sienne, tant au niveau familial que professionnel. Désormais, pour continuer à mener sa propre existence, il a besoin de connaître les réponses aux interrogations qui le perdent aujourd’hui alors qu’il a trente-cinq ans, est marié et a deux enfants. Cette recherche pour définir son identité le mène vers cette jeune fille qui avait dix-neuf ans, une Irlandaise parmi tant d’autres, envoyée par sa famille dans un couvent pour y cacher sa honte et surtout pour murer son péché et éviter qu’il ne salisse la respectabilité de la famille. Dans cette Irlande des années cinquante, catholique et puritaine, les religieuses recueillaient ces futures mères tout en les considérant comme de vulgaires traînées. En les forçant à faire adopter leurs enfants, elles se targuaient d’offrir à ces derniers la chance de vivre dans une famille de bons catholiques, dans un foyer décent. Les mères pécheresses aussi pouvaient alors avoir une seconde vie.



Les secondes vies se dédoublent dans ce roman terriblement déchirant.



Les paroles des religieuses, celles de Mrs Lacey de l’agence catholique de protection, les monstrueuses attitudes de la famille sont autant de coups de poignard qui lacèrent la sensibilité d’une mère. Dermot Bolger écrit admirablement la souffrance, le déchirement, l’écho incessant de l’ignorance d’Elisabeth en ce qui concerne le devenir de son enfant.

Du côté de l’enfant, devenu père, c’est l’ignorance des raisons de l’abandon qui le tenaille et la peur du rejet, de l’oubli. La négation de son existence.

Interrogeant régulièrement le passé qui vient morceler le difficile présent de Sean, cette lecture qui tourne autour de l’identité et de l’adoption insère des sensations troublantes, peut-être liées à une vie antérieure. Sean est obnubilé par ce visage inamical entrevu lors de son expérience de mort clinique et un lieu, le Jardin botanique de Dublin, exerce de déroutantes réminiscences.

Cette quête creuse chez les parents adoptifs et ceux biologiques. Quelle est leur place, quelles sont leurs motivations, leurs douleurs, leurs culpabilités ? Sous quel jour peuvent naître des liens de filiation ?

Que de vies gâchées, sacrifiés, au nom de Dieu, du qu’en dira-t-on, du scandale à éviter malgré la cruauté des décisions. Et pourtant, l’auteur ne condamne rien, ni personne, accompagnant intelligemment le lecteur vers les différentes facettes de cette période, montrant les points condamnables ou défendables, ou tout simplement excusables.

L’Irlande, comme tant d’autres pays, a évolué. Cependant toutes les portes ne se sont pas ouvertes pour faciliter la recherche d’une mère, d’une fille, d’un fils.



Un roman riche et complexe, à la plume captivante, qui m’a happée dès le début dans son bouleversant tumulte identitaire.

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Une seconde vie

La recherche de la mère suite à une adoption. l'Irlande les non dit. Les traditions les secrets de famille, l'église, tout ceci s'entremele sur deux époques aujourd'hui et il y a 40 ans. Un roman réussi tout en nuance, un tour de force dans l'écriture qui nous propulsé dans l'histoire mais ce n'est pas une lecture si facile que ça. Un ouvrage de qualité.
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Une seconde vie

Après avoir été déclaré cliniquement mort à la suite d’une grave collision, Sean Blake, narrateur de cette histoire, revient à la vie avec une obsession : partir à la recherche de ses racines. Enfant adopté, il est à présent désireux de connaître la vérité sur sa mère biologique et la rencontrer, sans savoir s’il sera repoussé ou fêté. Et c’est avec colère, acharnement, désespoir, souffrance qu’il va courir après cette vie volée.



A travers le passé de cet homme, on découvre le passé d’un pays où les préjugés soigneusement entretenus par l’Eglise sont une source d’oppression. Sean Blake découvre la détresse de jeunes irlandaises qui n’avaient pas d’autre choix que d’abandonner leur bébé né hors mariage. Ces femmes à qui on a claqué la porte chaque fois qu’elles tentaient d’entrer en contact avec leur enfant ou d’obtenir des renseignements sur lui. Celles qui avaient trop honte ou trop peur pour en parler à quiconque.



Le vécu de Lizzy, la mère de Sean, nous est également raconté. Pas de description binaire où bons et mauvais seraient catalogués. Le constat est plus nuancé et, des religieuses aux parents adoptifs, des filles-mères à la population silencieuse, on prend conscience que, entre dévotion religieuse et culte de la respectabilité, les secrets de famille étaient bien gardés et sortir de son rôle se révélait très difficile. Les adoptions étaient monnaie courante et la plupart des gens, à leur manière, pensait agir pour le bien de tous.



Le mystique se mélange à l’histoire avec les visions du narrateur, notamment l’image redondante d’un visage qui le hante, celui qu’il a eu dans une existence antérieure.



J’ai beaucoup apprécié l’écriture de Dermot Bolger et j’ai suivi la quête de Sean Blake avec intérêt. Un livre à lire, autant pour sa trame narrative que son intérêt historique.
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Une seconde vie





Je poursuis mon tour du monde littéraire avec une escale cette fois-ci en Irlande - terre natale du poète, dramaturge et écrivain Dermot Bolger, qui signe ici un roman intimiste absolument bouleversant. Que d'émotions à sa lecture! 



Toutefois pour l'apprécier, il vous faudra composer avec sa narration méandreuse, éclatée, non linéaire et quelque peu disgressive mais au final parfaitement maîtrisée. Il faudra également accepter de se perdre dans le dédale des souvenirs composant une vie en passe de se reconstruire et que certaines interrogations parfois, ne trouvent pas réponse.



*



Quartiers nord de Dublin, décembre 1991. 



Victime d'un terrible accident de voiture, Sean Blake est déclaré cliniquement mort durant quelques secondes avant que son cœur ne se remette à battre. Un laps de temps au cours duquel il se souvient avoir assisté avec détachement à toute la scène, vue d'en haut. À son réveil, fortement éprouvé par l'expérience qu'il vient de vivre, le jeune homme - marié et père de deux enfants, ne se sent plus le même. C'est un miraculé certes mais devenu étranger au monde qui l'entoure et aux siens.



"Comment pouvais-je expliquer que j’étais revenu à la vie différent de celui que j’avais été, désormais incapable de me focaliser sur la petite république d’amour que nous avions soigneusement construite?" 



Alors qu'il essaie de réinvestir le quotidien, notre protagoniste semble de plus en plus perdre pied. Ses nuits peuplées de rêves énigmatiques laissent place le jour à des réminiscences qui s'imposent à lui et le ramènent aux zones d'ombres de son passé.  



"Comment lui dire que je lui mens depuis des années, qu’elle (sa femme) ne sait pas réellement qui je suis car je ne le sais pas réellement moi-même?"



Enfant adopté à l'âge de six semaines, il ignore (presque) tout des premiers chapitres de son histoire. Frôler la mort a réveillé ce vide identitaire, aujourd'hui béant, et Sean Blake réalise que pour renaître à la vie, à cette seconde vie,  il doit percer le mystère de ses origines en partant sur les traces de sa mère biologique. Quarante ans plus tôt, celle-ci lui a donné naissance dans l'un des sinistres couvents de la Madeleine.



"Étais-je né d'un viol ou de l'inceste? Avait-elle vu les yeux d'un homme qu'elle haïssait chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le mien? Ou avait-elle secrètement célébré mon anniversaire chaque année, enfermée à clé, seule dans une salle de bains, mangeant furtivement un morceau de gâteau tandis que sa famille s'agitait autour d'elle, sans rien connaître de ses larmes et de son secret?"



*



De rencontres en aveux troublants,  cette quête existentielle nous confrontera au puritanisme ravageur d'une société vouant un culte à la "respectabilité" ainsi qu'aux exactions de l'église catholique trop longtemps passées sous silence. Rien qu'à l'écrire,  j'en frémis encore.



"Dieu était souvent évoqué, mais pas à propos de l'amour qu'il fallait ressentir pour son prochain ni de l'éternelle damnation : la vie tournait uniquement autour de ce que tes voisins pensaient de toi, de secrets à garder, du scandale à éviter, il ne fallait donner à personne l'occasion de te mépriser (...)."



Mêlant pudeur et sensibilité désarmantes, l'auteur s'empare avec justesse d'une thématique explorée au cinéma à travers le film intitulé The Magdalene Sisters ou encore plus récemment Philomena. Au cours du siècle dernier, plusieurs milliers de filles-mères  irlandaises aux moeurs jugées dissolues, se sont vues internées de force au sein d'institutions religieuses et réduites en esclavage comme blanchisseuse pour expier leurs fautes - certaines toute leur vie durant. L'enfant à venir, marqué lui aussi du sceau de la honte, leur était arraché puis offert à l'adoption. 



Un pardon est-il possible? Sans prendre parti, l'auteur multiplie les points de vue: celui des proches, des religieuses, d'un prêtre mais aussi celui de la mère contrainte à abandonner sa chaire. Des pages d'une beauté tragique lui sont consacrées. Ses mots cognent encore dans mon cœur et ma tête. Un cri déchirant…





Un livre terriblement marquant!



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Toute la famille sur la jetée du Paradis

Après l'éblouissement de Une arche de lumière impossible de ne pas avoir envie de lire le premier volet de la vie d'Eva. Il y a 13 ans d'écart entre la publication de chacun des volets qui forment un superbe diptyque, à la fois riches en éclairage sur le 20ème siècle et tendus d'une subtile émotion. Une arche de lumière débutait en 1949 au mitan de la vie d'Eva qui, à l'aube de la cinquantaine décidait de conquérir sa liberté et de vivre enfin selon ses aspirations. Toute la famille sur la jetée du Paradis raconte les jeunes années et le parcours d'Eva ainsi que celui de sa famille, les Goold Verschoyle depuis leur manoir du Donegal et partout où les événements les portent. Deux guerres mondiales, les guerres civiles sur fond d'affrontements idéologiques entre fascisme et communisme. Ce qui ressemble beaucoup au bonheur, ces années d'enfance, d'adolescence et d'insouciance, chacun des cinq membres de la fratrie s'en souviendra à chaque étape cruciale de sa vie. Les rires et les pique-niques sur la jetée, la force de l'océan, l'intensité des moments partagés. Maud et Eva, les deux aînées se marient à quelques mois d'intervalle et c'est le coup d'envoi de l'éloignement. Art, le cadet d'Eva, l'héritier de la famille est depuis l'adolescence captivé par les doctrines communistes prônées par leur voisin, ancien militaire sur le front de l'Est en 1917 et le benjamin, Brendan suivra ses traces. Pendant de longues années, sans nouvelles de lui après qu'il ait rejoint l'Espagne pour se battre contre les fascistes, chaque membre de la famille n'aura de cesse d'élucider le mystère de sa disparition. Dans sa nouvelle maison du comté de Mayo transformée en relais de chasse, Eva devenue Fitzgerald et mère de deux enfants espère aussi voir apparaître son frère au détour d'une allée. En attendant elle gère un mari pas très capable, une propriété qui tombe en ruine, la précarité. Ses rêves artistiques se sont fracassés sur le mur de la réalité conjugale... Mais elle trouve du réconfort dans la lecture, la proximité avec la nature, la compagnie de ses enfants, l'amitié de la jeune Maureen et de certains hôtes payants. Elle apprend, Eva. Chaque rencontre l'enrichit, on voit déjà se développer l'attention qu'elle portera aux autres tout le reste de sa vie, la femme protectrice et attentive que l'on verra évoluer dans Une arche de lumière.



Dans ce roman, Dermot Bolger travaille une matière foisonnante et parfois complexe lorsqu'il s'agit d'explorer les méandres des idéologies politiques sur un terrain explosif. C'est extrêmement instructif, les idéaux d'Art et Brendan ne sont pas ménagés. Mais ce qui emporte définitivement le morceau c'est ce fil qui relie chaque membre de cette famille à ces instants sur la jetée du Paradis, le nom qu'ils ont donné à ce lieu qui demeure à jamais dans leurs mémoires. Malgré l'éloignement. Malgré les affrontements. L'auteur tisse son roman autour de ce fil avec une émouvante justesse et conclut dans un dernier chapitre époustouflant de beauté, un feu d'artifice d'émotions.



Avec ce diptyque, Dermot Bolger nous offre une formidable traversée du 20ème siècle avec pour guide une héroïne exceptionnelle et inspirante. Que la littérature peut être belle !
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Une arche de lumière

Effroyable de voir qu'il y a à peine sept décennies l'Irlande était encore un pays peuplé de gens d'une mentalité archaïque sans logique, sans compassion, sans humanité. C'est à cette époque en avril 1949 qu'Eva Fitzgerald ( Goold-Verschoyles de son nom de jeune fille) décide de quitter son mari et son foyer au conté de Mayo pour partir à Dublin. Avec le peu d'héritage qui lui reste de sa mère elle y achète une maison et ouvre un studio d'Art pour enfants, afin de subsister et de faire quelque chose d'utile pour les enfants dans une société où la créativité est considérée marginale et l'expression de soi mal vu. Elle est déjà proche de la cinquantaine , des enfants majeurs, un âge où la femme pour l'époque et le pays est déjà considérée « hors d'usage » . Même si au début elle manque encore de confiance en elle, l'idée que sa vraie vie commence peut-être que maintenant et le cadeau d'un ami de son mari va l'encourager pour y avancer.

Pourtant la société irlandaise est non seulement sujet au ségrégationnisme religieux, machiste et homophobe mais elle lui reproche même d'être végétarienne , sans parler de sa situation de femme séparée, le divorce étant impossible à obtenir, et que la permission de son mari étant nécessaire pour qu'elle puisse ouvrir un compte en banque et obtenir un passeport . Certains de ces qualificatifs désavantageant aussi ses deux enfants s'y ajoutera son obsession à les protéger, malgré leurs âges adultes.



Un livre sociologiquement intéressant, où on peut admirer cette femme très réceptive à la vie et ses possibilités , luttant pour préserver son indépendance , son respect à elle-même malgré les sérieuses difficultés financières et morales et les tragédies auxquelles elle sera obligée de faire face. Dotée aussi d'une notion d'empathie ancrée, celle-ci lui sera plus souvent un fardeau qu'une bénédiction, que la société finira quand même par reconnaître et apprécier.



Première rencontre interessante avec Bolger avec ce roman inspiré librement de la vraie histoire de Sheila Fitzgerald , que l'auteur mettra treize ans à écrire. Il la croise à 18 ans dans sa caravane dans le conté de Mayo alors qu'elle a déjà 73 ans, et ils resteront amis jusqu'à sa mort en 2000.Une femme courageuse pour son époque qui a la chance d'être ressuscitée sous la plume magique de Bolger. Un livre émouvant, éprouvant, aux personnages masculins décevants mais féminins attachants qui se posent beaucoup de questions existentielles,

Qu'est-ce-qu'une vie ?

Qu'elle est la définition d'une bonne mère ?

Quel est la définition du bonheur que chacun cherche comme l'épée de Graal , est-elle primordiale pour une vie réussie, satisfaisante ?

« Le bonheur est un cadeau rare, saisit-le quand tu le peux* »,en dira Hazel, la fille d'Eva. Ce qu'elle fera.

Histoire d'une vie , où les livres aussi auront un rôle déterminant à certaines étapes de la vie d'Eva, Gurdjieff, “Rencontres avec des hommes remarquables”, Herman Hesse , “Le jeu des perles de verre”……étrangement des livres et auteurs qui m'ont aussi influencée .

Une femme qui malgré toutes les tragédies de sa vie décida de vivre dans le présent et de chercher et saisir la joie et le bonheur au coeur de la vie, jusqu'à la fin, “…..no bomb that ever burst shatters the crystal spirit.”

( George Orwell )





* ‘Happiness is a rare gift, Grasp it when you can.'





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Une arche de lumière

Une fresque incroyable sur une femme qui voulait vivre selon ses principes dans un temps où cela n'était pas facile.

Un livre dense mais qui se lit très facilement tant il est intéressant aussi bien sur l'histoire de l'Irlande, le combat des homosexuels ou des syndicalistes .

L'écriture est magnifique. Eva avait compris avant l'heure ce qui était essentiel. un vrai beau livre.
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Une arche de lumière

Une Irlandaise abandonne tout pour une vie sans attaches. Hommage de l?écrivain à une figure de son passé.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Une arche de lumière

C’est avec ce magnifique roman que je découvre la plume saisissante de Dermot Bolger qui nous conte la vie de Sheila Fitzgerald, amie de l’auteur, décédée il y a quelques années. Entre les pages, Sheila devient Eva. Lasse de sa vie bien rangée de femme mariée, elle décide un jour de quitter son époux pour enfin accéder pleinement au bonheur auquel elle aspire tant. Une vie en toute simplicité, au plus proche de la nature, exempte de tout surplus inutile et futile.



Parce qu’Eva est avant tout une passionnée à la recherche de son bonheur qui n’aura eu de cesse, toute sa vie, de se répéter la maxime énoncée par sa mère le jour de son mariage : « Quoi que la vie te réserve, promets-moi de te battre bec et ongle pour le droit au bonheur. » Pour parvenir à ce bonheur, elle quittera sa vie dorée et bien rangée dans sa demeure cossue en Irlande et se rendra en Angleterre, en Espagne, au Maroc ou encore au Kenya. Pour le droit au bonheur, toujours.



Au cœur de ce récit, à l’écriture exigeante, se cache la vie d’une femme prête à tout pour vivre sa vie comme elle l’entend. La vie qu’elle veut pour elle-même et non celle que la société catholique irlandaise voudrait lui imposer. Au fil des ans, elle se délestera de tout ce qu’elle n’estimera pas nécessaire, pour finir dans sa roulotte, baptisée « l’arche » par sa petite-fille. Au sein de sa dernière demeure, elle accueillera, tour à tour, des poètes, des aventuriers et des rêveurs. Alors que sa vie familiale n’aura été qu’une succession de malheurs et de pertes, elle se raccroche à ses amis, ceux de toujours ou de passage, pour donner un sens à son existence. En toute simplicité, sans fard, mais avec beaucoup de douceur. Parce que, finalement, c’est ça, le bonheur.



Voilà une pépite littéraire à savourer sans attendre.



Je n’ai qu’une hâte désormais : découvrir toute l’œuvre littéraire de cet incroyable auteur.
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Une arche de lumière

Libre et sans artifices, telle fut Sheila Goold Verschoyle, à qui Dermot Bolger rend hommage dans une fiction enlevée.
Lien : https://www.lalibre.be/cultu..
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Une seconde vie

Une lecture mitigé. J’ai trouvé le rythme un peu lent et le point de vue de la mère de Sean, ainsi que les conditions de vie en 1950 pas assez développé.

Néanmoins, les sentiments d’un enfant abandonné sont assez bien décrit et le dénouement rattrape l’ensemble de la lecture.
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Une arche de lumière

"Quoi que la vie te réserve, promets-moi de te battre bec et ongles pour le droit au bonheur".



Cette demande a l'air simple, pourtant dans une société où l'on se préoccupe surtout de son statut elle a de quoi surprendre. Cette phrase prononcée par sa mère le jour de son mariage, Eva ne l'oubliera jamais. Elle la confortera dans ses choix, lui fera relancer la marche avant lorsqu'elle se trouvera temporairement enlisée, lui permettra de construire sa vie en suivant son instinct. Qu'est-ce que le bonheur ? Éternelle question à laquelle chacun répondra de façon très personnelle. Pour Eva, le bonheur a un rapport étroit avec la liberté. Et sa recherche de liberté va l'amener à faire puis assumer des choix qui la mettront en marge de la société pendant une bonne partie de sa vie. Dès le moment où, en 1949, à 46 ans elle convainc son mari de la laisser partir. Elle quitte la demeure cossue des Fitzgerald pour une petite maison à Dublin où elle s'installe avec ses deux enfants déjà grands et prêts à faire leur vie de leur côté. Elle ouvre une école d'art pour les enfants, persuadée que laisser s'exprimer la créativité est le premier pas vers la construction de soi. Elle ne sait pas encore à cette époque qu'elle n'est qu'au milieu de sa vie, que de terribles chagrins l'attendent. Mais aussi des rencontres. En Irlande, en Espagne, au Maroc, dans les îles britanniques et même au Kenya où vit sa fille, mariée à un propriétaire terrien. Partout où ses envies la portent. Une vie sobre, débarrassée de vaines possession, axée sur le rapport aux autres, sur l'engagement pour les causes qui lui tiennent à cœur, sur une certaine spiritualité à mille lieues des murs fermés des églises. Jusqu'à sa (presque) dernière demeure, une roulotte qui lui permet de se poser quelque temps et de repartir, défendant farouchement son indépendance et sa liberté, et que sa petite fille baptisera "l'arche", nom prédestiné.



Une arche de lumière traverse la seconde moitié du 20ème siècle aux côtés d'une héroïne formidablement attachante sur fond de conflit irlandais, de décolonisation et de luttes pour toutes les émancipations qu'il s'agisse de l'apartheid en Afrique du Sud, du droit des femmes ou de ceux des homosexuels. Eva s'intéresse au vivant, à la personnalité de chacun, mère attentionnée et inquiète, grand-mère éblouie, oreille attentive et réconfortante pour celles et ceux qui se donnent la peine de dépasser les convenances. Prête à renoncer à son dernier rêve, s'installer au Costa Rica pour ne pas abandonner son vieux chien.



Cela faisait bien longtemps qu'un roman ne m'avait autant émue. Peut-être parce qu'il interroge tellement le sens de la vie, sans effets spéciaux, à l'aune de sentiments palpables. Sans doute aussi parce que Dermot Bolger s'inspire d'une femme qu'il a réellement rencontrée comme il le raconte dans une très belle postface. Dans un monde où nous faisons face à de plus en plus d'injonctions parfois contradictoires, où la pression de l'image et de la consommation n'ont jamais été aussi fortes, où le bruit se fait assourdissant, ce personnage déterminé à suivre sa voie, à assumer une sorte de décroissance en se contentant du minimum vital et surtout à savourer les instants d'un bonheur très simple est tellement inspirant.



Il y aurait encore beaucoup à dire. Pourtant, ce qui me semble le plus important c'est de souligner la beauté poignante qui se dégage de ce roman à l'image de ces quelques mots que Francis, le fils d'Eva adresse à sa mère dans une lettre : "Aujourd'hui, pendant que j'en dégageais un (arbre), j'ai compris ce que toi et moi nous devons faire de nos vies : éclaircir autour de nous un espace suffisant pour pouvoir y respirer et simplement vivre notre vie, en restant nous-mêmes."



Le plus beau roman que j'aie eu sous les yeux depuis un bout de temps.
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Une arche de lumière

Je fais la connaissance de l'auteur irlandais Dermot Bolger avec ce livre traduit par Marie-Hélène Dumas qui vient d'être publié en France.



Ce livre m'a tout de suite séduite par son rythme lent et le sens de l'observation comme si je regardais un tableau, attirée par la peinture mélancolique d'une époque en train de disparaitre. Cette magnifique composition d'un temps perdu m'a fait penser au roman cet été là de William Trévor qui m'avait beaucoup marquée également.



Au centre de ce récit, Eva, le portrait révolutionnaire d'une femme irlandaise en voie d'émancipation, une artiste dans l'âme qui a fait de sa vie une oeuvre en création.



Eva, c'est Sheila Goold Verschoyle que Dermot Boger avait rencontré lorsqu'il était étudiant et l'avait encouragé comme personne dans ses premiers pas d'écrivain.

Eva comme l'appelle l'auteur dans son roman, est un personnage féminin inoubliable. Entêtée à vivre sa vie affranchie des conventions, à mener des combats pour des idées et des valeurs qu'elle partage avec convictions.



Une vie marquée par des manques et des tragédies qui n'ont pas altéré sa croyance en quelque chose de supérieur qui n'a rien à voir avec la religion.

Et c'est cette foi, cette énergie qui rendent Eva si solaire et accueillante.



Ce roman est l'hommage personnel de Dermot Bolger à partir des confidences enregistrées de Sheila dans sa petite caravane de fortune appelée L Arche, plantée dans les bois de l'ancienne demeure en ruine de son mari à Turlough dans le comté de Mayo.



Cette maison ancienne de Glanmire House hantée dans ses caves par la légende du fantôme du majordome et les cendres du parterre de jonquilles sont les derniers vestiges d'un passé révolu.

Ce sont les traces des lieux immortels, le lieu de départ et d'arrivée des nombreux chemins parcourus à travers le monde par Eva.



Le premier chapitre par son ton élégiaque fait naître une émotion qui m'a beaucoup marquée et la toute fin qui est une réalité sombre serre le coeur. Les derniers instants d'une vieille dame excentrique aux vêtements colorés entourée de ses derniers chats et de son fidèle colley racontés pour moi de deux manières différentes.



Entre temps, nous remontons le passé d'Eva. le roman se déploie à grandes enjambées comme la grande fresque d'un incroyable parcours d'émancipation féminine sociale et politique des années 50 jusqu'à l'aube du 21 ième siècle.

Que ce soit à Dublin, à Londres, au Maroc ou au Kenya, Eva a laissé quelque chose d'elle-même dans ses rencontres en laissant pousser la graine de la création chez ses interlocuteurs.

A Dublin, par exemple Eva a été la première à ouvrir des ateliers de peinture pour enfants. Sa caravane de bohème, son dernier chez-elle, u dans les années 70-80 a été le refuge d'étudiants en arts du monde entier qui venaient la voir pour discuter avec elle.



Une arche de lumière est à la fois un beau roman lumineux et enténébré des bonheurs envolés comme est la vie qui lui a valu plusieurs années d'écriture à l'auteur. Il est le deuxième volet d'un premier roman centré celui-ci sur l'enfance d'Eva à Manor House dans le comté du Donegal « Toute la famille sur la jetée du paradis » qui aborde les tensions politiques de la vieille famille aristocratique Goold Verschoyle dans une Irlande déchirée.



J'aimerais aussi voir les croquis dessinés par Sheila Fitzgerald (son nom d'épouse) lorsqu'elle était enfant dans le livre « A Donegal summer » qui n'est pas encore publié en France.

Encore de belles lectures à découvrir.



Je remercie Babelio et les Editions Joëlle Losfeld pour m'avoir fait découvrir ce roman dans le cadre de la Masse Critiques Littératures.

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Une arche de lumière

Devinez où j’étais ces quinze derniers jours ? Très souvent entre le comté de Mayo, Dublin, le Wexford, l’Espagne, le Maroc, Londres et le Kenya avec… Eva.



Dans la famille Goold Verschoyle, je voudrais la fille cadette ! Mais oui, souvenez-vous de Toute la famille sur la jetée du Paradis dont je vous ai parlé en 2012 je crois. C’est avec cette incroyable fresque historique, sociale et familiale que j’ai fait la connaissance de Dermot Bolger, au fin fond du comté de Donegal. C’est avec plaisir tout à fait certain que j’ai retrouvé cette « suite » (même si Dermot Bolger se défend d’avoir écrit une suite et revendique plutôt un portrait de la fille cadette de la famille). N’empêche, on l’avait laissé mariér malgré son esprit libre, mère de 3 enfants, embringuée avec un certain Freddie Fitzgerald dont elle porte désormais le nom. Le bonhomme est à peu près tout le contraire d’Eva. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est « rentrée dans le moule » de la société bien bien-pensante de l’époque en épousant cet aristocrate éculé. Les temps changent en Irlande, mais pas Freddie ! Nous la retrouvons en 1949, en train de faire ses valises à la quasi-veille de son demi-siècle. Les enfants sont élevés, adultes. Elle peut désormais tenir la promesse faite à sa mère celle du droit au bonheur. Ce quu ne veut pas dire délaisser ses enfants. Francis aura tant besoin d’elle ; Hazel est tellement « tout feu, tou flamme ». Mais remettons tout ça dans le contexte de l’époque : en Irlande, le divorce n’existe pas, une femme est mineure à vie, dépendante de son époux jusque pour avoir un passeport. Bon, c’était kif-kif en France… Eva quitte donc Freddie. Ce n’est pas si facile dans son esprit le moment venu, où elle le regarde dormir dans la même pièce qu’elle. Malgré leurs disputes, elle n’a pas de haine pour lui, juste de la colère, des reproches, mais aussi de l’affection, toujours. C’était juste pas le bon numéro, celui tiré par dépit amoureux. Lui, finit par se réveiller et n’est pas surpris de la voir le quitter. Il lui dit qu’il va s’atteler « à fermer [Glanmire House] correctement, sinon les Gitans entreront et emporteront tout » . Ce manoir transformé en maison de chasse est la seule chose qu’il reste à Freddie, le parent pauvre du clan Fitzgerald qui détient le gigantesque et somptueux Turlough Park. Il est alcoolique, il a un pied bot, il est dans le dénigrement de la société irlandaise qui change en ces années 50.



Nous allons suivre Eva jusqu’à l’an 2000. Une traversée du demi-siècle qu’il lui reste à vivre, comme femme libre, qui se cherche une place dans la société, qui s’interroge sur le rôle d’une femme délivré e des liens du mariage, qui interroge la notion de bonheur. Eva est une rêveuse qui souhaite réaliser ses rêves. Elle va comprendre que la réalité est parfois rude. Elle va se relever inlassablement de chaque coup dure, rebondir et repartir sur de nouvelles voies. Artiste peintre, elle veut libérer l’imagination des enfants grâce à la peinture dans cette société irlandaise corsetée. Puis elle se cherche dans l’écriture. Mais c’est difficile pour une femme à l’esprit aussi libre qu’elle de se faire accepter par les éditeurs. Finalement, elle va se créer un univers bien à elle, dans une caravane surnommée L’Arche de lumière par sa petite-fille. Elle va être un âme réconfortante pour les gens un peu paumé dans la vie, pour les âmes esseulées quelles qu’elles soient, humaine ou animale. Ceux qui ne savent pas trop comment se trouver, se sentir bien dans une société pas toujours simple. Un jour, elle rencontre un certain Donal, jeune chômeur d’une vingtaine d’années qui voudrait être écrivain… Devinez qui c’est ! 😉



Pour ceux qui l’ignorent, et c’est ce que rappelle Dermot Bolger dans la postface de l’ouvrage, c’est qu’il s’est inspiré d’une histoire vraie. Eva a été inspirée par Sheila. Toute la famille a existé. Les noms ont été changés pour tout un tas de raison, notamment le fait que c’est tout de même bien difficile de savoir qui est exactement quelqu’un (on ne sera jamais dans son esprit), tout comme il est difficile de se connaître complètement soi-même. Sheila a finalement été le mentor de Dermot Bolger, celle qui lui a donné la force de réussir dans son projet alors qu’il était ouvrier et chômeur. Bon, mais tout ça est la dimension supplémentaire du récit que l’on apprend à la fin.



J’ai mis 2 semaines à lire ce livre, à traverser un demi-siècle en compagnie d’Eva. Il se passe tellement de choses dans sa vie si riche, mais aussi très tragique. On ne s’ennuie pas, c’est incroyablement raconté, avec, par instants, un sens du suspense qui vous assomme ! On se prend, à l’instar d’Eva, quelques coups durs ! Ses sentiments sont ainsi parfaitement bien retranscrits, sans que l’on tombe dans le larmoyant, parce que, même quand elle est dans des moments d’abattement profond, il y a toujours une petite lumière au fond d’elle qui reprend le dessus et la vie reprend. C’était génial de vivre dans cette caravane trimbalée du Mayo au Wexford, jusqu’au dernier moment où cela fût possible. J’ai quitté à regret Johnny le chien, et tous les chats qu’elle a hébergés. En revanche, j’ai eu quelques surprises avec la traduction quand j’ai lu le mot « Gitan » à plusieurs reprises. J’ai eu le pressentiment que le mot employé n’était pas tout à fait exact. Je voyais poindre le mot « tinker » dans la version originale. Et bingo, c’était bien ce mot qu’a employé Dermot Bolger (donc pas le mot « gypsy » ou « travellers ». Il n’y a pas de Gitans en Irlande dans les années 50-60, encore moins au fin fond du Mayo. Il y a des retameurs, des ferrailleurs nomades qui vendent leurs services. Ils sont spécialistes du travail des métaux. Rafistolent les outils agricoles, fabriquent des boites de conserves… Ce sont des Irlandais, avec des bouilles qui vont avec, si je puis dire. J’ai lu (en diagonal) un livre sur le sujet, écrit des universitaires américains : Irish Travellers, the unsettled life, de Sharon Bohon Gmekch et George Gmelch, Indiana University Press, 2014, qui raconte entre autres, l’origine sémantique du mot « tinker« , liée aux métaux et l’évolution de leur vie. Ils ont été très discriminés quand ils ont commencé à chercher du travail en ville, dans les années 70 et c’est devenu un mot péjoratif. En tout cas, bien que la communauté des gens du voyage irlandais soit complexe, ce ne sont pas des Gitans – et pas des Roms non plus, même si de nos jours, vous pouvez croiser des Roms à Dublin.



Dermot Bolger a mis une dizaine d’années pour écrire ce roman envoûtant. Alors je lui pardonne quelques répétitions.



C’est un incroyable voyage dans le temps et l’histoire de l’Irlande que je vous invite à faire, sur les pas d’une femme hors normes très attachante. J’ai beaucoup aimé et je pense que c’est un livre dont on se souvient longtemps, comme Toute la famille sur la jetée du Paradis.
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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