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Critiques de Donal Ryan (113)
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Par une mer basse et tranquille

Trois destins d'hommes dont les histoires semblent initialement n'avoir aucun rapport les unes avec les autres. Trois chapitres pour mettre à nu leurs traumatismes émotionnels. Farouk, un réfugié ayant fui la Syrie pour l'Irlande ; Lampy, un jeune au coeur brisé vivant avec sa mère et un grand-père gouailleur qui fait office de père ; John, un vieil homme qui revit les erreurs de sa vie au crépuscule de la sienne.



Donal Ryan déploie ses portraits en adaptant son écriture aux personnages. Il a un talent fou pour raconter des vies ordinaires, que ce soit pour rendre l'état d'esprit d'un jeune coincé dans une petite ville, aspirant à y échapper mais sans savoir comment y parvenir ; ou pour dérouler la confession du pénitent John, un sale type qu'il parvient toutefois d'éclairer de lumière lorsqu'il raconte son enfance d'enfant mal-aimé.



Mais c'est la première section, celle de Farouk, qui m'a marquée, déchirante et lyrique, baigné d'un rythme délibérément lent avec ses phrases longues. Cette ouverture de roman est tellement belle que la présence du Syrien plane au-dessus des deux autres chapitres, dans l'attente de découvrir comment l'auteur va nouer son destin à celui des deux autres.



Le triptyque est suivi d'un dernier acte, celui qui va relier ces vies dans une scène de bus construite comme une tragédie grecque. Bien sûr, cela tient toujours un peu de l'artifice que de faire ainsi s'entrecroiser des personnages que l'auteur a délibérément tenu à distance des autres tout du long. Bien sûr, un personnage de réfugié syrien n'était pas nécessaire pour faire avancer l'action à proprement parler. Mais toutes ces objections volent en éclat face à la narration magistrale de l'auteur dans ce dernier chapitre qui prend par surprise le lecteur dans son dénouement, limpide et évident tant l'ensemencement romanesque a été subtil, a pris et m'a complètement prise.



Ce roman a une âme, il souffle de la vie dans chacun de ses personnages avec une bienveillante humanité qui touche profondément. Avec simplicité aussi. Et ce roman prend encore plus vie lorsqu'on le relit, lorsqu'on connaît les connexions. C'est ce que j'ai fait, à la recherche des échos de ma première lecture, et cette deuxième rencontre n'en a été que plus forte.
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Tout ce que nous allons savoir

Irlande,

Elle est mariée, a trente-trois ans et est enceinte de son élève, un garçon de dix-sept ans d'une famille des gens du voyage, à qui elle apprenait à lire et à écrire. Bref, une situation compliquée, guère réjouissante vu l'issue qu'elle prévoit et elle est seule.

Dans un long monologue intérieur, Melody nous ouvre son cœur, nous fait découvrir sa vie et ses ressentis à partir de la douzième semaine de sa grossesse. L’occasion aussi pour elle de faire l’autopsie de sa relation avec son mari Pat, qui du grand amour déviera à la haine, ou presque, sa relation avec son père, et régler ses comptes avec son passé.

Mais rien n'apaise Melody, qui ayant commis un acte instinctif et même abusif, pense que quelque chose ne tourne pas rond chez elle ("There’s something very badly wrong with me"). Elle est pleine de rage envers elle-même et les autres, dont son mari et sa belle-mère ("I wish I could be normal, or dignified at least, and keep my madness to myself."), et comme la plupart des humains elle peine à contrôler ses instincts, ce qu'elle appelle une de ses anomalies. Et surtout ce qui se dégage de ce texte poignant c'est une grande solitude. Mari parti à l'annonce de la nouvelle, mère décédée, meilleure amie disparue à cause d'elle, seul un père aimant, qu'elle hésite à solliciter..... Le réconfort, elle le cherche dans une jeune fille de dix-neuf ans, un peu médium, une autre de la communauté des gens du voyage, à qui elle apprend aussi à lire et à écrire.



Dans le fond toute cette histoire n'a rien de particulier, et le personnage de Melody n'est pas des plus attachants; c'est le fait que ce soit un homme qui parle à travers cette femme qui la rend relativement intéressante. Ryan en profite aussi pour philosopher un peu sur la vie, l’amour, le mariage et l’amitié, et ce qu'il en pense n'est pas des plus enthousiastes. Bref, c’est surtout la forme et la langue qui donne son sel à ce récit. Un style plaisant et fluide au discours indirecte, épicé de british-irish qui fait sourire. De la belle Littérature, mais à mon goût un peu trop romancé, surtout la fin.





“These are all just bits and fragments, shards; no one can tell the story of a life or a friendship or a death or a marriage day for day for day.”

(Ce n’est que des bribes, fragments, tessons; personne ne peut raconter l’histoire d’une amitié, d’une mort, d’un mariage jour par jour par jour.)

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Tout ce que nous allons savoir

Avant de vous parler de ce roman , qu'il me soit permis de vivement remercier Babelio et les éditions Albin Michel qui m'ont fait le grand plaisir de me l'adresser dans le cadre d'une Masse Critique Privilégiée.

Et encore avant de me lancer , "un argument de vente" m'a un peu , disons , irrité . Je vous le livre : " un roman exigeant ,ambitieux , et à même de toucher un vaste lectorat FEMININ ". Je suis un homme et j'ai beaucoup aimé . Je ne poursuivrai pas le débat , je note , c'est tout ( mais pas sans arrière-pensée ...)

L'héroïne principale , c'est Mélody . Elle attend un bébé dont son mari , Pat , n'est pas le père . Non , le père , c'est Martin , un jeune appartenant à la grande famille des " gens du voyage " à qui elle donnait des cours . Pat la quitte . Mélody , submergée d' émotions négatives surgies du passé , veut mourir mais ce n'est pas si facile quand on porte la vie en soi . On va suivre avec attention les étapes de sa grossesse et avec elles vont surgir des souvenirs ,tragiques pour la plupart.....Des personnages vont se succéder dans la sphére proche de Melody et , parmi eux , son propre pére , un personnage d'un charisme et d'une humanité incroyables , un personnage qui de par son âge , possède un regard unlque sur les choses et les êtres. Les autres ne dégagent pas la "même force " , la même sympathie , je vous en laisse juges.

On va pénétrer dans le plus intime de Mélody et c'est peut - être cette intimité qu'on destinerait à un lectorat feminin ? Hum...pas convaincu .

Le style est percutant , sans bavardages inutiles , direct , bien en harmonie avec l'histoire , mêlant sans distinction les pensées de Mélody et les paroles .Il faut bien entendu garder en mémoire qu'il s'agit d'une traduction.

L'intérêt du roman est aussi de nous présenter quelques aspects de la vie quotidienne des gens du voyage et leur " sens de l'honneur " qui aura un rôle essentiel au moment de tourner les dernières pages . le dénouement viendra tout logiquement clore une histoire qui , il faut bien le dire , frôle souvent le tragique, l'incroyable , le dramatique.

Voilà un ouvrage qui a bien plu à l'homme que je suis . J'attends avec impatience les prochains avis et , surtout , ceux des amiEs babeliotes . Quant aux amis , rassurez moi avant de partir pour cette " balade irlandaise "peu conventionnelle . Et attention , prenez votre parapluie . En Irlande , le soleil est magnifique mais .... incertain et rare . Quand il pleut , il pleut bien et ça secoue ...comme dans ce livre , quoi.
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Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe

.

Voilà un auteur , qui , dès son premier roman " le coeur qui tourne ", se retrouve bardé de distinctions .

Pourtant , je reste méfiante... mais intriguée malgré tout !



Et , surprise , derrière une couverture loufoque , c'est un texte grave qui va se révéler .

On va vivre une année , mois par mois , avec Johnsey .

Fils de paysans irlandais , il a 25 ans et de lourds problèmes psychologiques en font un handicapé social : le rapport aux autres est douloureux et compliqué .

Le développement de sa pensée est bien souvent chaotique et le monde des adultes lui semble bien nébuleux .

Alors , bien sûr , dans le village il passe pour un simplet , un idiot .

Pourtant , il est heureux au sein de sa petite famille : ses parents l'aiment et le protègent .

Mais , un jour tout bascule .

Et , Johnsey va devoir se battre contre la bêtise humaine .



Pendant tout le récit , on va suivre le cheminement de la pensée du jeune homme avec ses mots , ses réflexions .

On passe par toutes les émotions possibles et , ici ou là des notes d'humour , parfois noir ou grinçant , tentent d'alléger un peu l'atmosphère sombre .



Mais ,je dois préciser que je n'ai pas toujours supporté facilement l'hyperréalisme forcené du style de ce roman .

Le personnage est très attachant tant il est sensible et souvent plein de bon sens mais " penser Johnsey "pendant des pages et des pages est plus épuisant qu'on ne croit !



Pourtant , j'ai apprécié cette fresque villageoise , un nouveau tableau de la vaste comédie humaine , bien construit .

L'émotion aussi est au rendez-vous et j'ai souvent pensé à une phrase culte que l'on prête à Audiard :

" Heureux soient les fêlés car ils laisseront passer la lumière "

Maigre consolation face à la dureté de ce roman .

















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Par une mer basse et tranquille

« Il y a des histoires dont un homme peut tirer de la gloire», fait dire Donal Ryan à Pop, l'un de ses personnages. Difficile de s'empêcher de penser qu'il sait de quoi il parle. Spécialiste d'histoires de vies irlandaises, distingué dès son premier roman « Le coeur qui tourne », Donal Ryan a suscité une vague de critiques dithyrambiques à l'étranger avec ce quatrième livre, Jonathan Franzen allant jusqu'à évoquer un livre qui l'a longtemps habité, se demandant « si nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature ».



Donal Ryan risque pourtant d'étonner ses lecteurs assidus en situant son premier personnage en Syrie. Il le développe dans une prose au rythme lent, à l'image de l'introspection du personnage, Farouk, un médecin syrien prêt pour la traversée de la Méditerranée avec sa femme Martha et sa fille Amira. Plongez un tel personnage plutôt réfléchi dans la démence d'une migration clandestine, ça laisse forcément des traces. Vous obtenez des doutes, des réflexions, des questionnements, des projections anxieuses. Une anxiété pouvant même déboucher sur des formes plus graves de troubles psychiques. Un superbe personnage inoubliable, qui continuera d'habiter le roman, le lecteur se demandant comment il le retrouvera en dernière partie.

Le deuxième, Lampy, a les pieds bien ancrés dans son Irlande natale depuis 23 ans, vivant avec sa mère et son grand-père Pop, la tête déboussolée par ses incertitudes familiales. « Petit, il ignorait qu'il y avait une différence. Mam était Mam et Pop était Pop. Mari, femme, mère, père, grand-père, fils, fille et petit-fils n'étaient que des mots, et les seuls mots qui se soient jamais concrétisés pour lui étaient Mam et Pop. Mais un jour quelqu'un lui avait expliqué la signification du mot « bâtard ».

Le troisième s'appelle John. S'il y a une figure du mal dans ce roman, elle lui revient sans hésiter. Un comptable qui se dit lobbyiste, ou un financier avide de fric et de puissance, manipulateur pervers, détenteur d'une théorie infaillible pour détruire par des ragots : « […] toute chose a son origine ; rien ne peut venir de rien ». Il a pourtant ses blessures intimes lui aussi, et on le retrouve âgé au moment du récit, dans le questionnement, la rédemption et le dégoût de lui-même : « N'est-ce pas ma contrition qui compte, mon rejet de moi-même, ma prosternation devant la possibilité d'une miséricorde ? »



Trois hommes que rien ne semble relier de prime abord. On pourrait s'arrêter là avec la sensation d'avoir lu le recueil de trois nouvelles, celles d'un auteur inégalable pour nous mettre dans la tête de ses personnages, à fleur de peau de leurs émotions, avide de leur épopée, réussissant à chaque fois à créer le mini page-turner d'une psyché. On remarquerait l'omniprésence de Dieu et des éléments naturels comme la lune, une petite citation et ça en serait terminé : « La lune apparaît à la lucarne au-dessus du palier, baignant l'escalier de sa lumière blême, et il ressent une haine soudaine pour cette chose morte qui tourne autour de la terre en présentant toujours le même visage et gouverne les marées, sans la moindre émotion.»

On pourrait ne pas lire la dernière partie mais ça serait dommage, pour ne pas dire farfelu. En plus d'unifier avec virtuosité les trois destinées, elle fait grimper le livre un étage au-dessus encore, là où il n'en reste plus beaucoup. Cette dernière partie sonne le réveil des personnages secondaires. Ils s'y révèlent, parfois sous un jour différent, reléguant au second plan les trois premiers. Et c'est ainsi, avec d'autres points de vues, que les liens se tissent, les vérités se disent, l'action se délite, que l'ensemble se cimente avec maestria, avec un final à couper le souffle. Même si derrière tout ça il reste encore une autre histoire, plus difficile à raconter celle-là, concernant l'auteur et sa prose ensorcelante et magique, qui tient en haleine de bout en bout. On a du mal à cerner, à tenir le fil de ce qui fait sa puissance et sa force, pourquoi elle aimante à ce point. L'empathie de Donal Ryan n'y est sûrement pas étrangère, traduite par sa capacité insensée à faire vivre ses personnages dans la tête du lecteur. Et puis son écriture évidemment, qui s'adapte aux caractères, à la fois précise et libre dans l'espace comme le temps, capable de s'éloigner des personnages pour nous parler de la lune ou d'une mouette, de Dieu ou des anges, d'un souvenir ou d'un éphémère qui s'achemine dans le décor ou l'action, tout en nous maintenant sur le qui-vive des destinées. Mais peut-être que tout n'est pas définissable. Comme si au fond de tout ça il y avait une petite chose essentielle à ne pas déranger. Une petite chose à la fois inaccessible et omniprésente, qui ressemblerait au souffle perpétuel d'une âme sachant écrire les vies et esquissée dans une voix unique, à écouter car elle nous raconte tout simplement l'humanité, et à travers elle un peu de ce que nous sommes.
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Par une mer basse et tranquille

Donal Ryan est devenu, suite à son tout premier roman « Le Cœur qui tourne » paru chez Albin Michel en 2015, un des auteurs irlandais les plus incontournable. Chacun de ses livres est attendu, impatiemment, par de très nombreux lecteurs. Celui-ci, « Par une mer basse et tranquille » ne déroge pas à cette règle et il vient tout juste de paraître aux Editions Albin Michel. C’est un évènement littéraire parce que des auteurs de la trempe de Donal Ryan on n’en compte, finalement, pas énormément. Parlons de la forme tout d’abord, l’écriture est ciselée, profonde, délicate et sensible. On est, dès les premières pages, emporté par le souffle et le soin apporté au récit. Donal Ryan interroge les méandres des vies, leur sinuosité, la condition d’homme ployant sous le fardeau, le poids, de la destinée, de la fatalité. Trois destins, trois chemins appelés à se croiser de façon impromptu ou, bien au contraire, qui suivent un fil d’Ariane soufflé par Dieu si l’on est croyant. Donal Ryan nous laisse libre de supposer, de penser ce que l’on veut. Il suit un schéma narratif très limpide. Trois hommes, trois parties dans un même roman avec en plus un épilogue qui donne son sens à l’ensemble. L’auteur s’intéresse en premier lieu, à Farouk, médecin syrien contraint de quitter son pays à l’arrivée de Daech. Il a une épouse, Martha, biologiste et une fille, Amina. La crucifixion d’un jeune homme et autres atrocités qui sont la marque de fabrique du système totalitaire de Daech, tous ces éléments lui font prendre conscience que lui et sa famille ne sont plus en sécurité en Syrie. Donal Ryan décrit dans des pages poignantes le départ de Farouk et sa famille, dans un bateau de fortune, afin de rejoindre l’Europe. La souffrance de la guerre, de la violence aveugle de Daech, d’un pays qu’il ne reconnaît plus. Que va t’il advenir de Farouk et de sa famille ? Vont-ils pouvoir rejoindre l’Irlande ? C’est incontestablement, la partie du livre que j’ai préféré. Elle est sublime et d’une rare sensibilité, humanité. En second lieu, nous retrouvons Lampy, il vit en Irlande avec sa mère et son grand père goguenard surnommé Pop. Lampy a vingt trois ans et ignore qui est son père. Il travaille dans une maison de retraite. Son cœur est brisé le jour où Chloé, sa petite amie, part étudier à Dublin. Chloé est d’un milieu beaucoup plus aisé que le sien et Lampy n’a pas de diplôme, autant d’éléments qui poussent Chloé à partir. Cette seconde partie est plus cocasse, avec davantage d’humour, du fait du personnage très attachant du grand père, et toujours ce regard empreint d’humanité. Lampy veut tout plaquer, comment se reconstruire après une rupture ? Enfin, dans une troisième partie, nous rencontrons John qui sentant la mort approcher, souhaite obtenir la rédemption après sa vie passée à faire le mal. John a perdu son frère aîné, très jeune. Ce frère était le préféré de ses parents et John n’était que le pâle reflet de la réussite insolente de son aîné à l’école et en sport. Son père était un grand propriétaire terrien. Le jour de la mort de son frère, son père brûle tous les symboles chrétiens de la maison. Là encore, il est question de bâtir une vie, sans avoir eu l’amour et l’attention suffisante, pour être heureux. Alors, le mal apparaît être une voie comme une autre, un choix par défaut. Que serait-il advenu de John s’il avait été aimé ? Vous l’aurez compris, il s’agit de trois hommes à la croisée de leurs destins, trois parcours singulier mais qui vont converger. Comment ? Je vous en laisse la saveur intacte et nulle volonté de ma part de dévoiler davantage d’éléments du récit. C’est un beau roman, très bien écrit, sensible et humaniste, questionnant le champ des possibles de nos vies. C’est incontestablement un roman à découvrir. « Par une mer basse et tranquille », s’est publié chez Albin Michel et s’est signé par l’écrivain irlandais Donal Ryan.



Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel pour cette lecture et leur confiance !


Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Tout ce que nous allons savoir

Pat, le mari de Melody, est parti lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte…d’un autre. Elle tait l’identité du père, une folie passagère, un garçon timide et triste de dix-sept ans, appartenant à la communauté des gens du voyage et à qui elle apprenait à lire.



Arrivée à la douzième semaine de grossesse, elle écrit les perceptions de son corps, ses faits et gestes, son envie d’en finir. Puis, de semaine en semaine, au rythme de ce petit être qui se développe en elle, ses confidences éclatent et s’enchaînent en une véritable introspection. Est-elle dérangée, mauvaise, cruelle ?

Elle écrit l’amour initial, fort et fusionnel, pour Pat. La dérive vers les violences verbales, le mépris, les reproches des fausses-couches, tous ces mots destructeurs qui ont fait irruption dans leur couple.

Elle écrit l’amour immérité que son père lui voue, ce père plein de compassion. Cette relation est admirablement décrite par l’auteur qui a su faire jaillir de ces passages la tristesse, l’inquiétude, et surtout tout l’amour de ce père résigné.

Elle écrit sa culpabilité envers son amie d’enfance tragiquement disparue.

Et puis, elle va vers le campement des gens du voyage et y rencontre Mary, jeune femme rejetée. Elle va découvrir les règles qui régissent leur monde de nomades et espère y trouver « un répit à son état sans grâce ».



L’écriture est chaotique, en adéquation avec l’état d’esprit de Melody. Des phrases de longueurs tout à fait inégales déversent parfois des flots de faits, comme une délivrance. Ses pensées multiples, indisciplinées, nous sont livrées au fil de l’eau d’où un récit non structuré où dialogues et texte se mêlent mais sans jamais nous perdre.

C’est un récit d’une grande sincérité, l’histoire d’une vie confrontée à des fautes dont le poids semble soudain trop lourd à porter. Melody écrit ses comportements inexplicables sans faux-fuyant.



Une vie, des vies tout à fait réalistes qui se rencontrent avec des blessures reçues ou données.



L’auteur sait véhiculer les émotions. J’ai été surprise par sa faculté à mettre en scène des personnages qui, malgré leurs défauts, n’occasionnent aucune antipathie chez le lecteur. J’ai également apprécié sa façon de tisser des liens profondément humains au milieu de faits pourtant empreints de noirceur. On se laisse mener par les écrits de Melody jusqu’à son émouvant post-partum. L’originalité de la plume sied parfaitement à cette confession intimiste.



Un roman fort qui traite de nombreux défauts humains mais d’où la beauté latente ne peut laisser indifférent !



Tous mes remerciements à Masse Critique et aux éditions Albin Michel pour la découverte de ce nouveau roman irlandais.

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Tout ce que nous allons savoir

De semaines en semaines se déroule le scénario de "Tout ce que nous allons savoir", dernier roman de l'Irlandais Donal Ryan. C'est le scénario le plus simple de la vie, il commence le premier jour de la conception d'un bébé, il se termine le jour de l'enfantement. Paradoxalement existe-t-il dans la nature un scénario plus complexe, plus délicat à conter que celui d'une femme, qui à la septième semaine va sentir quelque chose d'imperceptible, un mouvement, un léger déplacement, le poids de l'ombre.





Cette ombre va bousculer toute une vie, celle Melody la future maman, mais il faudra attendre le terme du neuvième mois pour célébrer sa naissance.

Une autre ombre plane, celle des gens du voyage, Martin Toppy a dix sept ans, il est le père de l'enfant à naître, et son propre père est une personnalité reconnue de sa communauté. Les tensions sont palpables dans la petite cité irlandaise. Que s'est-il passé entre Melody Shee, et Pat son mari ?

L'ombre de la maman de Mélody affleure aussi, cette parole s'est tu quand elle avait 14 ans.





Donal Ryan s'est emparé de ce scénario, pour parler aux femmes, à deux femmes, l'une Mary, essayant désespérément de concevoir, et de sentir s'arrimer le fœtus, comme après une délicate couvaison, puis une autre femme Melody qui après deux fausses couches a senti son ventre se réveiller.





Dans la plupart des romans on identifie facilement les bons des méchants, on les suit, on les traque, jusqu'à leur faire avouer leurs dernières tentations, les unes perverses, les autres miraculeuses.

Avec sa voix de stentor Ryan réveille l'humanité de chaque personne, mêle et entrelace leur histoire familiale, dans sa multiplicité douce ou orageuse. Les coups de sang en majuscule dans le texte, frémissent de cris et de jurons comme ceux de vieux routiers. Dans le cœur de chacun de ses personnages qui tour à tour sera cruel ou généreux, sourd ou attentif, fidèle ou infidèle, la complexité des sentiments des femmes et des hommes est restituée, leurs capacités d'être des hommes justes ou de piètres parents testée.





Ryan ne fait pas de cadeaux lorsqu'il fait dire à Melody : " j'ai toujours été une salope mais maintenant je suis une salope cinglée. Une vraie salope devenue folle. Et aussi une pute, au fait. "





Il ne fait pas non plus de cadeaux à l'entourage familial, quand il se fait le l'écho des non-dits page 118 : " le soupçon courait, elle le savait au fond de son cœur et de son âme, selon lequel elle aurait été flétrie de l'intérieur par un autre homme et les Clothery auraient été au courant depuis le début qu'elle ne pouvait pas accueillir la vie dans son ventre et ils auraient dupé tout le monde,"





Il anime au diapason du récit, la langue anglaise avec une dextérité d'acrobate et de jongleur passant de la boutade,  "tout ce qu'il a rapporté de l'école, c'est des poux", à de la tendre ironie, celle du père moqueur qui tendrement s'amuse à dire à sa fille, "tu as failli pleurer devant tant de gentillesse, tu as la vessie près des yeux".





Deux histoires qui se nouent et se dénouent avec justesse, comme une délicieuse façon de tendre la main pour caresser le ventre qui s'arrondit pour apaiser une blessure qui n'en finit pas de sourdre.

Les affres que suscitent la désintégration du couple de Mary, comme, comme les rapports devenus difficiles de Melody avec Martin Toppy le jeune père de l'enfant à naître, sont vécus à travers des mots où s'impriment la délicatesse de Dolan Ryan.





La joie, peut être le bonheur, la vie sûrement s'imposent avec une clarté bleutée que nous parcourons les yeux écarquillés, parfois un peu chiffonnés d'avoir trop lu.

On ne saura jamais tout, ni tout ce qu'il fallait savoir, car l'essentiel nous échappe, l'émotion est si dense et si intense que les mots nous fuient, mais le plaisir du lecteur nous le portons très haut, le cœur meurtri, l'esprit conquis.
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Le Coeur qui tourne

Ce roman ne raconte pas l'histoire d'une personne ou d'une famille, c'est l'histoire d'une petite ville d'Irlande en pleine crise. Crise économique, crise sociale.

Le point de départ, le départ d'un patron, laissant des employés démunis...

Puis quelques évènements plus dramatiques surgissent dans l'histoire : un meurtre, un enlèvement...

A partir de ce point de départ et jusqu'au dénouement de cet enlèvement, on passe d'un narrateur à un autre, on entre dans l'esprit du narrateur, dans ses pensées, et on suit tant bien que mal le déroulement de cette période...

On ne s'attache à aucun habitant en particulier et en même temps, on éprouve de l'empathie pour chacun d'eux.

Ce livre permet de comprendre que chacun a sa propre histoire, chacun réagit par rapport à sa propre histoire, chacun voit "midi" à sa porte, ...
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Tout ce que nous allons savoir

C'est un roman dur, émouvant, sans concessions : l'histoire d'une femme qui n'arrive pas à se pardonner ses erreurs d'adolescence, qui se punit pour tel et qui punit son entourage. L’histoire débute par une confession : Melody Shee avoue à son mari Pat qu'elle est enceinte et qu'il n'est pas le père. Ce dernier, abasourdi pas cette nouvelle, la quitte. Mélody reste alors seule avec ses pensées qu'elle déverse dans son journal intime. Sa rencontre avec Mary, issue de la communauté des gens du voyage, va lui faire repenser sa vie et ses choix...Des personnages entiers et imparfaits, une écriture sans temps mort font de ce récit éprouvant une belle découverte qui me donne envie de lire les autres textes de l'auteur.
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Le Coeur qui tourne

Meilleur livre de l'année 2012 en Irlande, lauréat du "Guardian First Book Award" en 2013. Pas mal pour le premier roman de Donal Ryan dont il aisé de prévoir, eu égard à ses qualités de styliste, qu'il refera parler de lui, en bien, dans les prochaines années. Prototype du roman choral, Le coeur qui tourne enchaîne 21 chapitres dont le narrateur est à chaque fois différent, tout en appartenant à la même communauté d'une petite ville irlandaise, frappée sauvagement comme le reste du pays par la crise économique. Il y a un personnage qui fait office de fil rouge et dont on suit le calvaire au fil des différents récits : grugé par son employeur, calomnié par la rumeur, accusé du meurtre de son père. Mais son sort s'efface finalement devant la somme des destins individuels qui se succèdent. On y trouve colère, misère, manque d'amour, ressentiment et douleur. Et de l'espoir ? Non, quasiment pas, si ce n'est dans la toute dernière phrase du livre. 21 personnages, blessés, humiliés ou simplement paumés, cela fait tout de même beaucoup et Le coeur qui tourne est hélas victime de son procédé narratif. Trop de malheurs et de rancoeurs concentrés en un roman relativement court ! Impossible de s'attacher à quiconque, les protagonistes viennent livrer leurs témoignages poignants et puis s'en vont rejoindre le cortège des ombres. Bien entendu, l'intention de Ryan de dessiner un portrait collectif est séduisant sur le papier mais in fine, son foisonnement d'histoires (certaines auraient pu constituer la trame d'un livre à elles seules) se révèle terriblement frustrant.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Tout ce que nous allons savoir

Melody est enceinte de douze semaines. Le père n’est pas Patrick, son mari, mais Martin Toppy. C’est un jeune homme de dix-sept ans qui fait partie de la communauté des gens du voyage. La jeune femme de trente-trois ans lui donnait des cours particuliers pour lui apprendre à lire.





Dans le campement, elle rencontre Mary Crothery, une jeune fille rejetée par sa famille. Ces liens modifient sa vie et sa façon de penser.





Mélody raconte sa jeunesse et son mariage. Son récit alterne avec des scènes du présent. De la même manière, mes sentiments, envers elle, ont oscillé. Par moments, je l’ai détestée, et à d’autres, mon empathie s’est éveillée. Les deux émotions, au départ, étaient très tranchées, et au fil du livre, elles se sont mêlées.





J’ai ressenti la même ambivalence au sujet de Patrick. Leur amour est grand mais leur relation est destructrice, leurs paroles et leurs actes sont dégradants pour l’autre, ils se font beaucoup de mal. A force de se haïr soi-même, on fait, parfois, porter la faute à celui qui nous ressemble.





J’ai ressenti un profond respect pour le père de Melody, qui est un homme très attachant. J’ai aimé le papa qu’il est, qui aime sa fille envers et contre tout.





Mary est une jeune fille de dix-neuf ans. Elle est en souffrance et pourtant, elle fait preuve d’une grande maturité. Mais surtout, elle est très attachante, elle est solaire. Il se dégage une pureté d’âme de ce personnage.





Chaque chapitre correspond à une semaine de grossesse, jusqu’au post-partum. Les changements psychologiques de Melody se calquent sur ses modifications physiologiques. Elle va pousser très loin son introspection. Elle le fait sans faux-semblants, c’est brut et ça fait mal à lire, par moments. J’ai été bouleversée par un drame concernant Breedie, son amie d’enfance.





J’ai énormément aimé les passages contant la vie des gens du voyage, pour qui l’honneur est sacré. Il peut les conduire à renier les leurs et provoquer de grands malheurs.





Le texte est percutant, il fait souffrir, il fait sourire, il met en colère, il attendrit et il malmène. C’est parfois très noir, et parfois très lumineux, mais toujours profond. C’est une histoire de destruction et de rédemption, de passion et de rejet, d’amour et d’amitié. La grossesse est la chrysalide de Melody. La fin est magnifique et émouvante. Elle est surprenante et pourtant, je me suis dit que c’était celle qu’il fallait. J’ai adoré le choix de Donal Ryan.





Tout ce que nous allons savoir est un roman puissant. Je l’ai énormément aimé.





Je remercie sincèrement Babelio et les Éditions Albin Michel pour ce service presse.


Lien : http://www.valmyvoyoulit.com
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Tout ce que nous allons savoir

Tout au long des semaines de sa grossesse Melody, la narratrice alterne entre le passé et le présent. Un passé tumultueux et dramatique. Breedie son amie de toujours qu’elle va trahir et qui finira par se suicider. Pat le premier garçon qu’elle a embrassé, avec le temps ils ont fusionné pour ne faire plus qu’un. Même dans les années de haine, ils n’ont cessé d’être proches. Pat, devenu son mari avec qui elle n’a pas pu avoir d’enfant est un salaud, un bâtard de bon à rien qui va voir les prostituées en ville. Martin 17 ans, son élève, il est le père de l’enfant que porte Mélody. Martin a quitté le campement, mais Mélody va y faire la connaissance de Mary répudiée par sa famille et son mari. Mary qui a le don de ressentir les choses.



Je me suis laissé facilement entraîner dans ce récit dramatique porté par la puissance des deux personnages principaux Melody et Mary. Des personnages secondaires comme Breedie l’amie délaissée et le père de Melody m’ont également interpellé.



J’ai apprécié cette incursion dans le monde des gens du voyage, une communauté régit par le sens de la famille et de l’honneur, où les mariages sont arrangés, où les conflits se règlent d’homme à homme, un monde clos à l’intérieur d’un autre monde.



Chez Donal Ryan comme toujours les personnages ne sont pas vraiment sympathiques, ils ont des relations toxiques et destructrices parsemées de malheurs voir de tragédies. Avec son écriture toujours aussi fluide, il réussit à nous captiver. J’ai vraiment passé un bon moment à la lecture de ce roman qui parle de trahison, de passion, de violence, et aussi de la condition des femmes.



Merci aux éditions Albin Michel et à Babelio pour leur confiance.



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Soleil oblique et autres histoires irlandai..

Cela fait maintenant plusieurs années que Donal Ryan explore à travers ses livres une géographie humaine riche et complexe. Du Cœur qui tourne (2015) à Tout ce que nous allons savoir (2019),en passant par Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe (2017), il examine la complexité de ce qui fonde les êtres.

Dans soleil oblique, un recueil de nouvelles, Donal Ryan se glisse dans l'intimité de personnages perclus dans le malheur, dans les non-dits et dessine une cartographie de tragédies bouleversantes.

C'est un recueil de nouvelles poignantes qui fait surgir l'épiphanie au plus profond du désespoir. Les méandres de l'esprit qui flirtent parfois avec la cruauté rendent compte d'un cheminement moral fait de lumière et de renoncements.

Ces nouvelles décrivent une Irlande rurale modeste et silencieuse vingt histoires sublimement contées qui nous mènent au cœur de l’Irlande et des méandres du cœur humain.

Un vieil homme et son frère se retrouvent pris dans un banal cambriolage qui tourne mal ; dans une ville syrienne déchirée par la guerre, un prêtre irlandais enseigne aux jeunes un nouveau sport ; un homme qui a causé la mort de sa petite amie dans un accident de voiture se lie avec la mère de celle-ci ; un groupe d'amis décident de se venger d'un violeur…
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le Coeur qui tourne

Bobby Mahon est une figure respectée de la petite ville irlandaise dans laquelle il vit. Il était contremaître sur les chantiers qui employaient la plupart des hommes de la ville, avant que leur patron Pokey Burke ne file à l’anglaise. Les hommes ont alors découvert qu’ils n’avaient droit à aucune pension, Pokey Burke ne les ayant jamais déclarés.

Bobby n’est que le premier à raconter son histoire, car c’est tout le portrait d’une petite ville irlandaise que Donal Ryan nous donne à lire dans ce roman polyphonique qui laisse la parole aux habitants : à Lily, la putain de la ville, à Vasya, un ouvrier originaire d’Europe de l’Est, à Réaltin, l’une des deux seules occupantes d’un lotissement inachevé… Toutes ces voix se succèdent pour raconter non pas seulement l’histoire d’un naufrage économique, mais aussi leurs tragédies personnelles.

Une bonne idée pour ce roman, seulement voilà, pour moi, trop, c’est trop. Vingt et une vies, vingt et un portraits de personnages sans relief ont eu rapidement raison de ma patience. Je n’ai pas réussi à maintenir le fil les reliant les uns aux autres tant la vie de chacun m’a semblé plate et sans intérêt.

Je dois tout de même saluer la qualité d’écriture indéniable de l’auteur qui elle seule a fait que j’arrive au bout de cette lecture et lui attribue 2 étoiles.

En conclusion, un roman qui par la banalité du propos ne m’a pas convaincue mais un auteur dont je tenterai la lecture du prochain ouvrage.



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Par une mer basse et tranquille

Deux ans après Tout ce que nous allons savoir, l’écrivain irlandais Donal Ryan revient en France avec Par une mer basse et tranquille.

Comme d’habitude, c’est chez Albin Michel et encore une fois servi par la traduction impeccable de Marie Hermet.

Au centre de l’histoire, trois personnages que pas grand chose ne semble rapprocher et qui, dans la grande tradition des récits chorals, vont pourtant converger vers un même lieu, l’Irlande.

Divisé en trois parties et terminé par un épilogue inattendu, Par une mer basse et tranquille traque de nouveaux les ombres du passé et les fêlures des uns et des autres.



De la fuite à la confession

C’est par l’histoire de Farouk que commence Par une mer basse et tranquille, l’histoire d’un médecin syrien contraint de fuir son pays devant l’avancée des terroristes afin de mettre à l’abri sa femme et sa fille. Donal Ryan raconte l’horreur islamiste et la peur qu’elle sème dans le cœur des hommes, il exprime aussi le doute enraciné dans la culture, la tentation de rejoindre les « barbus » pour garder femme et fille sous clé, dicter leur vie et en finir avec cette petite voix jalouse qui murmure une misogynie ordinaire si tentante. Farouk casse le cliché du Syrien pauvre et sans éducation qui vient parasiter le pays étranger où il échoue, ce cliché commode créé et entretenu à dessein par l’extrême-droite. Il montre que la majorité des migrants sont mus par le désespoir et la crainte, piégés dans leur propre pays par des horreurs qui prennent le pas sur le quotidien. Malheureusement, ce qui les attend ailleurs n’est pas forcément plus reluisant. Abusé et moqué par les « passeurs », Farouk devient une épave à la dérive, un témoignage vivant de l’injustice et du cauchemar qui s’est abattu sur le peuple syrien…et sur bien d’autres.

Puis le récit change complètement avec Lampy, un irlandais pur jus qui vit dans une famille ordinaire ou presque. Avec Pop, son grand-père blagueur un peu lourd et Mam, sa mère discrète mais toujours présente, le jeune homme travaille en faisant le chauffeur pour une maison de retraite. Lampy n’a pas grand chose du grand génie et sa vie amoureuse frôle le désastre entre Chloé et Eleanor. Mais Lampy est courageux, du moins c’est ce qu’il veut croire lorsqu’il résiste à ses idées noires. Ce qu’il manque surtout à Lampy, c’est une origine, un père dont il ne sait rien, un amour qui ne s’est pas noyé mais n’a jamais été. Donal Ryan change son fusil d’épaule, oubliant l’extraordinaire et le tragique de Farouk pour un drame plus intimiste encore mais un peu moins percutant sans doute. Cette seconde partie constitue le ventre mou mais nécessaire d’une histoire où les non-dits s’accumulent dans un but bien précis.

Avec le dernier récit, l’irlandais renverse la table. Sous la forme d’une longue confession à la première personne d’un lobbyiste à la morale plus que floue.

John n’a rien d’un saint et son portrait sans concession montre les épreuves qui l’ont façonné, de la mort de son frère, Edward, à sa rencontre avec une jeune fille dont il changera pour toujours l’existence. Par ce personnage, Donal Ryan renoue avec l’ambiguïté morale, avec le portrait en nuances de gris qui lui sied le plus. John fascine autant qu’il écœure, pur produit de son époque, manipulateur et profiteur, victime et bourreau.



Survivre et reconstruire

Par une mer basse et tranquille pourrait ressembler à une succession de portraits centrés sur les blessures de l’intime, les non-dits et les catastrophes, de la mort à la vie, de la vie à la mort. Seulement voilà, Donal Ryan n’en reste pas là et finit par un épilogue qui rassemble les fils narratifs pour en faire un bouquet à la fois amer et apaisé, une conclusion en forme de rédemption et de vengeance, ou quelque part entre les deux.

Tout entier construit sur des évènements qui vont détruire et remodeler la vie de ses personnages, les privant d’amour par la même occasion, le roman arrive à capter l’influence du traumatisme sur l’existence, parvenant à montrer les contradictions et les sales petits secrets de ses héros qui comprennent trop tard qu’ils n’en sont pas.

Pourtant, Par une mer basse et tranquille peut paraître inégal de prime abord, la faute à une première et une troisième partie si puissantes qu’elles occultent la tristesse sourde émanant de la vie simple de Lampy…jusqu’à cette conclusion qui ressert les liens et organise une conjonction des blessures pour tenter un tour de passe-passe narratif brillant où la mort peut finalement rassembler et offrir une seconde chance aux hommes comme aux femmes.

C’est beau, brillamment nuancé et particulièrement émouvant. Comme tout ce qu’écrit Donal Ryan en somme.



Récits brisés, vies bouleversées, personnages blessés, voilà ce que promet Par une mer basse et tranquille qui cherche la peine et la rédemption des contrées syriennes aux villes irlandaises.

Donal Ryan livre un roman à trois vitesses et un carambolage final qui laisse des traces.
Lien : https://justaword.fr/par-une..
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Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe

Découvert avec le coeur qui tourne, son premier roman qu'il avait présenté à la Fête du livre de Bron, revoici l'écrivain irlandais Donal Ryan ! Franchement, j'avais eu un peu de mal avec ce roman choral, le coeur qui tourne, alors que là, l'auteur s'attache à un seul personnage et tout ce qui gravite autour, durant une année entière, Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe.



L'Irlande loin du folklore et du tourisme est à nouveau bien présente car Donal Ryan (photo ci-dessous) sait plonger son lecteur dans le quotidien de vies pas faciles, à la campagne, ou à proximité d'une ville. Ici, c'est un jeune homme simplet, « un gros demeuré », nommé Johnsey, un garçon attachant que l'on aurait envie d'aider alors que presque tout se ligue contre lui.

D'emblée, il y a Eugene Penrose et sa bande. Ils s'acharnent sur lui quand il rentre du travail à la coopérative où Packie Collins lui a donné un travail par respect pour son père. Hélas, celui-ci est mort et son épouse ne s'en remet pas. Les Unthank semblent bien attentionnés mais « L'odeur de papa s'attarde partout. »

Johnsey, harcelé depuis l'adolescence par des garçons avec lesquels il jouait à l'école, est triste, pense souvent aux filles, sans espoir : « C'est dans sa chambre qu'il réfléchit le mieux. Quand on gamberge trop, on risque de se bousiller complètement le cerveau. »

Chacun des douze mois jalonnant le récit débute par de très touchantes considérations sur le temps qu'il fait, sur la nature ou sur les travaux de la ferme. Orphelin, Johnsey subit la commisération des autres villageois qui lui disent qu'il peut passer quand il veut : « Leur porte lui serait toujours ouverte. Il aurait aimé voir leur bobine s'il les avait pris au mot. » C'est tellement juste et bien vu !

Hélas, on sent bien que rien ne va s'arranger mais l'auteur sait bien mener sa barque. Les terres familiales dont Johnsey est le seul héritier sont très convoitées. Fidèle à ceux qui l'ont précédé, il se refuse à vendre.

L'auteur sait faire toucher du doigt les ravages causés par la misère, le chômage, l'emprise de la religion et le pouvoir de ceux qui s'entendent à manipuler les gens en distillant mensonges et fausses promesses : « Maman avait bien raison. Les gens disent et croient ce qui les arrange ; pour qu'une chose se change en vérité, il suffit qu'il y ait assez de monde pour la crier haut et fort. ».



Impossible d'en dire plus mais il faut tout de même citer Dave Charabia, le seul véritable ami qu'ait eu Johnsey et surtout Siobhán, celle qui fait naître un espoir fou dans l'esprit du lecteur… Johnsey Cunliffe peut-il s'en sortir ?
Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Tout ce que nous allons savoir

D'abord, il me faut remercier Babelio et les Edts A.Michel; grâce à cette lecture j'ai découvert le troisième roman de D.Ryan,écrivain irlandais d'une quarantaine d'années.

Melody, jeune femme mariée et accessoirement répétitrice pour élèves itinérants, découvre qu'elle est enceinte. Le roman démarre à ce moment et va suivre tous les chamboulements qui exsudent du corps et surtout de l'esprit de cette jeune femme . Elle passe en particulier par des phases négatives, pense à se supprimer, les souvenirs la retiennent,l'amour que lui porte son père âgé et affaibli la retient aussi tout comme l'amour-haine pour son mari. Mais c'est pour elle l'occasion de se remémorer tout le mal qu'elle a pu faire dans sa vie, et elle en a fait ,et le déclencheur de ce retour en arrière est que l'enfant qu'elle attend n'est pas de son mari.Elle préfère laisser se répandre des ragots insanes plutôt que d'avouer qui est le futur père.

Un camp de gens du voyage se trouve dans son village et en même temps que Melody est emportée dans son tumulte, lui aussi devra subir les soubresauts qu'imposent les règles de l'Honneur.

C'est un roman étourdissant; les personnages secondaires , pas nombreux sont bien campés, la tragédie est à toutes les pages et pourtant,la lecture se fait calmement avec un accouchement et un dénouement moins gris; bizarrement je n'ai éprouvé aucune antipathie pour cette Mélody qui se déteste, peut-être tout simplement qu'on peut faire le mal sans méchanceté à l'adolescence quand là aussi tout est chamboulé.
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Tout ce que nous allons savoir

Le "grand" romanesque ne fait pas peur à Donal Ryan, cet auteur irlandais qui a déjà signé deux romans marquants dont Le coeur qui tourne. Cela ne l'effraie pas non plus de se mettre dans la peau d'une femme enceinte, Melody, dont nous allons suivre les derniers mois de grossesse racontées dans son journal intime. Il s'est passé (il se passe) beaucoup de choses dans sa vie avec notamment la perte de sa meilleure amie à l'adolescence, son mariage avec Pat qu'elle a trahi avec un amant de passage lequel appartient aux gens du voyage, cette communauté au sang le plus pur d'irlande et sans cesse frappée d'ostracisme dans la population (comme partout ailleurs dans le monde). Et enfin, il y a cette nouvelle amie, issue de cette même communauté, dont elle devient de plus en plus proche. Tous ces personnages forment l'environnement de Melody (sans oublier son père, diminué par les ans) que Donal Ryan décrit avec bienveillance même s'il ne dissimule pas leurs failles et leurs défauts. Comme beaucoup de grands romanciers irlandais, dont il fait manifestement partie, Ryan réussit dans Tout ce que nous allons savoir le mélange âpre du réalisme le plus tragique (presque démesuré) au romantisme le plus dévorant. Une alliance qui donne un roman dont il est impossible de prévoir le déroulement, plein de vie et de violence intérieure et extérieure.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Tout ce que nous allons savoir

C'est mon troisième roman lu de cet auteur, à croire qu'il me poursuit ....



C'est triste, c'est lourd, c'est noir, c'est glauque , c'est sensible, c'est beau... dirais-je que c'est irlandais? Je ne sais pas je connais trop peu ce pays et ses habitants.



On y retrouve néanmoins un sexe triste et coupable comme dans d'autres romans irlandais, la faute et la culpabilité colorent souvent les écrits de l'île, merci les curés? Une vie rétrécie, où tout le monde surveille tout le monde, l'inconvénient d'un pays peu peuplé ?



Melody se retrouve enceinte ... d'un jeune garçon à qui elle donnait des cours. Ce garçon appartient à un groupe de gens du voyage et en Irlande comme ailleurs, leur vie n'est pas facile. Le couple, fou, qu'elle formait avec son mari se défait . Elle ouvre une sorte de journal où elle suit les changements qu'apporte sa grossesse dans son corps. Peu à peu , c'est d'elle dont elle nous parle, de son adolescence . Moment charnière où elle a connu son mari et où pour conquérir celui-ci , elle trahit son amie qui s'est suicidée. La Faute est là, la culpabilité de tous les instants , la perversité de son couple est née de ces tous premiers instants.



Melody n'est pas un personnage très attachant, elle est pétrie de rancoeur et d'amertume, et a bien du mal à s'intéresser aux autres? Néanmoins au fur et à mesure du récit, elle change et s'adoucit jusqu'à, ce qu'on peut apeller sa rédemption.



Au finale , un texte émouvant, dur mais attachant, un roman qui m'a "cueilli" alors que les premières pages me rebutaient.



Merci aux éditions Albin Michel et à masse critique Babelio pour l'envoi de ce livre.




Lien : http://theetlivres.eklablog...
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