Elle vécut au 19ème siècle et fut une voix majeure de la rébellion poétique et féministe contre la société puritaine de l'époque; Ses écrits datent surtout des années de la guerre de Sécession, lorsqu'elle vivait recluse et vêtue de blanc.
Ses poèmes traduisent des émotions quotidiennes mais intenses, évoquant les souffrances des années de guerre et les amours déçues du passé.
Une psychologie tourmentée, beaucoup d'intériorité.
Commenter  J’apprécie         50
J’avoue qu’il s’agit d’une découverte pour moi ; jusqu’à ma lecture de ce recueil, je ne connaissais Emily Dickinson que pour sa réputation de figure majeure de la littérature américaine.
J’ai éprouvé un sentiment mitigé à la lecture de ses poèmes, sans doute parce que je ne me reconnais pas dans sa quête de transcendance liée à sa foi chrétienne.
J’ai été surprise par l’étrange ponctuation de ses vers et l’emploi systématique des tirets d’incise que renforcent l’impression d’un murmure, d’une confidence chuchotée, voire d’un tâtonnement de la pensée devant la difficulté à exprimer une sensation. Il y a, par ce biais, quelque chose de direct, du registre de l’expérience intime qui est immédiatement transmis au lecteur. Je dirais qu’il y a une absence de seuil dans la poésie d’Emily Dickinson, nous pénétrons avec une immédiateté voulue dans son univers sensible.
La récurrence de la souffrance, de l’agonie, de la mort révèle une âme troublée par la question de « l’après ». L’existence humaine est fugace, rien ne peut combattre l’oubli, l’idée de repousser la fin est une illusion car elle est écrite par avance et scelle des épousailles avec le Ciel. Le dialogue entre deux morts se tarit de lui-même quand la mémoire des défunts s’évanouit : « Et ainsi, tels des parents, qui se rencontrent une nuit – Nous devisâmes d’une chambre à l’autre – Jusqu’à ce que la Mousse atteigne nos lèvres – Et recouvre – Nos noms – »
Je ne goûte pas particulièrement cette mystique de la mort qui se développe sur une humilité très calviniste : « Si énorme, si impossible à concevoir/ Que ceux qui deux fois sont advenus./ La séparation est tout ce qu’on connaît du ciel/ Et pour l’enfer, point n’est besoin de plus. » Notre intelligence ne peut saisir le mystère de l’après-vie qu’au travers de la séparation d'avec ceux qui nous étaient chers. Mais, justement que peut avoir comme signification la douleur de la séparation ? Le signe de l’existence du paradis ou de l’enfer ? J’avoue que cette question ne fait pas sens pour moi. Dickinson interroge encore et encore l’ultime fin comme si elle devait marquer l’abolition de la distance à Dieu, la vie terrestre nous y ayant condamnés.
Reste chez elle un amour contemplatif de la nature qui s’exprime avec une simplicité remarquable qui touche au cœur.
Commenter  J’apprécie         70
Il faut rendre hommage à Françoise Delphy d'avoir offert aux lecteurs Français la traduction complète des textes d'Emily Dickinson; de surcroît, il s'agit d'une édition bilingue de belle facture. Tous les poèmes que j'ai lus sont magnifiques, mais évidemment je n'ai pas lu tous les poèmes. J'en ai cité un au hasard... Pat
Commenter  J’apprécie         30
C'est avec Emilie Dickinson que J'ai véritablement découvert la poésie.
J'étais adolescente et ses paroles ont su trouver le chemin direct de mon coeur. J'ai longtemps voulu la connaître, être son amie.
La magie de l'enfance repousse si bien les limites du temps !
Commenter  J’apprécie         43
Critique de Claude Michel Cluny pour le Magazine Littéraire
D'abord un personnage. Mais le plus discret, le plus retiré, le plus casanier, bref, le moins « médiatique » du monde, comme cela ne se disait pas. Emily Dickinson (1830-1886), qui interpelle les fleurs et les couleurs, et voit que « l'âme se balance sur les Heures », n'est pas la Séraphine d'Amherst. Éduquée, cultivée, pianiste, rentière, et recluse par sa volonté à portée de voix des siens, rieuse, épistolière infatigable, elle accumule les brefs poèmes (1 789 retrouvés). Emily intrigue, séduit une lumière blanche dans l'ombre, passe pour un peu « toquée », devient un mythe.
C'est miracle que son oeuvre, la plus originale qui soit, ait été sauvée de la disparition. De son vivant, pas plus de six poèmes ne sont publiés, de manière disparate dans la presse. Si elle en joint souvent à son abondant courrier, l'essentiel s'entasse au premier étage de la maison familiale d'Amherst, petite ville pimpante du Massachusetts. Que pouvait donc écrire une minuscule demoiselle de province, toujours éprise de l'un, ou de l'une, jamais amante ni mariée ; sans non plus, la trentaine venue, sortir de son cocon ? Avant d'être un poète qui ne ressemble à quiconque, Dickinson, qui n'a pas « vécu », est une gageure romanesque. Françoise Delphy, qui après d'autres elle aussi la traduit bien, n'en disconvient pas. Elle n'a guère de liens avec le milieu culturel (puritain dans sa majorité) au-delà d'Amherst. Sauf Emerson, avec qui elle entretient une correspondance. Elle l'étonne, comme elle nous étonne encore. La bien lire n'est pas aisé. Ellipses, ponctuation étrange, syncopes, oxymores, images oniriques... Laissons le charme agir, parfois chargé d'angoisse, osmose de l'idée et du concret : « Arbres d'Été / Ce feuillage de l'esprit / Est un Tabernacle d'Oiseaux / Non corporels »... Dieu et ses dogmes refusés, un sentiment naïf mais vrai d'appartenance au merveilleux cosmos ce que va être la romantique « communion avec la nature » sera l'impondérable qui la relie à son mentor : elle exprime ce qu'Emerson pense en philosophe, et ce que pratiquera leur contemporain Thoreau, autre solitaire.
Littérairement, qu'elle n'arrive de nulle part simplifie les choses. Pas de références avouées, d'hommage insistant à un maître ou d'influences décelables. L'intégrale, enfin ! n'avoue pas d'évolution. Il est amusant de noter que, tel Pessõa, autre solitaire immobile assis sur sa malle de manuscrits inédits, elle se définit comme n'étant « personne ». Son émerveillement pour ce qu'elle voit, ce qu'elle imagine, le familier et l'incongru, le féerique et l'inquiétant, s'il déconcerte à chaque vers, impose peu à peu sa vision. À condition de ne pas brusquer cet orfèvre aux gemmes inconnues, de botaniste égaré, de géographe sans boussole : il convient de butiner Dickinson on suivra l'imprévisible errance de ses abeilles, elles sont partout. Comme sont, pour la familière de la Bible, le monde et la mort en son jardin.
Commenter  J’apprécie         60
Comment le lire ? Même question à chaque recueil. Nous avons perdu l'habitude de la poésie. Vite, j'ai abandonné l'anglais, malgré les infidélités de traduction, cette impression d'une volonté de "faire poétique". A la suite, quelques poème, à haute voix, à voix basse, sans se poser de questions, juste les entendre, les laisser passer dans la tête, subrepticement, s'envoler plus loin, petits bouts de billets jetés au vent, feuilles mortes, papillons.
A la fois simple et étrange, la poésie d'Emily Dickinson laisse sur le seuil, devant la maison que l'on connaît. Quelque chose a changé. Quoi ? Rien, nos vies. Crouilles perles où s'amourachent l'immortalité, les Dieux, l'abeille et la fleur, ces quatrains passent, charmants, comme était passé leur auteur, charmante peut-être, frêle être humain un peu torturé, ce personnage de la pièce Emilie ne sera plus cueillie par l'anémone, son petit vertige, son envol, et ses mots mis en musique par Caroline Charrière, "and dancing, dancing, dancing, dancing". Les voix se font silence. Plus que jamais elles parlent. Emily leur souffle à l'oreille : "Les mots dits par les gens heureux / Sont piètre mélodie / Mais beauté ceux que sentent / Les silencieux - "
Commenter  J’apprécie         70
Des poèmes à butiner comme les abeilles, à laisser raisonner dans le silence d'une chambre. Des poèmes qui sont journal intime et offrandes. D'une vie recluse et solitaire est née une poésie passionnée, vivante, libre, originale, aux dimensions de l'éternité. C'est bouleversant.
Commenter  J’apprécie         30
Un recueil de poésies ne se résume pas, il se savoure.
Par petites touches ou grandes immersions, selon l'humeur !
Pour ma part j'ai toujours ce petit livre à portée de vue, et non enterré dans une bibliothèque, pour pouvoir y piocher ces courtes pensées ciselées par une orfèvre de l'art poétique, en français ou en anglais selon les jours. La forme du quatrain se prête particulièrement bien à ce grappillage poétique.
Que dire de ces quatrains ?
Que nous avons beaucoup de chance que leur lumière soit parvenue jusqu'à nous. En effet, Emily écrivait mais ne publiait pas.
Ces vers, souvent légers et d'apparence simple, poussent à réfléchir bien au-delà des mots. Je les qualifierais volontiers de quatrains philosophiques à plusieurs niveaux de lecture, ce qui permet de les lire, les relire, avec bonheur et sans se lasser.
Commenter  J’apprécie         340
Des mots qui sonnent comme une poésie d'Emily Dickinson…
En une petite phrase, le ton est donné, la poésie de cette poétesse est hors-normes. L'autrice Américaine ayant offert à son pays les lettres de noblesse d'un art porté à son nirvana par la grâce d'une femme atypique, au style de vie et comportement social déroutant, jouant à un sempiternel cache-cache avec le réel, fuyant sans cesse l'image d'elle même, ombre maléfique l'obligeant à se reclure, mais qui finalement lui sera bénéfique au niveau créatif, en produisant un nombre de poèmes à la variété impressionnante. L'œuvre poétique d'Emily Dickinson est la quintessence d'un monde bien à elle, celui d'une Amérique puritaine, conservatrice, rurale où la seule échappatoire de la jeune fille se trouve dans la poésie, vertu artistique exhalant avec bonheur son amour de la nature, des choses simples du quotidien où apparaissent quelques couleurs dans un univers terne et triste. Néanmoins, la poésie de l'autrice est marquée par le seau du divin, du mystique, transcendance de l'être impalpable sublimé à qui on se confie, qu'on voudrait aimer dans un amour imaginé pour se sentir moins esseulée. Si la référence au sacré revient souvent, elle ne dénote pas chez la poétesse une bigoterie quelconque, mais plutôt un besoin sincère de trouver une tête amie sur laquelle se reposer, un réconfort au milieu d'un océan noirci par les morts de proches et d'amis. Les vers d'Emily Dickinson devenant sûrement, cet exutoire, pour conjurer le destin tragique qu'elle traverse, avec sa connotation macabre et gothique, immisçant le lecteur au plus profond de l'âme trouble d'une poétesse au talent poétique incomparable.
Commenter  J’apprécie         210
(Merci à Babelio Masse Crititue et aux Editions Unes de m'avoir envoyé un exemplaire en échange d'une critique).
Le style – des haikus occidentaux
Le traducteur a très bien rendu le style particulier de Emilie Dickinson (comme mentionné dans la préface : des ellipses, des tirets, des verbes non conjugués, des vers denses…).
Parfois, on rencontre des mots difficiles, ou des références qu'il faut connaitre pour comprendre le texte. Mais souvent ce n'est pas le cas. Les poèmes semblent alors très légers.
Pour moi, ces poèmes sont comme des haikus occidentaux. Ils respirent la même sorte de poésie, le même rythme, la même ambiance sobre, brève, et aussi le même contenu (rapport à la conscience, l'essentiel de la vie). Mais la forme des haikus japonais est plus stricte, ils donnent une impression plus dure. Ceux de Emilie Dickinson sont plus légers. Je ne préfère ni l'un ni l'autre, c'est bien qu'ils existent tous les deux.
Le contenu
Avec ce livre, j'ai découvert une vraie poétesse (ou devrais-je dire, philosophe ?). Quand on lit un poème avec toute l'ouverture d'esprit, on peut être entièrement pris par ce poème à tel point que « on est » le poème à ce moment. Un moment qui semble se situer hors du temps. Un poème qui parle de la conscience, de la possibilité pour chacun de découvrir la vie, la mort, la conscience qui se situe hors du temps et qui est important pour tous… source de joie sans conflits, oui, il est possible pour tout un chacun de humer le parfum d'une vie sans égo, et bien plus, de vivre ce que le cerveau (qui fonctionne dans le temps) ne peut pas connaitre. Les poèmes d'Emilie Dicikinson pointent vers cela.
Elle savait combien ce qu'elle écrivait était important pour l'humanité. Elle a travaillé de façon très assidue à ses poèmes, pour qu'ils expriment exactement ce qu'elle voulait y mettre, pour qu'ils ne soient pas mal compris. C'est l'ardeur de quelqu'un qui sait qu'il a un joyau en main qui est important pour l'humanité, qui continue de travailler, (même s'il n'y a de son vivant que quelques poèmes qui sont publiés), car rien d'autre n'est plus important que cela, par conséquent cette personne veut le partager (et aussi parce qu'iel est capable de trouver des mots pour dire l'indicible).
Deuil, solitude
Et le deuil, la tristesse, la solitude ? Oh oui, qu'on connaisse le bonheur, la joie, le soleil dont elle parle ou pas, la vie, la réalité est ce qu'elle est, des êtres aimés meurent, on reste seul… ce qui ne veut pas dire que ce bonheur ne soit pas là. L'éternel se situe hors du temps, le bonheur transparait, le lecteur le ressent.
Belle édition
Il faut aussi mentionner la belle édition des Editions Unes. En effet, à part une belle couverture, l'ensemble écru de la couverture et des pages agréables au grammage / épaisseur élevés, créent de l'espace, nécessaire pour le lecteur pour pouvoir rentrer dans ces poèmes librement, l'esprit ouvert.
J'ai fortement apprécié que sur la page de droite, il y avait le texte français tandis que sur la page de gauche on pouvait lire le texte anglais. C'est important pour certains poèmes. Par exemple, quand on voit le mot ‘esprits' en français et on voit que c'est la traductions de ‘minds'… ce dernier mot a, en anglais une signification un brin différent, qui réfère plus à la conscience, alors que ‘esprit' a une connatation plus religieuse.
Ce qui ne veut pas dire que la traduction ne serait pas bonne, au contraire, le traducteur a livré un très bon travail. Seulement, chaque langue est différente, on ne peut pas tout exprimer d'exactement la même façon dans une traduction. Mais voilà, nous avons aussi le texte anglais qui, en plus, nous fait entendre la musique originelle des poèmes.
Conclusion
Voilà un très beau recueil que je feuillèterai encore souvent. Je vais d'ailleurs découvrir les autres poèmes de Dickinson aussi, les Editions Unes en ont déjà publié plusieurs tomes, et ils sont en ligne en anglais, quelle richesse !
Commenter  J’apprécie         20
Emily Dickinson est une poétesse américaine qui aura composé environ 1800 courts poèmes durant sa vie au milieu des années 1800. Tiens donc!?
De nature très introvertie, recluse, sa vie et son œuvre resteront dans l'ombre jusqu'à sa mort en 1886. En effet, elle n'a publié qu'une dizaine de poèmes de son vivant, le reste étant resté caché. Sur son lit de mort, elle fait jurer à sa sœur de tout brûler. Celle ci brûlera sa correspondance mais pas le coffre contenant les poèmes de tout une vie. Publiés de manière posthume, son œuvre ne cessera de se faire connaître.
Son écriture est assez caractéristique avec des textes très courts, une ponctuation et des tirets étranges, des majuscules, pas de titre ni de classement particulier...Les thèmes qui reviennent le plus souvent sont les fleurs, le macabre, l'ironie mais aussi quelques préoccupations évangélique. C'est la quatrième recueil que je lis et je suis surpris de ne pas en avoir déjà parlé. Celui ci est consacré aux derniers écrits de sa vie influencés par une série de deuils et l'arrivée d'un certaine technologie qui l'effraie. La plupart des éditions traduites en français le sont avec le texte anglais original.
Commenter  J’apprécie         20
J'ai eu l'immense chance de découvrir cette formidable femme grâce à la masse critique de Babelio. Je l'ai non seulement découverte en nom, mais également en tant que personne et poète hors-pair à travers ses textes.
J'ai parcouru ces pages à travers les jours de ce mois de novembre et à chaque soir sa réflexion personnelle. Ces dires résonant en moi, mes pensées s'illuminaient tandis que le soleil se couchait. Certains me parlant plus que d'autres, mais à chaque poème son histoire et sa part de mystère, ne me laissant jamais de marbre.
Je vous recommande vivement cette lecture, pleine de charme et de délicatesse.
Commenter  J’apprécie         00