Citations de Edmund White (36)
Rimbaud m’a donné envie de vivre en France et de découvrir sa littérature
Je rêvais continuellement, durant mon adolescence au pensionnat, d'un adulte (mon prof de gym, l'un des peintres de l'école d'art où nous allions prendre des cours - qui s'occuperait de moi, devinerait mes pensées, anticiperait mes besoins (car je ne les aurais jamais exprimés et lui, s'il m'aimait, serait capable de lire en moi).
Même si j'ai toujours accordé beaucoup de valeur à l'amitié, j'étais alors incapable de deviner qu'il est plus amusant de se soûler avec un ami qu'avec un amant. L'amour est une source d'angoisse avant d'être une source d'ennui ; seule l'amitié nourrit l'âme. L'amour fait naître en nous de grandes attentes qu'il ne comble jamais ; les espoirs fondés sur l'amitié sont plus légers et immédiats, et n'existent que parce qu'ils ont déjà été satisfaits. L'amour est un scénario sur quelques rares thèmes ressassés que nous avons du mal à suivre, bien que nous nous efforcions de nous conformer à son ton. L'amitié est un permis de séjour qui nous permet d'aller n'importe où et d'agir exactement au gré de notre fantaisie.
[vision americaine debut 60's du socialisme, étonnement d'actualité]
Pour nous le socialisme était tout d'abord social, puisque tous ceux que nous aimions étaient de notre côté - Les jeunes pauvres ( mais pas les vieux indigents), les paysans étrangers (mais pas les paysans américains sectaires), le prolétariat d'Europe de l'Est ( mais pas les ouvriers de l'automobile de Detroit), les fous inspirés (mais pas ceux qui étaient simplement dinques), les noirs opprimés ( mais pas les petits blancs pauvres).
Je suis encore très délicat, comme une langouste entre deux carapaces.
Je n’étais pas gêné par ma propre immoralité, puisque je savais que j'étais sensible à autrui et je pris ma compassion facile pour de la bonté
Fréquenter un écrivain, le connaître de près, dans l'espoir de mieux connaître son oeuvre était un exercice inutile et même destructeur.
L'amour domestique - avec ses mélodrames adultères, ses compromis douillets, ses câlins asexués, ses prises de bec mesquines - me déplaisait précisément parce qu'il puait le possible, le faisable, ce que tout le monde faisait.
Kevin me demanda : « Tu as quel âge ?
- Quinze ans et toi ?
- Douze. Tu as déjà été avec des filles ?
- Bien sûr » ai-je dit.
(...)
- Tu piques. Tu te rases tous les jours ?
- Non, tous les deux jours. Et toi ?
- Je ne me rase pas encore. Mais les poils deviennent plus foncés. Y'a un mec qui m'a dit que plus tôt on se rase, plus on a de barbe. C'est vrai ?
- Oui. Je vais me retirer ; c'est ton tour.
(pages 28-33)
On dit que les « premières fois » et que les amours de passage ne comptent pas mais moi je crois que les seules relations qui comptent sont les premières. Plus tard, nous savons reconnaitre leur ombre éphémère qui vient traverser notre existence, comme les brefs échos d'un thème original qui envahit toute l’œuvre ou comme l'élaboration mécanique d'une fugue trop complexe. (page 33)
Dans le livre, le narrateur fait remarquer qu’il joue d’un orgue dont le son est entendu quelque part dans une autre pièce. Il n’entend pas ce qu’il joue, pas plus qu’il ne sait jouer, mais alors qu’il s’enfuit les auditeurs transportés lui assurent qu’il est inspiré et qu’il n’a pas fait la moindre faute. J’espérais que mon roman, que je savais conduire mais n’avais jamais vu sur la route, jouerait tout aussi parfaitement.
Je me souviens aussi, mais ça c’est mon pire souvenir… je me souviens du racisme français. J’étais avec un ami noir qui ne parlait pas la langue et que j’aidais à trouver un appartement. La dame, d’abord très méfiante, a fini par lui dire, soulagée : “Ah, vous êtes noir américain… Alors là, c’est différent…"
"I still feel like a young girl, as though everything is about to happen. And
don't you see"— her dry, rough hand with the painted nails seized mine — "I am a sort of spiritual debutante."
Aujourd'hui, bien sûr le désir n'était suivi d'aucun espoir - il avait appris à étouffer chaque bouffée de désir d'un soupir de regret.
La vérité est que cette grande fille rousse à la voix grave et au regard ferme, plein de défi, au corps frêle et aux manières franches et ouvertes - la vérité est que ce parangon n'avait aucun sens de l'humour. Elle ne connaissait pas de vers, ne jouait à aucun jeu, ne chantait pas de chansons, ne lorgnait jamais un homme ni ne riait d'une plaisanterie absurde ; elle alternait entre une noble complaisance et une rage plus noble encore ; si elle avait trouvé un jeune homme à son goût, elle l'eût tranquillement pris par la main et entraîné à l'écart, mais loin de moi l'intention de m'en prendre à sa pudeur. Bien au contraire. Elle était lamentablement dénuée de coquetterie, et aussi innocente que les blés qui poussent dans les champs. (page 18)
Je me sentais tellement bien d'être ainsi, seul dans les bois, d'être éloigné des dangers que les autres représentaient. J'eus envie de dire à quelqu'un à quel point j'étais bien ; il me fallait un témoin (page 145)
Le soir, une fois au lit, ils se lisaient des passages d’un vieux livre corné, trouvé sur l’étagère de la cuisine, un dictionnaire français d’injures. Les Américains sont censés être chaleureux et appréciés de tous, et tout écart de langage est considéré comme un défaut corrigeable, mais en France on admire les personnes assez courageuses pour se montrer caustiques ou acariâtres ; Julien lisait les injures de sa voix retentissantes, avec un délice évident.
Leur maison était blottie sous un gros arbre que le voisin, un vieux hippie à la barbe blanche peu fournie et à la dentition gâtée, avait baptisé « l’arbre touriste » parce qu’il « devient rouge avant de peler ».
Je me suiciderai quand j'aurai trente ans.Trente ans c'est la ménopause des gays.
[a propos d'un couple lesbien-fin des années 1950]
C'est bizarre quand même que nous trouvions leur mariage charmant, mais que nous ne puissions pas supporter le modèle hétérosexuel qu'elles copient !