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Critiques de Edwige Danticat (46)
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Haïti noir



"Le dimanche, on lit au lit".



De Haïti on ne sait pas grand-chose. On la connaît mieux depuis début 2010, jour où, bien malgré elle, elle fut mise au sommet de l'actualité, fit pleurer dans les chaumières puis retomba dans l'oubli quelques mois plus tard, sans même avoir vraiment totalement bénéficié de cette affluence de dons qui a suivi le séisme.



Mais à part ça, on ne sait pas grand-chose de Haïti.



Le recueil Haïti Noir a vu le jour, du moins son projet, avant le tremblement de terre. Il fait partie d'une collection sur plusieurs villes, le titre "noir" n'est donc nullement en lien avec la vie difficile de ce pays ni la couleur de peau de sa population. Trois nouvelles évoquent le séisme, les autres sont simplement "noires".



Je vous avoue que j'ai eu du mal à entrer dans ces petites histoires, en partie sans doute car elles étaient très courtes, mais surtout car elles ne font pas partie du genre d'histoires qui me passionnent. C'est ainsi, les goûts et les couleurs hein… faut pas chercher à comprendre. Toutefois, j'ai trouvé très intéressant d'en découvrir plus, au travers de ces tranches de vie, sur "comment ça se passe là-bas", les expressions typiques, la musique, la vie quotidienne, l'enfer, les dangers , la pauvreté, la chaleur. Parce que je ne sais pas grand-chose d'Haïti et que ce livre apporte un éclairage sans doute plus "typique" que n'importe quel ouvrage historique ou politique.



A découvrir si vous avez en vous cette même envie, si Haïti titille votre curiosité autrement que par ce qu'on en a lu dans la presse.


Lien : http://www.le-celibat-ne-pas..
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La prisonnière des Sargasses

"La vie est une fable, racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien".  La tirade de Macbeth sied parfaitement comme exergue pour le présent roman, hélas cela a déjà été fait par un vilain auteur américain sudiste, dont il convient de taire le nom. 



Il règne une atmosphère étouffante dans ce livre dont les événements semblent condamnés à se répéter d'une génération à l'autre. Une famille de colons  de Jamaïque, déclassée socialement, issue d'une lignée d'esclavagistes. La mère, abandonnée par un mari volage, n'a d'yeux que pour son fils à la santé débile, délaissant ostensiblement sa fille Antoinette. Malgré une seconde union, cette femme profondément insatisfaite vit dans le souvenir d'un âge d'or révolu du domaine Coulibri, alors qu'au porte de la demeure la haine et le ressentiment des noirs affranchis de l'île ne fait que croître, jusqu'à la déflagration qui chasse les Cosway de cet Éden profané par le péché originel de l'esclavage. La mère  sombre dans l'alcoolisme et la folie, la fille, blessée, est recueillie par une tante, alors que le fils préféré est mort, immolé en holocauste. Quelques années plus tard Antoinette, guère mieux mariée que sa génitrice, séjourne, durant son voyage matrimonial, dans une maison décatie d'un domaine qui leur reste, dans ce qui a tout d'une lune de fiel. 



On ressent un certain malaise à la lecture de la Prisonnière des Sargasses. Le déséquilibre mental des personnages le dispute au ressentiment qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. S'ajoute à cela les haines ataviques et raciales,  la nature hostile dans son exubérance exotique, le vaudou et tout ce qui est tu. L'aspect fragmentaire du récit  dans sa discontinuité temporelle, divisé en trois parties avec changement de narrateur ne fait qu'aggraver l'inconfort et l'incertitude de la lecture. Cela explique peut-être la lumineuse idée de folio de divulgâcher franchement l'intrigue dans un résumé liminaire du roman... Une lecture troublante. 





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Haïti noir

Avant de commencer cette chronique, je tiens à remercier Babelio et Asphalte pour ce partenariat.



Haïti Noir est un recueil de nouvelles sélectionnées par Edwige Danticat et nous présente un peuple dans sa partie la plus sombre. Dix-huit nouvelles noires, où la criminalité côtoie la magie, où la religion se love contre la pauvreté.



Dix-huit nouvelles, dix-huit auteurs, dix-huit histoires et styles différents. Cette sélection nous présente avant tout la richesse littéraire contemporaine du pays le plus pauvre des Amériques – Haïti. Il serait assez difficile de résumer ici l’ensemble des nouvelles, mais la sélection nous montre les différentes facettes, sombres, de ce majestueux pays. On y découvre la criminalité la plus effroyable avec l’enlèvement de jeunes filles et qui sera rendu en échange d’une rançon, ou encore la croyance que peuvent avoir les plus démunis concernant le vaudou et les esprits. Ces différents textes, finalement, nous montre l’âme d’un pays. Les Haïtiens aiment leur région, leurs voisins, mais les circonstances de la vie difficile les poussent vers d’autres horizons bien différents, et peut-être contestables. Pour ma part, certaines nouvelles sortent du lot. J’ai été touché par Laquelle des deux ? de Evelyne Trouillot qui présente deux mamans enceintes du même père et dont l’une d’elles sera prête à tout pour que sa petite fille puisse avoir un avenir plus joyeux. Le Doigt de Gary Victor utilise l’esprit d’un homme tué pour se venger de ses ravisseurs par le biais d’une bague. L’ultime département de Katia D. Ulysse traite de la tristesse des Haïtiens qui voient leurs proches quitter leur pays et qui sont prêts à tout pour les avoir prêts d’eux.



Haïti Noir est un recueil qui rend hommage à ce pays et à son peuple, malgré le fait que les textes nous montrent plutôt la face sombre, nous découvrons un peuple joyeux, amoureux de sa terre, mais dont les conditions difficiles le poussent, comment n’importe quel personne qui se retrouverait dans ces mêmes conditions, à avoir des actes répréhensibles et parfois complètement altruiste.



Asphalte, grâce à sa série Noir, nous présente une région du globe au plus profond de son âme, où sont cachés les secrets les plus inavouables, mais c’est là que se trouve l’âme… n’est ce pas !



Haïti Noir ne déroge pas à la règle, un recueil à lire car il présente un pays, non pas lissé comme les autres romans que vous trouverez, mais avec du relief. Passionnant.



Je remercie Babelio et Asphalte pour ce partenariat.
Lien : http://skritt.over-blog.fr/a..
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Haïti noir

Ce recueil est une anthologie de dix-huit nouvelles écrites par autant d’auteurs haïtiens connus ou un peu moins. Ecrivains vivant encore dans leur pays d’origine ou à l’étranger, ils nous le racontent sous ses différentes facettes et pour une fois, l’ensemble d’Haïti intervient et non pas que Port-au-Prince. La vie économique, sociale, politique, les superstitions, les croyances et les coutumes sont le creuset de ce recueil. Haïti noir ou le pays tel qu’il est : misère, pauvreté, corruption mais aussi cette formidable rage de vivre que possèdent les habitants. Commencer à danser ou à chantonner quand un air de musique surgit dans l’air, relever la tête après le séisme de 2010, s'aider , aimer, les auteurs nous montrent à quel point leurs frères et sœurs ont en eux une force incroyable. Rares sont les recueils collectifs offrant diversité, qualité et un zoom sur un pays. Je me suis réconciliée avec Gary Victor, Kettly Mars m’a étonnée car je ne la connaissais qu’en tant que romancière et j’ai découvert des auteurs très doués : Louis-Philippe Dalembert, Evelyne Trouillot, Madison Smart Bell, Katia D. Ulysse, Edwige Danticat, Louis-Philippe Dalembert, Yanick Lahens, Rodney Saint-Eloi, Marvin Victor, Marie Lily Cerat...



Pas de pathos ou d’auto-apitoiement, d’ailleurs je pense que ce mot est banni dans le vocabulaire des Haïtiens, et chaque auteur apporte une touche personnelle, un regard teinté de tendresse, d’humour ou acéré sur la réalité de leur pays. Sans oublier une part de mysticité, de croyances rendues dans certains des textes où l’on est plongé dans Haïti trop souvent oublié… il n’y a qu’à se pencher sur l’actualité récente. L’ouragan Sandy a touché ce pays mais combien de secondes ou de lignes pour en parler ?

Un très bon recueil à découvrir ! Un seul regret : Dany Laferrière un auteur que j'aime beaucoup n'est pas présent...


Lien : http://fibromaman.blogspot.f..
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La prisonnière des Sargasses

La Prisonnière des Sargasses se veut une préquelle de Jane Eyre. Elle revient sur le passé de la première femme de Mr Rochester (connue sous le nom de Bertha Mason) et sa lente descente vers la folie. Rien que le point de départ de ce roman a de quoi intriguer : publié en 1966, soit plus de cent ans après l’œuvre de Charlotte Brontë, il se focalise sur un personnage qui, au final, n’apparaît que très peu dans le roman original. C’est pour pallier à cette « injustice » que Jean Rhys a décidé de retracer une vie présumée de cette femme torturée, cette ombre inquiétante qui hante Jane Eyre et Rochester.

Et une grande partie de l’œuvre pourrait surprendre si l’on s’attend à retrouver l’Angleterre de Jane Eyre, puisqu’en réalité, l’intrigue se déroule en majeure partie en Jamaïque. Dès lors qu’Antoinette épouse Rochester (bien qu’il ne soit jamais nommé directement dans le roman), son destin bascule et sa santé mentale va dégringoler. Loin de l’idylle impossible entre Jane Eyre et Rochester, La Prisonnière des Sargasses nous conte plutôt une histoire d’amour qui n’aura jamais eu aucune chance d’exister. Les deux époux se déchirent, Antoinette sombre dans l’alcoolisme… Le récit est conté au travers de plusieurs points de vue qui alternent, principalement Antoinette puis son mari. Cette écriture met d’autant plus en relief le fossé qui les sépare.

Même si ce roman est écrit avec beaucoup de justesse, qu’il est poignant et parfois dur, je ne me suis cependant pas sentie aussi transportée que par l’œuvre originale de Brontë. Mais après tout, ce n’était pas le but non plus de Jean Rhys de réécrire Jane Eyre. Son roman est également une réponse au colonialisme, thème fort et central du récit.

Faut-il avoir lu Jane Eyre avant de lire La Prisonnière des Sargasses ? Pas nécessairement. Certes, cela permet d’éclairer certains détails, de comprendre certaines références (en particulier dans la toute dernière partie du roman). Mais ce roman peut tout aussi bien se lire tel quel : comme le récit de la descente aux enfers d’une femme, rattrapée par la folie.
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La prisonnière des Sargasses

Belle découverte ce roman !

Le premier tiers m'a été un peu laborieux, j'ai trouvé le récit décousu et et j'avais du mal à cerner les personnages. j'ai accroché dans la partie adulte, j'ai beaucoup aimé la pluralité des voix, le contexte, ces Antilles post coloniales. J'y ait lu une tragédie grecque, inéluctable, j'aurais aimé une fin plus joyeuse mais elle est très bien comme cela

Très beau voyage !
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La prisonnière des Sargasses

Un classique de la littérature post-coloniale et caribéenne. L'histoire est inspirée du célèbre "Jane Eyre" de Charlotte BrÖnte où cette fois-ci le focus est mis sur Antoinette Mason, l'épouse séquestrée au grenier par Mr Rochester. Autant dire qu'il faut absolument avoir lu "Jane Eyre" pour apprécier cette suite.



On y découvre la vie d'Antoinette, une femme blanche créole dont la famille d'anciens propriétaires d'esclaves est installée en Jamaique depuis plusieurs générations. Ainsi, après l'émancipation des esclaves, elle est menacée par les locaux et rejetée de tous, par sa propre mère d'abord puis par son mari, Mr Rochester. Rochester est l'archétype du colon britannique assoiffé de profit, mari froid et distant. Antoinette devient le symbole d'une femme abusée par de multiples systèmes de domination.



C'est un bouquin exigeant mais l'écriture m'a globalement déplu, trop surréaliste et l'atmosphère trop déprimante. Néanmoins, l'idée de ce roman est brillante, la réécriture du point de vue de l'opprimé sachant que la voix d'Antoinette devenue Bertha a été complètement négligée dans "Jane Eyre". Une belle réhabilitation tout de même.
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Haïti noir

Dix-huit nouvelles écrites par des auteurs francophones ou anglophones, vivant sur l'île ou issus de la diaspora haïtienne

Une nouvelle fois les éditions Asphalte ont la magnifique idée de nous faire découvrir des auteurs et leurs univers. Entre chaos et illusions, iIs nous racontent leur pays avec dérision, colère, désespoir mais toujours avec amour. C'est très noir et très beau. Découvrez Haïti Noir c'est tout un pays qui va se dévoiler à vous et découvrez aussi la collection Asphalte Noir, c'est une merveille.

Ont participé à ce recueil : Kettly Mars, Gary Victor, Evelyne Trouillot, Madison Smart Bell, Edwige Danticat, Louis-Philippe Dalembert, Yanick Lahens, Rodney Saint-Eloi, Marvin Victor, Marie Lily Cerat, M.J. Fievre, Mark Kurlansky, Josaphat Robert-Large, Nadine Pinede, Patrick Sylvain, Marie Ketsia Theodore-Pharel, Katia D. Ulysse, Ibi Aanu Zoboi. Et pour moi cela a été l'occasion de découvrir tout un tas de nouvelles plumes dont j'ai vraiment apprécié la force d'évocation.
Lien : https://collectifpolar.com
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Pour l'amour de Claire

Roman prenant, plusieurs personnages en Haîti, un mystère qui nous tire jusqu'aux dernières pages pour savoir ce que la petite Claire est devenue..

Bref un super moment de lecture que je vous conseille vivement.
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Pour l'amour de Claire

Ce roman doit être très bien, sauf que je ne l'ai pas aimé du tout, sans doute parce qu'à la lecture de la quatrième de couverture, je m'attendais à tout autre chose. Je pensais que le récit serait centré sur Claire, il n'en est rien, elle disparaît au premier chapitre, et ne réapparait que dans le tout dernier. Bien sûr, il sera question d'elle de temps à autre dans le roman, mais elle n'est alors qu'un personnage en arrière-plan.

En fait, le roman semble tisser d'un ensemble de nouvelles, mettant en lumière un des personnages du livre, sans parfois que j'ai perçu immédiatement le lien entre les personnages précédemment rencontrés. Le récit effectue de nombreux retours en arrière, osant même l'inversion de l'ordre chronologique dans le premier chapitre, et s'il n'est pas si difficile de se repérer dans le temps, cette gymnastique constante gâche un peu le plaisir de lecture.

Je n'ai pas aimé non plus la résignation des personnages. La mort est omniprésente, la violence aussi, et rares sont ceux qui osent lutter. Je n'en dirai pas plus, parce que je pense que ceux qui sont plus sensibles que moi à ce genre littéraire, à la littérature haïtienne prendront plaisir à lire ce livre, un plaisir qui m'a fui.
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La récolte douce des larmes

Une belle écriture sensible et bien détaillée. Cette américaine d’origine haïtienne (elle a quitté le pays à 12 ans), nous fait le récit du terrible massacre de 1937 où 20,000 haïtiens, la plupart des coupeurs de cannes et des domestiques, vivant en terre Dominicaine ont été tués à coups de machettes. Le président de l’époque, Trujillo, ne voyait aucun autre moyen pour empêcher le métissage des européens avec les Haïtiens. Les descriptions sont sanglantes, nous arrachent le cœur mais sans jamais occulter l’amour, la tendresse, la compassion, la générosité et la solidarité du peuple haïtien. Très beau livre.
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La prisonnière des Sargasses

Devise de La Jamaïque : « De nombreuses personnes, un peuple »

Une île peuplée de Noirs, de Blancs, d'esclaves venus d'Afrique, d'Espagnols premiers colonisateurs, d'Anglais qui se sont emparés de l'île ensuite, de Français, de main d'œuvre chinoise et indienne, autant de couleurs et de cultures différentes qui pourraient être un paradis mais les hommes étant ce qu'ils sont, c'est le plus souvent un enfer.



Dans cette fiction, la créole Antoinette Cosway raconte son enfance au domaine Coulibri, à la Jamaïque, où elle est née en 1839, soit sept ans après l’abolition de l’esclavage. Entre l’indifférence de sa mère et les révoltes des esclaves, son destin bascule : elle est envoyée dans un couvent qu’elle quittera à l’âge de dix-sept ans, pour se marier, mais mariage n’est pas toujours synonyme de bonheur, loin de là…



Après une enfance sans éducation, où elle a vécu aussi abandonnée, pauvre et sauvage que le domaine en perdition qu’elle aimait pourtant, au couvent, Antoinette découvre un autre monde :

« … il y a tant de choses qui sont des péchés, pourquoi ? Autre péché de penser ça. Mais les péchés ne sont pas des péchés si on les chasse aussitôt. Vous n’avez qu’à dire : Sauve-moi, Seigneur, je péris. Je trouve très réconfortant de savoir exactement ce qu’il faut faire. Tout de même, je ne priai plus aussi souvent après cela, et bientôt, je ne priai plus guère. Je me sentis plus hardie, plus heureuse, plus libre. Mais moins en sécurité. »

C’est une chose dont je parle dans mon roman L’Alibi :

La liberté a un prix, et ce prix et la sécurité.



Quand des événements traumatisants arrivent, Antoinette réagit à sa façon :

« Ne rien dire et peut-être qu’alors ce ne serait pas vrai. »

Dès que j’ai lu cette phrase, par deux fois dans le début du livre, j’ai su que l’histoire d’Antoinette ne pourrait que mal tourner. D’expérience, je sais que les années de silence que l’on s’impose, pour quelque raison que ce soit, dans son enfance ou son adolescence, sont autant ou plus d’années de souffrance qu’on impose à l’adulte qu’on deviendra.



Une prière est sensée monter au ciel, toucher Dieu ou ses anges, et retomber sur vous en grâce, en force ou en espoir. Mais parfois elle échoue, et cela donne cette belle phrase :

« J’ai prié, mais les mots tombaient par terre, sans rien signifier. »



L’écriture de Jean Rhys ne décrit pas une île, n’en raconte pas précisément l’histoire, n’explique pas ce que font ou pensent les personnages ; non, l’auteur suggère. Elle suggère un pays par ses couleurs : les montagnes violettes, la végétation verte, la mer bleu profond, le ciel plombé, chargé, menaçant de pluie. Elle suggère les parfums entêtants des fleurs fraîches, mortes ou pourries. Elle suggère les intentions des personnages et leur caractère par quelques images. Et rien n’est clair, tout est mouvant comme dans un rêve ou plutôt comme dans un cauchemar :

Antoinette « flottait dans l’indécision, n’avait aucune certitude quand il s’agissait de faits — de n’importe quels fait. »



Un homme noir déclare avoir quatorze ans, et un autre le raille parce qu’il ne sait pas son âge. Il est vrai qu’avec ses cheveux gris, il semble plus près de la cinquantaine.



Une des pièces de la maison semble être un havre de paix, un refuge. Mais un domestique noir surgissant on ne sait d’où et en silence, déclare que l’ancien maître n’aimait pas l’endroit, et le sentiment de sécurité vous quitte, on regarde tout autour de soi avec méfiance.



La pluie tombe, ajoutant à l’impression de malaise et de vague tristesse, et l’on parle un patois mâtiné de français. Dans ces conditions, un jeune anglais fraîchement débarqué a bien du mal à s’adapter aux coutumes, aux habitants de l’île, et même à sa propre femme :

« Elle a beau être une créole de pure descendance anglaise, ces gens-là ne sont pas anglais ni non plus européens. »



Dans ce monde mouvant aux contours flous, Antoinette elle-même ne sait pas qui elle est :

« Le cancrelat blanc, c’est moi. C’est comme ça qu’ils nous appellent, nous tous qui étions ici avant que les gens de leur propre race, en Afrique, les vendent aux marchands d’esclaves. Et j’ai entendu des Anglaises nous appeler des nègres blancs. Je me demande souvent qui je suis, où est mon pays et à quelle race j’appartiens et pourquoi donc je suis née ! »

Puis finalement, si, elle sait :

« C’est ici que je suis chez moi, c’est le pays auquel j’appartiens, c’est ici que je veux rester. »



Par touches légères, Jean Rhys nous dépeint des personnages chargés chacun de leur propre et pesante histoire, chargés chacun de l’histoire de leur pays d’origine ; et chaque histoire se mêle, se heurte à celle des autres personnages dans un pays construit sur la violence : destruction des indigènes par les Espagnols au 16ème siècle, reprise du pouvoir par les Anglais, esclavage, main d’ouvre asiatique importée sous son prix bas, vaudou, croyances diverses, et le dernier maillon non respecté de cette chaîne : la femme.



Et nous, lecteurs, haletant dans la chaleur moite, nous sommes oppressés par la forêt dense, indécis quant à classer les personnages chez les « bons » ou chez les « méchants », certainement parce que tout n’est pas totalement noir ou blanc. Alors on continue à lire, bien que le cauchemar devienne de plus en plus sombre, en se demandant bien comment tout cela va finir.



« Désir, Haine, Vie, Mort, étaient très rapprochés dans l’obscurité. »

Désir, Haine, Vie, Mort, sont intimement et pudiquement mêlés dans ce roman.

La haine rend fou.

Si vous êtes fragile, sensible, ou en recherche d’un peu de bonheur ou de joie, ne lisez pas ce livre.

Ce n’est pas mon genre de livre préféré, mais c’est excellent.
Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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La prisonnière des Sargasses

Entamer ce livre, tout en sachant qu’il s’agit d’une préquelle non-officielle au Jane Eyre de Charlotte Brontë, et n’ayant pas lu ce dernier, je prenais le risque de voir des références et allusions m’échapper. En effet, le célèbre roman de Charlotte Brontë était un des livres fondateurs, un de ceux qui poussa la romancière Jean Rhys à embrasser la carrière d’écrivain. Élaboré pendant neuf ans, après vingt années de silence, et publié en 1966 : « La prisonnière des Sargasses » invente une backstorie au personnage secondaire, Bertha Mason, (ici Antoinette Cosway) de Jane Eyre.



Rhys infuse énormément d’elle-même dans cette histoire. Elle transpose, notamment, toute sa culture de créole blanche. Et fait d’Antoinette l’enfant malheureuse d’anciens propriétaires d’esclaves de Jamaïque. Comment sa mère suite à une révolte d’esclave sombre dans la folie. Et condamne la jeune fille à passer sa vie dans un couvent jusqu’à ses 17 ans. Âge auquel elle se marie avec un anglais, froid, distant et dont la méfiance vis-à vis de sa jeune femme est de plus en plus attisé par les ragots des serviteurs créoles noirs.

Dans l’impossibilité d’être aimée par son époux, fragilisée par son passé familial, tous les éléments sont présents pour la faire basculer dans la folie.



Jean Rhys choisie d’adopter une narration double. Alternant entre le point de vue d’Antoinette, et celui de l’époux anglais. Sans chercher à donner des circonstances atténuantes au comportement de ce dernier, elle démontre le mépris d’un homme qui préfère sauver les apparences plutôt que de comprendre le profond mal être de son épouse - au risque de la rendre malheureuse. Sa haine pour cette dernière se ressent jusque dans les descriptions du paysage local. La moiteur et la chaleur tropicale en adéquation avec son humeur, et les nuances de couleurs du ciel et des montagnes qu’il finit par exécrer à force de les voir défiler devant ses yeux.



Comme je le disais en introduction, il est fort probable que je sois passé à côté de certaines subtilités, liées au matériel original dont ce livre s’inspire et rend un déférent hommage. Toutefois, je peux d’ores et déjà dire que « Jane Eyre » a fait un bond retentissant dans le classement de mes lectures prioritaires, grâce à celle-ci.
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La prisonnière des Sargasses

Peut-être plus une mise en garde qu'un véritable avis : ce roman a apparemment été écrit comme un "préquel" du fameux Jane Eyre de Charlotte Brontë, et si vous ne l'avez pas lu - ce qui est hélas mon cas - il y a de grandes chances que vous passiez à côté d'une partie de son intérêt, tant narratif que stylistique. Malheureusement, peut-être pour ne pas inhiber son lectorat, l'éditeur français (l'Imaginaire de Gallimard) se garde bien de donner cette information. Alors que reste-t-il pour les lecteurs ignorants des classiques britanniques ? Une évocation vivante, quelque peu hallucinée, des Antilles britanniques au lendemain de l'abolition de l'esclavage, mais toujours au temps des plantations. Pour cette raison la première partie se vit comme un film d'aventures, j'avoue avoir ensuite un peu décroché...
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La prisonnière des Sargasses

Au début de ce roman, je me suis presque ennuyée, comme Antoinette elle-même s'ennuyait à Coulibri. Je trouvais le rythme un peu lent, je n'arrivais pas à avoir une lecture fluide. Puis, au fil des pages, cette histoire a pris de l'intérêt pour moi, elle m'a inspiré de l'angoisse et la conscience qu'après l'abolition de l'esclavage, ce fut une période compliquée pour les personnes vivant dans les Antilles. On arrive à ressentir cet écart de point de vue et ce communautarisme dans ce livre car sont mises en lumière la parole de plusieurs personnages ayant une situation très différente.

De plus, en comprenant que ce livre était lié à l'intrigue de Jane Eyre, j'ai d'autant plus trouvé cet ouvrage intelligent et pertinent.
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La prisonnière des Sargasses

C'est une histoire d'ombres et de lumière, de ténèbres et de couleurs, dans laquelle la luxuriance d'un environnement naturel aux teintes éclatantes, aux senteurs écœurantes, au soleil triomphant, s'oppose à la noirceur des âmes, au gouffre obscur de la démence.

C'est une histoire de haines longuement muries, de rancœurs silencieuses, où les occasions de prendre le dessus sur ceux qui vous ont opprimés dégénèrent en flambées de violence.

C'est une histoire de malheurs, dans laquelle les individus subissent leurs destins, et s'en vengent sur leurs proches.



Jamaïque, années 1830.

Antoinette Cosway est une créole blanche. Elle vit au domaine de Coulibri avec sa mère, qui depuis qu'elle est veuve, n'a plus de vie publique ni de goût à l'existence, et son frère, attardé mental. Antoinette est souvent seule, et compense l'indifférence maternelle par la relation affectueuse qui la lie à Christophine, une vieille femme noire comme l'ébène à la réputation de sorcière. Le jardin qui entoure le domaine est à l'abandon, les journées s'écoulent mornement.



Les secondes noces de sa mère avec l'anglais M. Mason redonnent vie à Coulibri. Mais un drame survient, à partir duquel le destin d'Antoinette prendra un tour de plus en plus tragique. Elle devra subir un époux qu'elle n'aura pas choisi, qui aura du mal à contenir la haine et le mépris qu'il éprouve à son égard... Marquée, aux yeux des autres, par une malédiction qui veut que les femmes Cosway soient atteintes de démence, elle sombrera peu à peu dans un désespoir morbide...



Le récit de Jean Rhys est empreint d'une atmosphère inquiétante et moite, qui donne le sentiment d'un danger sous-jacent mais permanent. Les tensions raciales qui parasitent les rapports entre les individus (l’esclavage vient d'être aboli) et la luxuriance étouffante des Caraïbes offrent à la mélancolie de l'héroïne un écrin d'indolence et d'hostilité à la fois. Plus on avance dans le roman, et plus l'écriture en devient elliptique, exprimant le délitement progressif de l'état mental d'Antoinette, qui, victime de son statut de femme et délaissée par les siens, ne parvient pas à s'adapter à la réalité.



Un texte troublant...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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La prisonnière des Sargasses

La prisonnière des Sargasses est une relecture, comme plusieurs de mes dernières lectures. La différence est que celle-ci date d’il y a plus de dix ans, l’ayant étudiée au lycée, mais je n’en conservais qu’un très vague souvenir. Alors que je relisais enfin ce roman, j’ai fait quelques recherches sur internet, découvrant ainsi une note moyenne de 11,6/20 sur le site Livraddict (le livre ne mérite pas une aussi mauvaise note) et découvrant qu’il s’agit d’un préquel à Jane Eyre de Charlotte Brontë que j’ai lu l’an passé. A dire vrai, ce n’est qu’à la fin que j’ai fait le rapprochement, qui n’est pas des moindres !

Dans La prisonnière des Sargasses, le récit est à la première personne et Antoinette nous raconte dans un premier temps son enfance. Dans la seconde partie du roman, c’est un homme, jamais nommé, qui parle ; nous savons juste qu’il est anglais et est désormais l’époux d’Antoinette. C’est une histoire tragique, celle d’une femme qui tente de se faire aimer de son mari, en vain. L’héroïne de Jean Rhys, que l’on croyait sauvée après une enfance difficile, se retrouve dans une prison. Sans barreaux, mais effrayante. Antoinette a beau être mariée, elle est finalement assez seule ; elle est confrontée à un monde qui ne veut pas d’elle (il est notamment question de racisme, mais pas que). Petit à petit la folie pointe le bout de son nez.

La plume de l’autrice est agréable et chaque personnage s’exprime de sa propre manière, avec ses mots, ses expressions.



L’histoire d’Antoinette est dure et on se prend d’affection pour elle, on a envie de la protéger de son entourage. Le récit, emmené par une écriture efficace, raconte beaucoup de choses en peu de pages (240 en tout). C’est un livre à découvrir, surtout si vous aimez Jane Eyre (mais il n’est pas obligatoire d’avoir lu le roman de Charlotte Brontë pour lire La prisonnière des Sargasses).



Le roman a reçu plusieurs prix, dont le Royal Society of Literature Award (notre équivalent anglais de l’Académie française).
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Le briseur de rosée

Le briseur de rosée a été pour moi un véritable coup de cœur! Edwidge Danticat nous présente avec franchise le destin de plusieurs Haïtiens exilés aux Etats-Unis qui tentent de refaire leur vie après l'important traumatise vécu sous la dictature à Haiti.

L'auteur nous envoie un message d'espoir et nous permet de reconsidérer la notion de victime (un bourreau peut-il être une victime?).

Bouleversant!

En lien ma chronique complète
Lien : https://laurelinebookaholic...
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Pour l'amour de Claire

Déçu. Enfin, pas totalement déçu mais, quand même, je m'attendais à plus. Plus de mystique, plus de tension peut-être.

Pourtant je l'ai lu d'une traite, sans pouvoir m'arrêter, tellement l'auteur à réussi à m'attraper dans cet enchevêtrement de vie. Entre la veuve Gaëlle, le père Nozias, l'ado perdu Max Junior, la victime Flore... Toutes ces personnes se côtoient, se frôlent, se croisent sans se rendre compte que leurs destins sont intimement mêlés. Au centre du maelström; Claire Limyé Lanmé, 7ans et qui porte le poids d'un "revenan".

Toutes les vies sont superbement dépeintes, les drames sont dévoilés au fur et à mesure et c'est prenant. Mais le trop plein de personnages est déroutant. Surtout au début, la 1ère moitié du livre, où on a l'impression que des histoires émergent sans réels liens entre elles. Ce n'est évidemment pas le cas, mais, n'empêche, l'impression que l'on a affaire à un peintre qui souhaitait avant tout croquer la vie de "Ville Rose" puis s'est forcée à créer des points de connexion demeure.

Et surtout la fin ...

Le seul moment où l'auteure se met dans les bottes de l'enfant Claire; c'est décousu, verbeux (dans le sens d'excessif remplissage), et ça dure des pages et des pages dans un langage (on est dans les pensées de l'enfant) qui se veut enfantin mais... C'en est lourd; on saute des lignes et des pages.



N'empêche, ce livre raconte de jolies histoires avec une écriture vraiment magnifique, mais bon, ça c'est Haïti, la qualité littéraire et la poésie est presque une seconde nature chez ces artistes là!
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Le Cri de l'oiseau rouge

Beaucoup de dialogues, une narration fluide et posée, Le cri de l’oiseau rouge, jouit d’un style simple et rapide à lire, à l’image d’un témoignage. En effet, le style de Danticat n’est pas spécialement recherché ni très littéraire. Ça se laisse lire simplement et agréablement (Je ne suis, sur ce point, pas d’accord avec les éditeurs qui rapprochent son style à celui de Toni Morrison qui a une prose beaucoup plus profonde et imagée).


Lien : http://avideslectures.over-b..
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