AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Edith Bruck (129)


Ce qui me semblait manquer à la ville (de Zurich), d'apparence neutre, comme en pleine guerre, c'étaient tous les étals, les parfums d'épices, les voix, les musiques dans les cafés. Il n'en émanait ni odeur ni chaleur. Les passants, des hommes cravatés, ne se retournaient pas sur les femmes avec des regards voluptueux comme à Athènes ou à Istanbul, et les femmes bien habillées avaient un air solide, sans la nonchalance sensuelle des Turques et des Grecques, et elles étaient vaguement masculines dans leurs tailleurs stricts. Après les visages ambigus et indéchiffrables des deux villes précédentes, si bruyantes, avec leurs monuments et leurs rituels magnifiques, 1'introversion de Zurich nous incitait à marcher presque sur la pointe des pied, à sourire avec mesure durant notre représentation et à nous adapter, nous conformer à la culture locale, qui nous était étrangère, peut-être trop peu accueillante. Dans les rues, il n'y avait pas de gamins déchaînés, pas de mendiants, pas de commentaires d'hommes à notre passage. Le climat, comme s'il avait été contagieux, conditionnait nos rapports entre nous, presque inexistants de ce fait, ni sympathie, ni amitié : répétitions, discipline, ennui et solitude. N'aurais-je pas dû préférer le service militaire ?
Commenter  J’apprécie          30
Je sais qu'il est là
j'ai entendu battre
son coeur maigre
j'ai entendu sa voix
nos yeux
se sont rencontrés
lui aussi il sait
que je suis là
Commenter  J’apprécie          30
On aurait dit l'exode d'Égypte, mais sans Moïse, sans que l'Éternel apparaisse, et, à la place de la Mer Rouge, ce sont les wagons de bestiaux qui se sont ouverts, dans un bruit déchirant, et le troupeau humain y a été poussé avec violence.
Commenter  J’apprécie          30
J'ai entendu des pas
la clé dans la serrure
le grincement de la porte
j'aurais même parié
mais personne n'est entré
Commenter  J’apprécie          30
"Fais ce que tu veux, de toute façon tu n’écoutes personne ! Attends, dès que tu auras dix-huit ans, tu pourras devenir une très jolie soldate et tu apprendras même la langue. — Je ne prendrai jamais une arme en main. — Tu préférerais te faire tuer ? — Je crois que oui. Je préfère avoir eu un père martyr plutôt qu’un père assassin. — Moi, par amour d’Israël, j’aurais été militaire. — Je sais. Pas moi. Les guerres entraînent des guerres. Moi, je désarmerais le monde entier. — Rêve donc tes rêves. Mais le réveil sera rude. — J’ai déjà vécu ce réveil"
Commenter  J’apprécie          30
Il faudrait des mots nouveaux
pour raconter Auschwitz,
une langue qui blesse moins
que la mienne,maternelle.
La langue de qui chante avec la voix
et les cordes qui pleurent.
Commenter  J’apprécie          30
Tu écris toujours ?
- Encore plus qu’avant. Les mots à dire ne cessent d’augmenter. Si c’étaient des enfants conçus, j’accoucherais d’autant que de disparus.
Commenter  J’apprécie          30
Le mot “patrie”, je ne l’ai jamais prononcé : au nom de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot “patrie”, comme tant d’autres mots et expressions : “mon”, “tais-toi”, “obéir”, “la loi est la même pour tous”, “nationalisme”, “racisme”, “guerre” et presque aussi le mot “amour”, privé de toute substance.
Commenter  J’apprécie          30
- Comment fais-tu pour tout te rappeler ?
- Comment fait-on pour ne pas se souvenir ?
Commenter  J’apprécie          30
En fille adoptive de l'Italie ,qui m'a donné beaucoup plus que le pain quotidien ,et je ne peux que lui en être reconnaissante,je suis aujourd'hui profondément troublée pour mon pays et pour l'Europe , où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes,nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement.
Commenter  J’apprécie          30
Avec nous qui étions les dernières arrivées, il n'y avait que les kapo et les autres fonctionnaires déjà déshumanisées qui étaient inhumaines. Une seule déportée nouvelle était tout de suite devenue une charogne, mais elle devait l'être déjà avant.
p 315
Commenter  J’apprécie          20
- Ce qui prime sur tout, c'est la dignité et ta liberté,
- des mots en l'air ....
p154
Commenter  J’apprécie          20
Contre les Juifs, tout devenait légitime pour les villageois, et le plus petit d'entre eux se sentait puissant, en imitant les adultes.
Commenter  J’apprécie          20
Vivre ici ou ailleurs
revient au meme
ce qui compte
qui nous maintient en vie
n'est pas lié à un lieu
un pays en vaut un autre.
Les amis ne manquent pas
car les rares qui nous restaient
ne sont pas là
ils sont pris dans le tourbillon
de leur propre malheur.
Commenter  J’apprécie          20
Être juif ne se vit pas avec légèreté et la religion n'est pas seulement une part de notre intimité spirituelle, mais un parcours qui dure des millénaires dont chacun est partie intégrante et chacun transmet une parcelle d'histoire, avec un sentiment d'orgueil, certes non de faute, en choisissant de s'adresser à D..u, l'un avec la prière rituelle, l'autre avec une lettre, l'autre encore dans le silence, l'autre enfin dans le chaeur qui s'élève dans nos synagogues. C'est se savoir partie intégrante de tout un monde, devant le défi du vivre-ensemble. Edith, avec ses mots, ses questions, ses lettres à sa mère et à notre D..u commun, nous transmet, tous les jours, une grande leçon de judaïsme faite de vie, de pré- cepte de mémoire et désir de paix.
(dans la postface de Noemi Di Segni)
Commenter  J’apprécie          20
La poésie n'est pas trompeuse, elle dit la vérité qui trouble les consciences, qui touche les plaies ouvertes, privées et publiques. La poésie est cri, dénonciation, dans un monde sourd et aveugle à la beauté et à la vérité. La poésie est musique, prière, prophétie, elle voit, elle indique ce que l'on ne veut pas voir, mémoire de soi dans le monde, de l'homme qui n'apprend pas, qui répète les mêmes erreurs, qui ne s'aime pas et qui n'aime pas.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 9

Dès ma petite enfance, au lieu de prier le soir, je lisais les poèmes que j'apprenais sur les bancs de l'école primaire. Ma mère me grondait, en me répétant que la poésie que je murmurais avant de m'endormir ne pouvait remplacer la prière.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 19

Vas-y tendre ami
et pense que ce jeune ennemi
de l'autre côté comme toi a peur
pas plus que toi n'est coupable
penses-y et tu comprendras
tendre ami.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 34

Qu'est-ce qui nous arrive ?

Pourquoi nous leurrons-nous une fois de plus ?
Ce silence même couve une rancœur,
le terrain est en nous fertile
les mots non dits sont des graines
d'où naissent des fleurs malades.
Qu'est-ce qui nous empêche
de couper le cordon ombilical ?

EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 57

...
si tu ne regardes pas les passants
tu me dépasseras
comme si j'étais une inconnue
qui n'attire pas ta furtive attention
et moi qui te verrai jusqu'au limite du visible
pour mes yeux fatigués
moi qui te sentirai tant que mes sens usés
pourront sentir
moi qui penserai à toi tant que je pourrais penser
je te laisserai t'en aller sans plus rien te dire.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 58 59

Seulement seulement seulement

Tout ce que j'ai
tout ce que j'ai voulu
est ici :
une chambrette
les draps jaunes
une couleur
comme une autre
pas l'étoile
à coudre sur le manteau.
L'image du passé
est riche d'itinéraires
et conduit à la découverte
que la vie est vie
même quand on est seul
et du pain il y en aura
dans un monde
où maintenant tu as une place sans t'être trahi toi-même
par des actes vengeurs
qui blessent
en boomerang.

EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 61

On a encore le temps
tout espoir
n'est pas perdu
qui a aimé
laisse toujours quelque chose.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 100

Vivre ici ou ailleurs
revient au même
ce qui compte
qui nous maintient en vie
n'est pas lié à un lieu
un pays en vaut un autre.
les amis ne manquent pas
car les rares qui nous restaient
ne sont pas là
ils sont pris dans le tourbillon
de leur propre malheur.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, Page 107

Sur quoi écrit un poète sinon sur l'absence, sur ce qui manque intérieurement et extérieurement ? Le bonheur ne pousse pas à écrire, quand il est là, mais si paradoxalement il est toujours là, même dans les ténèbres les plus absolues. Écrire et penser, c'est cela le bonheur, même si l'on écrit et l'on pense des choses tristes, des tourments indélébiles. Des douleurs qui avec le temps mûrissent et produisent leurs fruits en vers.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 127

American Express

Quel beau visage
m'a dit la fille aux beaux yeux derrière son comptoir
je lui ai souri heureuse
comme une mariée amoureuse
je vous laisse justement entendre quelque chose de ce genre
pour aller mieux
parfois il suffit de si peu
de presque rien
à peine d'un geste
d'un regard ;
comme quand dans les camps
on nous concédait une pomme de terre
un navet
un gant troué.
en de tels moments la vie est belle
et comme les hommes sont bons.

EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 131

Les nouveaux commandements

Dis oui à tous ceux qui comptent
obéis à ceux qui te conviennent
ne dis jamais ce que tu penses
encarte-toi
mêle-toi au troupeau
favorise ton clan
prie le dieu argent
ne renonce jamais à tes privilèges
garde-toi de tout le monde
ne te fie ne te fie jamais à personne.

EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 158

Le partage dés la petite enfance
Est créateur de paix
D'un monde nouveau
Qui n'a jamais existé.
Le pourrait il jamais ?
Cela ne dépend que de nous,
Sans prier Dieu,
La responsabilité
de tous les maux du monde
nous incombe.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 189

Si les morts parlaient

Maman pour une fois
au lieu de faire des reproches à papa
qui ne gagnait rien
Lui dirait "je t'aime",
Comme quand
Lors de la sélection
à l'arrivée à l'enfer terrestre
Elle le cherchait, elle l'invoquait.
Et lui de ses yeux de velours et de tristesse
lui demanderait un muet pardon
en lui disant "je t'aime moi aussi"
Phrases qui n'ont jamais
résonné dans la maison
(dans aucune maison ce n'était l'usage)
mais cela lui aurait fait beaucoup de bien,
tout comme à nous leurs enfants
qui ne connaissions pas leurs sentiments
inexprimés même à notre égard.

EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 192

Année bissextile
année d'hécatombe humaine
année d'une Rome nue
qui révèle toute sa beauté
en femme impudique.
Les rues nettoyées, désertes
Inquiètent
dans le silence s'insinue la peur
comme dans la foule aveugle.
Les rares passants murmurent
sous leurs masques blancs
les pieds prudents semblent effleurer
le sol d'un cimetière.
.Ce qui manque, c'est une main à serrer
un regard direct
une présence humaine
pour qui est seul
pour qui laisse le monde
dans un camion militaire
pour qui gît dans les rangées de cercueils
comme les migrants repêcher en mer
pour qui n'a pas pu pleurer
ses bien-aimés brûlés
sinon après Auschwitz
dans l'éternité comme les survivants.
EDITH BRUCK "La voie de la vie Poèmes" Ed Rivages Poches 2022, page 193 et 194
Commenter  J’apprécie          20
Un jeudi



C’est le jour du pouvoir
dit la philosophie indienne
– ils prétendent tant de choses
ceux qui croient.
Aujourd’hui dans mon cœur
il y a une ombre de tristesse
pas si grande
si elle ne s’était assise sur mon estomac
et si par intervalles elle ne me sautait à la gorge
j’irais même plutôt bien
avec un peu de sagesse en plus
et un bon digestif pour la mémoire.

Pour la plus grande joie de Bouddha
je pourrais même dire que le vide
équivaut au plein.


/ traduction de René de Ceccaty
Commenter  J’apprécie          20
Je me demande depuis toujours, et je n’ai pas encore la réponse, à quoi servent les prières si elles ne changent rien ni personne, si Tu ne peux rien faire et si Tu n’entends pas, ne vois pas ou si Tu es l’invention d’un esprit supérieur, inimaginable, à moins que ce ne soit Toi qui T’es inventé Toi-même ?
Commenter  J’apprécie          20
La nuit, toutes sortes de pensées, de projets et une réserve d’espoir se bousculaient dans sa tête, mais est-ce que cela suffirait pour toute une vie ?
Commenter  J’apprécie          20
Est-ce que je vis ?
Je regarde le portrait
de ma mère brûlée
et je ne souffre pas,
même l'image
de mon père
mort de faim
cesse de me faire mal,
la mémoire même
ne me dit plus rien.
Le cœur n'accélère pas
ses battements
à la vue de l'homme aimé
qui en attend une autre ;
rien, rien
ne me fait plus mal au monde
sinon le monde.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Edith Bruck (303)Voir plus

Quiz Voir plus

mistinguette (quizz général, pas que sur le tome 2)

Quel est le vrai nom de Mistinguette?

Sarah
Chloé
Annaïs
Eva

8 questions
21 lecteurs ont répondu
Thème : Mistinguette, Tome 2 : Baisers et coquillages de Greg TessierCréer un quiz sur cet auteur

{* *}