Citations de Edward Bunker (138)
Le paysage avait changé.
La question était : est-ce que le monde n'avait pas trop changé pour moi ?
Est-ce que les outils mentaux et affectifs
nécessaires à une vie à l'extérieur
- différents des outils nécessaires à une vie en prison -
ne s'étaient pas rouillés pendant huit ans ?
Les riches possédaient une Cadillac et les pauvres roulaient en Ford. Aujourd’hui, les riches se promènent en limousines et les pauvres poussent des caddies dans lesquels s’empilent des boîtes de Coca-Cola recyclables
S'ils refusaient de me laisser vivre en paix, leur paix, je n'en voulais plus.
Un toxico malade préfère un fixe au salut.
Et quand tu seras au bout du chemin, quand le moment sera venu de faire le bilan, c'est ça que t'auras été, et pas autre chose, quoi que ça puisse être. L'espoir est encore devant toi - mais un jour il sera derrière toi.
Les hurlements dignes d’animaux en furie, les insultes raciales s’élevaient dans l’anonymat de la ruche des cellules et le faisaient songer à des bêtes sauvages dans leur cage qui gronderaient en montrant les dents. Son mépris de la stupidité et sa sympathie pour la condnition des Noirs opprimés en Amérique s’étaient trouvés submergés par la peur. Penndant le bouclage, il lui avait fallu emprunter la passerelle entre des groupes de jeunes Noirs. Il avait pu sentir au passage leur haine brûlante comme le souffle d’un brasier. Il avait évité les regards, la peur au ventre, et, dans le sanctuaire de sa cellule, ses frayeurs devinrent le germe d’où se mit à grandir l’arbre de sa haine.
Je n’avais aucun jugement critique. Un livre était un livre et un chemin qui conduisait à des terres lointaines et de merveilleuses aventures.
— Je meurs de faim au contraire…
Ce verbe mourir qu’on emploie à tort et à travers ! J’en découvrais le vrai sens.
Lui, si doux, si timide, si sensible savait se déchaîner quand il devenait cette sorte de « Gengis Khan » moyenâgeux qu’avait merveilleusement campé l’auteur. Mieux que le créateur… Il jouait mieux. L’autre n’avait plus l’âge… Mais l’autre avait un nom. Il avait tout et nous, rien. Pas même de quoi manger. Pas même le temps d’espérer.
« L’homme est la plus formidable de toutes les bêtes de proie et, vraiment, la seule qui dévore systématiquement sa propre espèce. »
William James.
[...] ... C'était aujourd'hui notre première promenade depuis six mois. J'avais pris mes distances avec lui. Il en savait la raison et n'en avait rien dit. Jamais nous ne serions devenus amis si les fondations de nos rapports n'avaient été mises en place avant que la haine raciale ne vînt dégénérer en guerre. L'atmosphère avait changé ces deux dernières années. Les gardes armés empêchaient les éruptions de violence de se transformer en massacres à grande échelle, mais les escarmouches étaient meurtrières. Si un Noir se faisait poignarder par un Blanc, quelle qu'en fût la raison, il y avait représailles : un groupe de Noirs dévalaient la passerelle à toute vitesse en poignardant tous les Blancs sur leur chemin. Les Blancs attendaient puis leur rendaient la monnaie de leur pièce. Aaron considérait les deux camps comme des bandes d'ignorants. Non pas parce qu'il rejetait son héritage ou manquait de fierté - mais il refusait d'en faire un motif de honte ou une raison de haine pour se rallier des gens. De manière presque simpliste, il voyait dans les deux camps des racistes aux attitudes injustifiables qui manquaient de fondement scientifique. Et ce n'étaient pas les prisonniers blancs qui lui posaient problème, en considérant comme un fait acquis que les Noirs seraient capables de changer le monde par la violence. Les Noirs le détestaient également parce qu'il méprisait leur ignorance. S'ils essayaient de lui imposer leurs opinions par la force, il savait les faire battre en retraite, car le calme qu'il manifestait n'était ni crainte, ni passivité. Il pouvait être dangereux. Il se plaçait toujours sur le terrain des autres en les traitant en individus séparés, sans se laisser dissuader par l'ignorance, si conséquente fût-elle. Cette manière de voir les choses avait créé une situation inhabituelle. Nombre de militants blancs racistes le traitaient d'abord comme une personne, sa négritude ne venant qu'en second. En d'autres termes, ils réagissaient devant lui de la même manière qu'il réagissait devant lui-même. ... [...]
Rien ne lui ferait jamais entrevoir le fait que si les gens comme moi étaient la maladie, les gens comme lui en étaient les porteurs.
Mieux vaut encore être fugitif loin de sa cage que prisonnier déjà derrière ses barreaux.
Une suspicion de tous les instants est une garantie de survie.
L'angoisse ne peut naître d'espérances anéanties lorsqu'il n'y a pas d'espérances.
Faire courir des risques inutiles à sa propre existence est un signe d'immaturité.
Un homme peut peut-être accepter la vérité sans pour autant l'aimer.
Les choses les plus tristes sont souvent les plus drôles.
Je les dévorai de regards affamés, dans une marée de fantasmes qui montaient très vite. Des années sans femmes aiguisent chez tout prisonnier son potentiel imaginaire - il en faut de l'imagination pour user d'une fiotte au visage bleui d'un début de barde et aux sourcils épilés.
Fermez les yeux et imaginez quelqu'un d'autre - comme peut-être la vedette de cinéma pleine d'exotisme que vous avez vue pendant le film du week-end.
L'imagination est nécessaire lorsqu'une main glissante de pommade vous sert de substitut féminin.
Je marchai dans cette rue sinistre,
conscient de ma liberté,
léopard parmi les chats domestiques.