Eiji Yoshikawa

Un unique papillon jaune, balloté haut par la brise tourbillonnante, plongea par dessus le bord de la falaise.
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jusqu'au dernier souffle, les gens ne renoncent ni à leurs amours ni à leurs haines.

Dès qu'il se rendit compte qu'il avait atteint la cime, sa volonté tendue se rompit comme la corde d'un arc. Là, à la frontière entre ciel et terre, Musashi sentait jaillir dans tout son être une joie indescriptible. Son corps trempé de sueur s'unissait à la surface de la montagne ; l'esprit de l'homme et l'esprit de la montagne accomplissaient le grand oeuvre de procréation dans la vaste étendue de la nature à l'aube.

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- Si tu peux supporter les rigueurs, tu connais un plaisir plus grand que la souffrance, dit Musashi avec solennité. Jour et nuit, heure après heure, nous sommes ballottés tour à tour par des vagues de souffrance et de plaisir. Si l'on cherche à n'éprouver que du plaisir, on cesse d'être vraiment vivant. Alors, le plaisir s'évanouit aussi.
- Je commence à comprendre.
- Pense à un simple bâillement. Celui d'une personne qui vient de travailler durement est différent de celui d'un paresseux. Des tas de gens meurent sans connaître le plaisir que peut apporter le bâillement.

Si tu m'abats tu sauras que j'étais un imposteur, mais si tu te réveilles mort, tu pourras être certain que j'étais le véritable Kojiro.

Ce qui n’allait pas, conclut-il, c’était son immaturité. Son corps et son sabre ne formaient pas encore une unité ; ses bras avaient beau devenir de jour en jour plus robustes, son esprit et le reste de son corps n’étaient pas en harmonie. Avec sa tournure d’esprit portée à l’autocritique, cela lui faisait l’effet d’une difformité paralysante.

Ainsi la véritable férocité du sanglier se fait-elle jour lorsqu'il est privé de nourriture.

Depuis plusieurs jours maintenant, il regardait la lumière jouer sur le corps de la jeune fille : la nuit, la lueur clignotante d'une lampe, le jour, les chauds rayons du soleil. En voyant sa peau scintiller de transpiration, il avait songé à la fleur de lotus. Séparé de sa couche par un simple paravent mince, il avait respiré la faible fragrance de ses tresses noires. Maintenant, le rugissement de l'eau s'assimilait à la pulsation de son sang, et il se sentait la proie d'une impulsion puissante.

Le Sabre est l’âme du Samouraï ; il ne le porte qu’afin de maintenir son intégrité. Pour l’homme qui gouverne d’autres hommes et cherche, ce faisant, à suivre la Voie de la vie, le sabre est une exhortation perpétuelle. Il n’est que naturel que l’artisan qui polit le sabre doive aussi polir l’esprit de celui le manie.

Punir les malfaiteurs sans recourir à la justice était une pratique solidement établie. En un temps où les guerriers se trouvaient trop occupés à guerroyer pour maintenir l'ordre, les bourgeois, dans l'intérêt de leur propre sécurité, avaient pris sur eux de régler leur compte aux scélérats. Bien qu'Edo possédât maintenant un magistral officiel et que l'on fut en train d'élaborer un système duquel des citoyens éminents de chaque quartier jouaient le rôle de représentants du gouvernement, il y avait encore des exemples de justices sommaire. Dans un état de choses restés un peu chaotique, les autorités ne voyaient pas l'utilité d'intervenir.

"Soudain, il vit la vérité : les techniques de l'homme d'épée n'étaient pas son but ; il cherchait une Voie du sabre qui embrassât toute chose. (...) Pour la première fois, il se demanda s'il était possible à un être humain insignifiant de ne faire qu'un avec l'univers."

On dit que en semant une seule graine d'illumination, on peut convertir cent personnes, et que si une seul germe d'illumination se développe au sein de cent coeurs, dix millions d'âmes peuvent être sauvées.

Alors que nous pourrions passer notre vie dans un paradis plein de fleurs, pourquoi préférons-nous tous pleurer, souffrir et nous perdre dans un tourbillon de fureur et de passion, nous torturer dans les flammes de l'enfer?

La vue du sang, qui dégrise le brave, a l'effet opposé sur les lâches.

. "Il vit la vérité : les techniques de l’homme d’épée n’étaient pas son but ; il cherchait une Voie du Sabre qui embrassât toute chose."

"En eux la bataille avait déjà commencé car l’œil peut endommager un homme plus gravement qu’un sabre ou un bâton. Une fois que l’œil a opéré la première percée, le sabre ou la bâton pénètre sans effort."

En le condamnant à la réclusion, Takuan avait dit :

- Tu peux lire autant que tu veux. Un prêtre fameux de jadis a dit un jour : « Je me plonge dans les Ecritures, et lis des milliers de volumes. Lorsque j'en sors, je constate que mon cœur y voit plus clair qu'avant. » Considère cette chambre comme le ventre de ta mère, et prépare-toi à renaître. Si tu ne la regardes qu'avec tes yeux, tu ne verras rien de plus qu'une cellule close, non éclairée. Mais regarde encore, et de plus près. Regarde avec ton esprit, et réfléchis. Cette chambre peut être la source de l'illumination, la fontaine de connaissance qu'ont découverte et enrichie les sages d'autrefois. A toi de décider s'il doit s'agir d'une chambre de ténèbres ou d'une chambre de lumière.

"Maintenant, il n'y a que ce sabre, se dit-il. L'unique chose au monde sur laquelle je puisse compte ". ll posa la main sur la poignée de l'arme, et fit un serment : je vivrai selon sa règle. Je le considérerai comme étant mon âme, et, en apprenant à le maîtriser, m'efforcerai de m'améliorer, de devenir un être humain meilleur et plus sage. Takuan suit la Voie du Zen ; je suivrai la Voie du sabre.

Et du matin au soir, ils ne parlaient qu'argent, argent. Ou encore travail, travail.
Et ils se croient des êtres humains ! se disait Iori. Il avait la nostalgie du ciel bleu, de l'odeur de l'herbe chaude sous le soleil; cent fois, il résolut de fuir.


Livre IV La parfaite lumière, chapitre « Le port »

- [...] J'aimerais aller dans une foule d'endroits éloignés, me rendre à l'autre bout de Kyushu, voir comment vivent les gens à Nagasaki, sous les influences étrangères. Je brûle de connaître la nouvelle capitale que le shogun est en train de bâtir à Edo, les grandes montagnes et rivières au nord de Honshu. Peut- être qu'au fond de moi, je ne suis qu'un vagabond.

- Vous n'êtes nullement le seul. C'est tout naturel, mais il faut éviter la tentation de croire que vos rêves ne pourront se réaliser que dans quelque endroit lointain. Si vous le croyez, vous négligerez les possibilités de votre environnement immédiat. La plupart des jeunes gens agissent ainsi, je le crains, et deviennent insatisfaits de leur existence.


Livre IV Le Vent, chapitre « L'artisan courtois »