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Critiques de Edmond Baudoin (311)
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Amatlán

Qu'est-ce qu'on dit comme conneries quand on aime ! Mais plus que tout qu'est-ce qu'on tait ! Toutes ces belles choses, ces beaux mots qu'on n'arrive pas à dire. Peur. Du ridicule, de la fuite de l'autre, du fossé qui pourrait se creuser un peu plus, de la chute dans le précipice ? Oui sans doute un peu de tout ça et plus encore. Aimer c'est se mettre nu. Tout le monde n'aime pas.



Est-ce qu'elle a aimé cette mise à nu ? Vous l'a-t-elle dit ? C'est un peu trahir, non ? « Je ne veux pas que tu parles de moi... » Mais comme tous les amoureux, crétins comme le sont les vrais, vous l'avez fait.



Des pauses en noir et blanc entre deux temps, deux espaces, une respiration entre deux corps qui demandent repos. Et se retrouvent des années plus tard.



Aux poses griffonnées de visages graves et inoubliables devant une porte de Nice ou celles beaucoup plus lascives d'un corps endormi dans un lit de l'autre côté de l'océan.



Vous avez tout dit d'elle. Un peu de vous mais vous étiez décentré. Alors Monsieur Baudoin, comment a-t-elle reçu ce cadeau souvenir ? Merveilleux hommage d'un homme aimant. Homme multiple comme tout être ayant atteint l'âge d'être le père de matthieu, connaisseur d'histoires et pourtant toujours émerveillé devant ce fauve des hautes montagnes qu'est Neige.



Pour tout vous dire, je me suis trouvée moche (un instant) pendant cette lecture. J'ai chiné des photos de vous, d'elle sur le net. Et je me suis dégoutée. J'avais été petite. Je le suis toujours. C'est le risque avec les autobiographies. Je deviens intrusive et je n'aime pas l'être. Je crois que c'est pour ça que je vous écris, pardonnez-moi. Mes questions aussi.



J'ai tellement ressenti fort votre histoire. L'avantage du "votre" qui recouvre juste vous, ou vous et elle... allez savoir^^ En amour, le doute est toujours bon.



Ce roman, c'est un peu de vous, un peu d'elle. Je viens de terminer un roman de Saer dans lequel il écrit « du simple fait d'exister, tout récit est véridique. » Je trouve que cette phrase recouvre tout ce que vous avez dessiné. Même les mots cachés dans un feuillage touffu, tout est vrai parce que vous lui avez donné corps. Neige et vous dans le Grand Nord, c'était beau, hein ?



Un noir et blanc criant de lumière avec des yeux qui parlent passionnément des fabuleuses rencontres que la vie offre à qui sait ouvrir la porte, doucement pour ne pas effrayer la beauté de l'instant.



Merci Blackbooks pour ce cadeau, j'ai aussi adoré la plume du dessinateur tu sais. Une sacrée plongée dans cet univers pour moi !
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Amatlán

A plus de trente ans Baudoin décide de tout quitter pour faire du dessin, il ne voulait pas mourir comptable. Impossible de savoir si la comptabilité a beaucoup perdu, mais c’est sûr le monde de l’édition a gagné beaucoup plus qu’un dessinateur. Baudoin est un rêveur, pour lui choisir entre la gaité de l’ivrogne ou le sérieux du bigot est inadmissible. Baudoin sera dessinateur de bande-dessinée mais une bande dessinée connue de lui seule.



Il est le premier à introduire l’autobiographie dans cet art si codifié. Il se dessine enfant, adolescent, adulte et même anticipe sa vieillesse. Laetitia Carton, s’efface et d’une caméra aérienne, douce et légère, elle suit Edmond, elle suit les mains d’Edmond qui effleurent la page. Rarement l’image n’a restituée avec autant de grâce le travail d’un artiste,il faut dire que le sujet est en or.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Amatlán

Rien ne finit, ça devient autre chose.

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, le récit d’un voyage de l’auteur au Mexique. Sa première publication date de 2009. Cette bande dessinée est l’œuvre d’Edmond Baudoin, pour le scénario et les dessins. Elle est en noir & blanc et compte quatre-vingt-quatre pages.



À Paris, le 30/10/2007, un dessin en pleine page : un homme debout nu contemple une femme allongée, nue également. Le cinq décembre 2007, au Mexique, à Amatlán, le jardin, vu de l’intérieur de la maison, les feuilles de lierre sont en fer forgé, derrière se trouvent une cour et un arbre. Le même jour, dans cette cour, deux chiens, un jaune et un noir, dorment au soleil. Le chien jaune a les yeux très bleus, avec une pupille noire au milieu, le souvenir d’un ancêtre du Grand Nord. Le même jour, la vue depuis la terrasse de la maison, deux vautours tournent là-haut, au-dessus des montagnes. Suit une représentation réalisée le lendemain, de la maison vue de la route pavée : elle se trouve à l’extrémité d’une allée, au milieu de la végétation. Toujours un dessin en pleine page : l’intérieur de la maison, il ne faut pas marcher pieds nus, il y a des scorpions. Un dessin d’église : Edmond indique qu’il est au Mexique puisqu’il dessine une église mexicaine, l’église Santa Maria à Tepoztlan, le six décembre 2007. Dans cette ville, il rencontre un Italien dans un café : il s’appelle Andrés, il vit ici. Ils se parlent, Edmond lui dit qu’il fait de la bande dessinée. Son interlocuteur lui répond qu’il y en a un qui vient ici tous les étés, un auteur comme lui. Qui ? Golo. Qui ? Golo ?... Edmond n’en revient pas : son ami Golo, parisien et égyptien, bientôt mexicain, ici !



Première promenade dans la montagne qui est derrière la maison le sept décembre 2007. Désir de voir, d’aller là où tournent les vautours, dans leur paix. Zapata s’est caché ici. De la vallée montent des hurlements qui n’ont pas de pauses, les aboiements des chiens, beaucoup de chiens, errants aussi. Peut-être qu’en bas, les hommes silencieux crient leurs misères à travers les gorges des chiens ? Le soleil se couche, il faut redescendre. Le lendemain, Edmond fait la connaissance de Manuel, Anne, Juan Pablo. En son for intérieur, il s’interroge. Encore une fois un livre. Encore ?... Un carnet de voyage ? Il est assis dans un jardin, quelque chose comme un jardin. La couleur dominante est celle de la brique, du beige aussi avec des taches vertes. On est environ à 1.700 mètres d’altitude, début décembre, il fait doux. Il y a des arbres dans ce jardin, des ciruelos, une espèce de prunier dont les fruits ont le goût des oranges, un peu, avec un gros noyau. Deux maisons se font face, dans celle qui est dans son dos il y a Anne, Anne écrit pour plusieurs journaux français. Devant, il y a celle où il loge avec elle, elle c’est Neige. Il l’entend rire avec Magali dans la cuisine. Magali donne des cours de philosophie dans une université à Cuernavaca.



Qu’il soit familier de l’écriture d’Edmond Baudoin, ou qu’il le découvre avec cet ouvrage, le lecteur éprouve vite une forme d’accoutumance à la forme très libre de sa narration. Le récit commence sous la forme de dix illustrations pleine page, avec une date (celle à laquelle elle a été réalisée), un court texte explicitant ce qui est représenté. Le lecteur comprend que l’auteur a réalisé ces dessins sur le vif, parfois au pinceau, parfois à la plume. Il s’agit d’images descriptives où le lecteur peut reconnaître ce qui est représenté, avec un degré de précision variable, jamais avec un aspect photographique, que ce soit dans la précision ou dans le détail. En planche six, l’artiste s’attache à détourer chaque élément présent dans la grande pièce de la maison, mais avec des traits irréguliers, sans texture, et presqu’aucune ombre portée. En planche quatre, il reproduit l’impression que donnent les arbres devant la montagne, avec des traits de pinceau appuyés pour reproduire l’effet de silhouette de ces éléments, sans aucun détail sur l’intérieur des surfaces qu’il s’agisse des feuilles ou des troncs. Dans les pages suivantes, à une ou deux reprises, les images s’avèrent être composites associant deux ou trois éléments issus de prises différentes, encore accompagnées d’un texte soit laconique soit composé de plusieurs paragraphes. Ce n’est qu’à partir de la planche vingt-six que le lecteur découvre des compositions plus classiques de cases alignées en bande, la plupart avec une bordure de case, le temps de six pages. Puis revient le mode en illustration accompagnée d’un texte.



Edmond Baudoin choisit la forme et la composition de chaque page comme bon lui semble, au gré de sa fantaisie. En tout cas, dans un premier temps, le lecteur se dit se dit que l’auteur suit l’inspiration du moment. Mais s’il a lu d’autres ouvrages, il sait qu’en fait Baudoin compose bel et bien chaque ouvrage, peut réaliser plusieurs brouillons d’une page, tout en s’accordant une liberté totale, sans se sentir contraint de respecter une attente implicite du lecteur sur un format de cases disposées en bande. L’effet ne s’apparente pas à celui d’une bande dessinée et déstabilise dans un premier temps car le lecteur ne retrouve pas l’effet de la régularité de disposition des cases, ou l’interaction attendue entre phylactères et images, et dans le même temps ce n’est pas un texte illustré, ou des images commentées. C’est une sensation de liberté peu commune en bande dessinée, à la fois des images et des mots sur des pages rectangulaires, à la fois quelque chose d’inattendu, d’impossible à anticiper à chaque découverte d’une nouvelle page. Même un lecteur familier de l’artiste se retrouve surpris. Tout d’abord en planche 18 quand il comprend qu’il lit les mots de Neige, Edmond ayant fait participer sa compagne : elle raconte son état d’esprit quand Edmond souhaite qu’elle vienne danser avec lui sous les yeux des villageois à une fête, et qu’elle ne se laisse pas convaincre. De la planche trente-six à la planche quarante-trois, le texte n’est plus manuscrit, mais en caractères d’imprimerie, Neige évoquant en prose le viol dont elle a été la victime et son incidence sur sa relation avec Edmond, les images devenant effectivement une illustration sur le bord, les planches quarante et quarante-et-un en étant même dépourvues. Pour autant, l’esprit du lecteur a eu le loisir de s’habituer à la malléabilité de la narration et il se lance dans ces pages de texte avec plaisir, sans même songer un instant à renâcler parce que ce n’est pas de la BD.



En planches onze et treize, l’auteur développe un texte de plusieurs paragraphes dans lequel il s’interroge sur ce qu’il est en train de faire, sur la nature de son récit, de son ouvrage. Un carnet de voyage ? Encore une fois un livre… Pour dire quoi ? Le chemin ? Son chemin ? Le lecteur ressent au fil des pages que l’auteur n’agit pas par automatisme, qu’il ne se contente pas de raconter ce qu’il voit, ce qu’il ressent, sa façon de vivre sa relation avec sa compagne Neige. Il s’interroge sur la première planche avec l’homme et la femme nus, puis découvre ces images qui montrent les lieux qui entourent Edmond Baudoin, comme croqués sur le vif, mais en fait montrant ces endroits avec sa sensibilité, sa subjectivité. Il se dit d’ailleurs que le narrateur a opéré un choix dans ce qu’il montre, dans ce qu’il représente, que sa subjectivité s’exprime également dans ce qu’il a retenu pour être montré, qu’un autre auteur aurait fait d’autres choix, aurait montré d’autres lieux, ou les aurait montrés d’une autre manière. De ce point de vue, le récit s’apparente bien à un carnet de voyage, avec les lieux du quotidien, avec un peu de marches, de voyages qui s’apparente à du tourisme, mais à l’opposé de celui de masse. Le lecteur voit ces paysages par les yeux de l’artiste, et il perçoit que celui-ci est attaché à rendre compte de ce qu’il voit, pas à plaquer une conception préalable sur ce qu’il découvre. Cela donne un carnet de voyage très personnel.



Toutefois, ces pages ne peuvent pas être réduite à un carnet de voyage à Amatlán et dans ses environs, parce qu’Edmond Baudoin raconte également sa relation avec Neige. Il le fait en assumant sa subjectivité personnelle, en la faisant ressortir. Il ne présente jamais ses pensées comme une vérité, mais bien comme sa perception des choses, de cet être humain qui n’est pas lui, de ses projections. Dès la planche treize, il indique explicitement qu’il a soixante-cinq ans lors de ce voyage, et que Neige en a trente. Il a une conscience aigüe à la fois de la transgression que cela constitue vis-à-vis des conventions sociales, sans développer le pourquoi desdites conventions, et de son désir pour elle. Il n’insiste pas particulièrement pour son respect pour elle, mais le lecteur qui déjà lu d’autres bandes dessinées abordant le sujet de ses relations avec la gent féminine, connaît à la fois son pouvoir de séduction, à la fois son respect absolu du consentement. Il ressent qu’Edmond ne veut en aucun cas mettre en œuvre une quelque forme d’ascendant que lui donnerait son âge sur elle. Le lecteur comprend que dans ces conditions l’auteur ait souhaité donner la parole à Neige, qu’elle ait pu exprimer son point de vue, ses ressentis, qu’ils figurent dans l’ouvrage. Cet aspect-là de la bande dessinée est traité avec une rare sensibilité : l’auteur se met à nu avec une honnêteté totale, tout en préservant une pudeur qui évite au lecteur de se sentir de trop, ou de devenir un voyeur. Cet album est également un carnet de voyage vers l’autre dans une relation amoureuse, dans toute sa singularité, et dans le même temps dans tout ce qu’elle peut avoir d’universelle, avec exécution d’une rare beauté.



Une bande dessinée d’Edmond Baudoin de plus… Et c’est déjà beaucoup. Un carnet de voyage à nul autre pareil, dans lequel la sensibilité de l’auteur s’exprime dans chaque dessin, chaque phrase, chaque construction de page. Un voyage géographique en dehors des sentiers battus, avec une perception du quotidien et des paysages qui n’appartient qu’à cet auteur. Également un voyage amoureux, une relation fragile, délicate, difficile à faire accepter aux yeux des autres, et même aux yeux de l’auteur, avec une exigence de soi pour ne pas profiter de son charme et de son âge, ne pas abuser d’une forme d’ascendant, construire un consentement réciproque entre deux êtres uniques.
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Amatlán

C’est ma première incursion dans le monde de Baudoin. Est-ce la raison de mon avis mitigé ? Les dessins sont en noir et blanc, les portraits sont fascinants. BD à quatre mains avec des pages de texte écrites par sa compagne qui dévoile son enfance meurtrie et leur rencontre. Il est donc intéressant de voir ce que chacun trouve à l’autre. Des questionnements sur l’amour, le vieillissement. Curieux que de voir des corrections, des mots raturés.
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Araucaria : Carnets du Chili

Votre ami à l'occasion de partir pour son travail au Chili pendant un mois.

A son retour:

a- il vous raconte quelques anecdotes sympas autour d'une bière

b- il vous raconte quelques anecdotes sympas autour d'une bière et vous montre des photos

c- il vous raconte 100% de son voyage sans s'inquiéter de votre intérêt pour son récit

d- il vous montre le blog qu'il a crée et vous faire lire chaque article

e- comble d'un égo mal placé, il fait une BD qu'il vous vend sans point de vue artistique ou quelconque ambition d'entrée dans la culture locale. Un journal de bord ni plus ni moins.



Si c'est la réponse e, fuyez ! (à vrai dire si c'est autre chose que la réponse a ou b, fuyez)

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Araucaria : Carnets du Chili

Ces chiens sont si souvent battus qu’ils sont très soumis, sans aucune agressivité envers les humains.

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, le récit d’un voyage de l’auteur au Chili. Sa première publication date de 2004 dans la collection Mimolette, et il a été réédité en 2017 dans une version augmentée et modifiée. Cette bande dessinée est l’œuvre d’Edmond Baudoin, pour le scénario et les dessins. Elle est en noir & blanc et compte soixante-deux pages.



En octobre 2003, Edmond Baudoin a été invité au Chili par la bibliothèque de l’institut culturel franco-chilien, à Santiago. Le 12/10/2003 dans l’avion. Il aime regarder les écrans avec les cartes, il rêve. Une escale à Buenos Aires. La ville de Breccia, José Muñoz, Carlos Sampayo, Jorge Zentner… Borges… Julio Cortázar… 11.887 mètres plus bas, une hacienda aux environs de Córdoba. Il est possible que les paysans qui travaillent pour le propriétaire n’auront jamais assez d’argent pour s’en acheter une. La cordillère des Andes, un mur. L’Aconcagua, il a une boule dans la gorge. Puis très vite le Pacifique devant, la cordillère derrière, dessous, Santiago. Le lendemain de son arrivée, le 13/10. Il rencontre une première fois les étudiants des beaux-arts de l’université catholique de Santiago. Le soir, seul enfin. Dans un restaurant. Octobre, c’est le printemps au Chili… Il est au Chili. Il observe les clients, la rue, les serveurs. Certains étaient pour Pinochet, d’autres luttaient contre. 14/10. Le cours de dessin. Il demande s’il est possible d’avoir un modèle vivant... C’est un problème la nudité (en 2003) dans cette université catholique. Difficile dans une classe. Les professeurs décident que ce sera dans la chapelle, un lieu moins passant… Les étudiants rient et sont ravis. La chapelle est bondée. Comme dans ses cours au Québec, il demande aux étudiants de prendre la pose du modèle 5 minutes avant de commencer à dessiner. Il veut qu’ils expérimentent dans leur corps les tensions qu’inflige une pose. Qu’ils lui dessinent l’extérieur et l’intérieur. Ils sont très forts, c’est du bonheur de travailler avec eux. Le 14 octobre c’est l’anniversaire de son frère Piero. Le modèle s’appelle Valéria. Elle est belle avec un corps de baleine. Il l’imagine être née dans les îles du Pacifique. Il pense à Gauguin. Plus tard, il sera invité par Valéria et Rip (son ami, un musicien américain) et il apprendra qu’elle n’est pas du tout des îles sous le vent, mais simplement née à Santiago comme beaucoup de monde ici.



15 octobre 2003. Il attend le taxi qui doit l’emmener à l’université. À partir de six heures du matin, la ville est sillonnée par des milliers de bus jaunes qui font la course dans les rues. Les chauffeurs sont payés en fonction des ventes, un peu comme les taxis. Plus ils font de trajets, plus ils gagnent de fric. Et Edmond sait que le hurlement de ces machines va le réveiller tous les matins, en se rappelant que le syndicat des transporteurs a largement contribué à renverser Allende. En trois jours, il a rencontré beaucoup de beaux êtres humains.



Sous une couverture un peu cryptique qui trouve son explication dans le récit, le lecteur se retrouve à voyager avec l’auteur au Chili en 2003, la majeure partie de son séjour s’effectuant à Santiago. Comme à son habitude, il raconte au gré de sa fantaisie, dans une narration qui peut donner une impression décousue, ne répondant qu’à l’inspiration du moment. Pour autant, l’auteur respecte un déroulement chronologique du douze octobre 2003 au dix décembre de la même année. Il donne des cours de dessins à l’université, il voyage dans le pays, il observe les gens dans la rue, il en rencontre des hôtes, que ce soit à l’occasion de nuits passées, ou d’une soirée. Il effectue des remarques sur ce qu’il lui est donné de voir, exprimant ainsi sa propre sensibilité. Sur le plan pictural, Edmond Baudoin se montre incontrôlable comme à son habitude : hors de question pour lui de s’en tenir à des cases bien alignées dans des bandes, ou de tracer des bordures de cases à la règle, ou même de s’en tenir à de la bande dessinée. Il peut aussi bien réaliser une ou deux pages muettes avec des cases pour raconter, pour montrer ce qu’il a observé, que reproduire un texte écrit par lui, pour une revue littéraire (sous forme de texte tapé à la machine à écrire, avec des corrections au crayon), en passant par des paragraphes de texte accompagnés d’une ou deux illustrations (à moins que ce ne soit l’inverse), et même un ou deux collages de tickets de bus, sans oublier quelques courtes remarques écrites à la verticale sur le bord d’une image.



Le lecteur abandonne donc les a priori de son horizon d’attente, si ce n’est celui de faire l’expérience du Chili par les yeux et la sensibilité d’Edmond Baudoin. Les modalités d’expression de l’auteur ne correspondent pas à de l’excentricité pour faire original, mais bien à la personnalité de l’auteur. Ce constat s’opère dès la première page : d’abord deux phrases écrites en lettres capitales disposées en lieu et place d’une première bande de cases, puis une mince frise géométrique irrégulière pour séparer la bande suivante qui est constituée d’un dessin et d’un texte, puis une autre séparation suivie par une carte sommaire avec une phrase de commentaire, une vue du dessus simpliste de la Cordillère des Andes avec une phrase de commentaire, et une vue du dessus de parcelles de champ avec un autre commentaire. À ce stade, le lecteur pourrait croire qu’Edmond Baudoin raconte son séjour comme les idées lui passent par la tête. Les pages suivantes lui permettent de mieux saisir la démarche : un déroulement chronologique solide, des remarques en passant générées par le lieu, par une sensation du moment, ou un souvenir, un échange avec une personne. Fort logiquement, l’artiste adapte son mode de dessin à la nature de ce qu’il raconte, de ce dont il se souvient. D’une certaine manière, les cases réalisées au pinceau peuvent s’apparenter au mode narratif principal, ou plutôt aux séquences qui s’enchaînent pour former la colonne vertébrale de l’ouvrage. Pour les réflexions au fil de l’eau, elles sont dessinées en fonction de leur nature, des bourgeons ou des fleurs se déployant à partir du tronc du récit. Lors de la première séance de pose, l’artiste intègre ses propres dessins de la modèle, au pinceau. Lorsqu’il se promène dans la rue, il opte pour des esquisses à l’encre, avec une écriture manuscrite cursive comme s’il s’agissait de notes prises sur le vif.



Une fois qu’il s’est adapté à cette forme narrative, le lecteur trouve du sens à la structure du récit, et il peut apprécier chaque considération passant au premier plan, le temps d’une case ou d’une page. Il se rend compte que, prise une par une, chaque séquence relève de l’anecdote qui donne lieu à des réflexions de l’auteur, dans une direction historique, ou sociale, ou politique, ou morale, ou existentielle, etc. Ainsi, au fil des pages, il peut donner l’impression de sauter du coq à l’âne, car il aborde aussi bien la pauvreté des paysans et le capitalisme, des leçons de dessin et de nu, le sort de Salvador Allende, le sort des Mapuches, la torture et la guerre, le sort des chiens errants de Santiago, l’art mural de la ville, le port de lunettes de soleil, la dictature d’Augusto Pinochet, l’arbre Araucaria, l’irréalité de se retrouver au Chili, la répression, la douceur des gens qui ressemble à de la soumission, le souvenir de son ami Joël Biddle, sa rencontre avec Pablo Neruda à l’ambassade du Chili en France, etc. Chaque séquence semble un petit souvenir, raconté avec simplicité, et dans le même temps raconté avec la personnalité de Baudoin. L’effet cumulatif de ces séquences aboutit à une lecture très dense, abordant de nombreux thèmes.



Au bout d’un certain temps, le lecteur n’est plus très sûr de ce qu’il est en train de lire : des souvenirs de voyage, une vision culturelle du monde ? En effet, il se produit également un effet cumulatif des écrivains et des artistes cités : Gilles Deleuze, Alberto Breccia, José Muñoz, Carlos Sampayo, Jorge Zentner, José Luis Borges, Julio Cortázar, Gauguin, Frida Kahlo. Il ne s’agit pas pour l’auteur d’en mettre plein la vue au lecteur, ou de légitimer son œuvre sur le plan littéraire. Là encore, cet ingrédient fait partie de la personnalité de l’auteur : il l’intègre parce que sa perception de ce qui l’entoure en est indissociable. Chaque séquence prise une par une s’apparente à un regard différent sur une facette du Chili. L’ensemble de ces séquences brosse un portrait complexe du pays, tel que Baudoin en a fait l’expérience, cette année-là, pour l’individu qu’il est, dans le contexte qui l’a amené à y séjourner. Le lecteur repense alors à la couverture et au titre. Cette femme nue est celle qui sert de modèle pendant les cours de dessins, et les individus autour d’elle sont les élèves qui prennent la même pose qu’elle pour ressentir les tensions musculaires qui en découlent. Le lecteur peut également le comprendre comme Baudoin se rendant au Chili et vivant comme un habitant pour prendre conscience des caractéristiques systémiques de cette société. Au cours d’une des remarques poussant à partir de la narration, l’auteur développe les caractéristiques de l’araucaria du Chili, une espèce de conifères, et le lecteur est tenté d’y voir une métaphore des chiliens, ou peut-être des Mapuches.



L’œuvre d’Edmond Baudoin est indissociable de sa vie. Il voyage au Chili du fait de sa condition d’artiste et de professeur de dessin. Il raconte ce séjour en tant qu’artiste, relatant ses rencontres et les paysages, ainsi que les réactions qu’ils suscitent en lui, adaptant son mode narratif et graphique à chaque passage, pouvant expliciter une expérience passée dans la mesure où elle donne du sens à ce qu’il observe. Un carnet de voyage incroyable témoignant du pays visité, des individus rencontrés, avec cette vision subjective qui est celle de l’auteur.
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Au pied des étoiles

Le projet initial de cet bd est l œuvre de José un professeur à Grenoble qui veut monter une expédition avec 2 auteurs bd lepage et Baudoin aux styles pourtant très différents. Ils veulent tous se retrouver au Chili dans le désert d Atacama pour y observer les étoiles.

Le pitch paraissait intéressant mais le fait que le projet n avait pas un but précis, le récit non plus. Les auteurs se sont laissés porter par les rencontres et les faits comme l élection du prochain président. A mon goût on aborde beaucoup trop de sujet qui sont le reflet de leur voyage mais sûrement pas ce que j attendais. Pour avoir rencontré Emmanuel Lepage on peut tout à fait comprendre le fonctionnement de cette bd et on découvre son envie de partager avec les autres. La transmission est omniprésente et elle est bienveillante.

J avais très peur de l opposition des styles mais là ce fut une très belle surprise. Lepage est sur l hyperrealisme et les couleurs elles donnent vie et ambiance à la scène. Chez Baudoin on est sur un besoin plus primaire où le trait doit faire ressentir les choses. Au final je pense que les 2 compères auront beaucoup appris l un de l autre et peut-être que ça se verra sur les prochains projets.
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Au pied des étoiles

Quand un voyage au Chili, à la découverte des étoiles, se mue en dialogue sur l'intime. Emmanuel Lepage et Edmond Baudoin signent avec « Au pied des étoiles », un livre en apesanteur.
Lien : https://www.sudouest.fr/cult..
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Au pied des étoiles

Une rencontre entre 3 hommes : Jose Olivares, professeur de physique, idéaliste, Emmanuel Lepage et Edouard Baudoin, dessinateurs de BD. L'idée de José les avait séduit : participer à un voyage vers le désert d'Atacama au Chili avec quelques élèves de José pour voir les étoiles. Sauf que nous sommes en 2020, le voyage est prévu dans l'année et devra être reporté plusieurs fois à cause de la pandémie. Emmanuel tombera malade. Le premier voyage n'ira pas jusqu'au désert, le second se fera sans Edouard, en famille en France. Alors par petit bout, nos 3 compères vont se rencontrer, vont discuter, vont visiter le Chili, revisiter son histoire mouvementée au travers la vie de José, qui a vécu la dictature avant l'exil en France mais dont une partie de la famille est restée. Parfois contrainte, parfois pro gouvernementale. En paralléle Edouard et Emmanuel revivent leur propre histoire commune car cela fait des années qu'ils se côtoient, ont une relation de maitre à élève puis se fâchent à cause d'une femme, se retrouvent. Et enfin il y a les jeunes gens, les élèves de José. Différents de leurs ainés, sensibles, qui vivent leur jeunesse différemment, qui se posent des questions autres. Leurs conversations qui se croisent font le sel de ce one shot, touffu qui alternent les dessins d'Edouard, épais, symboliques par moment et ceux d'Emmanuel, fin, précis et détaillés/

Un one shot exceptionnel sur un groupe d'hommes matures et de jeunes gens, qui parle d'un pays, le Chili, des étoiles, et de leurs vies. Et ce mélange qui alternent le je des écrivains, le je du professeur et celui des éléves est singulier, un objet surprenant toujours, qui parle de la transmission, de la beauté d'échanger tout le temps sur tout, la richesse de la parole. Parfois un peu chaotique comme les dessins d'Edouard, parfois d'une fluidité maitrisée comme ceux d'Emmanuel. Un livre à part, qui peut ne pas plaire, mais qui ne laisse pas indifférent. Un vrai coup de coeur!
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Au pied des étoiles

Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage se connaissent bien, malgré les 25 ans qui les séparent, mais le voyage qu’ils nous proposent dans « Au pied des étoiles » est plus une autobiographie croisée qu’un carnet de voyage… à moins de considérer la vie comme un voyage, en soi et hors de soi !
Lien : https://www.bdzoom.com/19349..
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Au pied des étoiles

Ces deux dessinateurs que j’admire beaucoup se sont ici associés pour raconter un voyage initié par José Olivares professeur de physique leur proposant d’aller voir, avec quelques jeunes étudiants, les étoiles dans le désert d’Atacama, au Chili. Mais plus qu’un récit de voyage c’est une longue réflexion sur l’histoire de ce pays, la politique, les étoiles, les êtres croisés, le dessin, la maladie, l’amour, les échanges, la transmission, les différents âges de la vie...



Les dessins, dans des styles très différents, se complètent à merveille. Les portraits des personnages rencontrés sont magnifiques, les paysage époustouflants.

C’est une très belle œuvre, réunissant deux immenses dessinateurs et raconteurs d’histoires. A lire et à contempler en prenant son temps.

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Au pied des étoiles

Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage signent à quatre mains un long récit de réflexions autobiographiques.
Lien : https://www.francetvinfo.fr/..
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Au pied des étoiles

2019. Tout part de l'idée folle d'un prof de physique de Grenoble, José Olivares. Il veut emmener ses lycéens au Chili, dans le désert d'Atacama, pour observer les étoiles, et propose à Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage de les accompagner. "Pour dessiner les étoiles".



2021.Un premier voyage a lieu. Ce livre exceptionnel, présenté comme un trait d'union par Futuropolis qui fête ses 50 ans cette année, en est la trace mais il est plus qu'un livre. Les deux auteurs emblématiques, qui se connaissent depuis 1990, profitent de ce voyage pour questionner le monde. Au travers du Chili, en plein mouvement social et politique, ils s'interrogent et nous prennent à témoin. Aller voir les étoiles, c'est regarder le monde, et se regarder soi-même.



Leurs dessins, si différents, se marient, se complètent, se répondent ... Des croquis pris sur le vif à Valparaiso, dans le Pic de Bure, dans le désert... Un superbe travail à quatre mains où se pose aussi la question de la transmission. Ces jeunes, devenus étudiants, que vont-ils garder de cette aventure ? Quel monde veulent-ils ? Comment vont-ils agir ?



Un voyage qui prend une place particulière à bien des égards. Emmanuel Lepage sort d'un cancer tandis qu' Edmond Baudoin, 80 ans, veut savourer chaque jour. Voilà qui donne un livre passionnant, émouvant, philosophique, un peu foutraque mais tellement vivant. Une pépite !
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Ballade pour un bébé robot

Une fois totalement immergé, on est emporté par cette fable brillante aux images puissamment évocatrices. Une bande dessinée passionnante et rare, dans le fond comme dans la forme.
Lien : http://www.bodoi.info/ballad..
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Ballade pour un bébé robot

Cette histoire dénonce en filigrane les travers de notre société, plus obnubilée par la rentabilité que par le bonheur. Le récit labyrinthique tant par le dessin que le scénario célèbre surtout le génie humain, scientifique comme artistique.
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Ballade pour un bébé robot

Avec la concentration et la malice de deux enfants, Edmond Baudoin et Cédric Villani s’amusent avec ce récit comme avec un jeu de construction. Patiemment, méticuleusement, ils bâtissent un monde régit par la rigueur mathématique.
Lien : http://www.bdencre.com/2018/..
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Ballade pour un bébé robot

L’ensemble est très didactique et commande un réel investissement. Mais qu’est-ce qu’on se régale. Un livre à relire deux, trois et pourquoi pas quatre fois, et au moins à une occasion sans tenir compte des mots, juste pour les images.




Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Ballade pour un bébé robot

L'album s'ouvre sur une cosmogonie : la naissance d'une planète « New Earth » et de la vie sur cette planète qui ressemble bougrement à la terre sauf que cette planète est un programme qui se développe selon un plan préconçu et que les êtres qui la peuplent et la colonisent sont des robots.



Sur New Earth, deux robots, North 2 et Quang 1 enquêtent sur une chanteuse terrienne «Mama Béa Tekielski » dont a fait état une conversation entre rebelles. Sur New Earth, à période régulière, une intelligence artificielle est sélectionnée pour être incorporée à l'intelligence artificielle suprême qui gouverne la planète. Des rebelles refusent cet ordre mathématique immuable et veulent y instiller une forme d'aléatoire humain. North 2 et Quang 1 ont la mission de trouver les rebelles.

Quang 1 a un fils, Cyrus qui est très doué et qui a des prédispositions pour comprendre la sensibilité des humains. Pour les habitants de New Earth la Terre est une sorte de paradis séminal perdu. C'est un lieu sanctifié où les humains ne donnent plus signe d'existence.

North 2 et Quang 1 enquêtent sur des pistes séparées. North essaie de comprendre qui était «Mama Béa Tekielski », ce qui l'amène à écouter de la musique, chose inhabituelle chez les robots et à consulter un voyant qui ausculte les données numériques pour prédire l'avenir. Quang traverse un moment de profonde remise en question. Puis conduit une mission d'infiltration dans une réunion de conjurés où il envoie un clone numérique de lui-même. De cette réunion, son clone, avant d'être détruit envoie le nombre 18938261. Il assiste également à un prêche qui explique les motivations des conjurés qui font référence au prophète scientifique Carl Friedrich Gauss : les rebelles désirent s'émanciper du créateur pour étudier le monde dans toute sa beauté libre.

Dans une réunion de la police politique à laquelle appartiennent North 2 et Quang 1, on fait la connaissance de Gyobr, leur chef qui leur indique l'importance de localiser la rebellion. Gyobr est également une IA qui est candidate à l'intégration dans la suprême IA, l'intelligence artificielle fédérative.

L'enquête se poursuit North travaille sur le contexte historique et Quang 1 doit analyser le nombre découvert. La quête de North l'amène à rencontrer une IA historien qui lui raconte la vie sur terre, les valeurs philosophiques françaises et la personnalité excentrique de Mama Béa. Quang n'avance pas avec le nombre. De retour chez lui, son fils lui raconte l'histoire de Grothendieck et de ses parents. North avec l'aide de l'historien comprend que le nombre est liée à une lemniscate de Bernoulli et liée à Gauss. Ces révélations amènent à la résolution de l'histoire que je ne vais pas dévoiler ici.



Cet album est basée sur l'association d'un texte touffu, à la fois sur le plan scientifique et sur le plan philosophique écrit par Cédric Villani et des images toutes particulières d'Edmond Baudoin. Le prétexte policier fonctionne bien mais les digressions historiques et culturelles sont parfois trop didactiques. Villani avait beaucoup à dire et parfois on peut trouver cela trop chargé. Cependant, dans la plupart des cas les apports de connaissances sont nécessaires pour la résolution de l'intrigue. Et ce sont les mathématiques et la chanson intriquées qui permettent la fin.

Le dessin de Baudoin, encre de chine, pinceau et plume, est impossible à décrire tant il fusionne des éléments réalistes, des références de l'histoire de arts et l'invention de formes inédites, science fiction obligeant. Certaines pages sont éblouissantes d'inventivité graphique.
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Ballade pour un bébé robot

Ce livre de Cédric Villani illustré par Edmond Baudoin m'a été offert. Considérant qu'il avait été écrit par un grand mathématicien et découvrant le titre et la couverture, je m'attendais à une BD de science-fiction et même de hard-science fiction. Mais, à la lecture, j'ai vite réalisé que cet ouvrage psychédélique, pour moi inclassable (ou, en tout cas, bien difficile à classer…), était plus proche d'un conte philosophique ou carrément d'un délire onirique que d'un livre de science-fiction. En tout cas, même si vous considérez qu'il s'agit de science-fiction, elle est tout sauf "hard" !



Cette rêverie philosophico-mathématique a été fortement inspirée par l'auteure-compositrice-interprète Mama Béa Tekielski et, plus particulièrement, par sa chanson "Ballade pour un bébé robot". Cette artiste apparaît même comme un personnage de l'oeuvre.



L'histoire se déroule sur une planète habitée par des robots. Bien que ces êtres humanoïdes, "enfants de la volonté et du hasard tout à la fois" aient été, en quelque sorte, créés par l'homme à son image, par l'action de sa volonté initiale, ils n'en restent pas moins le résultat d'un long façonnage évolutif. Voilà le premier exemple d'une allusion à peine voilée à des concepts scientifiques et religieux, en l'occurrence ici à l'évolution darwinienne selon la science et à la création selon les religions. Il ne sera pas le dernier : l'ensemble du récit, très distendu, semble n'être finalement qu'un prétexte pour susciter des réflexions de toutes sortes.



La présentation de curiosités mathématiques et de nombreuses et diverses digressions, parfois capillotractée, nous entraîne dans un voyage fantastique passant par la science, la musique, la poésie et bien d'autres domaines.



Alors que les robots nous racontent l'histoire des êtres humains, l'ouvrage livre une interprétation des chansons de Mama Béa en termes d'analyse historique, politique, économique, voire philosophiques.



Ce monde de robots, froids, manquant d'empathie et soumis à une organisation implacable (le "système"), peut faire penser à une dystopie comme celle du roman d'Orwell "1984". Pourtant, ces robots, qui ont du mal à comprendre le caractère irrationnel des humains, sont doués de conscience, capables d'éprouver des sentiments et de se révolter.



L'utilisation de cette planète de robots permet à l'auteur de prendre une certaine distance pour décrire "de l'extérieur" les êtres humains, et plus particulièrement les Français, et nous livrer des réflexions sur les concepts de nation, d'internationalisme, d'idéalisme, etc. On peut penser ici au Micromegas de Voltaire et au "point de vue de Sirius".



Les dessins de Baudoin fournissent une illustration approximative, allusive, délirante, onirique des idées de l'ouvrage qui fusent dans toutes les directions. N'étant ni amateur ni connaisseur de ce style de dessin, je ne me hasarderai pas à le critiquer.



J'espère vous avoir fait comprendre maintenant pourquoi je ne parviens pas à "classer" cette oeuvre !



Si vous aimez être surpris et si vous n'avez pas peur d'être ballotté de tous côtés dans votre réflexion, et si, enfin, vous êtes un fan des dessins de Baudoin, ce livre vous enchantera.
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Ballade pour un bébé robot

Dans un style rappelant la science-fiction bd des années 80 Cédric Villani nous propose une plongée dans un univers poético-mathématico-politique. Rien de très original dans le scénario, une ode à la révolution assez étonnante venant d'un homme si proche du pouvoir: j'ai souvent été obligée de me dire "il faut que j'arrête de penser qu'il est député En marche" pour pouvoir avancer dans ma lecture. Les dessins très beaux et l'utilisation métaphorique des mathématiques en font néanmoins un livre intéressant.
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