A livre ouvert avec Edwidge Danticat.
« Cest peut-être la cinquième fois que jai lu ce livre », nous dit Edwidge Danticat, sourire aux lèvres. Elle pense à « Beloved » de Toni Morrison, sa dernière lecture avant son passage en Haïti en juillet 2015. Lécrivaine américaine dorigine haïtienne, très attachée à ses racines, était de passage à FOKAL où elle a été reçue pendant une semaine du lundi 20 au vendredi 24 juillet.
« Je suis en train décrire un long essai sur lart décrire la mort dans la littérature ». Voilà ce qui explique pourquoi elle a tant de fois relu Beloved.
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Il n'existe pas de pays plus respectueux de la loi qu'Haïti quand les fonctionnaires véreux veulent vous mettre des bâtons dans les roues.
Malgré l'histoire tragique d'Haïti (ou peut-être à cause d'elle), nous avons toujours été fiers de nos origines. La première république noire au monde. La seconde république du Nouveau Monde, après les Etats-Unis. Le premier pays créé à la suite d'une révolution d'esclaves, en 1804, et mis à l'index pendant des décennies pour éviter de donner de mauvaises idées à d'autres.
« Les Haïtiens sédentaires , les non - vwayajè, vivaient dans des maisons de bois ou de ciment. Ils avaient des balcons circulaires peints de couleurs vives , des toits de zinc, des jardins spacieux , des baies de cactus avec des plantes grimpantes vertes qui serpentaient entre les tiges des cactées. Leurs cours étaient pleines d’arbres fruitiers ——-surtout des manguiers et des avocatiers —— qui fournissaient tout à la fois ombre, nourriture et ornement.
Nous les considérions comme des gens maîtres de leur destin »...
« Nous devons parler pour nous rappeler chacun que nous ne sommes pas encore dans les ténèbres du sommeil qui sont une mort infinie, comme une caverne obscure. »
Il pensait à ces mères, ces pères qui se tenaient là, incapables de rien faire d'autre que de regarder. Une fois de plus le pays perdait une génération de jeunes, les uns violents, les autres spectateurs, mais tous dans la ligne de tir, mourants.
Mes bonnes notes au lycée m'avaient confirmé que l'éducation ne servait pas à grand chose lorsque la misère et la déveine vous font la guerre. Je me retrouvais avec mes certificats sous les bras, la bouche sèche et une longue avenue grise et sale devant moi. Il fallait utiliser les gens et les choses avant d'être soi-même utilisé puis rejeté. Telle était ma devise de survie. Aramis l'avait bousculée avec un grand rire.
Il évitait les nouvelles trop heureuses qui auraient pu renforcer l'angoisse de la séparation, les nouvelles trop tristes qui auraient pu nous inquiéter, et toute trace de jugement ou de désapprobation à l'égard de ma tante et de mon oncle, qu'ils auraient pu interpréter comme des sous-entendus signifiant qu'ils nous traitaient mal. Les lettres froides et sans émotions étaient son moyen d'éviter un champ de mines qu'il aurait pu déclencher de loin sans être en mesure de venir au secours des victimes.
Des femmes au visage tanné par le soleil vendent d'énormes mangues et des croquants aux cacahuètes faits maison ; des petits garçons en jean coupé courent pour faire voler un cerf-volant rudimentaire, ou bien jouent avec des camions fabriqués à partir de bouteilles en plastique.
« Je ne me souvenais plus à quel point les petits villages pouvaient être paisibles, songea Célimène. J'avais oublié à quel point la simple vue d'une goutte de rosée ou d'un papillon qui danse pouvait vous couper le souffle quand il n'y a rien pour vous en distraire. J'avais oublié la sensation d'être reçue comme un membre de la famille. »
Au final, il était impossible d'empêcher sa bonne étoile de tomber des cieux, si c'était ce qu'elle avait décidé de faire.