Voici un roman de fiction sur fond historique : l'auteure née en1969 d'origine haïtienne partie pour les Etats- Unis à l'âge de douze ans, nous conte à travers une histoire familiale et sentimentale, le récit du terrible massacre de 1937, perpétré par les soldats du généralissime Raphaël Trujillo Molina —- président depuis trente et un ans de la République Dominicaine—-
En une nuit sur les ordres de Trujillo —- plus de 20 000 haïtiens —- coupeurs de canne à sucre, ou domestiques sont pourchassés, embarqués , massacrés. .. tués à coups de machettes.
Saint - Domingue n'a plus besoin de ses immigrés haïtiens, Trujillo décide de s'en débarrasser : le président désirait empêcher le métissage des Européens avec les Haïtiens.
Les massacres s'enchaînent alors , tous véridiques puisque l'auteure a travaillé sur des documents historiques.
Humiliés et résignés , les pauvres paysans dominicains sont chargés d'attraper les Haïtiens pour les remettre aux soldats, pourquoi pas les riches aussi. ?
Le Generalissimo avait donné l'ordre qu'on les abatte tous.
Certains Dominicains racontaient à leurs enfants que les haïtiens mangeaient des bébés , des chats et des chiens...
En parallèle nous suivons le passé et l'histoire d'Annabelle , une jeune haïtienne orpheline à huit ans , ses parents se sont noyés.
Recueillie sur la rive du fleuve par une famille espagnole elle devient la servante de la Señora Valencia, une « espagnole » dominicaine , épouse d'un colonel de l'armée Pico Duarte , officier de la garde de Raphaël Trujillo .
Elle aime Sébastien , un coupeur de canne à sucre haïtien malgré ses mains calleuses et ses nombreuses cicatrices .
Tous les haïtiens étaient utiles aux Dominicains mais pas vraiment bienvenus.
Comme les rumeurs courent à propos de la persécution des leurs , Annabelle et Sébastien décident de retourner en Haïti mais l'horreur les attend .
Annabelle survit à ce bain de sang , comme d'autres haïtiens mais épuisée , laminée elle cherche la trace de Sébastien ....
Beaucoup de cadavres ont été jetés dans le fleuve qui marque la frontière , le Rio Massacre, le bien mal nommé...
C'est un ouvrage sensible, dédié à la douleur et à l'amour, une part de la Grande Histoire , aux descriptions sanglantes qui nous prennent aux tripes .
Elles n'occultent pas la tendresse, la compassion , les désordres amoureux , la solidarité , la générosité du peuple haïtien .
Personne , nulle part, n'est à l'abri d'un drame de ce genre.
On a l'impression , en lisant ce livre que ces dialogues représentent peu ou prou les débats à propos des politiques d'immigration actuelles.
L'injustice n'a ni couleur , ni époque , ni territoire privilégié.
« Quand tu restes trop longtemps chez ton voisin , il est naturel qu'il se fatigue de toi et qu'il te haïsse, » P'194
« La ruine des pauvres , c'est leur pauvreté , les pauvres sont vendus pour travailler dans les champs de canne à sucre, pour que notre pays puisse se débarrasser d'eux. le pauvre , peu importe qui il est , est toujours méprisé par ses voisins » .
Une belle écriture maîtrisée, colorée, en guise d'oeuvre de mémoire au nom d'un peuple malmené , au coeur de la culture haïtienne.
L'auteure évoque aussi La guerre d'Espagne qui sévissait à la même époque.
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Une belle écriture sensible et bien détaillée. Cette américaine d'origine haïtienne (elle a quitté le pays à 12 ans), nous fait le récit du terrible massacre de 1937 où 20,000 haïtiens, la plupart des coupeurs de cannes et des domestiques, vivant en terre Dominicaine ont été tués à coups de machettes. le président de l'époque, Trujillo, ne voyait aucun autre moyen pour empêcher le métissage des européens avec les Haïtiens. Les descriptions sont sanglantes, nous arrachent le coeur mais sans jamais occulter l'amour, la tendresse, la compassion, la générosité et la solidarité du peuple haïtien. Très beau livre.
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« Les Haïtiens sédentaires , les non - vwayajè, vivaient dans des maisons de bois ou de ciment. Ils avaient des balcons circulaires peints de couleurs vives , des toits de zinc, des jardins spacieux , des baies de cactus avec des plantes grimpantes vertes qui serpentaient entre les tiges des cactées. Leurs cours étaient pleines d’arbres fruitiers ——-surtout des manguiers et des avocatiers —— qui fournissaient tout à la fois ombre, nourriture et ornement.
Nous les considérions comme des gens maîtres de leur destin »...
« Nous devons parler pour nous rappeler chacun que nous ne sommes pas encore dans les ténèbres du sommeil qui sont une mort infinie, comme une caverne obscure. »
A livre ouvert avec Edwidge Danticat.
« C’est peut-être la cinquième fois que j’ai lu ce livre », nous dit Edwidge Danticat, sourire aux lèvres. Elle pense à « Beloved » de Toni Morrison, sa dernière lecture avant son passage en Haïti en juillet 2015. L’écrivaine américaine d’origine haïtienne, très attachée à ses racines, était de passage à FOKAL où elle a été reçue pendant une semaine du lundi 20 au vendredi 24 juillet.
« Je suis en train d’écrire un long essai sur l’art d’écrire la mort dans la littérature ». Voilà ce qui explique pourquoi elle a tant de fois relu Beloved.