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Critiques de Emmanuel Bove (152)
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Mes amis

Un ton pas ordinaire imprègne ce roman : l'ironie désespérée, l'auto-apitoiement forcé ... Et le style est profondément original : beaucoup d'images à la limite de l'étrange mais qui font mouche. J'ai aimé suivre Victor Bâton dans ses errances parisiennes des années 1920 ; ses "amis" du titre le sont bien peu (profiteurs à des degrés divers, histoires d'amour sans lendemain). Une belle découverte.
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Mes amis

La solitude irrémédiable d’un traîne-misère, et un choc littéraire d’une modernité affolante.



Premier roman d’Emmanuel Bove (1898 – 1945) publié en 1924 par les éditions Émile-Paul frères alors qu’il n’avait que vingt-cinq ans, «Mes amis» fut couronné d’un grand succès avant de retomber dans l’oubli. Roman d’une impressionnante modernité d’un auteur prolixe redécouvert après la seconde guerre mondiale, il a été réédité en 2015 grâce aux éditions de l’Arbre Vengeur, avec une précieuse préface de Jean-Luc Bitton et en conclusion une nouvelle, comme un chapitre supplémentaire, intitulée «Un autre ami».



Personnage marginal et pauvre, Victor Bâton vit – ou plutôt survit – grâce à sa maigre pension d’invalide de la première guerre mondiale dans une chambre humide et froide, au plafond taché d’humidité, avec pour seule compagnie quelques meubles misérables et un petit poêle dont le tuyau défectueux est bandé d’un chiffon. L’auteur, avec lequel Victor Bâton a beaucoup de points communs, accentue les conditions de vie pathétiques de son personnage, doté d’un sens suraigu de l’observation du spectacle des rues et de ses détails (dont la puissance d’évocation en lien avec le malaise intérieur fait songer à Witold Gombrowicz) dans cette vie solitaire où les événements sont si rares.



La suite sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2016/05/06/note-de-lecture-mes-amis-emmanuel-bove/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Mes amis

Écriture remarquable. Percussion des mots. Promenade dans une solitude grise et noire. Les excès de cet esprit à priori simple deviennent peu à peu dérangeant . Description de la ville où les laissés pour contre déambulent sans but remarquable

A lire absolument
Lien : https://debouige.m@gmail.com
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Mes amis

L'un de mes auteurs phares.
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Mes amis

Victor Bâton vit grâce à sa pension d'invalidité. A la recherche d'un ami, il tente d'échapper à la léthargie qui l'envahit. Mais jaloux et plaintif, il se complaît dans son malheur et échoue.

Le personnage solitaire de ce roman écrit dans les années 1920 nous rappelle Martin Eden ou encore le narrateur de La Faim de Knut Hamsun, trois personnages très seuls et en recherche de quelque chose qui leur échappe (un ami, s’élever socialement, manger). Ces romans ont également pour points communs l’époque où ils sont situés et une écriture simple et puissante qui les fait exister. Mes amis est un chef d’oeuvre méconnu de la littérature française.
Lien : http://puchkinalit.tumblr.com/
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Mes amis

Dans la lignée des longues voix monologuantes des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, du Bavard de Louis-René des Forêts, de La Chute de Camus, ou des auto-fictions de Louis-Ferdinand Céline, le personnage-spectacle Victor Bâton fait exister un monde tout en se mettant en scène : "je parle donc le monde est". Les détails concernant la lumière entrant dans sa chambre, le son de la pluie, les déplacements sur les pavés... figurent le lieu, l'atmosphère, les rendent tangibles, sensibles. Comme le ferait un pilier de comptoir à l'alcool chagrin, exposant sa misère et s'humiliant de manière inconvenante et exagérée, presque avec une délectation perverse et masochiste de voir qu'on a capturé l'attention et que les spectateurs sont même gênés et n'osent plus arrêter d'écouter (voire ont une attention sadique à écouter encore la personne souffrante). Comme le Rousseau des Confessions, il est prêt à étaler ses plus grandes hontes pour prouver sa sincérité. Mais le personnage a également quelque chose de son auteur, homme très cultivé, bien éduqué, mais déclassé, vivant sans activité, avec si peu d'argent (rente de blessure de guerre), s'ennuyant dans le Paris populaire. Son tact, sa sensibilité pour les détails, sa méticulosité jusqu'au maniérisme, le rendent parfaitement inadapté au monde frustre où il s'est condamné. Représentatif de tout un chacun qui se sent toujours, comme le berger des contes, le sang des plus hautes sphères princières. Touchant de maladresse par excès de finesse, d'auto-dérision sur ses larmes de solitude, habité par des obsessions anecdotiques... Victor Bâton est un personnage dostoïevskien, entraîné dans son discours par son monde intérieur. Mais être ainsi rejeté par l'extérieur et la populace semble arranger et conforter son goût pour la distinction, renforcer son envie de ne pas participer à l'existence jusqu'au bout (et l'on se rapproche ici clairement du nombrilisme comique et de la mauvaise foi cynique des voix monologuantes et de Céline). Victor Bâton a quelque chose du pseudo-sage méditatif dans l'attitude de retrait avec laquelle il se tient loin des autres, échappant au bruit du monde, et se retrouvant en conséquence dans une situation d'inconfort, proche de la crise existentielle, incapable de jouir des choses simples. Complexe caractéristique de ces Animaux dénaturés qui à force d'élaborer leur pensée, se décollent des vibrations du monde et de la vie instinctive.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Mes amis

Quel drôle de bonhomme que ce Victor Bâton ! Narrateur - ce qui rajoute au malaise car difficile de se mettre à distance quand on s’adresse directement à vous - il évoque sa solitude et ses tentatives d’entrer en relation avec le reste du monde. D’amis, d’amours, il n’en a point. Revenu de la guerre trois ans plus tôt, son quotidien est ritualisé, dire que c’est le néant absolu dans sa vie n’est pas mentir …

Victor relate ses différentes rencontres et essais pour faire ami avec des inconnus mais comme il fantasme la relation avant même qu’elle ne débute, il est donc immanquablement déçu et insatisfait. Et pour cause, il semble parfois que ce que Victor recherche chez l’autre, c’est son propre reflet. Il n’aime rien tant que lui-même, s’écoute et s’observe sans cesse, aime son reflet dans les vitrines, se trouve plutôt parfait et se complaît dans la plainte. Qu’il s’agisse d’amour ou d’amitié, son absence totale de spontanéité et son souhait que tout se déroule conformément à ses désirs rendent impossible l’instauration d’un quelconque lien.

On passe ainsi d’une forme d’empathie dans les premières pages - misère, tant de solitude - à un rejet pur du personnage, odieux à bien des endroits. Qu’elles furent les intentions de l’auteur avec la création de ce personnage si ce n’est donner à voir, dans sa crudité, une humanité peu flatteuse, étriquée, autocentrée ; les personnes qu’il rencontre – Billard ou M. Lacaze, par exemple – sont intéressées ou distribuent leur pitié pour se donner bonne conscience dans un surplomb et une morgue absolue. Victor Bâton est seul et il ne peut en être autrement : pour recevoir, il faut un peu donner sans arrière-pensée et de cela il en est bien incapable quoiqu’il en dise.

Dans un style concis mais précis, on suit les aventures relationnelles calamiteuses de l’homme avec un certain malaise. Je suis du coup bien en peine de dire si j’ai aimé ce court roman malgré ses grandes qualités littéraires. Ce qui est certain, c’est que j’ai abandonné Victor Bâton à sa solitude avec beaucoup d’aise 😊.



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Mes amis

"Mes amis" ; tu parles d'amis !

Ce vieux garçon de Victor Bâton (Oui, je sais, Lacan serait enchanté ;-)), nous entraîne dans ses péripéties diverses et variées comme remède contre la solitude.

Malheureusement, Victor ira de déception en déception.

Les rencontres sont toutes stériles, les autres ne pensant qu'à eux-mêmes.

J'ai adoré ce petit ouvrage lu en une après midi.

Ce texte m'a fait pensé un peu à Marguerite Duras (et oui, la revoilà) par le style mais surtout pour cette incomplétude du personnage principal, ce vide qui l'entoure, qui l'enserre comme ces crises d'angoisse qui le laissent pantelant et épuisé.

Non, ce livre n'est pas drôle, même si parfois nous sommes tentés de sourire, non, toute cette désespérance, ce retour sur soi impossible, ce presqu'autisme de Victor, si naïf, si enfantin qu'on serait presque en devoir de ressentir de l'empathie.

Cette quête m'a également fait souvenir d'un Candide ou d'un Gil Blas de Santillane, mais eux ont réussi, contrairement à celle de Victor, pour qui c'est hélas, une quête perdue d'avance.

Perdue parce que la condition humaine que nous dépeint l'auteur ne souffre d'aucun espoir, d'aucun retour en arrière, juste la répétition névrotique du sujet, sans cesse.

Un texte très intéressant.

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Mes amis

Paris, dans les années 20 (1920 hein...), Victor est rentré légèrement blessé de la Guerre et est inapte au travail. Ça tombe bien car il n'en avait pas spécialement envie. Lui, ce qu'il veut, c'est se faire des amis. A tout prix et en dépit de tout bon sens. Il faut bien l'avouer, Victor est meilleur à fantasmer ses amis qu'à les avoir vraiment.



👍 Le moins que l'on puisse dire c'est que Victor se monte la tête pour pas grand chose. On se retrouve à rire de lui car on finit par s'y reconnaitre un peu ou reconnaitre un ami. En effet, un siècle plus tard, dans notre société très individualiste, il est souvent plus facile d'imaginer sa vie parfaite que de faire l'effort de la vivre et d'aller à la rencontre des autres. Alors forcément les aventures de Victor pretent à sourire et on se retrouve à se moquer gentillement de lui, de nous et de notre comportement à tous.



👍 Si vous aimez l'ambiance du Paris des années 20 (toujours 1920, hein, j'vous parle pas des JO...), vous allez vous régaler. La description des habitations, des rues, des commerces y est savoureuse.



😱 Une mise en garde quand même : il est possible qu'en regardant bien le comportement de Victor, cela vous fasse penser à quelqu'un...

À bon entendeur... 😉



>> Ce livre a 100 ans ! Et il est pourtant très contemporain et très juste par le sujet qu'il aborde. Amusant, émouvant, distrayant, voilà ce que vous pourrez espérer de vitre lecture !
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Mes amis

Je ressors enchantée de cette lecture, non pas que j'ai passé un moment guilleret, ce n'est pas le style de ce roman ni d'Emmanuel Bove en général mais c'est un roman profond je dirais même que c'est un chef-d'œuvre. Les réflexions sur l'amitié, la nature humaine, l'homme et ses travers sont d'une grande qualité.

Les rapports humains sont décrits avec beaucoup de justesse, sans fioriture et montrent toute la complexité de l'âme humaine. Comment se fait-il que ce roman n'ait pas connu plus de succès ? François Ouellet, dans sa préface nous dit :" L'oubli dont Bove à été victime pendant plus d'une trentaine d'années s'explique pourtant. Quand Bove meurt prématurément, en 1945, la France célèbre la Libération ; la littérature engagée, avec Sartre, Aragon., Eluard, a la côte. Or, l'œuvre de Bove, implacablemente pessimiste et désespérément individualiste, est à mille lieues des poncifs de l'engagement littéraire "

Aujourd'hui, c'est un réel plaisir de le lire et je me félicite d'avoir été attirée par ce tout petit livre, coincé entre de grands et gros romans sur les étagères de ma médiatheque.
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Mes amis

Victor Bâton vit seul, ne connaît personne ou presque. Il erre en ville, pauvre comme Job, vivant grâce à une pension d'invalide de guerre, sa main gauche est foutue.

Il multiplie les tentatives pour lier connaissance, avec un marlou rencontré au bistrot, une chanteuse de rues, un industriel qui le prend pour un bagagiste, etc. C'est toujours maladroit et précipité, ça part systématiquement à vau l'eau.

Il est souvent déçu, toujours décevant. Il en devient insupportable, son absence de fierté, d'amour propre, de simple respect de soi ne donne pas envie de l'apprécier.

Mais il faut persévérer et aller au bout de Mes Amis. Emmanuel Bove est habile, il nous amène au fil des pages à presque détester Victor Bâton, puis nous en montre un tout autre portrait dans les ultimes pages du roman, un personnage si proche de Bartleby qu'on s'attendrait presque à l'entendre nous dire "Je préférerais ne pas".



C'est pour moi une relecture, j'ai beaucoup lu Emmanuel Bove à la fin du siècle dernier, puis plus du tout jusqu'à ce roman, son premier. Je craignais un peu ces retrouvailles, que reste-t-il après tout ce temps ? Mais très vite j'ai retrouvé une écriture familière, je n'avais rien oublié de ces heures passées à lire ses romans et nouvelles, à apprécier ce regard d'entomologiste que l'auteur portent sur ses personnages, il ne les juge pas, ne les aime ni ne les déteste, il leur donne une vie de papier pendant quelques pages.
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Mes amis

On ne rit pas avec Mes amis, ou alors quelquefois d’un rire de farce, c’est-à-dire hautement fraternel face à la cruauté de l’existence. On y découvre surtout un ami, un auteur de chevet, qui oppose à ce e cruauté son sourire en coin, triste et fragile, dénué de mépris.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Mes amis

Portrait d'un homme pauvre, malheureux mais surtout occupé de lui-même. Trait psychologique qui, même si celui-ci est très appuyé dans ce récit, est très partagé par la gente humaine. Normal à l'adolescence ce trait devient la marque de l'égocentrisme, de l’égoïsme et de l'autosatisfaction à l'âge adulte. Un récit très dérangeant car agissant par effet miroir : qui peut prétendre ne pas être intéressé de lui-même ?

"Durant sa courte vie – il décède à 47 ans -, Emmanuel Bove (1898-1945) va passer pour l’un des espoirs littéraires du 20ème siècle. Remarqué par Colette lors de la parution de l’une de ses nouvelles, il connaîtra le succès avec Mes amis, en 1924. Néanmoins, il tombe dans l’oubli après 1945. Pourtant, son style bouscule le roman psychologique par une phrase dépouillée, des notations parfois très réalistes et des descriptions qui rappellent l’écriture cinématographique.

Dans ce récit à la première personne, le héros velléitaire, qui passe ses journées à ne rien faire, consacre son temps à la recherche d’une relation affective pérenne. Spectateur de sa souffrance morale, le lecteur navigue alors entre ses enthousiasmes, ses déceptions et ses épanchements plaintifs.

De nos jours, ce roman d’Emmanuel Bove semble retrouver un certain public comme en témoignent les diverses traductions de l’œuvre. D’ailleurs, certains critiques littéraires établissent parfois un parallèle entre Bâton et Meursault, le héros de L’Étranger."



une très agréable narration de Christian Dousset

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/bove-emmanuel-mes-amis.html
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Mes amis

Voilà un auteur que je ne connaissais pas et, pourtant, celui-ci a été découvert par Colette, a eu droit à une critique dithyrambique de la part de Sacha Guitry, la critique de l'époque l'a comparé à Proust et Dostoïevski, etc.



Quelle chance que, durant le temps de vacances, ce livre me soit tombé dans les mains au détour d'une libraire à Lons-le-Saunier car, comme l'écrit Jean-Luc Bitton dans la préface, "J'envie le lecteur novice qui n'a pas encore ouvert un livre d'Emmanuel Bove".



Ce livre est, donc, le récit de Victor Bâton, étriqué dans sa petite vie, inactif éternel qui ne quitte sa chambre de bonne que pour se promener et manger, chaque jour, néanmoins au "restaurant". Chaque partie de ce livre est consacrée à un personnage, personne dont Bâton espère gagner l'amitié avec plus ou moins... ou pas de succès.



Le style est magistral: entre densité et simplicité, Bove nous transcrit avec une sublime réalité ce triste quotidien de ce personnage au grand idéal amical au coeur d'un Paris des années '20. A noter que l'emploi de l'imparfait du subjonctif n'affecte absolument pas le récit, loin de le rendre désuet... il le sublime!



Les deux derniers paragraphes du livre sont juste indescriptibles - et, pour vous laisser le plaisir d'en profiter au maximum, je me retiens de vous les livrer ici.



Une réelle découverte et un bon moment de lecture!



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Mes amis

Vue d’un personnage anti-héros à la perpétuelle recherche d’amis, roman paru en 1924 mais toujours aussi actuel.

Un petit roman qui se lit très facilement, très bien écrit.
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Mes amis

Emmanuel Bove est un auteur à découvrir, son style brille d'intelligence.
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Mes amis

Pensionné de guerre, Victor Bâton vit seul dans une chambre de bonne miteuse. Sa seule obsession est de trouver un ami qui le sortirait de la solitude et il arpente les rues de Paris dans cet espoir.



Dans ce livre, il narre cinq des rencontres importantes qu’il a faites et sur lesquelles il a à chaque fois projeté sa propre petitesse, les conduisant à l’échec.



Le style de cet auteur est exactement celui que j’apprécie: simple mais extrêmement précis. Les personnages transmettent à la perfection ce que l’humanité a d’absurde. Jusqu’à la chute du dernier chapitre.



A lire un soir de pluie.
Lien : https://lucioleetfeufollet.c..
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Mes amis

En 1924 est paru le premier roman d'un auteur qu'on a oublié depuis : Emmanuel Bove. Mes amis est un livre assez étrange. Son style est simple (phrases courtes, vocabulaire courant...), mais ce qui s'y passe vaut le coup d'être lu.

En une phrase, on pourrait résumer le livre ainsi : c'est un homme qui est très seul et a comme idée fixe d'avoir des amis.



La solitude est le thème central de ce livre. La particularité est que le narrateur est très peu attachant : il se regarde beaucoup, calcule ses faits et gestes ; ses rapports avec autrui manquent de spontanéité. Victor Bâton est centré sur lui-même. Son désir de rompre la solitude est quasiment vain pour de nombreuses raisons : il s'entiche très (trop) vite ; son imagination s'emballe. Quand il croise une femme, il se voit déjà vivre en ménage avec elle.



Le roman est construit en chapitres qui portent le nom des amis potentiels. A la lecture, on se dit que, si cet homme est si seul, cela s'explique. Jamais naturel, il se dédouble en présence d'autrui : "celui-ci m'aime", "celui-là va m'aimer", "je suis comme ci", "je dois lui paraître cela". Il est pris aussi de pulsions qui lui portent préjudice : par exemple, à la gare de Lyon, il rencontre M. Lacaze, un industriel qui lui donnera rendez-vous le lendemain chez lui. Cet homme aime aider les pauvres et, quand Victor Bâton a refusé la pièce qu'il lui tendait pour le payer de son aide (il lui avait porté sa valise, à sa demande), M. Lacaze a été intrigué par un tel individu. Au rendez-vous du lendemain, il lui donne cent francs pour qu'il s'achète un complet et se présente à son usine pour obtenir un travail. Il faut dire que Bâton a du mal à trouver un emploi car il est blessé de guerre et reçoit une petite pension. Quant à faire de M. Lacaze un ami, il a quand même compris que ce ne serait pas possible. L'idée lui vient un soir, subitement, d'aller attendre la fille de l'industriel à la sortie du Conservatoire. La jeune fille de bonne famille l'ignore mais répète tout à son père. Dans la tête de Victor Bâton, il s'est dit qu'il pourrait lui plaire. Le narrateur se voit toujours mieux qu'il n'est en réalité car à nous, lecteurs, il paraît sale et égocentrique.



Victor Bâton se met intérieurement en scène. C'est vraiment étrange d'avoir cet accès direct à sa conscience. L'écriture parvient à nous faire ressentir ce qui se passe dans cet esprit ordinaire et dérangé, car il s'agit bien d'une folie ordinaire, qui n'a rien de dangereuse pour autrui, mais qui enferme le héros dans une solitude de plus en plus profonde.

C'est vraiment ce qui m'a plu dans le livre, cette précision psychologique, cette perception des vices humains, vus de l'intérieur.
Lien : http://edencash.forumactif.o..
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Mes amis

Un livre qui colle aux doigts malgré la noirceur. Chaque phrase est un coup qui vise juste et fait mal. Il y a dans ce récit un peu de Céline. On sourit (jaune) on attend, on marche à ses côtés en espérant qu'il trouvera enfin un ami. Roman atypique et obsédant.
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Mes amis

Mes amis, je vous écris pour vous dire que je ne vous aime plus, que vous ne m’aimez pas, ou que –si vous m’avez aimé-, je ne vous ai jamais aimés.





« Certains hommes forts ne sont pas seuls dans la solitude, mais moi, qui suis faible, je suis seul quand je n’ai point d’amis »





L’écriture d’Emmanuel Bove est dépouillée mais lancinante. Elle sent la fatigue et nous fait craindre l’abandon d’une lutte désespérée que l’écrivain a menée pour se lier à ses semblables –ne serait-ce qu’avec un seul d’entre eux. Tout est misérable dans ces pages, à commencer par le narrateur. Des descriptions déplorables de sa condition sociale –sans ami, sans famille, sans profession, sans argent- à son apparence physique –pouilleuse, négligée, morbide-, le plaisir sadique de l’autodestruction transperce entre des lignes plaintives. Par impossibilité pécuniaire et par négligence, le narrateur pense qu’il lui est impossible de remédier à cette identité misérable, et sans doute ne veut-il pas s’en débarrasser car il s’y est attaché et parce qu’elle constitue un passe-droit pour atteindre ceux qui lui semblent les plus intéressants –parce qu’ils lui ressemblent ?- les misérables, les malheureux, ceux qui n’ont plus d’espoir mais qui continuent tout de même à traîner leur tristesse sans oser l’abréger trop tôt.





« A peine sorti des draps, je m’assois sur le bord du lit. Mes jambes pendent à partir du genou. Les pores de mes cuisses sont noirs. Les ongles de mes doigts de pied, longs et coupants : un étranger les trouverait laids »





Le comportement du narrateur vis-à-vis des inconnus qu’il essaie d’attirer à lui est malsain. Derrière ses revendications d’amour et d’attention, on se rend compte très rapidement qu’une volonté de provoquer les conventions sociales domine. La quête amicale répond à un véritable besoin de compassion mais s’apparente également à une expérience sociologique dont les résultats ne surprennent jamais le narrateur : la pitié des uns pour les autres est nulle, personne ne se préoccupe d’autrui, sinon pour son intéressement personnel et, partant de cette conclusion, le but du jeu social est de faire miroiter en soi ce que les autres sont en possibilité d’attendre. Mais que peut-on attendre d’un pauvre gueux ? En pleurant au désespoir, en revendiquant l’amitié pure et gratuite, le narrateur brandit un orgueil démesuré ; son apparente faiblesse devient signe de supériorité morale et lui donne la permission de se montrer brutal dans sa revendication d’amitié.





« Pour un peu d’affection, je partagerais ce que je possède : l’argent de ma pension, mon lit. Je serais si délicat avec la personne qui me témoignerait de l’amitié. Jamais je ne la contrarierais. Tous ses désirs seraient les miens. Comme un chien, je la suivrais partout. Elle n’aurait qu’à dire ma plaisanterie, je rirais ; on l’attristerait, je pleurerais.

Ma bonté est infinie. Pourtant, les gens que j’ai connus n’ont pas su l’apprécier. »





Nous rencontrerons quelques-unes de ces personnes dans les différentes nouvelles qui constituent Mes amis. Chacune d’entre elles retrace le parcours du narrateur dans son choix d’une nouvelle proie amicale, dans les techniques de capture mises en œuvre, dans les désillusions réciproques –quoiqu’elles soient presque nulles du côté de « l’ami » qui n’a rien demandé- puis dans la séparation finale, qui se conclut avec une indifférence opposée à la quantité d’espoir investie par le narrateur lors de la rencontre. On se demande sans cesse ce que cherche vraiment celui-ci. Veut-il fuir l’ennui (« Je déjeune à une heure : l’après-midi me semble moins longue ») ? la solitude ? Cherche-t-il réellement l’affection d’autrui ? ou se contenterait-il seulement d’un peu de reconnaissance ?





« Mon imagination me crée des amis parfaits pour l’avenir, mais, en attendant, je me contente de n’importe qui »





Cet étrange roman de la prostitution amicale mettra peut-être en position dérangeante. Emmanuel Bove décrit tous les mécanismes –parfois inconscients- déployés par l’individu pour s’intégrer en société. Peut-être parce que son personnage en est trop conscient et qu’il en use sans aucune parcimonie, ses tentatives répétées de se lier à autrui échouent. Mes amis ne devrait pas être le titre d’un roman consacré à la solitude et pourtant, ne sommes-nous pas aussi contradictoires lorsque nous utilisons abusivement de ce qualificatif pour des personnes qui ont cessé d’être nos amies mais vis-à-vis desquelles nous continuons de feindre l’attachement par habitude ou par sécurité ? Le narrateur ne s’arrête pas à de pareilles craintes et se détache d’autrui sans douleur autre que celle qu’il éprouve pour lui-même et pour la solitude monadique que nous ressentons tous, dans une proportion inverse au nombre d’amis que nous croyons sincèrement pouvoir revendiquer.





« Je m’assois sur une chaise –une chaise de jardin qui se plie- et je pense à l’avenir.

Je veux croire qu’un jour je serai heureux, qu’un jour quelqu’un m’aimera.

Mais il y a déjà si longtemps que je compte sur l’avenir ! »





Sur ces réflexions vagues et incertaines, Emmanuel Bove signe la fin de nouvelles troublantes qui oscillent entre cruauté et abandon. Mieux vaut être seul que mal accompagné… même si tout le monde préfèrerait malgré tout être accompagné.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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