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Citations de Edward Carey (150)


A présent, la ville m'apparaissait de loin tel un vaste brouillard, sale, jaune, une nape de gangrène dans le ciel d'hiver, cachant une chose énorme qui palpitait dessous.
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La France gave sa tête et affame ses membres. Combien de temps vivra-t-elle encore, à ton avis? Chut, allons, ne nous attardons pas. Tu ne peux rien faire pour cette tête. Elle s'agite car elle croit que tu vas la nourrir. Les gens ne l'intéressent pas, seulement la chaire. Quittons ce taudis moite et exigu, élevons nous vers le ciel, aussi haut que possible. Je t'emmène à deux cent sept pieds du sol et, depuis le sommet nous regarderons en bas.
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Je t’ai donné une bonde, Clodius Ferrayor, ton objet de naissance, pour que, sang de mon sang, tu fasses un choix entre deux choses. Tu nous contiendras, telle une bonde, tu nous garderas en sécurité, tu seras une barrière entre nous et l’inquiétant trou d’évacuation. Ou bien, inversement, telle une bonde qu’on retire, tu nous laisseras tomber, nous écouler vers le rien, nous réduire à néant, nous noyer, nous épancher, dégoutter, ruisseler, tu nous détruiras tous !
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Quelqu’un a pris mon télescope.
Ne t’inquiète pas, les étoiles sont toujours là.
Je m’en réjouis.
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Comme la maison sanglotait, criait et hurlait en cette terrible nuit ! Comme elle tanguait et gémissait, comme elle maudissait, comme elle blâmait, comme elle punissait et se châtiait elle-même en cette terrible tempête, comme les décombres la frappaient à coups redoublés ! Il fallait nous échapper.
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Le manoir de l’Observatoire était un cube de quatre étages, massif, d’inspiration néoclassique. Un cube d’une saleté repoussante. Des taches noirâtres suintaient le long de ses façades comme autant de plaies putrides, et ses murs gris étaient ornés de graffitis rouge et jaune, que des vandales anonymes bombaient à la faveur de la nuit. Dont le plus remarquable était : L’amour existe pour vous aussi ! Les seules caractéristiques intéressantes du bâtiment, hormis sa laideur et sa taille imposante, étaient les quatre colonnes qui soutenaient son portique. Des colonnes éraflées et fissurées, dont une surtout penchait dangereusement. L’immeuble possédait une autre bizarerie, le dôme posé sur le toit d’ardoises, juste au-dessus du hall d’entrée. Ce dôme, jadis, avait été un observatoire. Un observatoire aujourd’hui privé de télescopes, et qui s’était transformé en havre où les pigeons déposaient religieusement leurs déjections, leurs petits, leurs moribonds et leurs morts.
Autrefois en pleine campagne, le manoir de l’Observatoire était entouré d’un parc, de granges, d’écuries et de champs. Sournoisement, avec le temps, la ville avait gagné du terrain, recouvrant chaque année de nouvelles prairies, jusqu’à atteindre le parc qu’elle étouffa sous l’asphalte, et les dépendances, qu’elle finit par détruire. Seul le bâtiment principal, le cube gris et massif, resta debout. Les habitants élevèrent un mur circulaire de dix pieds de haut tout autour de l’immeuble, une barricade pour signifier que la ville n’irait pas plus loin. Mais la ville continua sa percée, bien au-delà de chez nous, en construisant encore plus de routes et plus de maisons. Au fur et à mesure que la ville progressait, les routes aux environs du manoir de l’Observatoire devinrent plus larges et plus fréquentées que jamais, un fleuve de plus en plus impétueux qui finit par former un bras mort au milieu duquel se dressait, tel un îlot retranché, le manoir de l’Observatoire. Un rond-point, un refuge oublié de la ville, mais prisonnier du tourbillon de son inexorable avancée.
J’imaginais souvent notre maison sous les traits d’un vieillard, robuste et chauve. Un vieillard assis, ses bras flasques serrés autour de ses genoux arrondis, fixant désespérément le ballet ininterrompu des voitures, les immeubles environnants, plus petits et plus modernes, et la foule qui se presse sur les trottoirs. Il soupire pesamment ; il n’est pas sûr de savoir pourquoi il vit encore. Il ne va pas bien, ce vieillard, il va mourir. Il souffre de maux innombrables, sa peau est décolorée, du sang s’écoule de ses organes et se répand dans tout son corps.
Ainsi était notre maison, et nous y vivions raisonnablement heureux jusqu’à ce qu’un appartement changeât d’occupant.

(Suite de l'incipit)
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Comment expliquer les histoires d'Emma? Elles étaient vivantes. Elles remuaient. Elles vivaient! Elles étaient un irresistible tourbillon de couleurs et d'odeurs virevoltantes. Elles changeaient de forme, s'imbriquaient les unes dans les autres, se contredisaient, n'avaient plus ni queue ni tête, partaient dans des disgressions inattendues comme des trains qui changent brusquement de rails, se précipitaient dans des directions imprévues, disparaissaient, réapparaissaient, les romances se transformant en tragédies puis en comédies avant de retomber sur leurs pieds. Un univers de princes et de princesses, de marâtres, d'ânes qui chiaient de l'or, de dragons, de royaumes enchantés, de monstres, de barbes bleues, de sorcières, de lutins, de gnomes et d'autres créatures fantastiques.
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Tout commença, toute cette terrible histoire qui s’ensuivit, le jour où la poignée de porte de Tante Rosamud disparut. C’était la poignée de porte de ma tante, une poignée en cuivre. Et cela n’arrangeait rien qu’elle ait déambulé la veille avec sa poignée dans tout le manoir, cherchant des raisons de se plaindre comme d’habitude : elle avait monté et descendu tous les escaliers, parcouru tous les étages, raide comme la justice, ouvert les portes sous n’importe quel prétexte, inspectant, trouvant à redire à tout.
Elle insistait sur le fait que, durant tout le temps de son inspection, elle avait bien sa poignée de porte sur elle, et que maintenant, elle ne l’avait plus. Quelqu’un, hurlait-elle, l’avait prise.
Il n’y avait jamais eu un tel remue-ménage depuis le jour où mon grand-oncle avait perdu son épingle à nourrice. Lors de cet événement, on avait fouillé tous les étages pour découvrir en fin de compte que le pauvre vieil oncle l’avait toujours sur lui ; elle avait glissé dans la doublure de la poche de son veston.
C’est moi qui l’avais trouvée.
Ils m’ont tous regardé ensuite d’une façon étrange, ma famille, je veux dire, je dirais même encore plus bizarrement que d’habitude, car on ne m’avait jamais fait confiance, et on me chassait souvent d’un endroit à un autre. Ma découverte de l’épingle à nourrice sembla confirmer, pour certains membres de ma famille, qu’il y avait chez moi quelque chose d’anormal, et certaines de mes tantes et certains de mes cousins me fuyaient, ils évitaient de me parler, tandis que d’autres, mon cousin Moorcus par exemple, me cherchaient.

(Incipit)
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La solitude n'a de prix que lorsqu'elle est vécue au milieu des autres.
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J'avais pensé qu'il avait grossi, mais ce n'était pas la graisse qui l'enveloppait, plutôt la tendresse.
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C'était donc la vie de Londres, c'était donc la grande machine de l'Empire, je pouvais la sentir et elle sentait l'humain logé à l'étroit, elle sentait le café, le tabac, le vin, et la suie, et la sueur, aussi. Entraîné avec le troupeau, je ne pouvais pas m'arrêter. J'étais ballottée sur cette vague telle une épave au sommet de la grande décharge.
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Nous avons tous respiré la nuit, nous l'avons tous fait entrer en nous.
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Le mal emporta certaines personnes. D'autres non. J'étais l'une des rescapés. Peut-être ne l'étais-je pas. Cela dépend du point de vue.
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James Henry était une bonde, une bonde universelle qui pouvait s’adapter à n’importe quel trou de lavabo ou de baignoire. Je la gardais dans ma poche. James Henry était mon cadeau de naissance.
À chaque naissance d’un nouveau Ferrayor, la coutume familiale voulait qu’on lui offrît quelque chose, un objet spécial choisi par Grand-Mère. Les Ferrayor jugeaient toujours un Ferrayor à la façon dont il prenait soin de l’objet de ses jours, comme ils l’appelaient. Nous devions tout le temps le garder sur nous. Chaque objet était différent. Pour ma naissance, on me donna James Henry Hayward. Ce fut la première chose que je connus, mon premier jouet et mon premier compagnon. Il était accompagné d’une chaîne de deux pieds de long qui se terminait par un petit crochet. Quand je commençai à marcher et à m’habiller tout seul, je portais sur moi ma bonde universelle avec sa chaînette comme tant d’autres personnes auraient porté leur montre à gousset. Pour le protéger, je cachais James Henry Hayward dans la poche de mon gilet. Sa chaîne dessinait une boucle en forme de U sur ma poche, et son crochet était attaché au bouton central de mon gilet. Je me trouvais très heureux avec l’objet de mes jours, car, comparé à d’autres cadeaux de naissance, le mien, c’était du gâteau.
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Le silence avait repris sa place. Les seuls bruits qui nous parvenaient, hormis ceux que produisaient nos corps solitaires quand nous vaquions à nos occupations dans nos appartements, étaient ceux du poste de télévision du troisième étage. Il est vrai que cet appareil générateur de bruit est destiné à nous réduire au silence.
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As-tu jamais désiré jouer le rôle principal dans ta propre histoire?
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- Même de fort bas étage, voilà aussi un Parisien, Marie.
J'avais deviné qu'il piquerait sa curiosité. Je repérais les physionomies qui lui plaisaient. La veuve lui répétait qu'il devait rechercher des têtes bien nées, d'un rang supérieur, mais mon maître savait reconnaître la noblesse, même dans le caniveau.
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Prenez une feuille et tenez-la en l’air, en direction du soleil. Vous verrez la feuille dans ses moindres détails, tout ce qu’il y a à l’intérieur, toutes ses nervures, rien de cette feuille ne vous échappera. Anna ressemblait un peu à cela après que je lui eus parlé, ce soir-là. Son visage affichait une expression d’angoisse telle que je pus deviner tout ce qui se passait dans son cerveau et dans son corps ; combien elle était malade, combien il était facile de la soulever ou de s’en débarrasser.
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En ce temps saturé de souvenirs, le présent était difficile à percevoir.
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Quand cesse-t-on d'être une personne, me demandais-je, et quand commence t-on à être autre chose qu'un être humain?
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