Citations de Ed McBain (336)
Et, dans la police comme dans tous les métiers, il est impossible de consacrer toute son énergie à une seule tâche urgente. Il y a toujours des appels à propos de quelque chose d’autre, il y a toujours des gens à voir pour autre chose, il y a des dates de vacances mal combinées et des manques de personnel, du trop-plein et des moments creux, et la fatigue tout simplement.
Le noir était la couleur favorite de la plupart des vétérans de la Criminelle. Le noir, symbole de la mort. Il y avait eu autrefois un flic célèbre de la Criminelle, nommé Saunders, qui était vêtu de noir de la tête aux pieds. Ses exploits étaient légendaires et on l’appelait la Peste Noire. Il portait des pantalons noirs, une chemise noire, une cravate noire sur une chemise blanche empesée, un pardessus noir en hiver, et un melon noir, acheté lors d’une visite à ses grands-parents à Londres, visite au cours de laquelle il avait été reçu à Scotland Yard comme une vedette en tournée. Les jours de pluie, il avait un parapluie noir qu’il appelait son « pépin », expression empruntée à sa grand-mère qui passait ses journées assise dans sa maison attenante aux maisons voisines de Jubilee Street.
Les lieux du crime se ressemblaient tous : voitures-radio de la police garées le long du trottoir, gyrophares tournoyants, seuls les numéros peints sur leurs flancs variant selon le district. Les barrages de police avaient tous la même allure : c’étaient des croix aux rayures transversales peintes en noir et blanc et posées sur des chevalets, auxquelles étaient accrochés des panneaux en carton portant l’inscription « Lieu du crime – ne pas approcher », en caractères gras sur un fond d’un blanc livide – toutes les pancartes se ressemblaient. Les flics se ressemblaient également, hiver comme été, au printemps comme en automne, rien ne changeait dans cette ville sauf les saisons, et encore. Les agents en uniforme avaient toujours l’air un peu effrayés par le meurtre et pressaient les piétons de circuler, y a rien à voir, messieurs-dames, circulez, mais ils sympathisaient toujours avec ces mêmes piétons lorsqu’ils faisaient preuve de curiosité, comme si eux-mêmes ne faisaient pas partie des forces de police mais se trouvaient au contraire dans les rangs des badauds qui regardaient, bouche bée.
Il peut arriver n’importe quoi dans un rêve.
Quand un crime est commis, il est capital de savoir ce qu’a fait la victime au cours des vingt-quatre heures précédentes – où elle est allée, qui elle a rencontré, quels événements ont eu lieu.
Avec ses grosses lunettes noires, on ne se rendait compte de rien. Et elle avait un sourire pour tout le monde, surtout pour les hommes. Et si un homme cherchait une aventure, coquette comme elle était, il pouvait très bien s’imaginer qu’elle aussi cherchait une aventure.
Il n’est pas nécessaire d’avoir des yeux pour faire un travail qui consiste à mettre des catalogues sous enveloppe.
L’ennui, avec les dingues du monde entier, c’est précisément qu’ils sont dingues. Et avec les dingues, ce n’est pas la peine de chercher des raisons ou des mobiles. Avec les dingues, on peut toujours espérer tomber par hasard sur la clé de l’énigme : peut-être que le type pétera les plombs dans un restaurant bondé et qu’une fois arrêté, il avouera avoir assassiné soixante-quatre aveugles le mois dernier, chacun dans une ville différente, dont un à Londres. On voit un tas de dingues dans les séries télévisées policières, les concepteurs partant du raisonnement selon lequel les spectateurs préfèrent regarder une série dans laquelle l’assassin est un cinglé plutôt que quelqu’un de gentil et de normal avec un mobile, comme vous et moi. Les dingues font des tueurs très rassurants. En revanche, ce n’est pas de la tarte d’être à leurs trousses, puisqu’on ne sait ni où commencer ni où finir. Tout ce qu’on peut faire, c’est espérer, et comme dirait l’autre, l’espoir fait vivre.
La plupart des délinquants grommellent qu’ils ont des droits. C’est là un moyen très efficace de distinguer un délinquant d’un citoyen ordinaire accusé d’un délit. Le délinquant grommelle toujours qu’il a des droits : « Je connais mes droits », phrase invariablement suivie de « Hé, où sont les toilettes ? ».
En moyenne, les délinquants doivent se rendre aux toilettes trois ou quatre fois à la minute. C’est parce que les délinquants ont une vessie peu résistante. En revanche, ils savent appeler des toilettes par leur nom, il faut le reconnaître.
Les aveugles n’ont pas d’ennemis. Ils attirent la pitié ou la sympathie, jamais la haine.
C’était inconcevable. On ne massacre pas les aveugles. On ne massacre pas les petits enfants. On n’étrangle pas les mésanges. On n’arrache pas les ailes aux papillons. Pourtant, il y a des gens qui le font. Quelqu’un avait commis ce crime.
Avant, il se figurait que, quand on est aveugle, on est dans la nuit tout le temps. Eh bien, pas du tout ! Il y a des lumières qui éclatent. Des impulsions électriques lancées par le cerveau, des images qui lui revenaient, il ne savait pas trop au juste. Il se passait des tas de choses dans sa tête. Sans arrêt. Il ne voyait pas ce qu’il y avait devant ses yeux, mais il voyait plein de choses derrière.
Et puis on apprend à voir. On apprend à utiliser le brave Stanley qui t’emmène où tu veux. On apprend à lire en braille, à écrire avec un guide-main. Il y a des trucs qu’on sait déjà faire. Nouer ses lacets, par exemple. Presque personne ne regarde ses pieds en nouant ses lacets. Alors, pour ça, c’est pas grave d’être aveugle. Et secouer une sébile avec quelques pièces dedans, c’est facile. On s’accroche une pancarte autour du cou et au boulot ! La libre entreprise, quoi ! DIEU VOUS LE RENDRA.
Tu as vingt ans, tu deviens aveugle et, d’un seul coup, les gens te considèrent comme un vieux. Dix ans auparavant, il était revenu de la guerre avec des lunettes noires. Il n’avait plus d’yeux.
Il pouvait deviner la couleur et la nationalité d’une personne rien qu’en l’entendant parler.